Projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 21 février 2024 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus)
La présente consultation, fondée sur l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, porte sur un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 21 février 2024 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus).
Consultation du 22/12/2024 au 17/01/2025 - 11827 contributions
1. Contexte
L’arrêté du 21 février 2024 fixe les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus). Il établit à ce titre le cadre d’intervention des opérations de tirs ainsi que les conditions et modalités de mise en œuvre de ces opérations.
Il n’existe dans cet arrêté aucune distinction entre les différents types d’élevages (ovins, caprins, bovins, équins). Or, à la différence des ovins et des caprins, il n’existe pas à ce stade de schéma de protection des troupeaux bovins et équins valide techniquement. Du fait de l’absence d’un référentiel de protection ayant fait ses preuves pour ces troupeaux, est apparu le besoin de définir des dispositions particulières pour les bovins et équins en matière de dérogation aux interdictions de destruction, sans reconnaître pour autant une non-protégeabilité générale pour ces troupeaux.
Dans le cadre des opérations de tir définies par ce même arrêté, la prise en charge de la dépouille après un tir effectif est confiée aux seuls agents de l’OFB. Or, du fait des lieux de mise en œuvre des tirs par les louvetiers, parfois en estive difficilement voire non-accessible en véhicule, durant la nuit, des difficultés sont apparues pour conserver et surveiller la dépouille sur place avant son enlèvement par un agent de l’OFB. Une disposition est ainsi introduite pour accorder aux louvetiers la possibilité d’appuyer l’OFB dans la prise en charge de la dépouille.
2. Présentation du projet d’arrêté
L’arrêté modificatif répond notamment à la nécessité d’apporter un cadre adapté aux exploitations d’élevage comportant un troupeau de bovins ou équins soumises à une pression de prédation, en l’absence de schéma de protection techniquement validé pour ce type d’élevage. Il procède également à une modification permettant aux lieutenants de louveterie réalisant un tir de transporter la dépouille jusqu’à l’OFB. Ainsi :
L’article 5 est modifié pour permettre aux lieutenants de louveterie bénéficiaires d’une autorisation de tirs de transporter, suite à un tir effectif, la dépouille d’un loup afin de la remettre à l’OFB, par dérogation à l’article L. 411-1 du code de l’environnement.
À l’article 6, est introduite la possibilité de fonder une décision préfectorale autorisant un tir de défense d’un troupeau bovin ou équin :
- d’une part, sur une exploitation dont le troupeau bovin ou équin a subi une prédation dans la dernière année, à condition que l’éleveur ait mis en œuvre des moyens de réduction de la vulnérabilité de son troupeau attestés par le préfet (en matière de mode de conduite, de protection, d’effarouchement) ;
- et, d’autre part, dans des cas de territoires particuliers soumis à un risque avéré de prédation, sur la base :
• d’une analyse territoriale sur la vulnérabilité des exploitations, validée par le préfet coordonnateur, et portant sur un territoire homogène, tant en termes géographiques qu’en termes de productions et de mode de conduite des exploitations.
• d’une justification au cas par cas, auprès du préfet de département, par les demandeurs, de leur situation au regard de cette analyse et des mesures de réduction de la vulnérabilité de leurs troupeaux mises en œuvre face à la prédation lupine.
En cas de réalisation d’une telle analyse territoriale, est introduite l’obligation pour le préfet de département de réaliser :
- un bilan comportant une analyse des mesures de réduction de la vulnérabilité et, le cas échéant, de protection mises en œuvre ;
- une analyse des tirs de défense autorisés et réalisés dans le territoire concerné ;
- le cas échéant, une mise à jour de l’analyse technico-économique territoriale au regard de l’évolution des modes de production et de conduite du troupeau et de l’évolution des connaissances sur les mesures de réduction de la vulnérabilité et de protection.
L’article est également modifié en son I. pour préciser les bénéficiaires potentiels auxquels une dérogation peut être accordée, et ainsi rectifier une approximation de l’arrêté en vigueur.
L’article 13 est modifié en cohérence avec la modification de l’article 6.
L’article 14 est modifié en cohérence avec la modification de l’article 6, en ajoutant une durée maximale d’un an pour les tirs autorisés en défense des troupeaux bovins et équins, sous réserve de satisfaire les mesures de réduction de vulnérabilité décrites à l’article 6.
La consultation est ouverte du 22 décembre 2024 au 17 janvier 2025 inclus.
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24 septembre 2025
Commentaires
Le projet de modification de l’arrêté relatif aux dérogations pour la destruction des loups soulève des préoccupations majeures. En l’état, il constitue un recul préoccupant dans la protection de cette espèce emblématique et menace directement l’équilibre de nos écosystèmes.
D’abord, l’extension des prérogatives accordées aux lieutenants de louveterie, notamment en matière de transport et de recherche des loups abattus, suscite de sérieux doutes. Ce transfert de responsabilités, auparavant sous la supervision de l’Office Français de la Biodiversité, affaiblit les garanties indispensables à un contrôle rigoureux des conditions de mise en œuvre. Les dérives possibles sont nombreuses, surtout dans un contexte où la transparence et la traçabilité devraient primer.
Ensuite, la proposition d’abaisser à un niveau dérisoire le seuil justifiant les tirs dérogatoires – une seule attaque sur une période de douze mois – est incompréhensible. Une telle mesure risque de banaliser les interventions létales, sans véritable analyse préalable des causes ou des solutions alternatives. Elle traduit une approche punitive, plutôt que préventive, incompatible avec une gestion équilibrée de la cohabitation entre faune sauvage et activités humaines.
Par ailleurs, le concept de troupeaux « non-protégeables » introduit dans ce texte est problématique, d’autant plus qu’il repose sur des critères flous et contestables. De nombreux exemples européens prouvent qu’avec des stratégies adaptées, même les troupeaux les plus vulnérables peuvent bénéficier de mesures efficaces. Plutôt que d’investir dans la recherche et le développement de telles solutions, ce projet semble choisir la facilité en déresponsabilisant les éleveurs et en stigmatisant les loups.
Enfin, ce projet entre en contradiction avec les engagements européens en matière de protection des espèces. Les exigences de la CJUE en matière de rigueur et d’encadrement des dérogations ne sont pas respectées. L’absence de bilans fiables sur l’efficacité des dispositifs de protection existants et l’impact des tirs sur la conservation des loups est un signal d’alerte. Il est impensable de valider de telles mesures sans études solides et indépendantes.
En conclusion, ce texte ne répond ni aux enjeux de conservation, ni aux attentes d’une gestion apaisée de la relation entre loup et activités humaines. Il contribue au contraire à alimenter les tensions et à affaiblir une politique de biodiversité déjà sous pression. Il est impératif de s’opposer à ce projet et de promouvoir des alternatives respectueuses de l’équilibre écologique.