Projet de décret fixant les règles et procédures applicables à la destruction de haies
Consultation du 25/11/2025 au 16/12/2025 - 12022 contributions
Ce projet de décret est pris en application de la loi n°2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations futures (dite loi « OSARGA »). L’article 37 de cette loi a introduit dans le code de l’environnement un dispositif de protection et de gestion durable des haies codifié aux articles L. 412-21 à L. 412-27.
Afin de renforcer la préservation des haies et de maintenir le linéaire planté, l’objectif de ce dispositif est de simplifier et unifier les procédures administratives applicables aux projets de destruction de haies, en créant une déclaration unique préalable (ou, le cas échéant, une autorisation unique), avec une compensation systématique et au moins équivalente.
Commentaires
La LPO IDF exprime un avis défavorable concernant le projet de décret relatif au nouveau régime de déclaration préalable pour la destruction de haies. Bien que la simplification administrative puisse être un objectif légitime, le texte proposé risque fortement d’affaiblir la protection d’éléments paysagers et écologiques essentiels, dans un contexte où leur préservation devrait au contraire être renforcée.
1. Un texte en décalage avec l’urgence écologique
Les haies ont déjà subi une régression massive depuis 1950, et leur disparition se poursuit à un rythme préoccupant avec près de 24000 km en moins chaque année. Elles jouent pourtant un rôle déterminant pour la biodiversité, la qualité des sols, la ressource en eau, le stockage de carbone et la résilience des paysages agricoles. Leur destruction contribue directement au déclin des espèces inféodées aux milieux agricoles, notamment les oiseaux spécialistes dont les populations ont chuté de de 57% en près de 40 ans.
2. Un régime déclaratif trop permissif et insuffisamment encadré
Le choix d’un guichet unique peut être pertinent, mais il ne doit pas conduire à un affaiblissement des exigences environnementales. Le projet instaure un régime déclaratif « par défaut », avec un basculement en autorisation seulement dans certains cas limités. Les critères permettant ce basculement reposent largement sur des bases informatiques, sans la garantie indispensable d’une analyse de terrain effectuée par des personnes formées. Une telle approche ne permet pas d’apprécier correctement la valeur écologique d’une haie, sa maturité, son rôle fonctionnel ou son intégration dans un réseau bocager.
Dans les faits, ce régime risque à notre sens de faciliter les destructions plutôt que de les encadrer.
3. Une compensation insuffisante et inadaptée aux enjeux écologiques
Le projet prévoit une replantation équivalente au linéaire détruit. Un ratio « 1 pour 1 » est pourtant très insuffisant pour compenser la perte d’une haie ancienne, dont les fonctions écologiques ne peuvent être retrouvées qu’après plusieurs décennies. Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) recommande des coefficients bien plus élevés (3,5) notamment pour les haies matures. Le décret devrait fixer un coefficient minimal national plus ambitieux, afin d’éviter des compensations symboliques et des disparités territoriales.
4. Des périodes d’interdiction trop courtes et centrées sur un seul groupe d’espèce
La période minimale d’interdiction d’intervention sur les haies fixée à 21 semaines est déjà insuffisante pour protéger correctement la nidification des oiseaux (la LPO préconise une absence d’intervention du 16 mars au 31 août). Elle ne prend en outre pas en compte les besoins d’autres groupes faunistiques telles que les chauves-souris, reptiles, amphibiens, insectes… Une protection efficace doit couvrir l’ensemble des périodes sensibles et s’appliquer à toutes les interventions, en particulier les destructions.
5. Un renvoi excessif au niveau local (arrêtés préfectoraux) , au risque d’une protection inégale
Le projet laisse aux préfets une large marge d’appréciation pour définir les coefficients de compensation, les périodes d’interdiction ou encore les pratiques considérées comme de simples entretiens. Ce renvoi massif au local risque de créer une protection à géométrie variable, alors que les haies constituent un patrimoine écologique national. Des exigences minimales communes devraient être fixées au niveau national pour garantir un niveau de protection cohérent et pertinent.
6. Des outils méthodologiques non disponibles
Le nouveau régime repose sur des outils qui ne sont pas encore disponibles (typologie nationale des haies, guide méthodologique). Leur absence rend l’application du décret incertaine et potentiellement incohérente. L’évaluation des haies doit impérativement s’appuyer sur des diagnostics de terrain réalisés par des conseillers formés, et non sur des traitements automatisés.
7. Un avis défavorable d’ instances scientifiques nationales
Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a rendu un avis défavorable sur ce projet, soulignant les risques de régression environnementale. Cet avis doit être pleinement pris en compte.
Conclusion
Dans un contexte de disparition continue des haies et d’effondrement de la biodiversité agricole, le projet de décret, en l’état, ne garantit pas un niveau de protection suffisant. Il ne répond pas aux enjeux. Il privilégie la simplification administrative au détriment de la préservation des milieux naturels, affaiblit les exigences de compensation, et repose sur un régime déclaratif permissif.
La LPO IDF demande donc une révision forte du texte afin de :
• renforcer la priorité donnée à l’évitement des destructions,
• relever les coefficients de compensation,
• étendre les périodes d’interdiction,
• harmoniser les exigences au niveau national,
• garantir une expertise de terrain systématique.
La protection des haies doit être un pilier de la transition agroécologique. Elle ne peut se réduire à compenser leur destruction : elle doit d’abord empêcher qu’elles disparaissent. Dans un contexte d’urgence écologique, la France doit protéger ses haies, pas simplifier leur disparition.
La démarche de simplification administrative entraîne une réduction de la dimension écologique du sujet : le bocage est considéré uniquement comme un alignement d’arbres, sans tenir compte de sa structure complexe (arbres, arbustes, strate herbacée, talus), de sa dynamique ou de ses interactions avec le paysage.
Le texte juxtapose des objectifs de protection avec des procédures de destruction, ce qui crée un cadre contradictoire et ne garantit pas la préservation des continuités écologiques.
Par ailleurs, les éléments naturalistes sont quasiment absents : aucune typologie des haies n’est mentionnée, ni leur rôle dans la trame verte, leurs fonctions hydrologiques, microclimatiques, ou leur contribution à la biodiversité ordinaire et patrimoniale.