Projet de décret fixant les règles et procédures applicables à la destruction de haies
Consultation du 25/11/2025 au 16/12/2025 - 12022 contributions
Ce projet de décret est pris en application de la loi n°2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations futures (dite loi « OSARGA »). L’article 37 de cette loi a introduit dans le code de l’environnement un dispositif de protection et de gestion durable des haies codifié aux articles L. 412-21 à L. 412-27.
Afin de renforcer la préservation des haies et de maintenir le linéaire planté, l’objectif de ce dispositif est de simplifier et unifier les procédures administratives applicables aux projets de destruction de haies, en créant une déclaration unique préalable (ou, le cas échéant, une autorisation unique), avec une compensation systématique et au moins équivalente.
Commentaires
La Région PAYS DE LA LOIRE souhaite porter à votre attention plusieurs points de vigilance essentiels à la préservation du maillage bocager, identitaire et structurant de notre territoire.
1. Principe : la préservation du maillage bocager
La Région PDL partage le souhait de mise en œuvre de simplifications afin de faciliter la mise en application d’une règlementation complexe et multiple. Cependant, cette simplification ne doit pas se traduire par un appel d’air à la destruction des linéaires bocagers.
En effet, le bocage constitue un élément fondamental de nos paysages, de préservation de la ressource en eau, de la biodiversité et des continuités écologiques. Toute simplification du régime de déclaration ou d’autorisation doit impérativement éviter de fragiliser ces maillages, déjà soumis à de fortes pressions agricoles, foncières et d’aménagement.
2. Le respect de la séquence éviter-réduire-compenser
Le décret ne fait pas mention, dans la liste des éléments à fournir par le demandeur sur le téléservice (article D.412-43-1) d’éléments ou d’arguments établissant que la séquence ERC a été respectée. Il convient à minima que le demandeur explique les motivations de son projet d’arrachage et fasse état des alternatives qu’il a envisagées avant de solliciter l’autorisation de destruction de la haie.
3. Le référentiel des haies à disposition des services instructeurs
L’outil cartographique dont disposeront les services instructeurs des demandes de destruction des haies devrait comporter :
- Un référentiel 2025, le plus complet possible, le moins fragmenté possible (les modalités techniques d’établissement de ce référentiel doivent plutôt « maximiser » les haies que les minorer)
- Un accès aux référentiels précédents, permettant de visualiser également les linéaires aujourd’hui disparus, afin de pouvoir mieux évaluer les effets cumulatifs des arrachages.
4. Risque de contournement ou de saucissonnage des projets, seuils proposés
La Région reste vigilante sur la possibilité de contournement des seuils réglementaires par découpage des projets. Une attention accrue sur les effets cumulés et une analyse territoriale fine sont ainsi indispensables pour garantir l’intégrité des linéaires bocagers.
Elle s’interroge sur les moyens à disposition des instructeurs pour identifier les cumuls d’arrachage à l’échelle d’un même demandeur. Il serait par exemple, pertinent de pouvoir analyser les demandes au regard des arrachages réalisés par le demandeur sur les 5 années précédentes.
Les seuils proposés pour l’analyse des dérogations espèces protégées figurant dans le document annexe diffusé par le ministère en charge de l’agriculture doivent s’entendre au global du projet de destruction, et non par portion de linéaire.
Le seuil de longueur de dispense : L1= 20 ml pourrait être abaissé à 10 ml (grosse entrée de champs)
Le seuil de longueur haut (procédure standard) L2 = 100 ml : surtout ne pas augmenter ce seuil.
5. Qualité écologique des mesures de compensation
Les haies replantées dans le cadre de la compensation doivent être écologiquement fonctionnelles : diversité d’essences, continuité écologique, entretien durable. Un suivi post-plantation et une typologie des haies intégrée aux prescriptions sont nécessaires pour assurer leur efficacité.
Les coefficients de compensation mentionnés dans le projet de guide du MASA mériteraient d’être augmentés pour une compensation plus efficace : le projet mentionne des coefficients de compensation entre 1 (destruction de faible enjeu) à 2,5 (destruction de fort enjeu), qui mériteraient de passer à 1,5 à 3 au moins.
6. Contrôle des mesures de compensation
La Région se questionne sur les moyens des guichets uniques pour réaliser le contrôle de la réalité des plantations pour compensation, et surtout, de leur pérennité dans le temps (entretien essentiel les premières années suivant la plantation).
Cette étape est indispensable. Si les plantations ne sont pas correctement suivies, et regarnies si besoin, elles ne pourront pas jouer le rôle compensateur prévu.
7. Interopérabilité des données entre Guichet unique de la Haie et Géopdl Bocage
La Région demande que les données d’arrachage issues du Guichet Unique de la Haie (GUH) soient interopérables avec la plateforme régionale Géopdl Bocage. Cela permettrait de croiser les demandes de destruction avec les financements de plantation, d’identifier les incohérences ou abus, et de suivre les dynamiques territoriales de perte ou de gain de linéaire bocager.
En outre, cela permettra de vérifier d’une part que les demandes d’aides à la plantation ne concernent pas des linéaires prévus au titre de la compensation d’arrachages, d’autre part que les linéaires plantés avec des aides publiques ne font pas l’objet de destruction.
8. Délais d’instruction
Le délai de 45 jours qui sera laissé aux services instructeurs de l’Etat et de ses établissements publics pour rendre leur contribution semble insuffisant, d’autant plus que le principe est : silence vaut accord.
Concernant la Région, qui doit se prononcer en cas de demande d’arrachage sur le territoire d’une RNR (article R. 412-II), la formulation n’est pas claire : la Région doit rendre son avis après avoir recueilli l’avis du conseil municipal et du CSRPN. Le texte indique : « ces avis sont recueillis dans un délai de 2 mois », ce qui laisse penser que le délai de réponse de la Région est de 2 mois en tout, ce qui est notoirement insuffisant.
9. Analyse écologique renforcée pour les Dossiers d’Évaluation des Projets (DEP)
L’analyse des DEP devrait s’appuyer sur les travaux régionaux relatifs aux continuités écologiques, les données espèces et habitats disponibles à l’échelle régionale, ainsi qu’une cartographie fine des enjeux écologiques intégrée au simulateur du GUH.
10. Suivi régional du dispositif
La Région souhaite être pleinement associée au suivi de la mise en œuvre du GUH sur son territoire : participation aux comités de suivi, accès aux données consolidées, contribution à l’évaluation du dispositif.
Enfin, nous souhaitons exprimer notre inquiétude quant à la capacité des services instructeurs à répondre aux exigences de ce nouveau dispositif : qualité des analyses et des avis rendus, respect des délais impartis, suivi et contrôle, notamment en lien avec les financeurs des actions autour de la haie. Il est crucial que ce décret contribue à endiguer, voire inverser, l’érosion du bocage, et non à l’accélérer.
Je suis agricultrice depuis 12 ans sur une commune du Golfe du Morbihan. Ma surface agricole comprend plus de 35% de haies. Elles sont d’un immense intérêt pour l’eau, la biodiversité mais aussi l’alimentation de mes ruminants et de mes équidés, dont le regime alimentaire comprend de 10 à 40% de plantes de haies. Elles nous ont bien aidées lors des nombreuses sécheresse à maintenir nos animaux en leur permettant une ressource. Cela a également eu un impact sur notre trésorerie car elles nous ont évité de manger nos stocks de foin prévu pour l’hiver avant l’heure !
Je suis donc défavorable à cette proposition !
Bonjour,
Encore une fois on privilégie le présent au futur, une destruction des milieux et des écosystèmes pour une agriculture dévastatrice et court-termiste.
Nous devons défendre une agriculture respectant des sols vivants et son milieu animaliers.
Cordialement
Nous, FNSEA 44 et JA 44, représentants syndicaux des agriculteurs de Loire-Atlantique sommes conscients de l’importante nécessité d’un territoire français alliant dynamisme économique et biodiversité. L’agriculture étant elle-même la dynamique et le secteur d’emploi premier de la ruralité, elle est souvent ciblée comme la principale variable d’ajustement face aux intérêts environnementaux. Il est essentiel que les intérêts agricoles et environnementaux s’équilibrent, afin de préserver les deux dans les meilleures conditions.
La présente mise en consultation du décret nous paraît répondre à une demande des agriculteurs de simplification. Il est rappelé dans les documents mis à disposition, les travaux de destructions de haies impactent, pas moins de 13 législations différentes qui s’entremêlent et participent à l’inintelligibilité de la loi pour les agriculteurs une fois sur le terrain. Le souhait d’aboutir à une demande unique gérée par un pôle mutualisé entre les administrations afin de réduire les interlocuteurs et démarches nous semble favorable, et dans le bon sens.
Cette clarification, et simplification par un guichet unique sera par ailleurs autant pour les services de l’Etat – comme pour tous les services qui accompagnent les agriculteurs - un moyen de simplifier les explications sur le terrain. En sus, cela permettra de sécuriser les pratiques, un guichet unique est la garantie de réduire les erreurs, les oublis de transmissions et la juxtaposition de chaque entité décisionnaire. Cela nous semble aller vers un maintien rationnalisé de la biodiversité en simplifiant les démarches pour les agriculteurs. Nous insistons sur la nécessité de ne pas ajouter de la complexité et de l’empilement normatif.
Afin de maintenir des logiques existantes, nous conseillons que les directions départementales des territoires et de la mer soient ciblées comme services coordonnateurs des demandes puisqu’ils sont l’expression directe des services de la préfecture. Toutefois les arrêtés autorisant ou non les demandes des dossiers déposés ne devront pas être rendues publics afin de préserver les données personnelles et de ne pas permettre un ciblage des exploitations et donc de maintenir l’ordre public. Par ailleurs nous insistons sur la nécessité de motiver clairement les rejets afin de permettre plus d’acceptabilité et de compréhension sur le terrain dans l’édiction des décisions de refus.
Nous insistons sur la nécessité d’encadrer les délais dans une temporalité raisonnables, les petits et moyen projets doivent voir des délais d’instruction adaptés. Par ailleurs, nous nous interrogeons sur les délais laissés à l’administration jusqu’à 45 jours quand le porteur de projet n’a que 15 jours pour répondre. Afin de limiter les délais de traitement nous proposons que les délais d’examens mentionnés dans le décret par les administrations spécialisés soient réduits à 30 jours.
Nous considérons par conséquent que le paragraphe complexifiant la procédure en cas de demande de destruction sur une aire de captage en sollicitant une autre administration est disproportionnée et ne va pas dans le sens de la simplification, qu’il doit donc être supprimé car superfétatoire.
Nous rappellerons par ailleurs que toutes les haies dans Télépac, n’étant pas à jour ou correctement identifiées, la cartographie du guichet unique devra correspondre aux réalités de terrains.
Nous insistons sur la nécessité d’apporter de la souplesse pour ces projets et de pouvoir différer dans le temps les replantations, ainsi l’enfermement de la replantation dans un délai de dix-huit mois peut être courte selon les cas, au-delà de la force majeure qui nous le savons est restrictive.
Par ailleurs la période d’interdiction de travaux sur les haies à 21 semaines nous semble longue, et parfois peu corrélative des réalités de terrains. Pour exemple, la Loire Atlantique en 2024 a été le terrain d’une météorologie désastreuse, limitant les capacités d’entretien des haies et imposant des demandes de dérogations pour différer, et tempérer les périodes d’ouverture des travaux. Ainsi une formulation plus modérée et moins incisive serait préférable.
Enfin, nous rappelons que les objectifs de replantation, nécessiteront des outils incitatifs pour les agriculteurs, et des dispositifs permettant de valoriser les bonnes pratiques et l’engagement notamment en temps et en main d’œuvre inséré dans celles-ci.
- Remarques préliminaires
Depuis 1950, 70% du linéaire de haie a disparu, et la destruction continue avec 23 500 km détruit par an ces dix dernières années. Pourtant, les haies constituent des habitats pour la biodiversité et rendent des services agronomiques et environnementaux nombreux : ombre pour le bétail, réserves fourragères estivales, maintien de la structure des sols pour lutter contre l’érosion, favorisation de l’infiltration de l’eau et de sa qualité, prévention contre le risque inondation ; elles participent aussi au patrimoine paysager agricole et produisent de la biomasse qui peut être valorisée économiquement. Ces nombreux services ne sont maximisés que pour des haies déjà mâtures et gérées durablement. C’est pourquoi la priorité doit être la protection de notre capital haie et l’arrêt immédiat de la destruction massive des haies, que ce soit par arrachage ou mauvaise gestion. Les “déplacements de haies” ne permettent pas de maintenir les fonctions écologiques des haies.
FNE rappelle l’engagement pris par l’Etat en 2023 dans le Pacte en faveur de la haie : obtenir en un gain net du linéaire de 50 000 km d’ici à 2030. Si le guichet unique peut être une mesure de simplification administrative pertinente facilitant la lisibilité des différentes législations encadrant la protection des haies, les dispositions du projet de décret nous apparaissent inquiétantes car elles facilitent leur destruction.
Le projet de décret mis en consultation met en place une déclaration unique préalable auprès d’un guichet pour toutes les demandes de destruction de haie, sous un régime déclaration/autorisation en fonction de la réglementation à laquelle elle est soumise, dans lequel c’est l’administration qui fait le lien avec ces différentes réglementations. 13 réglementations ont été identifiées, qui dépendent principalement de la zone de la haie, auxquelles s’ajoute la protection des espèces protégées. L’administration a deux mois pour s’opposer à un projet soumis à déclaration, ou notifier au demandeur la bascule de son dossier vers le régime d’autorisation. La non-opposition dans le temps imparti vaut accord.
- Définition de la haie
Dans le document accompagnant le projet de décret, il est indiqué que “le suivi du linéaire et les contrôles associés au régime unique de la haie” reposeront sur l’observatoire de la haie.
Cependant, cet observatoire basé sur des données de l’IGN, exclura du linéaire les trouées de plus de 5m, qui sont pourtant constituées de végétation, qui peuvent être des espaces de régénération de haies et s’intègrent dans le linéaire en participant notamment au fonctionnement du corridor écologique. Par ailleurs, les photos aériennes permettant d’alimenter l’observatoire de la haie ne distinguent pas la végétation en deçà de 2 à 3m de hauteur, donc créent de fausses “trouées” qui sont simplement des espaces où la haie est composée d’une végétation plus basse.
En prenant cette technique de recensement, plus restrictive que la définition légale définie à l’article L 412-21 du code de l’environnement, on réduit artificiellement le linéaire, ce qui aura des impacts sur sa protection :
Pour la compensation, puisque la loi prévoit que toute destruction de haie doit être “compensée” par une plantation d’un linéaire au moins équivalent à celui détruit. Avec la définition proposée, une destruction pourrait être “compensée” dans les trouées d’un autre linéaire, ce qui aboutirait en fait à une perte nette de tout le linéaire détruit !
Pour la protection des espèces protégées, qui dépend de plusieurs critères dont la longueur du linéaire.
Une autre difficulté réside dans l’absence de définition de ce qui est entendu par “destruction d’une haie”. Les atteintes à ces habitats ne portent pas uniquement sur la réduction du linéaire, mais peuvent en modifier la largeur, la hauteur, procéder à des trouées, avec des effets délétères sur leurs fonctionnalités, alors même que ces interventions ne pourraient être considérés que comme des opérations de gestion courante par les personnes qui les pratiquent.
Par ailleurs, le document accompagnant le décret indique la volonté d’automatiser “certaines tâches chronophages”, ce qui fait craindre une facilitation de l’autorisation des destructions puisque la cartographie sur laquelle repose l’instruction comporte de nombreuses erreurs : il est nécessaire que l’administration ait des moyens humains pour instruire les dossiers au plus proche des réalités de terrain. L’observatoire de la haie est un outil pertinent pour fournir des données statistiques et suivre l’évolution du linéaire dans le temps, cependant il ne peut être la base de l’instruction des dossiers de demandes de destruction. Cet outil doit basculer vers un pilotage fin permettant d’assurer l’équilibre entre destruction et compensation. Le décret devrait d’ailleurs prévoir une clause de suspension de la délivrance des déclarations et autorisations si jamais il était constaté que les compensations n’étaient pas à la hauteur des destructions. Ce pilotage est indispensable pour assurer le bon accomplissement des objectifs du Pacte en faveur de la haie. Les mesures de simplifications ne doivent pas être un obstacle au bon accomplissement des politiques publiques.
- Eléments du dossier de déclaration unique
Le décret prévoit que le demandeur fasse une déclaration unique préalable auprès du préfet de département. Ce dernier a deux mois pour s’opposer à la demande ou notifier le demandeur de la bascule en régime d’autorisation. Passé ces deux mois et sans retour du préfet, on considère que non-opposition vaut accord. FNE s’était opposée à cette limite de temps lors des discussions sur la LOA, en pointant les risques de sur-sollicitations des services départementaux qui ne permettraient pas l’instruction des dossiers dans les délais impartis.
Dans le 2° de l’article D 412-43-1, FNE demande qu’un acte notarié, le bail ou tout autre support permettant d’attester le droit de propriété ou copie de l’accord du propriétaire soit déposé en lieu et place d’une attestation sur l’honneur. Il s’agit de justifications dont dispose déjà le demandeur ou facilement procurables par ses soins. D’une part, les services instructeurs, au regard des délais raccourcis pour étudier les déclarations préalables, n’auront pas les moyens de vérifier. D’autre part, ces documents permettront d’éviter que des haies soient détruites sans l’aval du propriétaire du terrain, évitant des litiges ultérieurs. Il est normal que le demandeur fournisse ces éléments, en lieu et place de l’administration qui devra les vérifier, et ce dans des délais raccourcis. Enfin, FNE demande que soient ajoutées au dossier des photos du terrain et du linéaire considéré, pour faciliter la compréhension de la situation par le service instructeur.
Art R. 412- 45 Dans le troisième paragraphe, corriger “l’article L. 341-1 du code de l’urbanisme” par “l’article L. 341-1 du code de l’environnement”
Art. R. 412-45-1 Lorsque le projet est soumis à avis conforme du maire, le délai de réponse est arrêté à 45 jours. Pour une meilleure cohérence et donc lisibilité du droit, FNE souhaite que ce délai soit calqué sur les autres procédures d’urbanisme de déclaration préalable.
- Bascule d’un régime déclaratif à un régime d’autorisation
Le décret prévoit que le préfet doit notifier dans les deux mois le demandeur de la bascule de son dossier sous le régime d’autorisation lorsque le linéaire considéré est soumis à des réglementations qui l’exigent. FNE demande à ce que soient ajoutées à l’article Art. R. 412-49 tous les projets de destruction de haies situés dans les aires protégées, y compris Natura 2000 et dans les zones de protection forte pour les cas où cette destruction n’est pas encadrée par la règlementation et/ou le document de gestion de ces espaces.
Concernant les réserves naturelles, FNE demande de prévoir l’avis conforme du gestionnaire et du comité consultatif prévus aux articles Article L332-8 et Article R332-15 du code de l’environnement.
Concernant les sites Natura 2000, FNE demande d’ajouter :
- des dispositions qui prévoient que le préfet demande la réalisation d’une évaluation d’incidences au titre de l’article L414-IVbis du code de l’environnement si elle n’est pas déjà requise ;
- l’avis conforme du comité de pilotage Natura 2000 mentionné à l’article L414-2 du même code.
- Séquence ERC et compensation
Le décret prévoit que le demandeur explicite dans son dossier “les mesures de compensation envisagées” (Art. D. 412-43-1, 3°), sans demander les mesures d’évitement et de réduction des impacts.
Pourtant, la séquence Eviter-Réduire-Compenser est inscrite dans le droit de l’environnement depuis la loi relative à la protection de la nature de 1976, et consolidée en 2016 par la loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Il s’agit d’une démarche dont l’objectif est d’éviter les atteintes à l’environnement, de réduire celles qui n’ont pu être suffisamment évitées, et de réserver la compensation aux effets notables qui n’ont pu être ni évités, ni réduits. Il faut rappeler aussi que la réglementation prévoit que si les atteintes ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n’est pas autorisé en l’état.
Au regard des services écosystémiques rendues par les haies dans des milieux ruraux et agricoles, il convient de s’assurer que cette séquence est conduite strictement. Pourtant, le projet de décret ne prévoit pas ou ni même ne rappelle la nécessité de la pleine application de la séquence, en ne demandant pas à au demandeur de justifier ses mesures d’évitement ou de réduction des atteintes, et détaillant uniquement la compensation. De même il conviendrait de s’assurer que la haie détruite n’est pas déjà elle-même une mesure compensatoire d’une autre activité, ouvrage, installation ou travaux. Les haies plantées en tant que mesures compensatoires dans le cadre du présent projet de décret doivent être géolocalisées dans le système national d’information géographique, au même titre que les mesures compensatoires des autres activités, ouvrages, installation ou travaux. FNE demande qu’une disposition en ce sens soit ajoutée dans le présent projet de décret.
Les mesures d’évitement et de réduction, préalables à la compensation, doivent être détaillées dès la demande de déclaration unique préalable par un ajout au 3° de l’article D 412-43-1, ceci permettant au préfet d’exiger que le demandeur complète éventuellement sa déclaration préalable, mais également de permettre aux services instructeurs d’évaluer la pertinence de la compensation proposées par le demandeur. Les documents joints à la demande préalable unique devront également permettre aux services instructeurs de vérifier que la mesure en compensation se trouve bien “ en priorité sur le site endommagé ou, en tout état de cause, en proximité fonctionnelle avec celui-ci afin de garantir ses fonctionnalités de manière pérenne”, l’une des autres obligations des mesures compensatoires (L 1631-1 du code de l’environnement).
De plus, FNE demande que dans le 1° du R 412-65 soient ajoutés après “des fonctionnalités au moins équivalentes à celles de la haie détruite", “et visent une absence de perte nette, voire de gain écologique”.
Il serait souhaitable que le service de télédéclaration propose des rappels des obligations réglementaires ainsi que les guides produits par l’Etat concernant la séquence Eviter, réduire, compenser (Lignes directrices nationales de la séquence Eviter, réduire, compenser ; centre de ressources ERC Biodiv de l’OFB, …). Il conviendrait également que les déclarants puissent disposer de guides ou tout autre support rappelant d’une part, l’importance des haies dans les paysages ruraux et les pratiques agricoles, mais proposant également les mesures pour conduire une compensation pertinente et équivalente sur le plan biologique et fonctionnel. Sachant que quelque soient les pratiques de replantation, plusieurs années seront nécessaires pour que la haie retrouve des fonctionnalités effectives et efficaces, ce qui d’emblée pose la question du respect des obligations réglementaires prévues dans l’article L 163-1 du code de l’environnement, dont l’équivalence écologique.
Le décret ne précise pas ni ne renvoie vers un cadrage ou une doctrine sur les exigences attendues en matière de compensation de la destruction des haies (linéraire, équivalence écologique, …).
Enfin, FNE avait déjà demandé lors des consultations sur le Pacte en faveur de la haie qu’un conseil environnemental et un accompagnement des demandeurs soit réalisé par des technicien ou techniciennes ayant un agrément obligatoire, pour qu’ils et elles aient des compétences communes, et puissent accompagner la séquence ERC, ce qui pourrait permettre de réduire les linéaires arrachés et de faire de la compensation plus pertinente écologiquement.
- Dispositions sur les dérogations aux interdictions à la stricte protection des espèces (dérogation espèces protégées)
Le décret fixe quatre critères qui enclencheront l’obligation d’obtenir une autorisation de déroger à la stricte protection des espèces dans le cadre de destruction des haies (de a) à d) de l’article R412-49). Sur la forme, le décret ne précise pas si ces critères sont cumulatifs ou non, ou si la justification d’un seul implique la nécessité de disposer d’une autorisation de dérogation.
Sur le fond, en l’état, il est difficile d’appréhender la justesse de ces critères quant à la bonne prise en compte des enjeux relatifs à la protection des espèces, puisque pour l’heure, les données devant les préciser ne sont pas fournies. Des outils existants, comme l’outil “Le Grain Bocager” de l’INRAE, seraient utiles pour analyser l’impact des destructions au regard de la protection des habitats et corridors écologiques. Les critères mis en lumière par l’avis du CNPN laissent à craindre une protection uniquement des “super haies” qui laisserait de côté la considération de la biodiversité ordinaire.
Nous complétons avec quelques remarques supplémentaires.
Certaines haies, au regard de leur stade de vieillissement ou des mesures de gestion pratiquées, peuvent abriter des espèces protégées (par ex. Rosalie des Alpes, Grand capricorne, Damier du frêne, Grande noctule, Noctule commune) de compétence du CNPN (Arrêté du 6 janvier 2020 fixant la liste des espèces animales et végétales à la protection desquelles il ne peut être dérogé qu’après avis du Conseil national de la protection de la nature), et dont l’avis relève non pas des CSRPN, mais du CNPN. De notre point de vue, pour ces espèces, une autorisation de dérogation Espèces protégées délivrée par un préfet, sans l‘avis du CNPN, sera contestable juridiquement. L’objectif du décret d’assurer une simplification serait raté, puisque non seulement l’arrêté préfectoral pourra être contesté, mais l’auteur des travaux sera susceptible d’avoir commis un délit.
Si les dispositions du présent décret sont bien comprises, le demandeur n’est pas tenu de réaliser un inventaire faune/flore/fonctionnalités écologiques aux fins de simplifier, mais aussi pour réduire les coûts à la charge du demandeur. Néanmoins, nous considérons qu’en l’absence d’un inventaire sérieux, la présence d’espèces et/ou d’habitats protégés peut ne pas être détectée. Auquel cas, la destruction des spécimens/habitats pourra constituer un délit en l’absence de déclaration/autorisation. Une fois encore, l’objectif de simplification n’offre pas une sécurité juridique au demandeur.
Nous notons que les dispositions du présent décret créent une réglementation à deux vitesses, où les agriculteurs bénéficient d’un droit à destruction accéléré des haies, infrastructures naturelles qui jouent pourtant un rôle écosystémique fort en faveur de leur exploitation, Enfin, les délais donnés au CSRPN (et autres interlocuteurs d’ailleurs) pour instruire une autorisation dérogation espèces protégées est réduit à 45 jours. Ces délais sont irréalistes et tendent à considérer les membres de ces instances comme des agents de l’Etat à disposition du préfet, ce qu’ils ne sont pas.
- Dates de travaux sur les haies
Le décret prévoit que l’encadrement des dates de travaux sur les haies soit défini par le préfet en fonction de la seule considération de la période de nidification des oiseaux. Or, d’autres espèces dépendent de l’écosystème créé par la haie et sont à prendre en compte : chauve-souris, insectes, reptiles, amphibiens, …
- Publicité des demandes
FNE demande que le public soit informé en temps réel de toutes les demandes et des déclarations « validées ».
- Procédure d’urgence
Il serait judicieux que le décret précise quels peuvent être les motifs d’urgence pour détruire une haie. Il faudrait à minima que le décret précise la nécessité de motiver l’urgence.