Projets de décret et d’arrêté relatifs aux conditions d’implantation d’éoliennes terrestres et en mer, par rapport aux installations militaires, afin de garantir le respect des exigences de sécurité nationale
Les projets de textes qui seront soumis au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) du 27 mars 2025, au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) du 16 avril 2025 et à la Mission interministérielle de l’eau du 25 avril sont disponibles. Vous pouvez consulter ces projets de textes et faire part de vos observations, via le lien en bas de page « Déposer votre commentaire », du 21 mars 2025 jusqu’au 10 avril 2025.
Consultation du 21/03/2025 au 10/04/2025 - 52 contributions
Le contexte :
Tout projet d’installation d’éoliennes à terre ou sur le domaine public maritime requiert l’avis conforme du ministre de la défense dans le cadre de la procédure d’autorisation environnementale prévue par l’article R. 181-32 du code de l’environnement. L’avis conforme signifie que, si le ministre de la défense donne un avis défavorable, le préfet ne peut autoriser le projet.
Par ailleurs, tout projet d’installation d’éoliennes dans la zone économique exclusive (ZEE) requiert l’avis du ministre de la défense dans le cadre de la procédure d’autorisation unique prévue à l’article 7 du décret n° 2013-611 relatif à la réglementation applicable aux îles artificielles, aux installations, aux ouvrages et à leurs installations connexes sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive et la zone de protection écologique ainsi qu’aux câbles et pipelines sous-marins.
Le radar est un système qui utilise les ondes électromagnétiques pour détecter la présence et déterminer la position ainsi que la vitesse d’objets, tels que les avions. Il est constitué d’un émetteur et d’un récepteur. Les ondes envoyées par l’émetteur du radar sont réfléchies par la cible (avions), et les signaux de retour (appelés écho-radar) sont captés et analysés par le récepteur du radar. Les ondes réfléchies par une cible, qui peut être un obstacle comme une éolienne, constituent l’intervisibilité électromagnétique. En ce qui concerne les éoliennes en fonctionnement, lorsqu’elles sont vues par le radar, elles provoquent un phénomène de masquage, lequel n’est autre qu’un aveuglement du radar qui ne détecte alors plus les avions.
Le radiophare omnidirectionnel à très haute fréquence (VOR) émet un signal à l’aide d’une antenne omnidirectionnelle. Ce signal est reçu par les équipements à bord de l’avion et traduit de manière à indiquer au pilote la direction à suivre pour rallier cet émetteur.
Le VOR est sensible au parasitage par réflexion en provenance des éoliennes. En raison de leur hauteur, les éoliennes peuvent causer du brouillage au VOR même si elles s’en trouvent éloignées ; ce brouillage constituant l’intervisibilité radioléctrique.
La sécurité des vols risque donc d’être affectée lorsque des obstacles viennent perturber le rayonnement émis ou reçu par ces stations radioélectriques, au sol ou à bord des aéronefs.
Les projets de décret et d’arrêté ont pour objet d’établir les règles d’implantation des éoliennes vis-à-vis des installations militaires. Ces règles sont constituées, pour le ministère des armées, par des critères selon lesquels les avis du ministre de la défense sont délivrés en :
- distinguant les installations militaires équipées de radiophares omnidirectionnels à très haute fréquence, de radars et les autres ;
- prenant en compte l’aggravation des intervisibilités électromagnétiques et radioélectriques, induites par la présence de nouvelles éoliennes, ou la possibilité de mesures de compensation (éventuellement à la charge du porteur de projet conformément à l’article L. 515-45-1 du code de l’environnement) ;
- appréciant, selon les situations et pour les seules éoliennes implantées en mer, la possibilité de mesures de compensation (notamment par la signature d’une convention d’arrêt temporaire des éoliennes par l’exploitant à la demande du ministère des armées).
En effet, les éoliennes, par leur très forte signature radar, peuvent réduire fortement le champ électromagnétique présent à l’arrière. Cette réduction de champ va générer une zone où le radar voit ses capacités de détection dégradées.
Les objectifs :
Les projets de textes visent à articuler les exigences de sécurité pour le ministère des armées et le besoin de visibilité et de lisibilité pour les développeurs éoliens. A ce titre, le décret et son arrêté d’application mettent à jour et précisent les règles et pratiques actuelles.
Ainsi, sans préjudice des autres réglementations sur le fondement desquelles sont rendus les avis du ministre de la défense, plusieurs règles d’implantation seront également prises en compte pour le prononcé des avis du ministre de la défense :
- la typologie des installations militaires (équipées de radiophares omnidirectionnels à très haute fréquence (VOR), de radars ou autres installations militaires) ;
- les notions d’intervisibilités électromagnétique et radioélectrique ;
- la distance entre les installations militaires et les éoliennes ;
- la hauteur des éoliennes.
Les dispositions :
Concernant toutes les installations militaires, l’implantation d’éoliennes ne sera pas possible à moins de 5 kilomètres mesurée à partir des limites de ces installations.
Au-delà de cette distance, toute implantation d’éoliennes fera l’objet d’une étude au cas par cas, sur la base des critères fixés par l’arrêté.
Commentaires
Proposition 1 : Le projet de décret n’indique pas quel avis devrait être donné pour les éoliennes situées à une distance égale à 5km
• A l’article 1er du projet de décret, remplacer "Au-delà de cette distance" par "Pour une distance égale ou supérieure à 5km"
Proposition 2 : A l’article 1er du projet de décret, définir les « limites des installations », qui peut laisser trop de marge de manœuvre à l’armée pour le calcul de la distance.
Proposition 3 : Dans la forme, tel que l’article 3 du projet d’arrêté est rédigé, pour qu’une installation soit considérée en situation d’intervisibilité électromagnétique acceptable, les deux conditions (perturbations non aggravées ou supprimées/compensées/atténuées) semblent devoir s’appliquer à toute implantation située à plus de 5km d’une installation militaire, y compris à celles situées à une distance supérieure à 70km d’un radar militaire et d’une hauteur inférieure à 200m. Par ailleurs, toujours dans la forme, tel que l’article 2 du projet d’arrêté est rédigé, même en étant à plus de 70km d’un radar, si le projet est supérieur ou égal à 200m, on pourrait avoir des sujets armées et impact sur les radars.
- Modifier l’article 3 du projet d’arrêté pour que la double condition qu’il pose ne soit pas applicable aux éoliennes situées à plus de 70km d’un radar et d’une hauteur inférieure à 200m.
- Dans l’article 2 du projet d’arrêté, modifier « est inférieure à 200m » par « est inférieure ou égale à 200m »
- Préciser le devenir des projets situés à plus de 70km d’un radar et supérieur ou égal à 200m
Proposition 4 : A l’article 3 du projet d’arrêté qui prévoit, "l’implantation d’aérogénérateurs, soumise à une analyse par le ministère de la défense, est acceptable lorsque (…)"
Pourquoi cette précision "après analyse du ministère de la défense" qui ne se retrouve pas dans les autres dispositions ? La supprimer.
Proposition 5 : Définir la "dégradation significative" à l’article 4 du projet d’arrêté pour l’implantation dans un rayon de 5 à 15km d’un VOR de façon à ce qu’elle ne fasse pas l’objet d’une interprétation trop large.
Proposition 6 : Préciser pour les parcs éoliens terrestres en renouvellement que dans le cadre du renouvellement des parcs éoliens existants, les projets feront l’objet d’un avis favorable dès lors que l’augmentation de la hauteur ne représentera pas plus de 20% de la hauteur initiale des éoliennes.
Observation 7 : L’article 1er du projet de décret indique que l’arrêté détermine les situations dans lesquelles l’intervisibilité est considérée comme acceptable compte tenu notamment « de la hauteur des aérogénérateurs, de leur nombre et de leur distance avec les installations militaires ». Le sujet du « nombre » n’est cependant pas traité par l’arrêté.
Observation 8 : Il n’est plus question d’intervisibilités simple et multiple. Il avait pourtant été demandé à l’armée dans les discussions de garder cette notion parce qu’elle était appliquée jusque-là et donc compréhensible. Visiblement cela n’a pas été le cas. Le sujet de l’intervisibilité multiple était pourtant intéressant.
Madame, Monsieur,
Je souhaite attirer votre attention sur un point central du projet de décret actuellement en consultation, relatif à la protection des radars militaires : l’absence de souplesse spécifique pour les projets de repowering éolien, qui constitue un frein préoccupant pour l’avenir du parc renouvelable français.
Jusqu’ici, la pratique permettait une tolérance de +20 % de hauteur et des discussions pour augmenter ce seuil à +35 % de hauteur sont en cours, tolérance aujourd’hui absente du projet de décret. Pire encore, aucune disposition n’est prévue pour tenir compte de la spécificité des projets de repowering, pourtant essentiels pour atteindre nos objectifs énergétiques.
Le repowering consiste à remplacer des éoliennes existantes, souvent vieillissantes ou obsolètes, par des éoliennes plus modernes, plus puissantes, et bien souvent moins nombreuses et moins impactantes, à production (largement) supérieure. C’est une solution techniquement mature, socialement plus acceptable et écologiquement plus vertueuse que l’ouverture de nouveaux sites.
Dans les territoires, le potentiel est considérable, avec plusieurs gigawatts de parcs qui pourraient être concernés dans les prochaines années pour doubler ou tripler leur production, sur des fonciers déjà maîtrisés, dans des zones déjà aménagées. C’est ce potentiel qui est aujourd’hui en péril.
Il est également important de souligner que l’impact sur les radars militaires n’est pas nécessairement aggravé dans le cadre d’un repowering :
• les obstacles concernés sont déjà présents depuis des années,
• ils sont déjà pris en compte dans les algorithmes radar,
• et dans bien des cas, le nombre total de mâts est réduit, ou leur implantation optimisée.
Enfin, il est essentiel d’adapter la réglementation aux éoliennes réellement disponibles sur le marché. Les discussions de la dernière année au sein de la filière et avec les services de l’État ont montré que porter la tolérance à +35 % de hauteur totale des éoliennes en repowering faisait plus de sens techniquement, pour correspondre aux nouvelles générations d’éoliennes plus hautes et plus performantes. Une telle souplesse, bien encadrée, permettrait de maximiser le potentiel du repowering sans augmenter de manière significative la gêne pour les radars, dès lors que les conditions de sécurité sont étudiées au cas par cas.
Je vous invite donc à :
• réintégrer une marge de tolérance explicite dans le décret, spécifique aux projets de repowering,
• et à porter cette tolérance à +35 % de hauteur, en cohérence avec les évolutions du secteur.
Cette souplesse n’est pas un compromis, c’est une nécessité pour garantir la cohérence de l’action publique : entre objectifs énergétiques ambitieux nécessaires à la souveraineté nationale, maîtrise du foncier, transition écologique et impératifs de défense.
Je vous remercie pour l’attention que vous porterez à cette contribution.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations respectueuses.