Projet de Plan national d’actions 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage
Consultation du 14/11/2023 au 07/12/2023 - 13058 contributions
La présente consultation porte sur le projet de plan national d’actions (PNA) « loup et activités d’élevage » 2024-2029.
Ce projet de PNA s’inscrit dans la continuité du plan précédent. Il prend en compte l’expansion démographique et territoriale de l’espèce. A la sortie de l’hiver 2022-2023, l’estimation du nombre d’individus est de 1104 (intervalle de confiance : entre 1000 et 1210), présents dans un peu plus de 50 départements.
Cette expansion conduit à adapter et consolider le dispositif établi dans les plans d’action précédents, tant pour la mise en œuvre des moyens de protection, centrale pour la réduction de la déprédation sur les troupeaux domestiques, que pour le protocole de tirs. La connaissance sera mise en avant, avec l’élaboration d’un programme de recherche ambitieux portant notamment sur l’effet des tirs sur la prédation et sur la population lupine, mais aussi sur les apports écosystémiques de la présence lupine.
Ce plan comprend, dans ses différentes parties, une dimension européenne, notamment sur le suivi de la population de loups et l’analyse de son état de conservation à une échelle pertinente, et sur le partage d’expérience en matière de protection des troupeaux.
L’évolution démographique positive de la population de loups conduit également à s’interroger sur une modification du statut de protection de l’espèce au niveau international (convention de Berne) et au niveau de l’UE (directive Habitats).
Afin que la question soit posée sur des bases scientifiques et objectives, ce plan intégrera une étude exhaustive des conditions d’une telle modification ainsi que de ses conséquences sur le dispositif juridique et opérationnel en vigueur en France.
1. Contexte
Contexte juridique
Le loup est une espèce strictement protégée au niveau international et européen. Cette espèce est inscrite à l’annexe II de la Convention de Berne et aux annexes II et IV de la Directive 92/43/CEE dite « Habitats, Faune, Flore », où il est classé « prioritaire d’intérêt communautaire ». Au niveau national, il s’agit d’une espèce protégée au sens de l’article L.411-1 du code de l’environnement, classée comme telle par l’arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection.
Des dérogations à la protection de l’espèce sont prévues par les textes pour prévenir les dommages importants aux troupeaux domestiques, à la double condition qu’il n’existe pas d’autres solutions satisfaisantes et que les opérations ne nuisent pas à l’état de conservation de la population de loups.
Contexte concernant l’état de conservation de l’espèce lupine
Le loup est classé, suivant les critères de la liste rouge de l’Union internationale de la conservation de la nature, en « préoccupation mineure » au niveau international et européen. Il est classé « vulnérable » dans la liste rouge des mammifères continentaux de France métropolitaine, cette liste ayant été établie en 2017.
Sur la durée du PNA 2018-2023, la population lupine est passée de 430 loups en 2018 à 1096 en sortie d’hiver 2021-2022. Dans le détail, l’effectif estimé était de 920 loups, revu à 1096 en sortie d’hiver 2021-2022, contre 624 (réévalué à 783) l’hiver précédent. L’effectif estimé provisoire servant de base au plafond de tirs dérogatoires à la sortie de l’hiver 2022-2023 est de 1104 individus.
L’expansion géographique se poursuit très régulièrement avec un nombre de zones de présence du loup en croissance : on comptait 157 zones de présence permanente en 2022 contre 125 en 2021 ; parmi ces zones, 135 correspondaient à des meutes en 2022 contre 106 en 2021 ; pour rappel, on comptait 52 meutes en 2017.
Contexte concernant la déprédation par le loup
De 2018 à 2021, le niveau de la déprédation sur les troupeaux a connu une relative stabilité, et avait même amorcé une légère baisse (10 826 animaux domestiques indemnisés ou en cours d’indemnisation en 2021 pour 11 746 en 2020 et 11 849 en 2019). En 2022, ce niveau a connu à nouveau une forte augmentation : +21 % pour les attaques avec 4277 constats de dommages contre 3516 en 2021, et +24 % pour les victimes avec 13 286 animaux indemnisés.
Le nouveau plan vise à accélérer la réponse de l’État sur les territoires d’arrivée du loup, simplifier l’accompagnement des éleveurs et rendre plus efficaces les tirs de défense pour les troupeaux soumis à des attaques, sans remettre en cause l’atteinte du bon état de conservation de l’espèce.
2. Présentation du plan national d’actions « loup et activités d’élevage » 2024-2029
Le projet de PNA « loup et activités d’élevage 2024/2029 » est structuré autour de quatre grands axes :
• AXE 1 – Connaissance de l’espèce et statut juridique ;
• AXE 2 – Prévention et gestion des attaques ;
• AXE 3 – Importance de l’élevage et du pastoralisme ;
• AXE 4 – Gouvernance et communication.
La présentation ci-après se focalise essentiellement sur les points qui, pour chacun des axes, ne figurent pas dans le PNA 2018-2023.
AXE 1 - Connaissance de l’espèce et statut juridique
La volonté est d’appuyer la décision publique sur la science :
• Connaitre l’état de conservation de l’espèce lupine dans l’hexagone, mais également au-delà : le suivi génétique sera amplifié en France afin de pouvoir examiner les connexions entre les différentes populations de loups en Europe ;
• Inscrire le PNA dans une nouvelle dimension européenne : rechercher l’adoption de méthodes d’estimation des populations communes avec les autres pays ;
• Évaluer la taille et la diversité nécessaires de la population pour assurer la conservation de l’espèce, aux échelles pertinentes, y compris transfrontalières ;
• Étudier les conséquences d’un éventuel changement de statut du loup, au sein de la Directive Habitats et de la Convention de Berne : mesurer ce que cela pourrait entraîner en termes de gestion de population ;
• Adopter un plan pluriannuel de recherche : la question de l’effet des tirs sur la dynamique de prédation et sur les populations de loups demeure prépondérante ;
• Étudier les apports écosystémiques de la présence lupine et les effets des mesures de protection sur la biodiversité.
Pour veiller au respect du bien-être animal et à la sécurité publique, les établissements détenant des loups en captivité feront l’objet d’un contrôle tous les 3 ans.
AXE 2 - Prévention et gestion des attaques
Protection :
• Aller au-delà du financement des trois grands moyens de protection actuels (clôture, chiens de protection du troupeau et gardiennage) pour de nouveaux moyens de protection, de nouveaux accompagnements des éleveurs et des bergers (brigades de bergers au-delà des parcs nationaux, développement des analyses de vulnérabilité, etc.) ;
• Étudier la création d’un nouveau statut du chien de protection de troupeau ;
• Développer l’observatoire des protections et le territorialiser.
Dérogations :
• Modifier le protocole de tirs dans une logique de simplification ;
• Réorganiser la louveterie, en spécialisant une partie des louvetiers sur la protection des troupeaux.
Indemnisation :
• Indemniser de façon plus juste la valeur des animaux, en tenant compte de l’inflation ;
• Mieux prendre en compte les pertes indirectes ;
• Poursuivre l’amélioration des procédures d’indemnisation : développer, dans les départements de présence historique du loup, les constats directs ;
• Poursuivre la dématérialisation des constats avec une application mobile dédiée, déployée cette année ;
• Accentuer la prise en compte des effets des attaques sur la santé, et les enjeux de santé liés à la protection des troupeaux.
AXE 3 – Importance de l’élevage et du pastoralisme
• Évaluer l’impact des élevages et du pastoralisme sur les milieux ruraux : observatoire de l’élevage ;
• Développer et améliorer la formation initiale et continue des bergers et en faciliter l’accès.
AXE 4 – Gouvernance et communication.
• Réaffirmer la coordination de l’action par la préfète d’Auvergne-Rhône-Alpes ;
• Coordonner les différents plans d’actions grands prédateurs (loup, ours, lynx) ;
• Anticiper l’arrivée du loup dans de nouveaux territoires : mise en place des comités grands prédateurs, formation et équipement des louvetiers, mise à disposition des moyens de protection des troupeaux ;
• Développer et territorialiser une stratégie de communication « grand public » ;
• Évaluer les plans nationaux d’actions successifs par les inspections générales.
Ce plan d’actions a été présenté au Groupe national Loup le 18 septembre 2023.
Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a donné un avis défavorable le 19 octobre 2023 sur ce plan national d’actions.
Le projet de plan national d’actions et l’avis du CNPN sont téléchargeables en pièces jointes.
En application du dernier alinéa du II de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, les observations du public pour cette consultation sont rendues accessibles au fur et à mesure de leur réception.
La consultation est ouverte du 14 novembre au 7 décembre 2023 inclus.
Commentaires
C’est un non sens avec l’objectif initial que les autorisations et modalités de tir dérogatoires soient simplifiées et que le PNA envisage d’augmenter le plafond annuel de loups tués, cela revient à introduire une régulation de l’espèce.
Tout comme l’engagement de l’Etat en faveur de la modification du statut de protection du loup et son déclassement d’espèce strictement protégée, est en contradiction avec l’objectif de son bon état de conservation.
Pourquoi seuls les éléments accablants le loup sont-ils mis en avant et pas un seul instant les bénéfices de sa présence?
En tant que prédateur, le loup joue notamment un rôle important dans la régulation des ongulés et participe ainsi à la régénérescence de la forêt. Les loups ne seront jamais en surnombre sur un territoire, car ils se régulent tout simplement en fonction des ressources disponibles. Et il y aurait encore tant à dire… vous le savez déjà, bon nombre de spécialistes vous ont déjà fait part de leurs observations afin de vous éclairer sur la nécessité de réapprendre à vivre avec le loup.
Pourquoi les solutions de coexistence ne sont-elles pas plus mises en avant? Des exemples concrets existent.
Des éleveurs français ont réappris à vivre avec le loup et ont mis en place des mesures qui leur permettent de protéger efficacement leurs troupeaux (chien de protection, bergers).
De nombreux autres pays nous montrent qu’ils vivent sans conflit avec le loup depuis des siècles…
Pourquoi les acteurs qui se mobilisent contre ce projet et/ou proposent une alternative pour une coexistence ne sont pas entendus?
Le Conseil National de Protection de la Nature, pour exemple, consultée dans le cadre de l’élaboration de ce PNA, a émis un avis négatif sur la plupart des points énumérés ci-dessus, néanmoins le gouvernement n’en a pas tiré la moindre conclusion et n’a apporté aucune modification au projet.
Il est nécessaire de nous adapter, de revoir nos activités et modes de vie pour préserver notre environnement et toute sa biodiversité ! A nous de faire preuve d’intelligence, arrêtons de reproduire les mêmes erreurs !!!
Ce projet de PNA 2024-2029 ne vise plus en priorité à favoriser la coexistence entre le loup et les activités humaines, mais au contraire à limiter au maximum la présence de l’animal en France, en renforçant notamment la mise en oeuvre de tirs létaux.
Le WWF France met en doute l’efficacité, non démontrée à ce jour, de ces destructions de loup sur les conditions de travail des éleveurs. Les efforts collectifs doivent plutôt se porter vers l’assistance à la protection des troupeaux pour permettre une coexistence apaisée entre vie sauvage et activités économiques.
Plusieurs ONG et associations de protection de la nature oeuvrent en ce sens. A l’instar de ce qui est développé par le WWF France dans le cadre du programme « Entre Chien et Loup » en Haute-Savoie, leurs actions font la démonstration que la protection des troupeaux, s’appuyant notamment sur une présence humaine renforcée de jour comme de nuit, l’utilisation de caméras thermiques pour anticiper les attaques et un effarouchement déterminé, réduit la prédation à de très rares cas.
De nombreux points négatifs, relevés tant en matière de méthode que de contenu, motivent l’opposition du WWF France à ce PNA :
• Le PNA précédent (2018-2023) n’a fait l’objet d’aucune évaluation de la pertinence des actions engagées. En particulier, il ne présente pas d’analyse de l’évolution de la situation en termes de dommages, de développement de la population de loups, de valorisation des expériences de terrain favorisant la coexistence, ou de baisse du nombre d’animaux d’élevage tués par rapport au nombre de loups présents. Aucune évaluation n’est davantage effectuée des bénéfices apportés par la protection des troupeaux et de l’efficacité supposée des tirs mortels, alors que ce sont deux éléments centraux du plan. En conséquence, le projet actuel ne tient pas compte des enseignements du plan précédent.
• Alors que ce PNA devrait viser l’atteinte du bon état de conservation de l’espèce en France tout en assurant le soutien et l’accompagnement de l’élevage, il n’est fait mention que des impacts négatifs de la présence du loup et non des bénéfices qu’elle apporte. A l’inverse, l’élevage est présenté uniquement au travers de ses retombées positives, sans tenir compte des problèmes qu’il peut engendrer lorsqu’il est trop intensifié ou mal géré.
• L’engagement de l’Etat en faveur de la modification du statut de protection du loup et son déclassement d’espèce strictement protégée, envisagé à la fois dans la convention de Berne et dans la directive Habitats Faune-Flore, est une démarche sans précédent dans un PNA et contraire à l’objectif d’assurer le bon état de conservation. Il s’agit d’un précédent inacceptable, qui ne peut avoir sa place dans un plan national d’action pour une espèce protégée, et ouvre une brèche dans le domaine de la protection de la faune sauvage.
• Les autorisations et modalités de tir dérogatoire sont simplifiées et le PNA envisage d’augmenter le plafond annuel de loups tués. Ces mesures visent à introduire une régulation de la population de loups, ce qui est en contradiction avec le droit communautaire et national mais également un non-sens d’un point de vue de l’écologie du loup.
• Le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN), instance scientifique indépendante consultée dans le cadre de l’élaboration de ce PNA, a produit un avis négatif qui met en avant la plupart des points énumérés ci-dessus, sans que cela ait conduit à la moindre modification. C’est également le cas du Conseil scientifique (CS) du groupe national loup piloté par l’Etat.
• Plusieurs recommandations issues du rapport de parangonnage européen (8 cas comparés avec la France en Allemagne, Espagne, Slovaquie, etc…), commandé par l’Etat à son propre service d’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) et son Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) et publié en septembre dernier, ne valident pas voire contredisent des mesures retenues dans ce PNA2024-2029 (par exemple : recommandation d’abandonner les dispositions relatives à la non-protégeabilité des troupeaux de bovins ; recommandation de documenter les circonstances des attaques dans le cadre de l’observatoire des mesures de protection, pour pouvoir évaluer l’efficacité des mesures de protection et les optimiser (pas de données de ce type produites depuis 2016 et le travail commandé par l’Etat au bureau d’études Terroïko)).
En raison de l’ensemble de ces lacunes ou incohérences ; considérant que ce PNA ne présente pas clairement les actions, leur pilote, leur évaluation, le calendrier de mise en œuvre, les financements ; constatant que la philosophie générale du plan ne met pas la priorité sur la protection des troupeaux (anticipation, suivi, amélioration continue par l’évaluation…) mais sur une politique de tirs létaux renforcée, difficilement contrôlable, mise en œuvre sans protocole scientifique robuste et sans démonstration de son efficacité,
le WWF France émet un avis très défavorable à ce plan.
Le WWF France demande une temporisation permettant d’effectuer un travail d’évaluation véritable du plan précédent, visant au minimum à intégrer les recommandations du CNPN, du CS, de l’IGEDD et à hiérarchiser les objectifs et les solutions selon ce qui est attendu d’un PNA, ainsi que l’on peut le lire sur le site du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires : « Les plans nationaux d’actions (PNA) sont des outils stratégiques opérationnels qui visent à assurer la conservation ou le rétablissement dans un état de conservation favorable d’espèces de faune et de flore sauvages menacées ou faisant l’objet d’un intérêt particulier ».
Ce plan a recueilli avis défavorable de scientifiques et se détourne de son objectif en favorisant le pastoralisme alors qu’il a vocation prioritaire à maintenir la population de loups en bon état de conservation.
On ne peut préserver l’élevage au point de mettre en danger le loup.
Le loup n’est pas seulement un prédateur d’animaux d’élevage, mais contribue de manière importante à l’équilibre de la faune sauvage.
L’équilibre n’est pas dans ce plan.
Comme rappelé dans la présentation du plan le loup est une espèce strictement protégée au niveau international et européen. Cette espèce est inscrite à l’annexe II de la Convention de Berne et aux annexes II et IV de la Directive 92/43/CEE dite « Habitats, Faune, Flore », où il est classé « prioritaire d’intérêt communautaire ».
C’est bien parce qu’il fait partie du patrimoine naturel européen, dont il a failli disparaître qu’il est est protégé à ce niveau supra national.
Ce plan constitue un premier pas vers une déclassification d’une espèce protégée, par définition incompatible à sa préservation qui donnerait de facto au loup le statut d’une espèce vulnérable.
Nous savons que seule l’application de principes de protection rigoureux ont permis d’éviter la disparition de certaines espèces ou la reconstitution de leur population.
Il est nécessaire réviser ce plan en écoutant les avis des scientifiques, sans céder aux pressions de ceux qui n’ont qu’une vision à court terme de ce que doit être la nature.
L’avis défavorable du Conseil National de Protection de la Nature devrait être pris en considération.
Il n’est pas raisonnable de passer outre.
Nous connaissons d’une manière générale les conséquences de ce type de surdité pour notre planète.