Projet de décret fixant les règles et procédures applicables à la destruction de haies
Consultation du 25/11/2025 au 16/12/2025 - 12022 contributions
Ce projet de décret est pris en application de la loi n°2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations futures (dite loi « OSARGA »). L’article 37 de cette loi a introduit dans le code de l’environnement un dispositif de protection et de gestion durable des haies codifié aux articles L. 412-21 à L. 412-27.
Afin de renforcer la préservation des haies et de maintenir le linéaire planté, l’objectif de ce dispositif est de simplifier et unifier les procédures administratives applicables aux projets de destruction de haies, en créant une déclaration unique préalable (ou, le cas échéant, une autorisation unique), avec une compensation systématique et au moins équivalente.
Commentaires
750 000 km de haies ont été arrachés en France sous l’effet conjoint du remembrement agricole et du déclin de l’activité d’élevage au profit de la céréaliculture intensive. Malgré le pacte Haie initié en 2023, la tendance n’a toujours pas été inversée, et on continue à arracher plus de haies qu’on en plante, malgré les incitations. Il est donc incompréhensible de simplifier l’arrachage de haies, et d’automatiser ce processus au lieu d’accompagner correctement les agriculteurs dans le but d’éviter les arrachages, qui ont un effet délétère sur la faune sauvage.
Si le dispositif prévoit des mesures de compensation pour tout haie arrachée, il est évident que la destruction d’une haie ancienne ne sera pas compensée immédiatement par la plantation d’une nouvelle haie. Le décalage dans le temps pour obtenir un même degré de fonctionnalité entre la haie détruite et la nouvelle haie entrainera pendant ce délai le déclin irréversible des espèces dépendant des haies détruites, dont nombres d’entre elles, inféodées au milieu agricole, sont en état de conservation défavorables.
La cartographie semi-automatique ne permet pas de définir correctement les linéaires de haies, et notamment les haies basses avec des jeunes plans d’arbres ou des repousses. Un accompagnement des agriculteurs par un technicien est indispensable pour instruire correctement les demandes.
Vous pouvez compléter votre avis avec l’aide de l’argumentaire du Réseau Haies France :
Refus d’une définition de la haie qui facilite sa destruction :
Abandonner la notion de trouées pour calculer le linéaire de haie pour permettre une application plus pertinente de la réglementation sur les espèces protégées et une vraie compensation de l’ensemble de l’espace dédié à la haie.
Prendre véritablement en compte les cumuls de projets de destruction pour toutes les réglementations protégeant les haies : projets simultanés de destruction, ou découpage du projet dans le temps, qui permettent de passer sous les seuils réglementaires et détruire une haie par petits bouts.
Ne pas baser l’application de la réglementation sur une cartographie générée automatiquement et erronée :
La cartographie semi-automatique doit rester un outil pour alimenter un Observatoire de la haie, avec des données globales sur les évolutions du linéaire, la production de statistiques pour guider les acteurs et les politiques publiques. Mais elle comporte trop d’erreurs pour servir de base pour l’instruction des dossiers de demande de destruction. Les contraintes techniques de cartographie ne doivent pas définir le linéaire à protéger !
Cette cartographie qui doit rester un outil de connaissance sur les haies et de suivi dans le temps et non un outil de contrôle doit pouvoir être alimentée avec des données régionales, et s’appuyer sur les progrès des outils techniques pour avoir des données plus précises dans les régions avec des haies basses, de l’enfrichement ou du sylvopastoralisme.
C’est l’accompagnement des agriculteurs par un technicien et la construction d’un dossier complet qui permettra à l’administration d’instruire correctement les demandes et d’appliquer la réglementation protégeant les haies.
Pour une application de la séquence ERC via un accompagnement de l’agriculteur :
Appliquer dans le décret la loi d’orientation agricole qui prévoit un agrément de techniciens et l’obligation pour l’administration de transmettre leur liste à tout demandeur envisageant une destruction de haie.
Intégrer explicitement dans le dossier un volet « éviter / réduire » et des exigences sur la qualité de la compensation.
Une application rigoureuse de la réglementation Espèces protégées :
Transmettre tous les dossiers de destruction de haie au CSRPN et lui permettre de s’autosaisir pour garantir expertise et transparence.
Utiliser l’outil en écologie des paysages construit par l’INRAE « Le Grain bocager », disponible nationalement, pour analyser l’impact des destructions sur les habitats et les corridors écologiques.
Supprimer tout seuil de linéaire en dessous duquel la réglementation espèces protégées ne s’appliquerait pas.
Prouver la validité scientifique et la fiabilité des critères de connectivité, de typologie et de zonage.
Associer le CNPN, les CSRPN et les parties prenantes à la définition des critères pour l’application de la réglementation espèces protégées.
Projet inabouti.
L’apport d’une clarté réglementaire et d’un service de qualité pour appuyer les demandes de destruction/compensation de haies est bienvenu à l’échelle nationale. Il existe heureusement dans certains départements.
Mais la proposition de loi ne va pas en ce sens. Elle facilite plutôt la destruction de haies. Raccourcir les délais de traitement des demandes, avec qui plus est acceptation tacite en absence de réponse est inacceptable. Plus la démarche est laborieuse, plus les personnes souhaitant détruire du bocage s’en dissuadent.
Les agents agréés à l’accompagnement des dossiers sont mis au second plan. Leur accompagnement est pourtant primordial.
L’observatoire de la haie apporte un inventaire incomplet du bocage existant, notamment en omettant les végétations de moins de 3 mètres qui peuvent pourtant être du bocage : régénération naturelle, arbres récemment exploités, jeune plantation, végétation semi-ligneuse. La définition proposée doit comprendre l’ensemble du bocage, y compris les talus nus et murets de pierre sèche.
L’observatoire de la haie doit être une base de connaissance, pas une base règlementaire, sa précision est trop faible.
Dans la séquence éviter/réduire/compenser, les procédures actuelles tendent déjà à proposer une compensation sans chercher à éviter ou réduire auparavant. Ce projet de décret renforce cette tendance. A minima, des règles de surcompensation devraient être apportées. Au lieu de faciliter la destruction de haies, il serait de bon ton de faciliter leur préservation. Même mieux positionnée, une jeune haie de compensation ne peut remplacer le rôle joué par une haie ancienne. A l’heure d’une crise majeure pour la biodiversité, où de nombreuses espèces affiliées aux milieux bocagers sont menacées, ce projet de décret accélèrerait leur déclin.
Les pratiques dégradantes, telles que passage répété d’épareuse sur les repousses, amenant à la destruction progressive du bocage doivent aussi être prises en compte.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, je suis défavorable à ce projet de décret.