Demande d’agrément "site naturel de compensation, de restauration et de renaturation", "Cros du Mouton"

Consultation du 20/02/2024 au 06/03/2024 - 2 contributions

La présente consultation du public, effectuée conformément à l’article L.123-19-2 du code de l’environnement, porte sur la demande d’agrément en tant que « site naturel de compensation » (SNC), du projet de restauration écologique « Cros du mouton » (commune de Sainte Maxime ; 83), constituée par la société CDC-Biodiversité.

La demande a été présentée au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT) le 13 octobre 2023, préalablement à la promulgation de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, publiée au Journal officiel du 24 octobre 2023. Cette loi a remplacé le dispositif des « sites naturels de compensation », prévu antérieurement à l’article L. 163-3 du code de l’environnement par celui des « sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation » (SNCRR), désormais prévu à l’article L. 163-1-A de ce code.

Cette demande a été complétée en décembre dernier, suite à la demande de direction de l’eau et de la biodiversité du MTECT ; ainsi qu’en dernier lieu à la suite de la visite terrain des services instructeurs et des rapporteurs du dossier devant le CNPN.

Les nouvelles dispositions précisent que les sites naturels de compensation dont l’agrément a été délivré en application de l’article L. 163-3 du code de l’environnement dans sa rédaction antérieure à la loi relative à l’industrie verte sont considérés comme des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation. De ce fait, les demandes d’agrément présentées avant la publication de la loi sont traitées selon les dispositions antérieures relatives aux sites naturels de compensation. S’ils sont agréés, ces sites seront considérés aux termes de la loi relative à l’industrie verte comme des « sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation ».

Les SNCRR ont pour objectif de mettre en œuvre un projet de restauration écologique concernant des milieux naturels dégradés et disposant d’un potentiel de restauration écologique. Ces opérations permettent d’obtenir des gains écologiques (différentiel entre l’état écologique initial et l’état écologique final visé par les opérations de restauration). Ce gain écologique peut dès lors être utilisé au titre des mesures compensatoires environnementales prévues par le code de l’environnement et par la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC). Les opérations de restauration et les gains écologiques associés peuvent être vendus, sous la forme d’unités de compensation, aux porteurs de projets d’aménagements et d’infrastructures devant compenser leurs impacts résiduels sur la biodiversité, ces impacts persistant après l’application des phases d’évitement et de réduction des effets négatifs des projets.

Le nouveau dispositif des SNCRR a élargi le recours à de tels sites de restauration aux engagements volontaires des acteurs socio-économiques qui souhaitent s’engager dans les démarches de restauration de la biodiversité ; il vise par ailleurs à un déploiement plus large de ces sites sur les territoires.

CDC Biodiversité a fait l’acquisition, en août 2022, du site du Cros du Mouton sur la commune de Sainte-Maxime dans le Var. Ce site, s’étendant sur 150 ha, peut présenter un intérêt certain pour la Tortue d’Hermann car il reste connecté à des noyaux fonctionnels de population de cette espèce. Il est par ailleurs situé dans un couloir d’incendie ; aussi le site a-t-il brûlé, totalement ou partiellement, à cinq reprises depuis les années cinquante. La fréquence des incendies, largement influencée par le développement des activités anthropiques et le changement climatique, menace la biodiversité locale et explique vraisemblablement les faibles densités actuelles d’individus de Tortue d’Hermann.

Avec un pastoralisme en recul, les milieux qui constituent le site sont en libre évolution et se referment, diminuant leur intérêt pour différentes espèces telles que la Tortue d’Hermann ou le Lézard ocellé. De plus, le développement de la biomasse végétale constitue autant de combustible qui contribue à la fréquence et à l’intensité des incendies.

La présente demande d’agrément concerne donc une opération de restauration qui vise prioritairement à apporter une plus-value écologique pour la Tortue d’Hermann, notamment en :
-  réduisant le risque incendie (coupures passives de combustible ; réduction de la biomasse combustible) ;
-  diversifiant les habitats disponibles ;
-  conduisant une action de renforcement de la population s’appuyant sur un retour d’expérience.

De plus, d’autres espèces seront favorisées par les actions de restauration et d’entretien programmées, notamment le Lézard ocellé, le cortège d’oiseaux des milieux semi-ouverts et le cortège d’oiseaux des milieux boisés clairsemés. Ces espèces sont donc également éligibles à la compensation écologique sur le site.
Seront également entreprises des actions de protection et de valorisation du patrimoine naturel existant sur le site ainsi que des actions prévenant les éventuels effets négatifs des actions de restauration écologique telles les actions pour réduire l’érosion des sols pouvant survenir du fait d’une réduction de la biomasse sur le site. L’encadrement des usages sur le site est également prévu.

CDC Biodiversité s’engage du 1er septembre 2024, début des travaux de restauration, jusqu’au 31 décembre 2054. Cette durée d’engagement de trente années correspond à la durée des mesures compensatoires pour les espèces cibles de la présente demande d’agrément. CDC Biodiversité s’engage à maintenir la pérennité de la vocation écologique du site, au-delà de la durée d’engagement, par une protection réglementaire du site via un Arrêté préfectoral de Protection du Biotope (APPB).

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Commentaires

  •  contribution LPO PACA, le 5 mars 2024 à 08h43

    Avis de la LPO PACA concernant la demande d’agrément "site naturel de compensation, de restauration et de renaturation", "Cros du Mouton"

    Après avoir pris connaissance de la consultation du public en cours et au titre de son objet « d’agir ou de favoriser les actions en faveur de la nature et de la biodiversité », notre association régionale « Ligue pour la protection des Oiseaux Provence-Alpes-Côte d’Azur » (LPO PACA), créée le 5 avril 1998 et agréée association de protection de l’environnement, souhaite formuler les remarques suivantes :

    En préambule la LPO PACA souhaite rappeler que la compensation n’est à envisager qu’en dernier recours, dans le respect de la séquence éviter-réduire-compenser.

    Il est donc nécessaire de bien dissocier la compensation devant « compenser » une destruction et la restauration qui vise à « restaurer » un écosystème dégradé.

    Le choix du site dit de « Cros du Mouton pour la création d’un site naturel de compensation, de restauration et de renaturation nous interpelle.

    Ce site connecté à des noyaux fonctionnels de population de tortue d’Herman présente un bon état initial.

    A la lecture des différents éléments du dossier il ressort en effet : « que le gain écologique par surface sera modéré compte tenu de l’état initial du site. »

    Il faut donc être vigilant sur les indicateurs qui seront produits pendant les trente ans de la compensation, ainsi que les résultats obtenus. Il s’agit d’évaluer le gain écologique possible et non plus l’état écologique final

    Nous souhaitons prendre en exemple le suivi écologique de la mise en place du premier site naturel de compensation français par CDC-Biodiversité et une implication académique très forte par des spécialistes de l’écologie et de la restauration.

    Ce projet qui a permis la réhabilitation d’un verger de 357 ha sur le site de Cossure en limite de la RNN de Crau a entraîné un retour rapide des oiseaux steppiques après la réhabilitation du verger grâce à la reconstitution et au maintien d’une végétation herbacée via la réinstallation du pastoralisme. (Alignan et al., 2014)

    Le projet partait d’un milieu initial non favorable aux espèces ciblées et situé en limite de leur zone de présence.

    Il a ainsi permis un gain d’habitat pertinent mais le suivi du site a montré des résultats variables selon les années et les conditions météorologiques.

    L’analyse des travaux a aussi démontré les limites de ce dispositif d’offre de compensation qui n’a conduit à la réhabilitation que de certaines composantes et fonctions (Alignan et al., 2013a, 2013b et 2018b).

    Dans l’état actuel des connaissances scientifiques, il est encore très difficile de prédire les résultats des actions engagées sur le très long terme ou même leur pérennité face aux aléas climatiques et d’exploitation.

    Une étude basée sur un large échantillon de mesures compensatoires réalisées depuis 2017 a montré que celles-ci étaient réalisées sur des sites présentant une intégrité biophysique relativement bonne, voire très bonne, par rapport au territoire national.

    Le fait que les objectifs de la compensation portent principalement sur le maintien des populations d’espèces protégées renforce l’hypothèse selon laquelle les actions de compensation ciblent prioritairement des composantes précises d’un écosystème susceptible d’être altéré.

    Ces actions permettent alors d’améliorer, par exemple, certains paramètres de la niche écologique d’une espèce auxquels l’évaluation de l’intégrité biophysique n’est pas sensible (comme la diversité de la végétation au sein d’une même strate, la densité de micro-habitats, etc.), sans nécessairement contribuer de manière significative à l’absence de perte nette de biodiversité.

    Dans le cas du site de « Cros du Mouton » le gain écologique partira d’un milieu déjà favorable aux espèces ciblées et comprend essentiellement des aménagements du milieu notamment par le biais d’ouvrages OLD.

    Ces interventions dans un milieu naturel déjà favorable ne sont pas sans conséquences puisque deux espèces végétales patrimoniales sont présentes au sein des coupures incendies devant être créées : la Corrigiole à feuilles de telephium (Corrigiola telephiifolia, protégée régionale à enjeu modéré) et l’Alpiste aquatique (Phalaris aquatica, protégée régionale à faible enjeu).

    Ces deux espèces qui peuvent être favorisées par l’ouverture du milieu sont aussi susceptibles d’être détruites lors des opérations OLD prévues sur ces milieux.

    En pratique, bien qu’il soit possible d’obtenir un gain écologique sur des espaces à bonne intégrité biophysique, une part importante des mesures prises cible une espèce spécifique, sans chercher à générer un gain sur l’ensemble des fonctions et des habitats qui composent le site.

    En effet si l’attractivité du milieu augmente pour la tortue d’Herman nécessitant de ce fait un entretien et une gestion serrés pour espérer contraindre les dynamiques naturelles, ces actions seront-elles mêmes susceptibles d’engendrer une perte nette pour les cortèges en présence sur cet habitat propice.

    Dans ce contexte et pour apporter un réel gain écologique aux espèces ciblées et aux milieux, le choix des sites de compensation, restauration et de renaturation doit se porter prioritairement sur des sites dégradés ou anthropisés au sein de bassin de population des espèces concernées.

    L’aménagement de sites naturels déjà propices en visant une augmentation des populations présentes ne représente pas pour nous un choix prioritaire.

    Il ne peut garantir la réhabilitation de l’ensemble des composantes du milieu ni la prise en compte des spécificités des différentes espèces occupant initialement cet habitat naturel.

  •  favorable, le 3 mars 2024 à 08h25

    réparer et protéger, un devoir

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