Projet d’arrêté portant cahier des charges des éco-organismes, des systèmes individuels et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie des producteurs d’emballages servant à commercialiser des produits consommés ou utilisés par des professionnels
Consultation du 02/09/2025 au 23/09/2025 - 106 contributions
La présente consultation concerne le projet d’arrêté portant cahier des charges des éco-organismes, des systèmes individuels et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) des emballages d’emballages servant à commercialiser des produits consommés ou utilisés par des professionnels .
Cet arrêté s’inscrit dans le cadre de la mise en place de la filière REP des emballages consommés ou utilisés par les professionnels, prévue par le 2° de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement. Il fait suite au projet de décret relatif aux déchets d’emballages et instituant la filière à responsabilité élargie des producteurs d’emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les professionnels pour lequel une consultation publique a été menée en novembre 2024.
Ce projet d’arrêté comprend quatre articles et six annexes précisant les dispositions des cahiers des charges des éco-organismes, des systèmes individuels et organismes coordonnateurs de cette filière et modifiant le cahier des charges des filières REP des emballages ménagers et produits chimiques.
Le projet d’arrêté, objet de la présente consultation, fixe les cahiers des charges des éco-organismes, des producteurs en système individuel et de l’organisme coordonnateur pour préciser les objectifs et les modalités de mise en œuvre des obligations de responsabilité élargie des producteurs, en application de l’article L. 541-10 du code de l’environnement.
L’instauration de la filière REP des emballages consommés ou utilisés par les professionnels permettra d’améliorer la collecte et le recyclage des déchets issus des emballages consommés ou utilisés par les professionnels et de reporter la prise en charge des coûts sur les producteurs des produits emballés (selon le principe général de la REP) et non plus sur les professionnels. Ainsi, avec l’instauration de la filière REP, les détenteurs de déchets d’emballages professionnels pourront, sous réserve du respect de certaines conditions de tri, bénéficier de la couverture, totale ou partielle, des coûts de leurs déchets d’emballages.
L’instauration de la filière REP vise également à déployer des moyens nécessaires pour favoriser le réemploi des emballages professionnels.
Est joint également à la consultation le projet d’arrêté dit « périmètre » relatif aux emballages de produits susceptibles d’être consommés ou utilisés par des ménages et des professionnels et relevant des 4° et 5° du III de l’article R. 543-43 du code de l’environnement . Cet arrêté détermine, selon notamment des critères de volume ou masse des produits emballés, si les emballages sont « assimilés » à des emballages ménagers ou spécifiques aux activités de restauration.
Commentaires
- Prime à l’emballage réemployable neuf, dont la définition du pourcentage est laissée aux éco-organismes : En premier lieu, laisser la mission aux éco-organismes de fixer le taux de la prime risque d’entraîner des pratiques de dumping en raison de la concurrence que vont se livrer les éco-organismes et de désoptimiser le système. Nous savons en effet qu’il y aura plusieurs candidats à l’agrément dans le cadre de cette nouvelle filière REP. Or, si la concurrence entre les éco-organismes peut avoir un impact positif lorsqu’elle est bien encadrée, aujourd’hui en France cette concurrence au sein des filières REP a tendance à favoriser les pratiques de dumping, en raison notamment de l’absence de régulation de la part de l’État (voir rapport Assemblée Nationale Loi AGEC -Députés Riotton et Delautrette 2024, Rapport mission dʼinspection de la gouvernance des filières REP 2024, Rapport Sénat Loi Agec - Fernique et de Cidrac 2025). Pour éviter ces pratiques de dumping, il nous paraît essentiel de ne pas laisser aux éco-organismes la mission de fixer le taux de la prime à l’emballage réemployable ou de prévoir un seuil plancher en dessous duquel la prime ne peut descendre. En effet, si lʼun d’entre eux décide de fixer la prime à un niveau très faible voire nul, les autres seront contraints de s’aligner. Ensuite, le cahier des charges de la REP emballages ménagers prévoit que un prime de 50 % pour tout emballage réemployable et de 100 % pour tout emballage réemployable respectant une gamme standard. Dans le cas de la REP Emballages Professionnels, si la prime n’est pas de 100%, cela pose plusieurs problèmes. Par exemple, dans le cas d’un emballage à usage unique qui ne serait pas en plastique et qui serait remplacé par un emballage réemployable en plastique, la différence des soutiens entre les matériaux plastiques et non plastiques est très importante. Or, c’est un cas qui est fréquent : l’utilisation des emballages en plastique pour le réemploi en logistique est très répandue. Ce choix de matériau s’explique par le très bon rapport légèreté-robustesse du plastique, qui répond aux besoins de protection des marchandises lors du transport. L’emballage réemployé en plastique pourrait donc contribuer plus qu’un emballage à usage unique, ce qui pénaliserait le passage au réemploi, et irait donc à l’encontre de la hiérarchie des modes de traitement de déchets. Dans le cahier des charges de la REP emballages ménagers, il est établi une prime de 100% aux emballages réemployables standards, et de 50% pour les non standards. Étant donné qu’il n’est pas prévu au démarrage de la REP Emballages Professionnels le développement de standards par les éco-organismes, nous soutenons pour le lancement de cette REP une prime de 100% à l’emballage réemployable neuf, afin que les emballages réemployés soient dans toutes les circonstances moins contributeurs que les emballages à usage unique. Cette prime pourra être revue en fonction du niveau d’atteinte des objectifs de réemploi lors du premier bilan. D’autre part, la fin de vie de ces emballages réemployables est en général gérée par les gestionnaires et poolers et ne passe donc pas par des opérateurs de gestion des déchets. Les emballages sont renvoyés directement aux fabricants via des transporteurs, qui peuvent directement les traiter dans leurs usines. Les coûts associés à la fin de vie de ces emballages réemployables ne sont donc pas les mêmes (plus faibles) que ceux calculés par lʼADEME pour les barèmes de soutien des emballages en plastique collectés.
- Pénalités sur l’usage unique dans le cas de l’existence d’un emballage réemployable avec système de réemploi Le rapport du Sénat tout juste publié le 25 juin rappelle que : "Il convient, pour le régulateur, d’imposer dans le cahier des charges des pénalités lorsqu’elles sont pertinentes et d’empêcher l’éco‑organisme d’en atténuer la portée en interdisant le cumul de bonus et de pénalités par un même producteur". Dans le cahier des charges de la REP emballages ménagers, il y a dans l’article 2.2.2.2. : « L’éco-organisme propose également une pénalité portant au moins sur la mise sur le marché d’emballage à usage unique lorsqu’un emballage réemployable est disponible pour la même catégorie de produits. » Cette pénalité nous paraît essentielle à prévoir, pour récompenser ceux qui choisissent le réemployable versus l’usage unique. Cette proposition appuierait la priorité donnée au réemploi par rapport à l’usage unique.
- Le problème de l’absence de soutien à la collecte pour massification, au lavage et/ou à la réparation des systèmes de réemploi d’EP non encore matures ou inexistants Nous comprenons que les systèmes déjà fonctionnels et installés de réemploi d’emballages professionnels n’ont pas vocation à se faire financer par cette nouvelle REP, puisque les modèles économiques apparaissent viables (cas des palettes). Cependant, comme indiqué en première partie, plusieurs autres emballages professionnels encore majoritairement à usage unique pourraient facilement passer en système de réemploi, tant d’un point de vue technique et qu’opérationnel. Mais les solutions alternatives de réemploi qui sont en phase de démarrage ne sont pas encore assez compétitives pour que la bascule soit massive du côté entreprises. Elles ont donc impérativement besoin d’un soutien au fonctionnement dans le cadre de la REP. L’expérience des apporteurs de solutions de systèmes de réemploi d’emballages professionnels montre qu’il faut aujourd’hui une différence de coût opérationnel entre l’usage unique et le réemployé de plus de 20%, ainsi qu’une aide sur les coûts d’investissement aux changements pour que les entreprises commencent à envisager ce changement massif. A date, sur la substitution des cartons à usage unique par des caisses réemployables de transport, le modèle économique actuel, prenant en compte tous les coûts logistiques réels et massifiés, donne le carton à usage unique encore gagnant économiquement dans la majorité des cas. Ces emballages à fort potentiel de réemploi nécessitent donc un soutien pour se développer, dans la mesure où ils se trouvent sur un niveau de maturité encore faible (plus proche de la maturité du réemploi des emballages ménagers et de la restauration), par rapport à d’autres emballages professionnels. Nous pensons qu’il est donc crucial d’instaurer un soutien aux coûts de fonctionnement des opérations de collecte, de réparation et/ou de lavage pour les systèmes de réemploi d’emballages professionnels non encore matures, notamment au démarrage de la REP, pour soutenir l’essor de ces nouveaux systèmes de réemploi venant directement supprimer des emballages à usage unique. Le soutien pourrait être limité dans le temps afin de ne couvrir qu’une partie des coûts opérationnels sur le lancement de ces nouveaux systèmes, par exemple la première année de lancement. Voici quelques chiffres illustrant le potentiel de substitution de certains emballages à usage unique par des caisses réemployables • Cartons à usage unique : Déjà développé dans la première partie sur l’exemption des cartons, les cartons sont utilisés massivement pour le transport de marchandises alimentaires et non alimentaires. Il n’y a pas à date d’impossibilité technique ou opérationnelle à remplacer les cartons à usage unique qui sont mis sur le marché en France et qui finissent leur parcours en France, par des caisses réemployables. L’estimation des cartons qui pourraient être remplacés en France par des caisses réemployables est de l’ordre de 2 milliards, soit environ 1 million de tonnes de déchets carton évitables avec la solution de caisses réemployables. • Cagettes en bois à usage unique : De manière assez similaire aux cartons à usage unique, les cagettes en bois ne présentent pas de propriétés particulières empêchant le remplacement par des caisses réemployables. Il est estimé que 160 millions de cagettes en bois aujourd’hui générées et utilisées en France pourraient être substituées, soit environ 300 000 tonnes de déchets bois en moins. Par ailleurs, les caisses réemployables substituent déjà une partie des cagettes en bois pour les circuits de distribution des fruits et légumes, et représentent plusieurs centaines de millions de rotations annuelles. • Caisses en polystyrène expansé : Il y a environ 100 millions de caisses PSE générées chaque année en France et pour le marché national, qui servent au transport de produits de la mer. Ces emballages ont une forte capacité isotherme, permettant de garder les produits au frais, et évite la fonte de la glace. Des tests de fonte de glace et de température ont été effectués par l’entreprise Pandobac, et démontre que pour des trajets courts (moins de 24h), les caisses réemployables conservaient les produits à la même température que les caisses PSE à usage unique. Parmi les 100 millions de caisses, environ la moitié répond à cette logistique « courte ». Il y aurait donc un potentiel de 50 millions de caisses PSE qui pourraient être substituées par des caisses réemployables, sans détériorer la qualité des produits transportés. • Caisses plastiques rigides à usage unique : Il existe actuellement des caisses en plastique à usage unique utilisées pour le transport de fruits et légumes. Nous n’avons pas d’estimation de ce gisement, les données sont plus difficiles à récupérer. Mais elles sont assez répandues pour le transport de champignons, d’avocats, de produits délicats, de diverses salades. Ces caisses présentent presque les mêmes caractéristiques que la caisse réemployable, mais sont juste sensiblement plus légères et donc moins robustes. Par ailleurs, dans plusieurs pays d’Europe, les caisses réemployables sont déjà plus développées qu’en France : en Allemagne, aux Pays-Bas, et au Royaume- Uni, les caisses réemployables représentent autour de 15% du transport alimentaire, alors qu’en France on est situé entre 5 et 10%.
- Soutien à la traçabilité pour tous les emballages professionnels réemployables : La traçabilité des emballages réemployables et réemployés n’a pas de sens à être comptabilisée en poids, comme les déchets. En effet, les emballages réemployables sont en général plus lourds que les emballages à usage unique, et le temps humain de traçabilité des emballages réemployables est directement corrélé au nombre de rotations. La traçabilité des emballages réemployables peut être séparée en 2 catégories : • Une traçabilité « à la masse » non-unitaire : les emballages ne sont pas tracés unitairement, et uniquement au nombre d’emballages récupérés et remis sur le marché. Cette traçabilité permet d’avoir des données moyennes sur les taux de retour des emballages et donc le nombre de réutilisations, mais ne permet pas d’avoir des données plus précises par type d’emballages ou par filière. • Une traçabilité unitaire : les emballages sont tous équipés d’un identifiant unique, qui permet de collecter des données précises de durées d’immobilisation, de nombre de rotations, de durées des cycles, des taux de retours. Cette traçabilité permet d’avoir des données analysables pour permettre l’amélioration des circuits de réemploi. En revanche, cette traçabilité nécessite des logiciels spécifiques de traçabilité et du temps d’analyse supplémentaire des données. Nous préconisons 2 niveaux de soutien à la traçabilité, correspondant à ces 2 types de traçabilité. Le premier niveau peut être assimilé au soutien à la traçabilité des déchets d’emballages collectés, car les actions et le temps humain sont similaires. Ramené à l’unité et non plus à la tonne, nous estimons que l’équivalent serait de 0,015 euros par rotation, en prenant une moyenne de poids d’un emballage professionnel. Sur le deuxième niveau d’une traçabilité unitaire et plus fine, le temps passé à la traçabilité est plus élevé. Les gestionnaires et poolers estiment le temps à 2 ou 3 fois plus élevé. Nous recommandons un soutien à la traçabilité de 0,04 euros par rotation lorsque le suivi est unitaire. En revanche, nous doutons de l’accessibilité des données de réemploi via les fabricants d’emballages, qui dans certains cas, seront pourtant les contributeurs de la REP. En effet, seuls les gestionnaires et poolers d’emballages réemployables et les metteurs en marché gérant leurs propres circuits de réemploi peuvent avoir la donnée du réemploi de leurs emballages. Les fabricants et importateurs ne pourront déclarer que les emballages réemployables neufs, mais pas le nombres de réemplois qui vont suivre. Comment collecter dans ce cas les données de traçabilité des emballages réemployés ? Nous distinguons plusieurs types de contributeurs pour l’emballage réemployable : • Les fabricants d’emballages dans le cas des emballages non marqués, faits en France • Les importateurs d’emballages, dans le cas des emballages non marqués, faits à l’étranger • Les gestionnaires et poolers pour les emballages marqués au nom des poolers ou qu’ils importent directement • Les metteurs en marché de produits qui achètent des emballages marqués à leur nom Nous préconisons donc que les gestionnaires, poolers et metteurs en marché qui collectent, lavent et remettent en circulation des emballages réemployés puissent déclarer les données des emballages qu’ils gèrent, même ceux pour lesquels ils ne sont pas contributeurs, et recevoir le soutien à la traçabilité sur tous ces emballages, afin d’avoir des données exhaustives et fiables, et soutenir leur implication dans une traçabilité fine du réemploi.
En 2023, le secteur de la distribution, par l’intermédiaire de la FCD et de Perifem, présentait sa feuille de route 3R de emballages Industriels et commerciaux. Il apparaissait dans cette feuille de route que les emballages cartons représentaient 54% des 7 millions de tonnes d’emballages professionnels mis sur le marché en France tous secteurs confondus. On voit donc à quel point les cartons pèsent dans les usages de la distribution.
Les exclure de cette REP revient donc à significativement diminuer la portée de la loi AGEC et la transformation des pratiques attendus, notamment la suppression du plastique à usage unique prévue par la PPWR et la loi AGEC. En effet, l’utilisation de cartons est fortement corrélée à celle de film plastique. Ne pas inciter à la réduction de l’usage du carton, c’est cautionner à la fois la pollution engendrée par la production du carton et sa fin de vie, mais aussi les externalités négatives comme l’usage de film pour stabiliser les palettes. A titre de comparaison, l’utilisation de caisses réemployables à la place du carton permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre des emballages par 4 et de diminuer, voire de supprimer l’utilisation du film plastique. On peut également citer le gaspillage alimentaire engendré par la casse produits lié à l’utilisation des cartons. En effet, ces derniers sont fragiles et peuvent d’affaisser sous le poids des marchandises. L’usage de caisses réutilisables permet de diminuer de 92% la casse produits et donc de diminuer drastiquement le gaspillage alimentaire dans la chaîne d’approvisionnement.
En bref, l’exclusion des boîtes cartons de ce projet de loi présente un vrai recul en matière d’exigences environnementales et de transformation de la chaîne d’approvisionnement.
Les entreprises n’ont pas attendu que l’Europe et la France se réveillent pour recycler les emballages
Actuellement le recyclage des emballages est un revenu pour la plupart des entreprises. Emballages revendus à la tonne aux sociétés de recyclage. Le décret suivi du texte de loi va transformer un revenu en coût et une nouvelle fois être au détriment de notre compétitivité. Au final cette contribution collectée au niveau des entreprises sera payée par le consommateur toujours en dernier sur la chaîne de la consommation puisque les couts seront répercutés sur les prix des produits.
Si nous souhaitons une économie dynamique, relancer la consommation il ne faut pas taxer par des contribution obligatoires mais inciter et aider financièrement les entreprises à recycler leurs emballage afin de faire de cette procédure un revenu et pas une charge.
Par expérience les contributions liées aux filières de recyclage sont en grande partie utilisées aux frais de fonctionnement des organismes collecteurs et peu aux actions mises en places pour la collecte et le recyclage en lui même.
je suis donc contre ce projet de loi tant sur le plan économique et compétitivité des entreprises qu’en tant que consommateur soucieux de son pouvoir d’achat
Le projet de cahier des charges de la REP Emballages Professionnels intègre une exemption pour le carton dans les objectifs de réemploi. C’est un recul majeur par rapport à la loi AGEC, qui fixait dès 2020 un cap clair : 10 % d’emballages réemployés d’ici 2027, tous matériaux et tous secteurs confondus.
Alors que la France a défendu cette ambition dans les négociations européennes sur le PPWR, l’exemption du carton viendrait affaiblir la cohérence nationale, fragiliser les investissements déjà réalisés et priver d’un levier clé de réduction des déchets à usage unique.
Des solutions existent déjà et les acteurs français du réemploi font preuves d’un leadership important à travers la volonté d’AGEC et agissent comme démonstrateurs européens de solutions mises à l’échelle : caisses plastiques et cartons réemployables sont déjà largement déployés dans plusieurs secteurs industriels. Des travaux de standardisation révisant ainsi les modèles logistiques classiques utilisant des emballages de transport à usage unique vers des modèles intégrant des emballages réemployables plus efficients en termes d’unités logistiques inter-opérables représente le futur de la logistique retour.
Les analyses de cycle de vie (ACV) démontrent qu’elles deviennent plus performantes que le carton jetable dès 40 rotations. Un nombre tout à fait faisable dans des boucles logistiques fermées en BtoB.
Anticiper le PPWR (applicable le 12 août 2026) pour justifier un recul immédiat n’est ni juridiquement nécessaire ni politiquement cohérent pour cette exemption. RELOOP considère au contraire que maintenir l’ambition de la loi AGEC pour le carton dans les objectifs de réemploi du prochain cahier des charges de la REP Emballages Professionnels permettra de garantir aux entreprises un cadre stable pour poursuivre leurs efforts des 5 dernières années vers le réemploi.
Un enjeu politique : préserver la cohérence de la loi AGEC et le cap engagé lors des négociations européennes
Depuis l’adoption de la loi AGEC, la France s’est positionnée comme un pays pionnier sur le réemploi, en fixant un objectif ambitieux de 10 % d’emballages réemployés d’ici 2027, applicable à tous les emballages, tous les matériaux et à l’ensemble des secteurs d’activité. Cet engagement a structuré depuis 2020 de nombreux investissements industriels nationaux et territoriaux.
C’est au nom de ces avancées concrètes et démontrables, que la France a activement défendu, tout au long des négociations sur le projet de règlement européen PPWR, le maintien des ambitions nationales et à tout le moins une marge de flexibilité pour les Etats membres qui souhaitent aller plus loin que les objectifs européens. La position française a consisté à démontrer que des transformations industrielles étaient déjà en cours, que le réemploi était techniquement et économiquement accessible, et qu’il serait contre-productif de revenir en arrière au moment même où ces efforts commencent à porter leurs fruits.
Dans ce contexte, l’exemption des emballages en carton dans le projet de cahier des charges de la REP des emballages professionnels constitue de la part du Ministère de la Transition Ecologique un revirement de position incompréhensible, à plusieurs titres :
• Le carton à usage unique représente une part majoritaire des emballages professionnels de transport ;
• Des alternatives réemployables (en plastique et même en carton) à ces emballages en carton à usage unique existent et sont déjà déployées dans plusieurs secteurs en logistique B2B
• De nombreuses innovations alternatives au carton à usage unique se développent pour se conformer à la loi AGEC. Elles ont pour la plupart été exposées au salon Reuse Economy Expo qui s’est tenu à Paris au mois de mai, preuve que la dynamique est en marche à l’échelle française et européenne aussi ;
• Le réemploi pour le secteur des emballages en carton représente un levier à impact rapide pour atteindre des objectifs massifs de réduction des déchets à usage unique.
Dans un contexte politique marqué par l’incertitude et l’instabilité, il est d’autant plus essentiel de préserver les acquis législatifs et de consolider les transformations déjà engagées pour se conformer à ces acquis. Il serait très mal perçu par les entreprises ayant investi dans des solutions de réemploi – largement soutenues par les pouvoirs publics dont l’ADEME – que le Ministère de la Transition Ecologique revienne sur ses engagements, et cela sans aucun débat parlementaire. Il faut au contraire dans le cadre des travaux sur le projet de cahier des charges de la filière REP des emballages professionnels, envoyer un signal de stabilité et de continuité : le cap est maintenu, et les soutiens seront là pour permettre l’atteinte des objectifs fixés.
Le rapport du Sénat sur la mise en œuvre de la loi AGEC, publié le 25 juin 2025, est venu rappeler l’exigence d’un État régulateur, qui fixe des objectifs ambitieux, contrôlés et opposables, notamment en matière de réemploi, comme l’ont fait en 2024 le rapport de l’Assemblée Nationale sur la loi AGEC, ainsi que le rapport sur la mission d’inspection des filières REP. À l’heure des choix, nous appelons votre Ministère à ne pas affaiblir cette ambition, mais à l’incarner pleinement dans le cahier des charges de la REP Emballages Professionnels.
Un cadre juridique clair : l’exemption n’est ni justifiée, ni applicable à ce stade
Le règlement européen (UE) 2025/40 relatif aux emballages et aux déchets d’emballages (PPWR), bien qu’entré en vigueur en février 2025, ne sera applicable qu’à partir du 12 août 2026, comme précisé à l’article 71 du texte. Avant cette date, le règlement ne produit aucun effet juridique contraignant à l’échelle des États membres. Il n’impose donc aucune obligation, et en particulier pas celle d’exempter les emballages en carton du champ des objectifs de réemploi dans les dispositifs réglementaires nationaux.
De ce point de vue, le fait de ne pas inscrire l’exemption dans le cahier des charges de la REP Emballages Professionnels n’est en rien contraire au droit européen. Bien au contraire, l’inscrire dès à présent dans un arrêté – qui est un acte administratif unilatéral – reviendrait à transposer prématurément une disposition européenne, en court-circuitant les voies normales d’adaptation du droit français, notamment :
• Le projet de loi DDADUE prévu pour l’automne 2025, qui doit permettre l’adaptation du droit national au règlement PPWR, selon un processus parlementaire et démocratique en bonne et due forme ;
• Le décret révisé relatif à la stratégie 3R 2026-2030, également attendu en parallèle, qui aura notamment pour fonction de traduire les priorités d’action et les objectifs nationaux en matière de réduction, de réemploi et de recyclage des emballages, par typologies d’emballages et secteurs d’activité.
Inscrire aujourd’hui dans arrêté visant à définir un cahier des charges, une exemption proposée mais non imposée par le règlement PPWR revient donc à :
- Anticiper le contenu d’un futur débat parlementaire qui n’a pas encore eu lieu, et à figer par voie réglementaire un recul potentiel sur les ambitions de la loi AGEC – sans légitimité démocratique : cette anticipation est d’autant plus problématique que, selon les positions tenues jusqu’ici par votre Ministère, le Gouvernement ne souhaite justement pas détricoter la loi AGEC ;
- Préempter les emballages professionnels, et en particulier les emballages cartons, des discussions à venir dans le cadre du PL DDADUE et du futur décret 3R : à la lecture du PL DDADUE (en cours de préparation) qui nous a été communiqué dans le cadre du CNEC, l’ambition du ministère concernant le réemploi est de « maintenir le périmètre de la loi AGEC / SNR3 (tous matériaux / tous secteurs confondus) » y compris pour les cartons d’après ce que nous comprenons :
o Comment le projet d’arrêté définissant le CDC de la REP EP peut-il prévoir une exemption sur les cartons alors que le PL DDADUE ne la prévoit pas, et que la loi prime sur l’arrêté ?
o Si comme on l’espère, le futur décret 3R maintient les obligations de réemploi pour les emballages carton, l’exemption prévue de manière anticipée par l’arrêté CDC deviendrait caduque car contraire au décret ;
o Vu notamment le contexte politique instable et peu favorable au réemploi, si l’arrêté conserve l’exemption sur les cartons, nous n’avons aucune garantie que le PL DDADUE et le le futur décret 3R soient adoptés en 2025, et donc nous n’avons aucune garantie que des objectifs de réemploi soient intégrés au CDC dans le cadre d’une potentielle révision en 2026 ;
o Si l’exemption est actée dès le cahier des charges 2025, les éco-organismes ne pourront formellement plus intégrer les emballages carton dans leurs plans d’action, ni prévoir de budgets ou de trajectoires associées. Cela créerait un effet d’inertie pour les années 2025 et 2026, qui serait très difficile à corriger a posteriori, même en cas de révision des textes.
o Dans ce cas, n’est-il pas urgent de ne pas prévoir cette exemption dans l’arrêté ?
Un constat opérationnel : ne pas désactiver les leviers de soutien au réemploi
L’exemption des emballages en carton dans le projet de cahier des charges entraînerait des conséquences très concrètes et immédiatement préjudiciables au déploiement des solutions de réemploi en substitution de ce matériau à usage unique.
En premier lieu, et comme indiqué ci-dessus, les éco-organismes construisent leur action sur les objectifs fixés dans le cahier des charges sur la base duquel ils sont agréés. Ce sont ces objectifs qui justifient les moyens mobilisés, les trajectoires définies, les soutiens versés. En excluant les cartons, on empêche de fait tout plan d’action dédié à leur réemploi pour la période 2026 et au-delà. Aucun appel à projets, aucun soutien à la substitution, aucun financement de logistique, de lavage ou de massification ne pourra alors être envisagé sur ce flux pourtant stratégique.
Ensuite, il faut rappeler que les emballages en carton à usage unique sont majoritaires parmi les emballages professionnels utilisés pour le transport de marchandises, et ce, dans de très nombreux secteurs. Ce sont précisément ces usages de transport qui présentent le plus fort potentiel de substitution par des emballages réemployables (caisses, etc.). Le carton à usage unique peut être facilement remplacé par des systèmes logistiques réemployables éprouvés, comme le montrent :
• le secteur automobile (ex : Gefbox, 26 millions de rotations annuelles de caisses de transport de pièces détachées),
• le secteur pharmaceutique (20 millions de rotations annuelles de caisses estimées chez les grossistes répartiteurs pour la livraison de médicaments aux pharmacies),
• ou encore certains distributeurs alimentaires ayant déjà basculé une part de leur logistique d’approvisionnement des magasins, notamment pour les fruits et légumes.
Les innovations européennes présentées lors du salon Reuse Economy Expo au mois de mai 2025 ont démontré également que de nombreuses solutions de réemploi, alternatives au carton à usage unique, sont déjà matures ou en cours de déploiement en France et en Europe.
De plus, les analyses de cycle de vie (ACV) disponibles (ex : Coopérative Mu 2021) montrent que des caisses plastiques réemployables deviennent environnementalement plus performantes que les cartons à usage unique dès 40 rotations, sur 9 critères environnementaux, dont les émissions de CO2. Or, il s’agit d’un seuil largement atteignable dans la majorité des circuits B2B (les rotations sont plutôt de l’ordre de plusieurs centaines sur les flux existants). Ce levier permettrait donc de réduire massivement l’impact environnemental du secteur, en particulier sur le CO₂ et la consommation d’eau (environ par 4 par rapport au carton à usage unique).
Enfin, le frein principal à la substitution n’est pas technique, mais économique. Les caisses réemployables sont plus lourdes, parfois plus chères à l’unité, et impliquent des investissements dans des infrastructures logistiques. C’est justement le rôle de la future REP que d’accompagner cette transformation, en soutenant temporairement les modèles émergents et en favorisant la compétitivité du réemploi.
Laisser croire que les emballages en carton à usage unique doivent être exemptés, au motif qu’il serait déjà « bien recyclé », revient à confondre fin de vie et logique de prévention, et à désinciter toute dynamique d’innovation sur un matériau qui concentre pourtant le plus fort gisement de déchets évitables (estimé à plus d’1 million de tonnes par an).
Notre recommandation :
L’arrêté CDC REP EP doit appliquer et renvoyer aux objectifs de la loi Agec (comme le prévoit d’ailleurs le PL DADDUE en cours de rédaction), et non ceux de PPWR qui ne s’appliqueront qu’en 2026, avec des marges de flexibilité laissées aux États membres et qui devront faire l’objet d’un débat démocratique autour du PL DADDUE.