Projet d’arrêté relatif à la mise en place de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux
Consultation du 27/04/2022 au 19/05/2022 - 1208 contributions
Introduction
Ce projet d’arrêté s’inscrit dans le cadre du plan d’action ours brun 2018-2028, publié le 9 mai 2018, qui prend lui-même place dans la Stratégie Pyrénéenne de Valorisation de la biodiversité. Il a pour objet de fixer les conditions et limites dans lesquelles des mesures d’effarouchement de l’Ours brun (mesures dérogatoires) peuvent être accordées par les préfets, lorsqu’elles visent la prévention des dommages aux troupeaux domestiques par prédation.
En juin 2019 est paru un premier arrêté permettant la mise en place à titre expérimental de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux lors de la saison d’estive 2019. Il prévoyait la mise en œuvre de mesures graduées pour répondre aux attaques d’ours : effarouchement simple via des moyens sonores, olfactifs, lumineux, puis effarouchement renforcé par tirs de cartouches en caoutchouc ou à double détonation. En raison de l’impossibilité d’aboutir à des conclusions fiabilisées pour le dispositif, faute de données en nombre suffisamment conséquent, le dispositif a été reconduit en 2020 puis en 2021, également de manière expérimentale. Des modifications significatives ont été apportées à l’arrêté de 2021 par rapport à celui de 2020, notamment pour renforcer les exigences en matière de formation pour les personnes habilitées à pratiquer l’effarouchement renforcé (par tirs non létaux), apporter des précisions sur les conditions de réalisation des tirs, et réserver l’usage des balles en caoutchouc aux situations où l’ours représente un risque en raison d’un comportement menaçant, suite notamment à l’annulation partielle de l’arrêté de 2019 par le Conseil d’Etat dans sa décision du 4 février 2021 (annulation du dispositif d’effarouchement renforcé).
Compte tenu du recul dont on dispose après trois ans de mise en œuvre, il est aujourd’hui proposé de prendre un arrêté pérenne. En effet, depuis trois ans, des bilans annuels, précisant les modalités de mise en œuvre et les résultats des effarouchements, ont été réalisés, complétés en 2021 d’un bilan pluriannuel portant sur les trois années d’expérimentation. Ces bilans témoignent, d’une part, de l’absence d’effets négatifs apparents sur la population ursine et sa répartition et, d’autre part, d’une certaine efficacité concernant l’évitement de la prédation, particulièrement s’agissant de l’effarouchement renforcé (cf bilans joints).
Contexte général
L’ours (Ursus arctos) est une espèce strictement protégée au niveau international (Convention de Berne), communautaire (directive dite « Habitat Faune Flore ») et français (code de l’environnement). À ce titre, toute perturbation intentionnelle des spécimens d’ours est interdite au titre de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, mais des dérogations sont prévues au titre de l’article L. 411-2 du même code pour prévenir les dommages importants aux troupeaux domestiques, à condition qu’il n’existe pas d’autres solutions satisfaisantes et que les opérations ne nuisent pas au maintien du bon état de conservation de la population.
Il est par conséquent nécessaire de prendre un arrêté ministériel pour encadrer ces opérations d’effarouchement, réalisées auprès de troupeaux bénéficiant de mesures de protection, et les limiter dans le temps et dans l’espace. L’effarouchement comprend une série de dispositifs pouvant être utilisés pour éloigner l’ours des troupeaux quand les mesures de protection sont insuffisantes ou difficilement mobilisables. Il s’agit d’agir à proximité des troupeaux et pendant l’estive, afin d’éviter la survenance de dégâts.
S’agissant des dommages, en 2021, 486 dossiers d’indemnisation ont été enregistrés, totalisant 723 victimes, principalement des ovins (pour mémoire, un maximum avait été atteint en 2019, où 738 attaques avaient été signalées, faisant 1620 victimes). Sur ces 723 animaux, 569 correspondent à des cas de prédations où la responsabilité de l’ours n’est pas écartée, et 154 à des cas de mortalités de cause indéterminée, indemnisées après examen en commission, au bénéfice du doute. L’Ariège reste le département qui connaît le plus grand nombre de dommages chaque année, soit environ 80 % du total du massif. Après une année 2019 marquée par 5 dérochements d’ampleur, dont 4 en Ariège et un dans le parc national des Pyrénées (avec 3 événements imputables à l’ours, soit 500 ovins morts), les années 2020 et 2021 ont vu les chiffres relatifs à l’indemnisation baisser, tout en restant à un niveau conséquent.
Concernant la population d’ours brun sur le massif pyrénéen, d’après le dernier bilan annuel du Réseau Ours Brun, portant sur l’année 2021, les effectifs sont en augmentation (effectif minimum détecté de 70 individus, contre 64 l’année précédente et 58 en 2019).
Enfin, les bilans de mise en œuvre des opérations expérimentales montrent d’une part que l’effarouchement simple a permis de repousser l’animal à de nombreuses reprises, et d’autre part que l’effarouchement renforcé, à une exception près, a mis en fuite tous les ours observés, avec échec de la tentative d’approche du troupeau dès mise en œuvre de tirs non létaux. Aucun ours n’a manifesté de comportement agressif, aucun ourson n’a été séparé de sa mère et il n’a jamais été besoin de recourir aux balles en caoutchouc. Les effarouchements montrent ainsi une efficacité à court terme, mais il est difficile d’évaluer l’efficacité sur le moyen ou le long terme.
Contenu du texte
L’arrêté examiné reprend en grande partie les termes de l’arrêté pris pour la saison d’estive 2021. Il présente néanmoins des évolutions liées à son caractère pérenne et au retour d’expérience local.
L’article 1 précise que ces dispositions sont applicables sans limite temporelle et sont distinctes de celles mises en œuvre dans le cadre du protocole « ours à problèmes ».
L’article 2 précise les 2 catégories de mesures d’effarouchement :
- des mesures d’effarouchement simple, à l’aide de moyens sonores, olfactifs et lumineux, qui constituent le premier niveau ;
- des mesures d’effarouchement renforcé, mises en œuvre par des personnes qualifiées, qui se réalisent à l’aide de tirs non létaux, qui constituent un second niveau.
Ces mesures d’effarouchement ne peuvent être autorisées que pour des troupeaux pour lesquels des mesures de protection sont mises en œuvre. Elles ont vocation à être activées à proximité des troupeaux et pendant la saison d’estive.
L’article 3 précise les modalités de mise en œuvre des mesures d’effarouchement simple. Afin de cibler leur utilisation sur les estives les plus prédatées, il est prévu de prendre en compte le nombre d’attaques survenues sur l’estive précédemment à la demande. Le projet d’arrêté 2022 ajoute, en cohérence avec l’article 4, la possibilité de déclencher l’effarouchement simple lorsque le troupeau a subi plus de 10 attaques par an en moyenne sur les 3 dernières saisons d’estive (cf. infra)
Il prévoit que dorénavant la dérogation soit délivrée par le préfet de département pour une durée maximale de 8 mois, contre 6 auparavant, afin de pouvoir couvrir l’intégralité de la durée de la saison d’estive. En raison de l’allongement de la durée de validité de l’autorisation et du caractère pluriannuel de l’arrêté, il a été jugé utile de préciser qu’une autorisation n’est valable que pendant la saison d’estive au cours de laquelle elle est sollicitée : un renouvellement doit s’effectuer chaque année pour vérifier les conditions de survenance d’attaques.
Par ailleurs, il est désormais prévu que les bénéficiaires d’autorisation soient tenus d’envoyer au préfet en fin de saison un document unique compilant l’ensemble des comptes rendus d’opération (selon un modèle détaillé joint au présent rapport). Une date butoir pour l’envoi du compte rendu d’opération par les bénéficiaires est conservée (le 30 novembre) pour un meilleur contrôle des retours et également afin d’assurer la production du bilan global annuel dans un délai raisonnable.
L’article 4 précise les modalités de mise œuvre des mesures d’effarouchement renforcé. Ces mesures permettent le recours à l’effarouchement par tirs non létaux. Il cible leur utilisation sur les estives les plus prédatées, celles ayant subi des attaques malgré la mise en œuvre effective de moyens d’effarouchement de niveau 1.
Cet article comporte les principales modifications, à la fois rédactionnelles et liées au retour d’expérience des trois années de mise en œuvre de l’expérimentation.
Le retour d’expérience a conduit à introduire un nouveau cas dans lequel il est possible de solliciter une autorisation d’effarouchement renforcé : celui d’estives ayant subi plus de 10 attaques par an en moyenne sur les 3 dernières années (cette condition est tirée de la définition des « foyers de prédation » dans le protocole du même nom) : il y sera possible d’effectuer une demande d’autorisation dès le début de la saison, sans attendre la survenance d’une attaque, pour autant qu’elles aient subi une attaque au cours des 12 derniers mois, malgré la mise en place d’opérations d’effarouchement simple. En effet, l’expérience montre que les estives concernées par un grand nombre d’attaques malgré leur protection et malgré la mise en place de mesures d’effarouchement simple sont souvent les mêmes d’une année sur l’autre, et le fait d’attendre la survenance de la première attaque de chaque année pour la mise en place de mesures d’effarouchement renforcé retarde celle-ci de manière injustifiée. Afin de simplifier les démarches, dans ce cas, la demande d’effarouchement renforcé vaudra demande d’effarouchement simple.
La même modification qu’à l’article 3 est effectuée concernant la durée de l’autorisation.
Enfin, le contenu des comptes rendus d’opération est encore précisé afin d’obtenir des informations supplémentaires d’analyse dans une optique d’amélioration continue.
L’article 5 indique que les mesures prévues par l’article 3 du présent arrêté peuvent s’appliquer dans la zone cœur du Parc national des Pyrénées, conformément aux dispositions du IV de l’article 3 du décret du 15 avril 2009.
Le directeur du Parc national des Pyrénées est destinataire du compte rendu d’exécution des opérations ayant lieu sur ce territoire, pour assurer sa bonne information et celle de ses équipes.
L’article 6 prévoit la réalisation d’un bilan annuel de l’application de ces mesures par le préfet coordonnateur, comportant également une dimension pluriannuelle afin d’analyser les évolutions de la mise en œuvre et l’efficacité des opérations.
Le projet d’arrêté 2022 ajoute une date butoir de transmission du bilan aux ministres en charge de l’environnement et de l’agriculture (le 15 février) pour s’assurer, avant la préparation de la saison d’estive, de la bonne mise en œuvre des opérations l’année précédente.
Consultations obligatoires :
• Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a été consulté le 15 mars et s’est prononcé défavorablement (avis joint)
• La consultation du public est ouverte du 27 avril au 19 mai 2022. En application du dernier alinéa du II. de l’article L.123-19-1 du code de l’environnement, les observations du public pour cette consultation sont rendues accessibles au fur et à mesure de leur réception.
Pièces jointes :
- Projet d’arrêté relatif à la mise en place de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux
- Avis du CNPN sur le projet d’arrêté en date du 15 mars 2022
- Bilan 2021 de la mise en place à titre expérimental des mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées pour prévenir les dommages aux troupeaux
- Bilan 2019-2021 des mesures d’effarouchement mises en place à titre expérimental (bilan global)
- Modèle de compte-rendu de réalisation d’opérations d’effarouchement simple
- Modèle de compte-rendu d’intervention mettant en œuvre l’effarouchement renforcé
Sur le même thème
Plan national d’actions en faveur des pies grièches (2025-2034)
19 février 2025
Plan national d’actions "Vipères de France hexagonale"
Un plan national d'actions pour protéger et restaurer les populations de trois espèces de vipères menacées dans l'hexagone.
17 janvier 2025
Projet d’arrêté portant modification du site Natura 2000 « Plateau de Rochebonne »
Le présent projet d’arrêté a pour objet de modifier le périmètre de la zone spéciale de conservation (ZSC) FR5402012 « Plateau de Rochebonne » (…)
15 janvier 2025
Commentaires
Je suis totalement contre cet arrêté. Le fait que le CNPN se soit prononcé défavorablement devrait suffire à ne pas aller plus loin étant donné la situation critique dans laquelle nous nous trouvons TOUS COLLECTIVEMENT face à l’effondrement de la biodiversité (et à ses graves conséquences).
Par ailleurs faut-il rappeler que le conseil d’état a déclaré illégaux les tirs d’effarouchement en avril 2022 ? Par quel miracle pourriez-vous passer outre cette décision ? Sommes-nous officiellement dans une autocratie ?
Une fois n’est pas coutume, ce serait bien que (le gouvernement de) Mr Macron respecte la loi… et la nature en allant plus loin que des beaux discours de greenwashing qui ne se traduisent jamais en actes.
Ce projet d’arrêté à la mise en place de mesures d’effarouchement de l’ours brun dans les Pyrénées n’a pas reçu d’avis favorable du CNPN et on peut le commprendre…
La cohabitation entre les animaux sauvages et les élevages divers est compliquée mais loups, lynx et ours ont aussi leur place dans une nature déjà malmenée de toute part du fait des activités humaines.
On ne peut que conseiller aux éleveurs de profiter des mesures de protection déjà à leur disposition, des dédommagements sont prévus en cas d’attaque non ?
Longue vie à l’ours !
NON A L’ ARRETE AUTORISANT L’EFFAROUCHEMENT DES OURS DES PYRENEES
La France persiste à autoriser les effarouchements renforcés alors que le Conseil d’Etat a jugé illégaux ceux de 2019 et ceux de 2020.
Les effarouchements menés depuis 2019 n’ont montré aucune efficacité notable en termes de prévention des dommages aux troupeaux. De surcroît, ils ont coûté très cher, soit plusieurs milliers d’euros pour chacune des quelques brebis sauvées. Une évaluation sérieuse de cette expérimentation aurait dû conduire à son abandon évident dès la première année. Effaroucher les ours est inutile si les troupeaux sont protégés et inefficace s’ils ne le sont pas.
Les experts du Conseil National Protection de la Nature (CNPN) dont le rôle est de conseiller le Gouvernement ont rendu à la quasi-unanimité un avis défavorable à ce projet d’arrêté.
Il y a des solutions plus satisfaisantes qui ont fait leurs preuves quand elles sont correctement mises en œuvre et adaptées : bergers permanents, bergers d’appui, regroupement nocturne des troupeaux et utilisation de chiens de protection. L’Etat dépense des sommes considérables pour les encourager mais ne contrôle pas leur mise en œuvre sur le terrain alors que le seul moyen de réduire les dégâts d’ours est de protéger les troupeaux.
Bonjour,
je suis contre l’effarouchement qui me semble devenir une norme à l’heure actuelle.
Je ne suis pas contre les éleveurs, pas plus que de monter les troupeaux en estives mais il faut avant tout mettre des moyens de protection adaptés entre filets, chiens de protection et bergers.
Un accompagnement et des moyens financiers pour permettre ces bonnes pratiques sont nécessaires. Nous avons écarté le sauvage, nous avons oublié de vivre avec mais nous devons retrouver ce chemin.
En dernier recours, bien entendu, j’estime qu’il peut être utile, lorsque tous les autres moyens n’ont pas eu l’effet d’escompté, d’envisager un effarouchement mais cela doit rester l’exception et aucunement la normalité.
Je suis contre l’arrêté autorisant l’effarouchement des ours dans les Pyrénées car c’est une pratique qui, en plus d’être dangereuse, est complètement inutile. En effet, alors que les effarouchements sont menés depuis maintenant quatre années, aucune diminution des dégâts n’a été observée ; les troupeaux ne s’en retrouvent pas mieux protégés. Les effarouchements constituent donc d’immenses dépenses vaines, de l’ordre de milliers d’euros pour une seule brebis sauvée. Cela fait bien longtemps que cette pratique aurait dû être abolie car elle n’a aucun intérêt si le troupeau n’est pas déjà protégé. Et il existe des solutions préventives efficaces qui permettent de sécuriser le bétail (entre autres, chiens de protection, bergers permanents et d’appui et regroupement du troupeau) mais qui doivent être correctement mises en œuvre pour pouvoir fonctionner. C’est vers cette mise en œuvre que l’État doit rediriger son financement, au lieu de simplement soutenir ces mesures.
Les effarouchements perturbent les ours et posent un risque à l’espèce. En effet, il arrive souvent que les oursons soient séparés de leur mère. Le Conseil d’État a d’ailleurs jugé illégaux les autorisations de 2019 et de 2020 ; presque tous les experts du Conseil National Protection de la Nature (CNPN) ont rendu un avis défavorable à ce projet d’arrêté-ci.
L’association "Pays de l’Ours - Adet" exprime sa plus vive et complète opposition aux effarouchements dits "renforcés" des ours dans les Pyrénées, et donc à ce projet d’arrêté.
Avant toute chose, contrairement à ce qui est mentionné dans la présentation de l’arrêté, ces opérations d’effarouchement ne sont nullement prévues dans le Plan Ours 2018-2028. Il n’y en a en effet aucune mention et les seuls effarouchements évoqués sont ceux inscrits dans le cadre spécifique du protocole "ours à problème" dont la vocation est d’intervenir de manière ciblée sur un individu au comportement anormal, ce qui n’a rien à voir.
Rappelons d’abord que les précédents arrêtés de 2019 et 2020 ont été censurés par le Conseil d’Etat. Les modifications apportées depuis concernent les modalités de mise en œuvre des opérations, de manière accessoire. Leur seule vocation est manifestement de prétendre avoir pris en compte les jugements du Conseil d’Etat alors qu’il n’en est rien sur le fond.
L’Etat ne démontre toujours pas que l’arrêté n’aura pas d’effet négatif sur l’état de conservation de l’espèce, ce qui est d’autant plus grave que ledit état de conservation reste mauvais et que l’Etat ne fait rien pour l’améliorer depuis des années malgré ses "engagements internationaux" et ses obligations légales.
L’Etat ne peut déroger au statut de protection de l’ours avec des "arguments" aussi légers que "l’absence d’effets négatifs apparents" des opérations précédentes, et avoir noté une "certaine efficacité concernant l’évitement de la prédation" !
Par ailleurs, les deux autres conditions nécessaires pour déroger à l’interdiction de perturbation intentionnelle de l’ours brun ne sont pas plus respectées :
- l’absence d’autres solutions satisfaisantes : l’Etat semble considérer que les mesures de protection des troupeaux ne sont pas efficaces. Si c’est le cas, pourquoi alors les finance t-il ? L’efficacité du regroupement nocturne associé à la présence de chiens de protection en quantité suffisante et correctement éduqués est démontrée depuis longtemps, dans les Pyrénées comme ailleurs. Le problème est que l’Etat a renoncé à leur optimisation et à leur généralisation en pratiquant une conditionnalité partielle des aides financières alors que les mesures de protection n’ont d’efficacité qu’ensemble et combinées. Les solutions existent donc mais elles sont trop peu et mal mises en œuvre, ce qui ne saurait constituer une justification pour déroger à l’interdiction de perturbation intentionnelle d’une espèce protégée comme l’ours brun.
- l’efficacité de la mesure proposée : aucune expérience, aucune étude ne montre l’efficacité de l’effarouchement pratiqué comme un moyen de protection des troupeaux. Les opérations menées depuis 2019, outre d’être illégales, n’ont même pas été évaluées alors qu’elles étaient présentées comme expérimentales. Les simples bilans relatant le nombre d’opérations ne sauraient être considérés comme une évaluation. La débauche de moyens mis en oeuvre pour ces effarouchements n’ont abouti qu’à la sauvegarde de quelques dizaines de brebis par an, sans même que l’on puisse affirmer que ces prédations n’ont pas simplement été reportées de quelques jours, dès le départ des effaroucheurs, ou sur les estives voisines. Le rapport entre les moyens engagés et les résultats obtenus est totalement disproportionné. Il n’est d’ailleurs pas anodin que l’Etat rechigne à répondre aux associations qui l’interrogent sur le coût des actions d’effarouchement menées depuis 2019.
Il est par ailleurs évident qu’il n’est pas envisageable de généraliser l’effarouchement des ours en permanence et sur l’ensemble des estives. L’efficacité de ce type d’opération, si elle existe, restera ainsi locale et ponctuelle, avec un risque évident de report des prédations, soit sur les estives voisines, soit sur la même estive dès le départ des effaroucheurs. Ces hypothèses sont d’ailleurs évoquées dans les bilans officiels, et ne sont pas écartées, faute d’évaluation sérieuse.
En clair, non seulement l’Etat ignore des solutions efficaces et peu perturbantes, mais l’alternative qu’il propose est potentiellement nuisible, très probablement illégale, et assurément peu efficace.
Rappelons également les autres problèmes soulevés notamment par le CNPN, auxquels l’Etat n’apporte aucune réponse :
- la perturbation intentionnelle d’autres espèces protégées (le moyen n’étant pas sélectif),
- le risque de perte d’habitat pour l’ours comme pour d’autres espèces, y compris protégées
- les risques d’atteinte au système auditif des animaux visés (l’ouïe de l’ours étant reconnue particulièrement sensible)
- le risque de séparation mère-oursons (le fait que cela n’ait peut être pas été constaté ne signifiant pas ni que cela ne se soit pas produit, ni que le risque n’existe pas)
Synthétisons :
- Les experts sont contre. Cf l’avis du CNPN, experts mandatés par l’Etat
- La population est contre. Cf les consultations du public des années précédentes et celle-ci ne dérogera pas, une rapide lecture des avis exprimés le confirme aisément.
- Les associations de protection de l’environnement sont contre, alors qu’elles soutiennent les mesures favorisant la cohabitation
- Les précédents arrêtés similaires soumis au Conseil d’Etat ont été censurés
Et tout cela n’empêche pas des représentants de l’Etat d’affirmer lors de la réunion du Groupe "Pastoralisme et ours" à Foix le 13 mai 2022 que l’arrêté objet de la présente sera publié en l’état, dès la fin de la consultation du public !?
Il y a là un vrai problème, de droit comme de gouvernance.
Si l’état continue de penser que l’effarouchement renforcé des troupeaux est justifié, en efficacité comme en droit, malgré les bilans, les avis exprimés et les décisions de justice, il doit d’abord le prouver et le justifier. Il était déjà censé le faire dès 2019, et c’est manifestement encore loin d’être le cas aujourd’hui.
je suis totalement contre cette méthode qui nous le savons est bien moins efficace et respectueuse du vivant.
Le rassemblement accompagné de chiens et bergers est bien plus efficace et pratiqué dans de nombreux endroits.
Nous devons collectivement mettre tout en œuvre pour préserver ce qui nous reste de biodiversité et partageant les territoires.