Projets de décret modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement et d’arrêté modifiant l’arrêté ministériel du 6 juillet 2006 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous la rubrique n° 4702.
Consultation du 26/01/2022 au 15/02/2022 - 139 contributions
Les projets de textes qui seront soumis au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) dans sa séance du 22 février 2022 sont disponibles. Vous pouvez consulter ces projets de textes et faire part de vos observations, via le lien en bas de page « Déposer votre commentaire », du 26 janvier 2022 jusqu’au 15 février 2022.
Contexte et objectifs :
L’explosion du 4 août 2020 survenue au port de Beyrouth a rappelé les dangers que peut présenter le stockage de produits à base de nitrate d’ammonium. Ce composé chimique est notamment utilisé, en quantité importante, pour la fabrication d’engrais solides simples. Ces types d’engrais sont couramment appelés ammonitrates.
À la suite de cet accident, la ministre de la Transition écologique et le ministre de l’Economie des Finances et de la Relance ont commandé une mission relative à la gestion des risques liés à la présence d’ammonitrates dans les ports maritimes et fluviaux. En mai 2021, la mission a rendu son rapport et formulé des recommandations visant à améliorer l’encadrement réglementaire de ces produits.
Considérant que les lieux sensibles accueillant des ammonitrates ne sont pas limités aux ports, la mission a formulé des recommandations visant également, de manière plus globale, la sécurité des ammonitrates utilisés en agriculture.
Ces projets de textes réglementaires, relatifs au régime de la déclaration constituent une première étape pour l’amélioration de la sécurité des ammonitrates utilisés par la filière agricole. Des missions sont prévues, pour émettre des propositions complémentaires sur la question du seuil d’autorisation, sur les mesures d’accompagnement associées à ces changements et sur les moyens de réduire l’utilisation du vrac haut dosage.
Principales dispositions des textes :
Le projet de décret modifiant un des seuils fixés pour le régime de la déclaration de la rubrique 4702 de la nomenclature et le projet de modification de l’arrêté ministériel du 6 juillet 2006 applicable aux installations à déclaration sous la rubrique 4702 sont liés. Le premier texte soumet au régime de déclaration des installations non classées jusqu’à présent mais déjà en service, et le second définit les exigences de sécurité et l’échéancier associé auxquels ces installations sont désormais soumises.
Le projet de décret de modification de la nomenclature vise à mieux tenir compte des dangers des engrais à base de nitrate d’ammonium, en réglementant au titre des ICPE, par la diminution d’un des seuils fixés pour le régime de déclaration, les installations qui accueillent ce type d’engrais dans des quantités plus faibles. Le seuil de déclaration proposé pour les ammonitrates haut dosage est désormais de 150 tonnes, tous conditionnements confondus (vrac et big bag), contre 250 tonnes de vrac ou 500 tonnes de big-bags actuellement.
Les prescriptions applicables pour prévenir les risques liés à la gestion des engrais à base de nitrate d’ammonium sont prévues par l’arrêté ministériel du 6 juillet 2006. Ces exigences visent en particulier :
- à prévenir leur risque de contamination avec des matières combustibles ou incompatibles par des mesures organisationnelles ;
- à protéger les stockages des risques de propagation d’incendie par l’obligation du respect des distances d’isolement ou par la mise en place de dispositions constructives adaptées et par le recours à des équipements électriques qualifiés ;
- à disposer de moyens techniques et organisationnels pour lutter efficacement contre un sinistre et en réduire ses effets.
Le projet d’arrêté prévoit des délais de mise en œuvre tenant compte des contraintes techniques de réalisation pour chacune de ces mesures pour les installations qui seront nouvellement soumises au régime de la déclaration suite à l’entrée en vigueur de la modification de la nomenclature. Les délais proposés pour l’application aux installations existantes sont identiques à ceux qui avaient été appliqués en 2006 lors de la précédente évolution du seuil de la nomenclature.
Commentaires
Une nouvelle fois, la réglementation française brille par son manque de cohérence et sa vision parcellaire de problématiques qui impactent l’agriculture française, son industrie et plus largement l’autonomie alimentaire et les impacts environnementaux. Une juxtaposition de textes toujours plus contraignants, massivement parallèles sans vision globale de l’intégralité des enjeux .
Un texte qui privilégie des risques hypothétiques tout en négligeant des risques avérés
les risques avérés :
- Déplacement du marché vers des engrais minéraux d’importation hors UE avec des profils environnementaux bien plus mauvais : urée et solution azotée
*beaucoup plus émissives en ammoniac
* empreinte carbone significativement supérieure pour ces produits
* efficacité agronomique de l’azote inférieure (NUE) par kg apporté en contradiction totale avec les objectifs Farm to Fork
- Des engagements européens ou nationaux difficiles à atteindre :
plan Prepa et loi Climat & Résilience si les engrais les plus aptes à permettre cette atteinte sont mis sur la sellette un nouvelle fois.
- Diminution de l’autonomie de notre pays dans ses approvisionnements en engrais azotés et donc une dépendance accrue aux importations soumises aux aléas du marché mondial
- dégradation de la balance commerciale
- Recours accru à large échelle à l’usage d’inhibiteur d’uréase sans que la saisine de l’ANSES sur ce thème n’ait été suivie de travaux et d’étude pour lever les doutes environnementaux et toxicologiques
- Dissémination des points de stockage vers les exploitations agricoles alors que le personnel des distributeurs est formé et compétent dans la gestion sûre du stockage des engrais
- Augmentation du risque sureté lié à cette augmentation des points de stockages en ferme moins sécurisés.
- Fermeture de dépôts de proximité de la distribution
Les risques hypothétiques :
- les ammonitrates sont rendus stables et non détonants dès leur fabrication
- Amalgame infondé entre Nitrate d’ammonium industriel (Beyrouth, pour lequel il est inutile de revenir sur les conditions du drame mais dont vous pourriez néanmoins analyser les causes) et ammonitrates agricoles.
- Depuis près de 20 ans, quelle accidentologie avec détonation avérée de nitrate d’ammonium malgré le nombre significatifs d’incendie en ferme ou sur des camions ?
Preuve de l’efficacité des mesures déjà existantes sur ces produits, quel besoin d’accroitre les contraintes sur les filières de l’usine à l’agriculteur ?
Le 28 janvier, l’entourage du ministre de la transition écologique s’est voulu rassurant en précisant que "la distribution pourra continuer à conserver le même volume de stockage en passant à des ammonitrates moyen dosage dont le taux d’azote est inférieur à 28%".
Ces personnes n’ont pas précisé que :
* l’offre actuelle en ammonitrate moyen dosage ne couvre pas le territoire nationale et que les agriculteurs du sud de la France n’y ont quasiment pas accès,
* stocker de l’ammonitrate moyen dosage revient à augmenter son stockage de 16 à 20% pour pouvoir fournir la même quantité d’azote en unités aux producteurs.
* passer à l’ammonitrate moyen dosage, signifie plus de tonnes à produire et à transporter ; quid du bilan carbone et du bilan écologique?
Ce communiqué nous apitoie en rappelant que "l’enjeu est de répondre à un risque sérieux qui porte atteinte à la vie des personnes" suite au dramatique accident de Beyrouth. Il oublie de préciser qu’à Beyrouth, l’explosion était due à du nitrate d’ammonium industriel stocké en vrac depuis 8 ans sans précaution et en quantité importante dans un port ! Rien à voir avec ce qui se pratique en France, avec de l’ammonitrate, sur des périodes courtes (6 mois) et pour partie conditionnée en big bag 600kg.
Les produits commerciaux fabriqués à partir du nitrate d’ammonium comme matière première correspondent à deux grandes familles, dont les procédés de fabrication et les caractéristiques d’usage sont très différents :
• le nitrate d’ammonium industriel,
• les engrais à usage agricole dont les ammonitrates.
Ces dernières peuvent entretenir la combustion d’une substance ou d’un matériau DÉJÀ ENFLAMME.
La détonation des ammonitrates est généralement considéré comme PEU PROBABLE pour les produits conformes à la norme et stockés dans des conditions normales. Par ailleurs, les poussières d’engrais contenant du nitrate d’ammonium en suspension dans l’air, ne sont pas combustibles et ne présentent pas de risque d’explosion.
Les ammonitrates haut ou moyen dosage, conformes aux normes française ou européenne sont DIFFICILES A FAIRE DÉTONER en l’absence de contamination.
Les définitions et caractéristiques ci-dessus (issu d’une communication du Ministère de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur le stockage et l’emploie des engrais à base de nitrate d’ammonium) devraient amené nos politiques à être raisonnés et raisonnables. En effet, comment peut-on comparer l’explosion d’un entrepôt abritant plusieurs milliers de tonnes de nitrate d’ammonium INDUSTRIEL stockées depuis des années sans mesures de précaution au port de Beyrouth avec les entrepôts de stockage de la distribution agricole française. Ces derniers respectent des normes drastiques et sont régulièrement contrôlés (contrôle périodique). Pour beaucoup, ils ne contiennent que des engrais ensachés (big bag), de manière temporaire (4 à 6 mois de l’année) et à proximité des zones d’utilisation que nous n’avons pas le droit d’abandonner car il en va de la survie de notre agriculture, de son indépendance économique et au final de la souveraineté alimentaire de la France. Le seuil de déclaration du stockage d’ammonitrate ne devrait selon moi pas impacter les stockages de proximité en conditionné ou vrac (< ou = à 500 T) au risque que nous ne puissions plus servir correctement les agriculteurs en temps et en heures et à des coûts compétitifs, leur permettant de vivre de leur métier.
La proposition de texte modifiant les seuils de stockage d’engrais à base de nitrate d’ammonium à haut dosage n’apporterait aucun bénéfice en termes de sécurité, puisque tous les opérateurs de la filière engrais exercent leur métier de façon professionnelle et responsable (la faible sinistralité du secteur en étant la meilleure preuve) et se sont déjà formés aux bonnes pratiques de stockage, de manipulation et de transport de ces produits.
En revanche, le durcissement des règles de stockage des ammonitrates haut dosage aurait pour conséquences potentielles :
- la mise en difficulté des usines de production françaises, contraintes à une transformation des outils industriels afin de fabriquer des engrais moins concentrés, et devenant ainsi exposées à une concurrence internationale n’appliquant pas les mêmes règles en matière de droit social ou de droit de l’environnement ; en corollaire, un déséquilibre supplémentaire de la balance commerciale de la France, les opérateurs devant couvrir leurs besoins en ammonitrates haut dosage auprès de pays tiers ;
- la perte d’efficacité de la chaîne de transport terrestre des engrais (engrais moins dosés = davantage de camions pour les amener jusqu’à leurs points d’utilisation, à capacité de fertilisation équivalente), avec les conséquences que l’on imagine en termes de nuisances et de bilan carbone ;
- la dégradation de l’image du secteur agricole, déjà bien malmené, en assimilant les organismes stockeurs et les agriculteurs à des « apprentis sorciers utilisateurs d’explosifs » et en faisant référence à l’accident de Beyrouth, hors contexte, pour stigmatiser les opérateurs français ;
- la fermeture de sites de stockage qui, soumis à déclaration, deviendraient non viables en raison des travaux d’adaptation à engager, avec des conséquences sur l’emploi local et l’environnement (création de friches industrielles) ;
- l’exposition à un risque qualitatif pour les productions agricoles françaises, et notamment pour le blé tendre, si les disponibilités des ammonitrates haut dosage devaient se réduire.
On peut aussi s’interroger sur le risque d’un lessivage accru des sols suite à l’utilisation d’engrais moins dosés, et ses conséquences sur la qualité de l’eau.
Au vu des différents arguments exposés ci-dessus, il apparaît évident que la proposition de texte est contre-productive et doit être abandonnée, ou en tout cas revue avec l’éclairage des professionnels de la filière, qui sauront apporter des recommandations pertinentes.
Bonjour,
Il s’agit avant tout de limiter les risques à la source pour les utilisateurs de ces matières qui présentent certains dangers comparables à des explosifs.
Les réductions des risques peuvent être l’occasion de changer les pratiques, avec des bénéfices pour tous.
Le développement d’une filière de bio-méthanisation avec épandage des effluents est peut-être une opportunité à saisir pour une transition vers un usage réduit de ces substances qui appauvrissent les sols sur le long terme.
Par contre d’autres risques liés aux stockages peuvent apparaître dans le cas de l’utilisation simultanée de ces deux façons de fertiliser.
L’avantage supplémentaire est de retrouver une autonomie qui a des effets positifs sur l’environnement.
Evidemment, celles et ceux qui trouvent un intérêt immédiat à un usage d’engrais industriels ne se posent peut-être pas ces questions et ne comprennent peut-être pas que cette filière est en tous points dangereuse, de part la nature des produits et de leurs effets, de la méconnaissance de ceux-ci par leurs utilisateurs et de l’ignorance souvent involontaire de la façon dont ils doivent être protégés surtout en quantités significatives.
Enfin un dernier point : en quoi la recherche d’une sécurité qui s’applique dans certains lieux sera-t-elle hors de propos dans d’autres lieux ?
Il est temps de mettre en place ces mesures qui offrent une augmentation de la sécurité et une occasion de changer des pratiques qui ne sont plus d’actualité.
Ce texte est malheureusement encore une fois complètement déconnecté de la réalité du terrain. Mesdames, messieurs, il serai grand temps de sortir de votre bureau et de mettre les pieds sur le terrain !
En effet les seuls conséquences de ce texte seraient les suivantes :
- Selon le seuil, passage de certaines exploitations grandes cultures en ICPE
- Dissémination du risque dans les exploitations agricoles pour éviter les stocks dans les dépôts des distributeurs
- Fermeture des dépôts
- Orientation vers des engrais moyen dosage
- Fermeture d’usine de fabrication d’engrais en France
En clair que des conséquences négatives.
je dis donc clairement NON à ce texte.