Projet de décret fixant les modalités des procédures de déclaration et d’autorisation préalables dans le cadre du régime de protection des allées et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique et portant création d’une contravention réprimant la violation de ce régime
Consultation du 17/10/2022 au 06/11/2022 - 455 contributions
La présente consultation porte sur un projet de décret en Conseil d’État pris pour l’application de l’article L. 350-3 du code de l’environnement, relatif au régime de protection des allées et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique, tel que modifié par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dite loi 3DS).
Cette consultation publique est réalisée en application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement pour la mise en œuvre du principe de participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Commentaires
Un décret dit de "protection des allées d’arbres" qui va à l’encontre de ce qu’il annonce.
Avis défavorable au projet de décret d’application
relatif à la protection des allées d’arbres.
Pourquoi intervenir sur la préservation des arbres par l’ajout d’un décret venant compliquer encore une réglementation pléthorique tout en l’affaiblissant ?
Il est paradoxal que l’on invoque, d’un côté, le rôle irremplaçable des arbres avec leur fonction de lutte contre les méfaits du réchauffement climatique et que l’on prévoit, de l’autre, la facilitation de les couper en nombre.
C’est bien le résultat attendu de vouloir supprimer les possibilités de se prononcer ou de recourir pour les défendre.
Là encore, alors qu’on s’évertue à leur trouver toutes les vertus, allant jusqu’à leur consentir un statut d’être vivant, et même de sujet sensible, il est dans le même temps question de leur supprimer tout droit de se défendre.
Cette perspective donne tout l’air de revenir en arrière, comme si la situation n’exigeait pas de réfléchir avant de prendre des décisions aboutissant à des règlements contraires à l’intérêt général.
Des progrès considérables dans la connaissance des bienfaits de l’arbre devraient logiquement amener à le considérer plus que jamais pour le défendre ; C’est tout l’inverse qui se prépare.
La séquence « Eviter, Réduire, Compenser » montre au quotidien ses dérives et limites dans les dossiers d’instruction de permis de construire. Le pétitionnaire va directement vers le plus facile, soit compenser. Résultat, en ce qui concerne le projet de décret : l’arbre qui a mis des dizaines - voire bien plus- d’années à croître et emmagasiner toujours plus de CO2, est remplacé par de chétifs baliveaux qui demanderont un nombre d’années très conséquents pour être aussi efficaces.
Un arbre mature est irremplaçable ; sa compensation n’est jamais assurée car impossible. Les autres fonctions de l’arbre ne s’arrêtent pas à la captation de CO2 ; elles sont multiples et ne peuvent ici qu’être listées :
Filtre à eaux de pluie alimentant les nappes phréatiques, générateur de pluie, rafraichisseur de température, fabricant d’O2, ornement, abri et refuge de la faune, lieu de promenade, etc.
Les diagnostics écologiques pratiqués le sont à l’initiative du pétitionnaire ce qui leur enlève l’impartialité qu’il serait pourtant légitime d’attendre. Cela laisse craindre des dérives que l’on constate aujourd’hui sur nombre de chantiers.
Plus grave, en l’absence de diagnostic écologique, la méconnaissance de la part des maîtres d’ouvrages des limites réglementaires fait courir le risque de dégâts irréversibles.
Le délai beaucoup trop court de 1 mois pour instruire les dossiers et la pratique de l’autorisation tacite, aggravés par l’engorgement des services va favoriser la levée des protections.
L’absence de toute communication vis-à-vis du public fait courir le risque d’une opacité des déclarations et décisions qui s’ensuivent, encourageant les risques de dérives déjà mentionnées.
L’amende prévue par le projet de décret n’est absolument pas dissuasive et son montant pas à la mesure de la perte occasionnée. De plus, nombre de promoteurs vont l’inclure dans leurs charges et, ce qui devrait être un frein ne deviendra qu’une formalité.
Le texte envisagé laisse place à interprétation ce qui n’est jamais une bonne chose en droit :
« Les éléments permettant de démontrer que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par
d’autres mesures, ».
Ou bien :
« lorsque les opérations projetées sont justifiées par le fait que l’esthétique de la composition ne peut plus être
assurée ».
Ou encore :
« le motif de la préservation esthétique de la composition ».
La lecture du projet de décret donne le sentiment que celui-ci a été fait à « la va-vite », sans évaluer les dérives possibles conduisant à des résultats contre-productifs, sous la pression d’intérêts financiers à court terme. C’est la porte ouverte à tous les excès.
D’autres exemples récents allant dans la même « logique » illustrent ce penchant actuel pour affaiblir les mesures de protection existantes, précisément à l’heure où l’alarme retentit.
La coupe d’un arbre, a fortiori de plusieurs, est irréversible. C’est pourquoi, au lieu de fragiliser leur protection, il est de notre devoir et de notre responsabilité de prévenir toute aggravation de la menace qui pèse sur l’arbre en général.
Madame, Monsieur,
L’association « Le Fresne-Camilly Environnement » est une association loi de 1901, dont l’objet est la protection de la nature, de l’environnement et du cadre de vie.
Elle a pour finalité notamment de veiller à la prise en compte de l’environnement, de la biodiversité, du cadre et de la qualité de vie dans tout projet d’urbanisme et d’aménagements et dans tout document d’urbanisme et de veiller à son application.
Le projet de décret propose les modalités concernant les procédures de déclaration et d’autorisation préalables dans le cadre du régime de protection des allées et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique et portant création d’une contravention réprimant la violation de ce régime.
Après étude du dossier d’enquête publique, notre avis sur le projet de décret est défavorable car il ne prend pas en compte l’essence même de la loi et le principe général de conservation. N’oublions pas que la demande d’autorisation doit être délivrée à titre exceptionnel et seulement si les mesures d’évitement et de réduction ne peuvent être entreprises. Le pétitionnaire doit démontrer par des faits vérifiables et des études approfondies qui ne peut maintenir en état les allées et alignements d’arbres.
Le projet de décret ainsi proposé facilite la destruction des allées et alignements d’arbres par les pétitionnaires et est contraire aux fondements mêmes de l’article L.350-3 du code de l’environnement.
Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.
David LECOURTOIS
Coprésident
1. L’ARTICLE L.350-3 DU CODE DE L’ENVIRONNEMENT
Il est important de rappeler ici les dispositions de l’article L.350-3 du code de l’environnement. Celui-ci stipule : « Les allées d’arbres et alignements d’arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d’aménité, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l’objet d’une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi à leur conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques.
Le fait d’abattre, de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres est interdit, sauf lorsqu’il est démontré que l’état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d’autres mesures.
Des dérogations peuvent être accordées par l’autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction. Le fait d’abattre ou de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres donne lieu, y compris en cas d’autorisation ou de dérogation, à des mesures compensatoires locales, comprenant un volet en nature (plantations) et un volet financier destiné à assurer l’entretien ultérieur. »
1.1. Un principe général de conservation avant tout
Le principe de l’article L.350-3 est avant tout un principe général de conservation des alignements et allées d’arbres. Ce principe vise le motif paysager et ne se limite donc pas à la durée de vie des arbres qui le composent. Il induit donc un principe de replantation qui vise à préserver l’esprit de la composition.
L’article L.350-3 s’inscrit dans la démarche éviter-réduire-compenser (ERC). La démarche - ou séquence - ERC est une doctrine phare du droit de l’environnement français, émanation directe du principe de correction par priorité à la source proclamé à l’article L.110-1 du code de l’environnement. La séquence ERC implique d’éviter les atteintes à la biodiversité ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites.
Les différents dossiers sur lesquels nous avons travaillé sont révélateurs des limites rencontrées dans la mise en œuvre de la séquence ERC tant à l’échelle locale qu’à l’échelle nationale, à savoir l’accent mis de manière systématique sur les mesures compensatoires par les porteurs de projet au détriment de l’évitement et de la réduction des impacts. La séquence ERC est bien trop souvent prise à l’envers ; plans et projets sont élaborés sans prise en compte des préoccupations environnementales suffisamment en amont.
Le mécanisme de compensation est désormais largement utilisé par certaines collectivités ou entreprises pour arriver à leurs fins. Nous regrettons ce recours de plus en plus systématique aux mécanismes d’exception ou de dérogation, contribuant à leur banalisation et portant gravement atteinte aux principes généraux du droit de l’environnement. Le risque est que l’exception devienne la règle ; les lois sont ainsi vidées de leur substance.
Dans la majorité des cas, les compensations proposées par les pétitionnaires sont bien insignifiantes comparées à la richesse de l’existant. C’est pourquoi il est crucial de veiller à la mise en œuvre effective des deux premières étapes de la séquence ERC, à savoir l’évitement et la réduction des impacts.
Nous demandons donc qu’il soit inscrit dans toute demande d’autorisation un préambule rappelant le principe général de conservation de l’existant de l’article L.350-3, les modalités de la démarche ERC et le principe d’exception.
1.2. Une démonstration par les faits
Le droit d’abattre un ou plusieurs arbres constitutifs d’une allée ou d’un alignement ne se présume pas. Il doit se démontrer dans le cadre d’une des trois exceptions prévues par l’article L.350-3 du code de l’environnement.
L’article L.350-3 du code de l’environnement pose le principe général d’interdiction de porter atteinte aux arbres d’une allée ou à un alignement d’arbres, sauf lorsqu’il est démontré que l’état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou la santé des autres arbres.
La dangerosité des arbres ou leur état sanitaire sont souvent soulevés comme des arguments passe-partout par certaines collectivités sans que ceux-ci n’aient été démontrés.
Les motivations énoncées par exemple par le maire de Noron-la-Poterie (14490) pour justifier l’abattage de 29 arbres d’alignement en novembre 2020 sont d’abord la sécurité et la visibilité ; or seuls 2 arbres sur les 29 qui ont été abattus se trouvaient à proximité de panneaux de signalisation (interdiction de dépasser et succession de virages). Ces deux arbres auraient pu être simplement élagués, voire les panneaux légèrement déplacés. D’après nos informations, même si la route départementale D572 constitue un axe de grande circulation (5000 véhicules par jour), il n’est fait état d’aucun accident en lien ou non avec ces arbres. La vitesse est limitée par ailleurs à 50 km/h en zone agglomérée et la signalisation au sol complète le panneau d’interdiction de doubler. Le recours à l’abattage par le maire est un moyen manifestement disproportionné pour atteindre l’objectif recherché.
Rappelons que les arbres, comme tous les organismes vivants peuvent effectivement souffrir de maladies, de faiblesses mécaniques et de vieillissement. Ces facteurs peuvent porter atteinte à la conservation de l’alignement et générer un risque pour les biens et les personnes. Mais une fois encore, les faits et la démonstration correspondante doivent clairement être explicités.
Sur le volet de la compensation, il doit être démontré que celle-ci répond équitablement à la valeur patrimoniale, environnementale et aux bénéfices rendus à la biodiversité des alignements et des arbres concernés. Il sera également important de préciser sous quel délai la compensation sera effective. Il est évident que des arbres nouvellement plantés ne rendront pas les mêmes bénéfices environnementaux que des arbres âgés de plusieurs années.
Nous demandons que toute demande d’autorisation démontre avec l’appui de faits et de chiffres vérifiables que l’évitement ou la réduction ne peuvent être mis en application. Dans le cas de la compensation, que celle-ci répond en tout point à la valeur initiale des arbres.
Pour chaque cas de figure (état sanitaire, dangerosité, etc.) ; nous demandons à ce que soit renseigné une liste des documents non exhaustive (étude phytosanitaire des arbres, étude des risques pour les biens et les personnes, étude de sol, étude de l’écoulement des eaux pluviales, inventaire de la faune et de la flore, inventaires des espèces protégées, etc.) que le pétitionnaire doit ajouter à sa demande afin de justifier sa demande.
Nous demandons également que toute demande d’autorisation qui ne présenteraient pas ou présenteraient d’une manière succincte les mesures d’évitement ou de réduction soient purement et simplement rejetées.
2. L’AUTORITE COMPETENTE ET DELAI D’INSTRUCTION
Il est indiqué que la préfecture instruira les demandes d’autorisation, mais il n’est nullement précisé le service concerné.
Nous demandons que l’instruction des dossiers soit réalisée d’une manière collégiale par une équipe interdisciplinaire comprenant la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS), le service « Biodiversité et eau », des experts dans les domaines concernés et des agents de l’Office Français de la Biodiversité (OFB).
L’objectif étant que toutes les parties soient représentées et que les vérifications et les demandes complémentaires puissent être demandées si les dossiers sont insuffisamment renseignés.
Concernant le délai d’instruction, nous ne comprenons pas pourquoi il se limite à un mois au vu des pratiques habituels édictées par le code de l’urbanisme ou le code de l’environnement. Le délai d’un mois est un délai incompatible et incohérent au regard d’une prise de décision éclairée et des ressources matérielles et humaines des services de l’Etat. Rappelons ici que toute demande doit être justifiée et complétée par un certain nombre de documents que le service instructeur doit prendre connaissance. Rappelons également que le préjudice et les dommages causés à l’environnement par une décision prise à la va-vite sont irrémédiables et sources d’éventuels recours par les parties.
Nous demandons que le délai d’instruction soit de deux mois au minimum et prolonger si nécessaire en cas de nouveaux documents transmis par le pétitionnaire. Nous demandons également que le principe de non réponse de l’administration dans le délai imparti vaut pour refus de la demande et non pour acceptation.
3. INFORMATION AU PUBLIC
Comme le stipule la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, tout citoyen doit être informé des déclarations et des demandes d’autorisation émises et pouvoir les contester si nécessaire sous un délai de 2 mois.
Nous demandons donc, comme toute décision d’urbanisme, que toute demande d’autorisation et que toute décision du service instructeur soit rendue publique par tout moyen à sa disposition (affichage, site web, etc.). Nous demandons également que le pétitionnaire affiche la décision si celle-ci lui a été octroyée sur le site des travaux.
4. LES SANCTIONS
Nous demandons que l’Office Français de la Biodiversité (OFB), dans le cadre de ses missions de préservation et de protection de la biodiversité, soit mandaté pour constater les faits et établir les procès-verbaux d’infraction.
L’article L.350-3, sensé « protéger », voit sa logique renversée par ce décret proposé, alors qu’il est supposé le soutenir. Il est donc non-conforme à son objectif.
Avis défavorable pour ce décret, qui est une provocation et une insulte à l’intelligence des citoyens, et met en péril les alignements et allées d’arbres, alors qu’il est sensé assurer et renforcer leur protection.
Autoriser les atteintes portées aux arbres devrait être l’exception. Mais lorsque la non-réponse après un seul mois devient une autorisation tacite, ces accords deviendraient la norme. Les atteintes aux arbres deviendraient la norme. Cela devrait être inversé.
La non-réponse aux demandes d’autorisations après un mois devrait valoir refus.
En ce qui concerne les motifs de “danger pour la sécurité des personnes ou des biens, ou risque sanitaire pour les autres arbres, ou disparition de l’esthétique de la composition”, dans l’état proposé, les dispositions et critères du décret seront la porte ouverte à tous les abus.
La norme devient l’exception à tous les niveaux, alors que la norme devrait être la protection, et la dissuasion contre les atteintes. Ce n’est plus le cas.
La compensation n’est pas prise au sérieux. Les mesures et critères les concernant sont pratiquement absentes. La dimension professionnelle compétente et scientifique (exemple : spécialistes des arbres ) est absente.
La valeur des arbres, dans toutes leurs dimensions, est totalement ignorée. L’aspect patrimonial, paysager, biodiversité, etc. également.
Les sanctions ne ont pas à la hauteur des enjeux. Pire qu’insuffisants pour dissuader, elles risquent d’encourager les atteintes.
Les sanctions forfaitisées, telles que proposées, contribuent surtout à la banalisation des violations et atteintes.
Le barême de l’arbre devrait être inclus pour les mesures de compensation, ainsi que pour les mesures de sanctions. La séquence ERC n’est pas pris en compte, et devrait être incorporée.
Les arbres d’alignement et d’allées, ces “forêts linéaires”, en plus de leur importance patrimoniale et paysagère, constituent des corridors écologiques, et leur conservation affecte aussi la vie qu’ils abritent. De ce fait, je suis totalement en accord avec l’avis en entier de la LPO.
Les alignements d’arbres le long des voies de communication font partie du patrimoine paysager français depuis cinq siècles. En plus de contribuer à la beauté de nos territoires, ils abritent une biodiversité mise à mal par la pollution et le réchauffement climatique. En ville, ils contribuent à lutter contre le phénomène d’îlot de chaleur, en plus de filtrer la pollution de l’air, de drainer l’eau des pluies, etc. Les raisons de les protéger sont nombreuses.
C’est pour cette raison qu’en 2016, la loi biodiversité avait introduit l’article L.350-3, qui stipulait que « Les allées d’arbres et alignements d’arbres qui bordent les voies de communication (…) font l’objet d’une protection spécifique. ».
Or l’article 62 de la loi 3Ds dite de simplification de février 2022 vient affaiblir cette loi en supprimant la protection des allées privées et en augmentant les possibilités de dérogations, sans obliger le demandeur à proposer des solutions pour éviter l’abattage. Ces simplifications facilitent les projets de constructions de nouvelles routes et l’extension des exploitations agricoles lors des remembrements.
Aujourd’hui le ministère de la Transition écologique propose un décret d’application flou qui continue à vider la loi de 2016 de son sens premier : la protections des alignements d’arbres.
Ce décret devrait préciser :
la définition de ce qu’est un alignement d’arbres, qu’il soit complet ou incomplet,
le cadre des demandes dérogations possibles,
les éléments attendus pour établir la dangerosité d’un arbre ainsi que la liste des professionnels capables de rendre une telle étude (e.g. experts arboricoles),
le barème des compensations qui doit être réaliste au vu des services rendus par un arbre adulte et un délai pour mettre en place lesdites compensations,
la précision de la notion de « perte d’esthétique »d’un alignement, qui peut d’après la loi, suffire à autoriser l’abattage d’arbres sains.
De plus, le délai d’instruction devrait être augmenté de 1 à 3 mois, afin d’éviter le sentiment de passage en force ; tout comme l’obligation d’informer la population de l’abattage.
Enfin la préfecture devrait pouvoir demander des pièces complémentaires, pour s’assurer qu’il est bien impossible d’éviter l’abattage.
Madame, Monsieur,
L’association « Le Fresne-Camilly Environnement » (14480) est une association loi de 1901, dont l’objet est la protection de la nature, de l’environnement et du cadre de vie.
Elle a pour finalité notamment de veiller à la prise en compte de l’environnement, de la biodiversité, du cadre et de la qualité de vie dans tout projet d’urbanisme et d’aménagements et dans tout document d’urbanisme et de veiller à son application.
Le projet de décret propose les modalités concernant les procédures de déclaration et d’autorisation préalables dans le cadre du régime de protection des allées et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique et portant création d’une contravention réprimant la violation de ce régime.
Après étude du dossier d’enquête publique, notre avis sur le projet de décret est défavorable car il ne prend pas en compte l’essence même de la loi et le principe général de conservation. N’oublions pas que la demande d’autorisation doit être délivrée à titre exceptionnel et seulement si les mesures d’évitement et de réduction ne peuvent être entreprises. Le pétitionnaire doit démontrer par des faits vérifiables et des études approfondies qui ne peut maintenir en état les allées et alignements d’arbres.
Le projet de décret ainsi proposé facilite la destruction des allées et alignements d’arbres par les pétitionnaires et est contraire aux fondements mêmes de l’article L.350-3 du code de l’environnement.
Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations distinguées.
David LECOURTOIS
Coprésident
1. L’ARTICLE L.350-3 DU CODE DE L’ENVIRONNEMENT
Il est important de rappeler ici les dispositions de l’article L.350-3 du code de l’environnement. Celui-ci stipule : « Les allées d’arbres et alignements d’arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d’aménité, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l’objet d’une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi à leur conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques.
Le fait d’abattre, de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres est interdit, sauf lorsqu’il est démontré que l’état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d’autres mesures.
Des dérogations peuvent être accordées par l’autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction. Le fait d’abattre ou de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres donne lieu, y compris en cas d’autorisation ou de dérogation, à des mesures compensatoires locales, comprenant un volet en nature (plantations) et un volet financier destiné à assurer l’entretien ultérieur. »
1.1. Un principe général de conservation avant tout
Le principe de l’article L.350-3 est avant tout un principe général de conservation des alignements et allées d’arbres. Ce principe vise le motif paysager et ne se limite donc pas à la durée de vie des arbres qui le composent. Il induit donc un principe de replantation qui vise à préserver l’esprit de la composition.
L’article L.350-3 s’inscrit dans la démarche éviter-réduire-compenser (ERC). La démarche - ou séquence - ERC est une doctrine phare du droit de l’environnement français, émanation directe du principe de correction par priorité à la source proclamé à l’article L.110-1 du code de l’environnement. La séquence ERC implique d’éviter les atteintes à la biodiversité ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites.
Les différents dossiers sur lesquels nous avons travaillé sont révélateurs des limites rencontrées dans la mise en œuvre de la séquence ERC tant à l’échelle locale qu’à l’échelle nationale, à savoir l’accent mis de manière systématique sur les mesures compensatoires par les porteurs de projet au détriment de l’évitement et de la réduction des impacts. La séquence ERC est bien trop souvent prise à l’envers ; plans et projets sont élaborés sans prise en compte des préoccupations environnementales suffisamment en amont.
Le mécanisme de compensation est désormais largement utilisé par certaines collectivités ou entreprises pour arriver à leurs fins. Nous regrettons ce recours de plus en plus systématique aux mécanismes d’exception ou de dérogation, contribuant à leur banalisation et portant gravement atteinte aux principes généraux du droit de l’environnement. Le risque est que l’exception devienne la règle ; les lois sont ainsi vidées de leur substance.
Dans la majorité des cas, les compensations proposées par les pétitionnaires sont bien insignifiantes comparées à la richesse de l’existant. C’est pourquoi il est crucial de veiller à la mise en œuvre effective des deux premières étapes de la séquence ERC, à savoir l’évitement et la réduction des impacts.
Nous demandons donc qu’il soit inscrit dans toute demande d’autorisation un préambule rappelant le principe général de conservation de l’existant de l’article L.350-3, les modalités de la démarche ERC et le principe d’exception.
1.2. Une démonstration par les faits
Le droit d’abattre un ou plusieurs arbres constitutifs d’une allée ou d’un alignement ne se présume pas. Il doit se démontrer dans le cadre d’une des trois exceptions prévues par l’article L.350-3 du code de l’environnement.
L’article L.350-3 du code de l’environnement pose le principe général d’interdiction de porter atteinte aux arbres d’une allée ou à un alignement d’arbres, sauf lorsqu’il est démontré que l’état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou la santé des autres arbres.
La dangerosité des arbres ou leur état sanitaire sont souvent soulevés comme des arguments passe-partout par certaines collectivités sans que ceux-ci n’aient été démontrés.
Les motivations énoncées par exemple par le maire de Noron-la-Poterie (14490) pour justifier l’abattage de 29 arbres d’alignement en novembre 2020 sont d’abord la sécurité et la visibilité ; or seuls 2 arbres sur les 29 qui ont été abattus se trouvaient à proximité de panneaux de signalisation (interdiction de dépasser et succession de virages). Ces deux arbres auraient pu être simplement élagués, voire les panneaux légèrement déplacés. D’après nos informations, même si la route départementale D572 constitue un axe de grande circulation (5000 véhicules par jour), il n’est fait état d’aucun accident en lien ou non avec ces arbres. La vitesse est limitée par ailleurs à 50 km/h en zone agglomérée et la signalisation au sol complète le panneau d’interdiction de doubler. Le recours à l’abattage par le maire est un moyen manifestement disproportionné pour atteindre l’objectif recherché.
Rappelons que les arbres, comme tous les organismes vivants peuvent effectivement souffrir de maladies, de faiblesses mécaniques et de vieillissement. Ces facteurs peuvent porter atteinte à la conservation de l’alignement et générer un risque pour les biens et les personnes. Mais une fois encore, les faits et la démonstration correspondante doivent clairement être explicités.
Sur le volet de la compensation, il doit être démontré que celle-ci répond équitablement à la valeur patrimoniale, environnementale et aux bénéfices rendus à la biodiversité des alignements et des arbres concernés. Il sera également important de préciser sous quel délai la compensation sera effective. Il est évident que des arbres nouvellement plantés ne rendront pas les mêmes bénéfices environnementaux que des arbres âgés de plusieurs années.
Nous demandons que toute demande d’autorisation démontre avec l’appui de faits et de chiffres vérifiables que l’évitement ou la réduction ne peuvent être mis en application. Dans le cas de la compensation, que celle-ci répond en tout point à la valeur initiale des arbres.
Pour chaque cas de figure (état sanitaire, dangerosité, etc.) ; nous demandons à ce que soit renseigné une liste des documents non exhaustive (étude phytosanitaire des arbres, étude des risques pour les biens et les personnes, étude de sol, étude de l’écoulement des eaux pluviales, inventaire de la faune et de la flore, inventaires des espèces protégées, etc.) que le pétitionnaire doit ajouter à sa demande afin de justifier sa demande.
Nous demandons également que toute demande d’autorisation qui ne présenteraient pas ou présenteraient d’une manière succincte les mesures d’évitement ou de réduction soient purement et simplement rejetées.
2. L’AUTORITE COMPETENTE ET DELAI D’INSTRUCTION
Il est indiqué que la préfecture instruira les demandes d’autorisation, mais il n’est nullement précisé le service concerné.
Nous demandons que l’instruction des dossiers soit réalisée d’une manière collégiale par une équipe interdisciplinaire comprenant la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS), le service « Biodiversité et eau », des experts dans les domaines concernés et des agents de l’Office Français de la Biodiversité (OFB).
L’objectif étant que toutes les parties soient représentées et que les vérifications et les demandes complémentaires puissent être demandées si les dossiers sont insuffisamment renseignés.
Concernant le délai d’instruction, nous ne comprenons pas pourquoi il se limite à un mois au vu des pratiques habituels édictées par le code de l’urbanisme ou le code de l’environnement. Le délai d’un mois est un délai incompatible et incohérent au regard d’une prise de décision éclairée et des ressources matérielles et humaines des services de l’Etat. Rappelons ici que toute demande doit être justifiée et complétée par un certain nombre de documents que le service instructeur doit prendre connaissance. Rappelons également que le préjudice et les dommages causés à l’environnement par une décision prise à la va-vite sont irrémédiables et sources d’éventuels recours par les parties.
Nous demandons que le délai d’instruction soit de deux mois au minimum et prolonger si nécessaire en cas de nouveaux documents transmis par le pétitionnaire. Nous demandons également que le principe de non réponse de l’administration dans le délai imparti vaut pour refus de la demande et non pour acceptation.
3. INFORMATION AU PUBLIC
Comme le stipule la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, tout citoyen doit être informé des déclarations et des demandes d’autorisation émises et pouvoir les contester si nécessaire sous un délai de 2 mois.
Nous demandons donc, comme toute décision d’urbanisme, que toute demande d’autorisation et que toute décision du service instructeur soit rendue publique par tout moyen à sa disposition (affichage, site web, etc.). Nous demandons également que le pétitionnaire affiche la décision si celle-ci lui a été octroyée sur le site des travaux.
4. LES SANCTIONS
Nous demandons que l’Office Français de la Biodiversité (OFB), dans le cadre de ses missions de préservation et de protection de la biodiversité, soit mandaté pour constater les faits et établir les procès-verbaux d’infraction.
Les arbres, allées et alignements d’arbres (et arbustes) sont des ensembles arborés complexes, car il s’agit là d’organismes vivants, donc fragiles, et à l’origine d’écotones divers.
Ce projet présente des dispositions qu’il est nécessaire de revoir pour renforcer la volonté d’une réelle protection de ces monuments vivants :
— il y a lieu d’allonger à 2, voire 3 mois, le délai d’instruction des dossiers de demande. Les raisons en sont dans le manque de moyens humains pour les instruire sérieusement, mais également de compétences techniques et culturelles. A tout le moins, une équipe pluri-disciplinaire est requise pour aboutir à un véritable diagnostic (dont expert arboriculteur, forestier, membres de la CDNPS, …)
— instituer des dossiers plus robustes : demande de pièces complémentaires si nécessaire, appréciation documentée de la valeur écologique, historique, sociale, etc….des arbres/allées, sans oublier la garantie de protection (y compris physique) des arbres qui subsisteront, durant le chantier.
Séquence ERC :
— des mesures d’évitement systématiques doivent être étudiées et exposées, la formulation actuelle "le cas échéant" étant trop floue et laissant la porte ouverte aux excès de destruction.
— la dangerosité doit être appréciée par un état des risques concrets.
— les mesures de mise en sécurité doivent être proportionnées au risque défini ; par exemple, on n’abat pas un arbre si l’ablation "propre" d’une branche morte suffit.
— une compensation doit être réalisée pour renouveler/perpétuer l’alignement d’arbres, objet de la loi, donc à faire in situ, et par plantation d’autres arbres ; ceci le plus tôt possible, c’est à dire, dans l’idéal, durant la saison propice (novembre, décembre…) suivant immédiatement la fin du chantier.
— des garanties financières et techniques doivent être requises. En effet, plusieurs années sont nécessaires à un arbre pour réagir à la "crise de transplantation" et commencer une croissance harmonieuse (au moins 10 ans). Pour être "sorti d’affaire", il faudra donc prévoir des soins pour assurer son développement, tels que des tailles de formation, des arrosages en période de sécheresse, etc….
Aspects juridiques :
— les PV de constat et les contraventions doivent être effectués le plus tôt possible, et par des agents assermentés (personnels de gestion des routes et agglomérations).
— le constat doit être établi arbre par arbre (comme pratiqué en forêt publique par ex.) et non de façon globale (pour aller plus vite….).
— les formulaires de demande doivent clairement exposer les obligations nouvelles imposées aux porteurs de projet.
Participation citoyenne
Enfin, tout citoyen doit avoir accès aux projets de travaux et/ou d’aménagement quand ils concernent aussi le respect et la protection des alignements arborés. Cette information, matérielle ou autre, doit être accessible très tôt sur le futur site (affiches…..), en mairie, sur "la toile", dans le bulletin communal, etc…..
Jean-Marie Collette, administrateur de Nature Haute-Marne, association de protection de la Nature agréée.
- Le délai d’instruction d’un dossier dans tous les cas, doit être au minimum de 3 mois.
- L’instruction d’un dossier doit faire intervenir une équipe interdisciplinaire, avec un expert en arboriculture ornementale, et des experts de l’environnement et des paysages.
- Les dossiers doivent contenir plus d’éléments sur la valeur patrimoniale et environnementale de l’alignement et des arbres, de leurs abords.
- Le principe « ERC » - Eviter, Réduire, Compenser - doit être obligatoire et incontournable (des mesures d’évitement doivent être systématiquement étudiées, recherchées et présentées, des études de risques doivent être faites, des garanties techniques et financières doivent assurer la réussite de la compensation dans des délais et durées convenables.
- que l’autorisation soit donné sur la base d’un avis favorable donné par l’Autorité Environnementale,
- et que le 7) « L’exposé des mesures d’évitement envisagées, le cas échéant » soit modifié « en une obligation d’exposé de mesures d’évitement envisagées et des motivations circonstanciées de rejet de ces mesures d’évitement »
- rajouter un 12) qu’un affichage de déclarations et des demandes d’autorisation sur site, en mairie, et en ligne
- rajouter un 13) qu’une concertation préalable soit obligatoire pour échanger avec les citoyens habitants le long des allées et présenter les différentes options et mesures de compensations si l’évitement n’est pas possible. En effet les citoyens doivent avoir un droit de regard et être informés (c’est une obligation de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement) des déclarations et des demandes d’autorisation. Ainsi au Plessis-Robinson, dernièrement une allée d’arbres a été abattue sans concertation préalable, pour le seul motif de respect de la norme NF P98 332 pour des travaux de voierie pour le changement des conduites d’eau entreprises par le SEDIF, rue du bois des Vallées et du fait que les arbres de hautes tige (en bonne santé) avaient été plantés directement au droit des conduites d’eau. Pourtant en tant qu’élue du conseil municipal, je me suis fait confirmée par des opérateurs du SEDIF qu’une autre solution était envisageable : déplacer les conduites d’eau. Pour des raisons de coût, le choix « cornélien » évoqué par la mairie page 13 dans le journal de la ville du Petit Robinson de septembre 2022(https://www.plessis-robinson.com/nos-publications/actualites.html) n’a donc pas respecté le principe du code de l’environnement de l’évitement, ni même la concertation avec les habitants du secteur avant toute coupe d’arbres qui est outre un dommage à l’environnement, a un impact direct sur leur qualité de vie (perte de l’effet d’îlot de chaleur garanti par des arbres matures et qualité du paysage).
Nous voulons des arbres, nous voulons de l’ombre, nous voulons de la beauté…
Là où des spécialistes se sont engagés avec toutes leurs compétences pour proposer un texte de loi visant à protéger les arbres, l’administration répond par une dérobade, oui mais, avec tout un tas de mesures restrictives qui compliquent à l’envi toute démarche portée par ceux qui aiment et qui défendent les arbres. Et encore il ne s’agit que d’une portion limitée des arbres, nos alliés indispensables pour nous aider à supporter les canicules à venir. Quid de tous les arbres qui ne sont pas alignés en "allées", qui embellissent nos villes, nos bourgs et nos villages et nous apportent la fraîcheur tellement salutaire.
En bref, je m’oppose à tous les termes de ce décret qui restreignent la protection des allées d’arbres.