Projet d’arrêté pris pour l’application de l’article R. 427-6 du code de l’environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts
Consultation du 15/06/2023 au 06/07/2023 - 49351 contributions
Introduction
En application de l’article R. 427-6 du code de l’environnement, il revient au ministre chargé de la chasse de fixer par un arrêté la liste, les périodes et les modalités de destruction des Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts (ESOD) dites « du groupe 2 ».
Selon ce même article, une espèce est classé ESOD pour au moins l’un des quatre motifs suivants :
1° Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ;
2° Pour assurer la protection de la flore et de la faune ;
3° Pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ;
4° Pour prévenir les dommages importants à d’autres formes de propriété. Le 4° ne s’applique pas aux espèces d’oiseaux.
Il existe trois groupes d’Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts (ESOD), définis par l’article R. 427-6 du code de l’environnement. Le premier et le troisième groupe concernent respectivement les espèces non indigènes classées sur l’ensemble du territoire métropolitain par un arrêté ministériel pérenne, et une liste complémentaire définie par un arrêté préfectoral annuel.
La liste des ESOD du groupe 2 est fixée pour 3 ans par arrêté ministériel. Cet arrêté ministériel est pris sur proposition des préfets de départements après avis de la Commission Départementale de la Chasse et de la Faune Sauvage (CDCFS) réunie en formation spécialisée sur les ESOD.
Contexte
Le précédent arrêté triennal du 3 juillet 2019 établissant la liste des ESOD du groupe 2 dans chaque département a été prolongé d’un an par le décret n° 2022-919 du 21 juin 2022 en raison du manque de données liés à la pandémie COVID. Il doit donc être renouvelé à partir de juillet 2023.
Il n’existe pas de liste prédéterminée d’espèces pouvant être classées ESOD dans le groupe 2, cependant seules des espèces chassables peuvent l’être. Habituellement, le classement concerne ces 10 espèces indigènes : 5 espèces de méso-carnivores (belette, fouine, martre, putois, renard) et 5 espèces d’oiseaux (corbeau freux, corneille noire, geai des chênes, étourneau sansonnet, pie bavarde).
Ce classement n’a pas pour but d’éradiquer les espèces concernées, mais bien de les réguler afin de limiter les perturbations et les dégâts qu’elles peuvent provoquer notamment sur la faune, la flore, les activités agricoles ou les propriétés privées.
Lorsqu’une espèce est classée ESOD, les modalités de destruction sont renforcées, permettant notamment sa destruction à tir ou par piégeage en dehors des périodes d’ouvertures de la chasse, pour la protection des intérêts ayant conduit à son classement (ex : classement du renard pour la protection des élevages avicoles).
Ce projet d’arrêté précise les modes de prélèvement autorisés pour chaque espèce et, en annexe, la liste des espèces classées dans chaque département, et les cantons et/ou communes concernés dans le cas où le classement serait limité à une portion du département.
Afin de parvenir à ce classement, chaque dossier envoyé par les préfets a été examiné par le ministère en application de la réglementation en vigueur et des dernières jurisprudences du Conseil d’Etat et selon la méthode suivante :
Tout d’abord l’avis de la CDCFS concernant les propositions de classement est comparé à la demande officielle du préfet. En conformité avec la jurisprudence n° 432485 du Conseil d’Etat du 7 juillet 2021, la demande de classement d’une espèce ne peut être étudiée que si son état de conservation est favorable à l’échelle de la France. A cette étape, le classement peut d’ores et déjà être invalidé. S’il est établi que l’état de conservation de l’espèces est favorable, l’analyse se poursuit.
La législation européenne fixe également un cadre en ce qui concerne la mise en œuvre de solutions alternatives. En effet, la situation des espèces d’oiseaux, du putois et de la martre est régie par les directives Oiseaux 2009/147/CE et Habitats 92/43/CEE qui disposent que leur destruction n’est possible que lorsqu’il n’existe pas de solutions alternatives satisfaisantes à la gestion de leurs dégâts. Il est à la charge des départements d’avoir étudié ou mis en place des solutions alternatives à la destruction, et de justifier en quoi ces mesures sont insatisfaisantes. Pour les autres espèces (belette, fouine et renard), cette exigence n’est pas requise.
Après examen de la présence ou de l’absence de ces solutions alternatives, le classement peut se justifier selon deux critères, rappelés par le Conseil d’Etat dans ses décisions n°432485 du 7 juillet 2021, n°393045 du 14 juin 2017 et n°369668 du 28 novembre 2014 :
- Le premier critère est que l’espèce porte atteinte de façon significative à l’un des quatre motifs de l’article R. 427-6 du code de l’environnement. Le seuil de montant de dégâts au-delà duquel il est établi que l’atteinte est significative est apprécié à environ 10 000 € sur la période par le Conseil d’État.
- Le second critère est une condition cumulative : l’espèce est répandue de façon significative et, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines du département, sa présence est susceptible de porter atteintes aux intérêts protégés par l’article R. 427-6 du code de l’environnement. Le seuil d’abondance à partir duquel il est établi que l’espèce est répandue de façon significative dans le territoire est apprécié à environ 500 prélèvements par an par le Conseil d’Etat.
A l’issue de l’étude du dossier, le classement de l’espèce est validé ou invalidé.
Contenu du texte
L’article 1 précise que la liste des ESOD est présentée département par département, en annexe du présent projet d’arrêté.
L’article 2 présente les modalités et les périodes de destruction des espèces habituellement classées ESOD. Toutes les espèces peuvent être détruites à tir ou par piégeage, hormis le renard qui peut également être déterré.
L’article 3 prévoit que par dérogation à l’article 2, des conditions limitatives de destruction peuvent être précisées en annexe. En effet, dans leur demande, certains préfets ont souhaité limiter les modalités de destruction autorisées pour une ou plusieurs espèces dans leur département.
L’article 4 précise qu’en cas de capture accidentelle d’un animal non classé ESOD, celui-ci doit être immédiatement relâché.
L’article 5 abroge l’arrêté du 3 juillet 2019.
L’article 6 précise que le Directeur l’eau et de la biodiversité est chargé de l’exécution de l’arrêté.
Consultations obligatoires
• Le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage a été consulté le 8 juin 2023.
• Le texte présente un impact sur l’environnement et nécessite à ce titre une consultation publique conformément aux dispositions de l’article L.123-19-1 du code de l’environnement. Cette consultation du public est ouverte du 15 juin au 6 juillet 2023.
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Commentaires
Monsieur le Ministre,
Tout d’abord, pourquoi avoir mis en place un Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, liant ainsi, dans un conflit d’intérêt majeur la victime (l’animal longtemps dénommé nuisible, désormais “susceptibles d’occasionner des dégâts”, classement ESOD) et son bourreau (le chasseur) ?
Rappelons qu’une espèce est classée ESOD pour au moins l’un des quatre motifs suivants :
1° Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ;
2° Pour assurer la protection de la flore et de la faune ;
3° Pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ;
4° Pour prévenir les dommages importants à d’autres formes de propriété. Le 4° ne s’applique pas aux oiseaux.
Concernant le point 1, le renard chasse entre autres les petits mammifères porteurs de tiques responsables de la maladie de Lyme. Quel intérêt y a-t-il pour la santé de détruire Goupil ? Quant à la sécurité publique, selon Le Figaro, plus de 120 agressions à l’arme blanche ont lieu chaque jour en France . Il suffit de rappeler l’attaque qui a eu lieu à Annecy le 8 juin ou encore les évènements de ces derniers jours .
Ce ne sont pas les animaux qui mettent en jeu la sécurité des français.
Point 2 : en tuant, la faune serait protégée. La nature, lorsque l’homme n’intervient pas en déséquilibrant ses modes et ses espaces de vie, sait se réguler ; par exemple, il y a moins de petits en période où la nourriture se fait plus rare.
Point 4 : s’agit-il des élevages intensifs à l’usage des chasseurs pour leurs lâchers de gibier ? Ces pratiques sont scandaleuses : qui n’a jamais vu errer, peu après l’ouverture de la chasse, un faisan apeuré au bord de la route ou à proximité des habitations ?
En conclusion, nous remettons en cause la procédure de classement qui est une instruction à charge menée par les chasseurs et dont les données sont invérifiables.
Nous vous remercions de l’intérêt porté à ce courrier.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, nos salutations respectueuses.
Pour OÏKOS KAÏ BIOS Marie Berger et Patricia Faure, cofondatrices
Association OÏKOS KAÏ BIOS
74100 AMBILLY
Bonjour,
La méthodologie utilisée pour procéder au classement est incohérente et infondée en raison de l’absence de données sérieuses sur la réalité des dommages, bien souvent insignifiants, imputés aux espèces présumées coupables et en l’absence de données fiables sur l’état réel des populations de ces espèces et leur dynamique (notamment concernant les mammifères).
Le « droit à détruire » des espèces est un non-sens écologique. Les dommages constatés devraient d’abord engendrer des solutions localisées dans l’espace et dans le temps, et non justifier une réponse massive concernant la totalité des individus d’une même espèce, comme c’est le cas aujourd’hui.
Aucune évaluation scientifique n’a été effectuée pour démontrer que les destructions de milliers d’individus de ces espèces permettent de réduire corrélativement les dégâts qui leurs sont imputés.
La Pie bavarde ou le Geai des chênes sont également accusés de s’attaquer aux œufs et aux oisillons d’autres espèces mais cette prédation naturelle n’est nullement responsable du déclin des populations d’oiseaux, qui est essentiellement dû à la perte d’habitat et la diminution de la nourriture causées par l’artificialisation et l’agriculture intensive.
Ces animaux sauvages jouent un rôle dans le fonctionnement des écosystèmes naturels, notamment sur le plan sanitaire : le Geai des chênes, le Corbeau freux, la Corneille noire, le Renard roux et la Martre des pins peuvent par exemple consommer d’autres animaux malades ou morts, limitant ainsi la propagation de maladies et contribuant à maintenir un milieu en bonne santé. En outre, la prédation des rongeurs par les renards et les fouines permet la diminution du risque de transmission de la maladie de Lyme sur l’homme par les tiques qu’ils véhiculent.
Plusieurs ESOD sont de véritables auxiliaires des activités agricoles et forestières. En tant que prédateurs spécialistes des petits rongeurs (campagnols, mulots…), le Renard, la Belette, la Martre et la Fouine permettent de contenir les populations de ces espèces dans les parcelles agricoles. Par exemple, une Belette consomme en moyenne 630 rongeurs dans l’année et le Renard roux jusqu’à 5000.
Les corvidés (le Corbeau freux, la Corneille noire, la Pie bavarde et le Geai des chênes) participent également à la régénération de la végétation ainsi qu’à sa diversité en dispersant les graines qu’ils consomment. Le Geai disperse ainsi plusieurs milliers de glands chaque année dans la nature, ce qui en fait le premier planteur d’arbres de France !
Des solutions alternatives à la destruction existent et ne sont presque jamais mises en œuvre. Il est ainsi possible de concilier la présence de corvidés et les pratiques agricoles : enfouissement plus profond des semences, meilleure stratification du paysage rural (haies, structures boisées, perchoirs naturels pour rapaces, effarouchement…). Des solutions efficaces existent aussi pour limiter la prédation sur les volailles d’élevage (grillage à mailles étroites suffisamment haut et profondément ancré dans le sol, répulsifs, surveillance…).
Je suis opposée à ce projet d’arrêté.
La notion d’ESOD n’a en effet pas de sens dans un eco-système si complexe et surtout nous ne comprenons pas toutes les implications de nos actions sur ces inter-relations. Nous assistons à un effondrement de la biodiversité : toutes les études scientifiques le confirment. Il est plus qu’urgent de redonner de la place au vivant et de mettre les moyens dans la cohabitation plutôt que dans la destruction.
Plus précisément, le déterrage du renard est une pratique barbare sur un animal qui a un vrai rôle écologique, et dont les dégâts restent limités. Cette pratique doit être interdite.
De plus, il est temps de reconnaître l’action positive des espèces et pas seulement les impacts négatifs (l’exemple du renard qui chasse les rongeurs et permet d’être un vrai allié de nos activités agricoles est un bel exemple. D’autant plus qu’il limiterait aussi la prolifération des tiques et de la maladie de Lyme).
Le projet d’arrêté présenté dans cette consultation ne semble prendre que des données des organisations de chasse et ne prend pas en compte les avis des associations de défense de l’environnement. Il est nécessaire que le processus soit plus transparent et moins partisan. D’autant que les données fournies ne sont pas vérifiables.
Le doute est donc que cette liste, ou au moins une partie, est établie uniquement pour satisfaire les intérêts des organisations de chasse, ce qui n’est pas admissible (et d’ailleurs pas dans la logique initiale d’un tel classement car cela ne fait pas partie des critères qui amènent le classement d’une espèce en ESOD).
L’idéal serait de trouver des méthodes de cohabitation avec l’ensemble de ces espèces sur les problématiques constatées. Il s’agit de changer de logique, mais il est clair que la logique actuelle, en vigueur depuis plusieurs années (i.e. de catégoriser ses animaux en ESOD) ne fonctionne pas et ne règle pas les soucis/problématiques/éventuels dégâts. A défaut de cohabitation, il existe plusieurs alternatives, avant de penser à la destruction de ces espèces (comme par exemple l’effarouchement).
Cette logique semble être du bon sens et devrait être obligatoire avant de parler de destruction.
Par ailleurs, les dégâts constatés pour chacune des espèces ne comprennent visiblement l’ensemble du territoire et sont limitées à certaines zones/certaines communes, que vous pouvez identifier facilement grâce aux déclarations de dégâts que vous recevez. Il pourrait ainsi être fait un maillage plus fin, pour ne pas détruire des populations qui ne posent aucun souci.
Dans les zones problématiques, une réponse plus appropriée de cohabitation pourrait alors être plus facile à trouver / mettre en place.
La majorité de la population est d’ailleurs contre un tel classement ESOD (65% selon le sondage IFOP de mai 2023). Je suis sure que nous bénéficierons tous d’un changement de fonctionnement.
Je vous remercie de prendre en compte mon avis et espère que vous reverrez la liste en réduisant le nombre d’animaux concernés.