Projet d’arrêté portant définition, répartition et modalités de gestion du quota d’anguille européenne (Anguilla anguilla) de moins de 12 centimètres pour la campagne de pêche en eau douce 2023-2024
Consultation du 25/09/2023 au 17/10/2023 - 43 contributions
Projet d’arrêté relatif à la définition, la répartition et les modalités de gestion du quota d’anguille européenne (Anguilla anguilla) de moins de 12 centimètres pour la campagne de pêche 2023-2024.
L’anguille vit alternativement en eau douce et en eau de mer. C’est un poisson grand migrateur qui traverse l’océan Atlantique pour se reproduire en mer des Sargasses. Après sa phase larvaire de migration vers l’Europe, l’anguille suit les stades suivants :
- la phase juvénile de civelle (anguille de moins de 12 cm),
- la phase d’anguille jaune anguille colonisant le domaine continental et sédentaire pendant 10 à 15 ans,
- la phase d’anguille argentée, stade reproducteur retournant en mer des Sargasses.
Depuis les années 1980, un déclin inquiétant du stock d’anguilles européennes est constaté, dont les facteurs explicatifs sont variés, parmi lesquels :
- la circulation entravée des anguilles par les barrages hydroélectriques ou les seuils non pourvus de passe à poissons qui nuisent à sa survie et contraignent ses déplacements,
- la dégradation de leurs habitats consécutive à la canalisation des cours d’eau, au drainage des zones humides, à la pollution des eaux et des sédiments par des agents contaminants et des produits phytosanitaires,
- la pêche et le braconnage,
- le parasitisme.
Aussi, un règlement européen du 18 septembre 2007 (EC 1100/2007), dit règlement « anguille », institue des mesures de reconstitution du stock d’anguilles européennes afin de favoriser le retour des géniteurs vers leur lieu de reproduction. Afin de répondre aux objectifs fixés par ce dernier, les autorités françaises se sont engagées sur le long terme à stopper l’effondrement du stock via des actions ambitieuses et progressives. Un plan national d’action a été élaboré par la DEB (direction de l’eau et de la biodiversité) et la DPMA (direction des pêches maritimes et de l’aquaculture), devenue la DGAMPA (Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture) et approuvé par la Commission européenne le 15 février 2010.
Pour la saison de pêche 2023-2024, le ministre chargé des pêches maritimes et le ministre chargé de la pêche en eau douce envisagent de fixer le quota de pêche d’anguilles de moins de 12 cm destinées à la consommation à 26 tonnes ; soit un quota global de 65 tonnes. Conformément au règlement « anguille », le quota de pêche d’anguilles de moins de 12 cm destinées au repeuplement est fixé à 39 tonnes de manière à ce qu’il représente 60% du quota total.
La répartition du quota entre les unités de gestion de l’anguille est semblable à l’arrêté pris pour la saison de pêche précédente.
Dans le cadre de la participation du public, les deux projets d’arrêtés, celui relatif aux pêcheurs professionnels maritimes et celui relatif aux pêcheurs professionnels en eau douce, font l’objet d’une mise en ligne par les services de chaque autorité ministérielle compétente.
La consultation du public a lieu du 25 septembre au 17 octobre 2023, conformément à l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement.
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Commentaires
L’association Ethic Océan, qui promeut une consommation durable des produits de la mer, est particulièrement préoccupée du devenir de l’anguille européenne que l’UICN juge en danger critique d’extinction depuis 2008.
Elle encourage l’Etat à réduire toutes les nuisances qui menacent sa survie : destruction de son habitat (assèchement des zones humides) ; ouvrages d’art qui empêchent sa migration ; pollution des eaux ; et la pêche, qu’elle légale ou non.
Notre ONG s’oppose à l’augmentation des quotas de civelles de 12 % prévue cette année par le gouvernement et appelle les autorités françaises à suspendre cette pêcherie dès maintenant, et ceci tant que l’espèce ne s’est pas rétablie.
Nous nous appuyons sur les recommandations scientifiques du CIEM qui conseillent depuis deux ans de ne plus autoriser la pêche d’anguille, à tous ses stades, partout en Europe. Cet avis d’interdiction s’applique également aux civelles destinées au repeuplement, opération dont l’efficacité est remise en question par de nombreux scientifiques, à commencer par les experts du CIEM qui affirmaient en 2022 : « même si une augmentation locale de la production d’anguilles pouvait être apparente, l’évaluation du bénéfice net (du repeuplement) pour le stock reproducteur n’était pas quantifiable ».
Pire : l’Etat lui-même doute non seulement de l’efficacité mais aussi de la réalité des repeuplements effectués à l’étranger avec des civelles françaises, car il n’y a aucune traçabilité de ces opérations (rapports de mises en œuvre des Plans de Gestion de l’Anguille 2012, 2015 et 2018).
Pour justifier cette hausse du quota, le gouvernement s’appuie sur une récente amélioration du recrutement, mais celle-ci n’est pas confirmée. Comme l’écrit le Conseil scientifique français, ces données ne sont que provisoires (8,6 pour 2020-21 versus 4,9 en 2020-21, les dernières données définitives disponibles).
Et même si le chiffre de 8,6 était confirmé, il demeurerait dramatiquement bas : cela signifierait que sur 100 civelles qui arrivaient sur nos côtes dans les années 1980, il n’en resterait à peine que 9. Ce recrutement resterait largement insuffisant pour assurer le renouvellement des générations.
La France accueille 90 % des civelles européennes, et cela lui donne une responsabilité particulière dans la survie de l’espèce. Dans sa toute récente Stratégie Nationale Biodiversité 2030, notre pays s’est fixé comme objectifs de réduire les pressions sur la biodiversité, de protéger et restaurer les écosystèmes et de susciter des changements en profondeur afin d’inverser la trajectoire du déclin de la biodiversité. Commençons dès maintenant en interdisant temporairement la pêche à la civelle, mais également celle de l’anguille jaune et argentée !