Projet de décret portant diverses dispositions relatives à l’évaluation environnementale des projets
Consultation du 22/02/2024 au 17/03/2024 - 14861 contributions
- les installations destinées à l’élevage intensif de volailles ou de porcs ;
- les essais d’injection et de soutirage de CO2 en formation géologique lors de la phase de recherche ;
- les opérations d’aménagements fonciers et agricoles forestiers mentionnées au 1° de l’article L. 121-1 du code rural et de la pêche maritime, y compris leurs travaux connexes ;
- les équipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés. La rubrique concernant les forages en profondeur fait quant à elle l’objet d’une correction d’une erreur matérielle.
Commentaires
Ce projet de décret met fin à une surtransposition, sans pour autant constituer une réelle simplification administrative pour les éleveurs sur le terrain. Il maintient en effet la procédure d’autorisation environnementale aux mêmes seuils qu’actuellement (2000 places de porcs charcutiers, 750 places de truies), c’est-à-dire à un seuil que de nombreux élevages souhaitant investir sont susceptibles de franchir. Pour rappel, le seuil de 2000 places de charcutiers correspond à un cheptel de 230 à 250 truies, soit un élevage de taille moyenne géré par environ 2,5 ETP, ce qui en fait une petite « TPE », loin du gigantisme souvent dénoncé à tort.
La procédure d’autorisation environnementale est particulièrement lourde pour des élevages familiaux, en particulier de fait de la réticence d’une partie des éleveurs à se lancer dans une enquête publique, susceptibles de les exposer, ainsi que leurs familles, à des contestations parfois virulentes et parfois injustes, voire instrumentalisées. De nombreux éleveurs renoncent purement et simplement à leur projet de modernisation de ce fait. Cela serait d’autant plus vrai en l’absence d’exclusion des ICPE élevage des nouvelles dispositions prévues par la loi industrie verte qui alourdissent la procédure d’enquête publique pour l’ensemble des ICPE (durée passant de 1 à 3 mois, avec obligation de deux réunions publiques en début et fin).
Or, les besoins de modernisation des élevages sont très importants à l’échelle de notre bassin de production. Alors que de nombreux élevages sont amenés à être transmis dans les années à venir, la modernisation et parfois la restructuration des élevages sera une nécessité pour améliorer les conditions de travail des éleveurs et salariés. L’augmentation de la taille des élevages peut aussi permettre concrètement, pour des élevages de dimension modeste, de constituer un collectif de travail permettant à l’éleveur de se dégager du temps pour sa qualité de vie. Plus particulièrement, la modernisation des élevages est également indispensable pour poursuivre l’amélioration des conditions en termes de bien-être animal et atteindre un niveau élevé en matière de protection sanitaire des élevages (mesures de biosécurité internes et externes). Alors que la fièvre porcine africaine (FPA) est quasiment aux portes de la France, ce dernier point représente un enjeu particulièrement important.
Nous pensons donc que ce projet de décret, s’il traduit une bonne volonté de la part du gouvernement en matière de simplification administrative, n’est malheureusement pas suffisant pour produire des effets sur le terrain. Il devrait pour cela s’accompagner d’une modification réglementaire permettant un relèvement des seuils de l’autorisation environnementale de la nomenclature ICPE au niveau des seuils de la Directive européenne sur l’évaluation environnementale (3000 porcs, 900 truies).
L’UGPVB fédère les Organisations de producteurs (OP) de porcs et bovins en Bretagne et d’œufs en Bretagne et Pays de la Loire. Elle assure, sur les dossiers environnement (ICPE, Directives nitrates, etc.), un rôle de veille et d’appui technique et réglementaire auprès des techniciens environnement des OP qui réalisent au quotidien le conseil en environnement auprès des éleveurs. 25 OP adhérentes à l’UGPVB, ce qui représente 8 000 éleveurs.
L’UGPVB salue les premiers efforts faits par le Gouvernement pour mettre en cohérence la réglementation française avec la réglementation européenne en matière d’évaluation environnementale systématique des élevages de porcs et volailles. Elle regrette néanmoins que cette évolution ne constitue pas véritablement une simplification administrative.
Le projet de décret prévoit, pour les élevages de porcs et de volailles, l’alignement des seuils français d’évaluation environnementale systématique avec les seuils fixés par la directive à l’évaluation des incidences des projets sur l’environnement (EIE). Tous les projets en-dessous des seuils de la directive EIE seraient désormais soumis à examen au cas par cas afin que l’autorité compétente détermine si la réalisation d’une évaluation environnementale est nécessaire.
Autrement dit, les élevages de porcs et de volailles dépassant les seuils français actuels d’évaluation environnementale continueront d’être soumis à la procédure d’autorisation environnementale, impliquant la tenue d’une enquête publique. A l’appui de cette demande, au lieu de présenter systématiquement une étude d’impact, ils feront au préalable une demande d’examen au cas par cas à l’issue de laquelle ils sauront s’ils doivent réaliser cette étude d’impact ou une étude d’incidence.
Si l’intention du Gouvernement demeure louable, force est de constater que la simplification pour la vie des éleveuses et éleveurs qui portent des projets reste ténue.
Pour constituer une réelle simplification, cette modification doit impérativement s’accompagner d’une modification des seuils de la nomenclature ICPE, afin que le seuil d’autorisation, impliquant la réalisation d’une procédure autorisation environnementale, soient relevés également au niveau des seuils d’évaluation environnementale fixés par la directive EIE. Les projets d’élevage de porcs ou volailles situés en dessous des seuils fixés par la directive EIE seraient donc soumis à la procédure d’enregistrement ICPE.
Sur le fond, cette évolution ne constituerait absolument pas une régression en termes de protection effective de l’environnement : Dans le cadre d’une procédure d’enregistrement, le préfet, à l’issue de la consultation du public conserve la possibilité d’enjoindre que la demande présentée fasse l’objet d’une évaluation environnementale et soit, dès lors, présentée sous la forme d’une demande d’autorisation environnementale.
Cette évolution aurait plusieurs effets incitatifs pour beaucoup les éleveuses et éleveurs qui souhaitent moderniser leurs exploitations en franchissant les seuils actuels d’autorisation :
• Elle permettrait de réduire considérablement le délai de la procédure (5 mois en enregistrement contre 9 mois pour une procédure autorisation complète à compter de la complétude et de la recevabilité de la demande)
• Elle substituerait l’enquête publique par une phase de consultation du public. En effet, l’enquête publique constitue une épreuve pour les éleveuses et éleveurs qui se retrouvent seuls face à des oppositions souvent peu constructives et peu nuancées, les réactions à la présente consultation en attestent par ailleurs. Elle agit comme un repoussoir, dissuade les porteurs de projets et freine, in fine, la modernisation des exploitations et la réalisation de projets plus performants en matière environnementale et sociale.
• Elle clarifie le droit applicable à chaque demande :
o L’enregistrement ICPE reste synonyme d’examen au cas par cas et consultation du public
o L’autorisation environnementale continue de signifier étude d’impact et enquête publique automatique.
En conclusion, l’UGPVB plaide pour l’articulation suivante entre la nomenclature ICPE et la nomenclature de l’évaluation environnementale :
1) Enregistrement :
• Porcs : de 450 animaux équivalents à 3000 emplacements (900 truies)
• Volailles : de 30 000 à 60 000 emplacements
2) Autorisation avec évaluation environnementale :
• Porcs : Plus de 3000 emplacements
• Volailles : Plus de 60 000 emplacements pondeuses et 85k poulets
Avis défavorable : Relever les seuils risque de faciliter la création de nouveaux élevages très intensifs dont l’objectif d’hyper-productivité est nuisible au bien-être animal
De plus, la consultation du public et des parties prenantes dans le cadre de l’évaluation environnementale permet à ces derniers de relever des non-conformités potentielles de ces élevages relatives à la réglementation propre au bien-être des animaux. De nombreux élevages intensifs pourraient ainsi voir le jour sans que les conséquences en matière de bien-être animal puissent être examinées.
Il est regrettable de constater que la consultation propose des modifications qui visent à affaiblir la protection de l’environnement plutôt que de renforcer les mesures existantes. En particulier, les catégories de projets telles que les installations d’élevage intensif de volailles ou de porcs, les essais d’injection et de soutirage de CO2 en formation géologique, les opérations d’aménagements fonciers et agricoles forestiers, ainsi que les équipements sportifs, culturels ou de loisirs et aménagements associés, sont des domaines où l’évaluation environnementale est cruciale.
L’inclusion de ces projets dans les catégories soumises à une évaluation environnementale systématique ou à un examen au cas par cas est essentielle pour garantir que les impacts sur l’environnement sont correctement évalués et que des mesures adéquates sont mises en place pour les atténuer. Les modifications proposées réduisent la portée de l’évaluation environnementale, ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur la biodiversité, la qualité de l’air, de l’eau et du sol, ainsi que sur la santé publique.
De plus, la correction d’une erreur matérielle concernant les forages en profondeur doit être traitée avec la plus grande rigueur, car de tels forages peuvent avoir des conséquences graves sur les écosystèmes locaux, la qualité de l’eau et la stabilité du sol.
Ce décret est également en contradiction avec les objectifs de la loi ZAN car il favorisera l’étalement urbain et l’artificialisation.
Les modifications proposées dans cette consultation ne favorisent pas la protection de l’environnement et pourraient compromettre les efforts visant à assurer un développement durable et responsable.