Projet d’arrêté relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes sur le territoire de La Réunion

Consultation du 29/04/2020 au 21/05/2020 - 224 contributions

Les espèces exotiques envahissantes sont reconnues par la Convention sur la diversité biologique (CDB) comme la troisième cause de l’appauvrissement de la biodiversité mondiale. Elles sont favorisées par les perturbations et les pressions anthropiques (dégradation environnementale, commerce international, changement climatique…). Par leurs multiples impacts, elles menacent les espèces indigènes, les habitats naturels et les services rendus par les écosystèmes, mais également les activités économiques et la santé humaine.
Le droit applicable à ces espèces a connu ces dernières années des évolutions majeures.
Ainsi, le règlement (UE) n°1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes oblige, dans son article 6 § 2, les États-membres comptant des régions ultrapériphériques à adopter une « liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes dans chacune de ces régions ».
La France compte six régions ultrapériphériques, toutes situées dans les outre-mer : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Martin.
Les espèces exotiques envahissantes « préoccupantes » feront l’objet des mesures prévues à l’article 7 du règlement, c’est-à-dire que leur introduction dans le milieu naturel et éventuellement, plus strictement encore, leur introduction sur le territoire national, leur transit sous surveillance douanière, leur détention, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur échange, leur mise en vente, leur vente et leur achat seront interdits.
Pour la mise en œuvre de cet article en droit français, et conformément aux articles L. 411-5 et L. 411-6 du code de l’environnement, les listes d’espèces exotiques envahissantes « préoccupantes » sont fixées par arrêté interministériel.
Ce projet de liste (espèces animales) a été élaboré par la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de La Réunion, en lien étroit avec les acteurs locaux concernés. Cette démarche s’est inscrite dans le cadre des actions déjà engagées dans ce territoire pour lutter contre la présence d’espèces exotiques envahissantes : détermination des méthodes et sites de lutte, animation d’acteurs. Ce projet de liste a, avant d’être transmis au Ministère, été soumis au conseil scientifique régional du patrimoine naturel.
La présente liste concerne les espèces réglementées au titre de l’article L.411-6 du code de l’environnement, à savoir celles qui sont interdites d’introduction dans le milieu naturel, d’importation sur le territoire de La Réunion, de détention, de transport, d’utilisation, d’achat, de vente, d’échange.

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Commentaires

  •  Dam, le 16 mai 2020 à 03h44

    Je suis défavorable a l’application de cette norme Européenne.

  •  Oiseaux exotiques , le 15 mai 2020 à 21h50

    Bonjour sa devient du grand n’importe quoi c’est loi la n’avons nous plus le droits de rien faire sur cette terre plus sa évolue est plus nous recommençons à être enchaînée comme a l’ancienne époque faut arrêter interdire l’espèce exotiques c’est tué toutes une passion

  •  AVIS FAVORABLE, sauf pour l’article 4 - 2° - (iii), le 15 mai 2020 à 17h58

    Je suis contre toute commercialisation et trafic d’animaux.
    Cet arrêté me paraît cohérent SAUF l’alinéa 2° (iii) de l’article 4, je cite "soit abattus ou éliminés", il est question d’êtres vivants alors il faut allonger les délais ou accorder des autorisations spéciales concernant les "stocks" existants au jour de parution de l’arrêté.

  •  Non à l’assouplissement de la législation, le 15 mai 2020 à 17h33

    La Réunion a déjà eu à pâtir de l’introduction volontaire ou non de multiples espèces animales ou végétales qui se sont révélées invasives et destructrice de la biodiversité endémique. (ex : rats, chats, merle de Maurice, etc…)
    Tout assouplissement de la législation en vigueur sur l’introduction, l’élevage, la vente d’espèces non présentes naturellement sur notre sol me semble une très grosse erreur, aux conséquences imprévisibles. Je m’oppose donc à tout amendement ou modification des lois en vigueur, et aimerait un renforcement de ces lois et une surveillance accrue.

  •  AVIS DÉFAVORABLE , le 15 mai 2020 à 17h10

    Il faut protéger la biodiversité de l’île de la reunion, mais il y a beaucoup trop de restrictions dans cet arrêté.
    De plus, aucune concertation n’a été proposée à l’ensemble des professionnels de ce domaine.

  •  avis defavorable, le 15 mai 2020 à 17h05

    "le règlement (UE) n° 1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes oblige, dans son article 6 § 2, les États-membres comptant des régions ultrapériphériques à adopter une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes dans chacune de ces régions."
    Ce qui est fondamental à retenir d’un point de vue juridique, c’est que selon article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le règlement présente des caractéristiques qui lui sont propres et qui sont différentes des autres actes (directives, décisions, recommandations ou avis / classification issue du traité de Lisbonne de 2007) : Il est une norme précise qui se suffit à̀ elle-même.
    Le règlement est, en particulier, très différent de la directive qui lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à̀ la forme et aux moyens.

    Ce projet n’est donc absolument pas conforme au règlement n° 1143/2014 du 22 octobre 2014. En effet, dans le projet actuel, on évoque quasi-systématiquement des classes, des ordres, des familles ou genres et non une liste précise d’espèces comme stipulé expressément dans le règlement européen. Si on inverse les choses, cela revient, dans les faits, à faire une liste positive avec le peu d’espèces restantes. Il nous semble que ça n’est pas ce qui est demandé.

    Même si le règlement n° 1143/2014 considère que « les espèces faisant partie d’un même groupe taxinomique ont souvent des exigences écologiques similaires et peuvent présenter des risques similaires, il convient, le cas échéant, d’autoriser l’inscription de groupes taxinomiques d’espèces sur la liste de l’Union. », ce principe ne peut pas s’appliquer au niveau de la classe ou de l’ordre, très rarement au niveau de la famille et rarement au niveau du genre qui regroupe des espèces qui ont souvent des besoins très différents.

    Prenons l’exemple de l’ordre des squamates ou squamata (10 078 espèces !), nous avons des espèces de lézards ou de serpents qui vivent dans des milieux désertiques, humides ou tempérées. En terme alimentaire, certaines sont herbivores, d’autres insectivores (certains serpents le sont) ou carnivores, là aussi avec des préférences alimentaires très différentes (petits mammifères, oiseaux, lézards, escargots, grenouilles ou autres serpents pour les espèces ophiophages). En matière de reproduction, les besoins peuvent aussi être très différents avec une hydrométrique ou des températures très variables pour des espèces ovovivipares ou ovipares. Le seul critère du « espèces grimpant aux arbres » évoqué dans l’avis du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) ne suffit pas à déterminer si une espèce est invasive et préoccupante ou pas et l’impact qu’elle peut avoir : est-elle diurne ou nocturne ? Préfère-t-elle des températures fraiches ou chaudes ? Quel est son régime alimentaire ? Est-ce une espèce prédatrice ? Que mange-t-elle ? Bien d’autres questions peuvent se poser.

    C’est pourquoi le règlement précise que : « Les critères régissant l’inscription sur la liste de l’Union constituent le principal instrument de mise en application du présent règlement. Pour garantir une utilisation efficace des ressources, ces critères devraient également garantir que, parmi les espèces exotiques envahissantes potentielles connues à ce jour, celles dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste. La Commission devrait présenter au comité institué par le présent règlement une proposition de liste de l’Union fondée sur ces critères dans l’année suivant l’entrée en vigueur du présent règlement. Lorsqu’elle propose la liste de l’Union, la Commission devrait informer ledit comité de la manière dont elle a pris en compte ces critères. Il convient que lesdits critères comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces. »

    Autre constat, les conditions géographiques (multitude de milieux différents en fonction de l’altitude), climatiques (été chaud et hiver plus froid qu’en région équatoriale avec des remontées froides de l’antarctique), hydrologiques (quasi-totalité des rivières à sec durant l’année sauf durant les cyclones ou le débit peut être très violant) et physicochimiques de l’eau de l’île de la Réunion (étangs en bord de mer avec des remontées salines rendant l’eau fortement minéralisée) ne permettent pas à l’ensembles des espèces des classes, ordres, familles et genres mentionnés dans le projet d’arrêté de pouvoir prospérer sur ce territoire. Avec une telle diversité de biotopes et une grande différence de températures, de pluviométrie ou d’hydrométrie, il est forcément nécessaire d’être précis sur les espèces réellement envahissantes avec un caractère préoccupant et exclure les autres.

    Nous avons, dans nos eaux, les espèces indigènes suivantes : Anguilla marmorata, Anguilla mossambica, Anguilla bicolor bicolor, Kuhlia rupestris, Eleotris fisca, Eleotris mauritianus, Awaous nigripinnis, Glossogobius giurus et Stenogobius polyzona.
    Toutes ces espèces sont carnivores et de nature à empêcher la prolifération des poisson exotiques de couleur vive (la plupart des poissons d’aquarium). Le « Tilapia », espèce exogène et prédatrice, est également présente en très grand nombre dans nos étangs. Si des espèces exotiques adultes arrivaient à échapper à cette prédation naturelle et parvenaient à se reproduire, les alevins n’auraient aucune chance de survie.

    Nous avons donc deux questions : A-t-on retenu les espèces dont les effets néfastes sont les plus importants pour la Réunion ? Sur quelle évaluation des risques s’est-on appuyé pour retenir les classes, ordres, familles et genres à interdire pour notre île ?

    Il est à noter que dans l’arrêté du 14 février 2018 relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain, il est fait mention, en annexe, d’une liste d’espèces clairement identifiées. Les seules exceptions portent sur les genres de tortue Chrysemys spp, Clemmys spp, Graptemys spp, Pseudemys spp et Trachemys spp, même si on mentionne aussi l’espèce Trachemys scripta, et la famille des Sciuridae. Ces regroupements sont sans doute justifiés par des études scientifiques (elles sont nombreuses pour les tortues dites « de Floride »). Pour le reste, il faudrait procéder selon le même principe pour le projet concernant l’île de la Réunion. La règle reste l’espèce et les regroupements taxonomiques l’exception.

    Ensuite, il faut également être précis sur la définition même d’une espèce exotique envahissante préoccupante.

    Selon la définition du règlement n° 1143/2014 qui a une valeur normative, une espèce exotique envahissante préoccupante pour un État membre est « une espèce exotique envahissante autre que les espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union, pour laquelle un État membre considère, en s’appuyant sur des données scientifiques, que les effets néfastes de sa libération et de sa propagation, même s’ils ne sont pas pleinement démontrés, sont lourds de conséquences pour son territoire, ou une partie de celui-ci, et requièrent une action au niveau de l’État membre concerné ».

    Il ne faut donc par faire les choses par idéologie, mais bien en s’appuyant objectivement sur la définition claire « des espèces exotiques envahissantes préoccupantes » du règlement. A ce sujet, nous nous interrogeons : sur quelles études scientifiques propre à l’île de la Réunion s’est-on appuyé pour placer ces ordres, classes, familles ou genres entiers dans la catégorie des invasifs préoccupants ?

    Sur ce point précisément, et en effectuant des recherches sur les « espèces » mentionnées dans ce projet (base de données sur les espèces exotiques envahissantes en Outre-Mer de l’UICN / liste du Centre de ressources espèces exotiques envahissantes dont la coordination et l’animation sont assurées par l’UICN France et l’Office français de la biodiversité / site internet du GEIR (Groupe Espèces Invasives de La Réunion) / liste rouge des espèces menacées en France de l’UICN et du MNHN - faune de La Réunion / etc.), nous avons des interrogations.

    En effet, impossible de trouver une quelconque information sur le caractère invasif et préoccupant à la Réunion d’une famille de poisson d’eau douce comme les Characidae (1 122 espèces dont 300 régulièrement commercialisées et jamais observées dans les eaux réunionnaises) ou les Aplocheilidae. C’est la même chose pour la plupart des autres familles…

    Autre cas incompréhensible pour l’ordre des Pelecaniformes (les pélicans), L’espèce Pelecanus rufescens
    (nous ne savons pas s’il s’agit bien de celle-ci puisque nous n’avons aucune précision dans le projet d’arrêté) a été observée, selon nos sources, de manière exceptionnelle à l’île de la Réunion (au moins une donnée fiable en 1997) (Putelat, Probst & Lépissier, 1998). L’individu repéré est venu par ses propres moyens, probablement à partir de populations naturelles de Madagascar. Dans ce cas, nous ne sommes absolument pas dans le cas d’une espèce invasive introduite par l’homme puisque l’espèce est venue par ses propres moyens, et nous sommes encore moins dans le cas d’une invasion préoccupante car le dernier cas d’observation fiable porte sur un seul individu, il y a 23 ans.

    Cela confirme qu’il y a un vrai problème de fond avec ce projet qui ne s’appuie pas sur des données factuelles pourtant abondantes sur le sujet.

    Si le règlement européen oblige à établir une liste d’espèces invasives et préoccupantes avec, préférentiellement, ce niveau de détail (c’est-à-dire l’espèce), c’est qu’il y a une bonne raison. Les regroupements par classe, ordre, famille ou genre sont l’exception et non la norme. Cette raison a été comprise en France métropolitaine. Pourquoi ne le serait-elle pas dans les RUP et, plus particulièrement, à la Réunion dans le cas présent.

    Nous demandons d’éviter les surenchères inutiles, sans pour autant se jeter dans l’insouciance ou l’irresponsabilité. Comme toujours pour légiférer, il s’agit d’avoir le ton juste.

    Concrètement, il faut être plus précis et respecter le règlement européen en précisant les espèces et ne pas céder à la facilité en englobant des classes, ordre ou famille entière dont les espèces ont très peu de choses en commun.

    Un autre exemple : la crevette Neocaridina heteropoda var. Red a été observée en 2018 dans la Rivière du Mât (l’une des rares rivières en eau toute l’année), ayant probablement été lâchée dans la nature. La population observée était très importante. Dans ce cas, pas de problème car cette espèce correspond bien à la définition. Mais alors, il faut bien mentionner l’espèce « Neocaridina heteropoda » dans l’arrêté et pas autre chose.

    La sagesse voudrait que l’on retienne uniquement les espèces effectivement envahissantes comme celle-ci. Evitons d’inscrire ou de retranscrire dans ce projet une crainte hypothétique ou la peur collective pour une classe ou une famille (les reptiles, les araignées, etc.).

    A l’inverse du cas de Neocaridina heteropoda, le fait de retrouver 4 spécimens de telle espèce, ou pire, de tel genre dans l’année ne constitue pas un caractère envahissant préoccupant même si les médias peuvent s’en émouvoir. Il s’agit souvent d’abandons par des propriétaires dépassés qu’il est possible d’éviter en exigeant le certificat de capacité dans les RUP pour les espèces et genres demandant certaines connaissances particulières. On supprime ainsi les achats impulsifs et irréfléchis d’un animal dont on ignore tout. Il est à noter que beaucoup de dispositions existent déjà dans l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non-domestiques. Les choses vont plutôt dans le bon sens. Encore faut-il que ceux qui passent leur certificat de capacité à la Réunion ne soient pas plus limité en termes d’espèces que ceux qui le passent en métropole.

    En effet, le certificat de capacité peut être utilisé dans le cadre de l’application de ce règlement qui prévoit que « Grâce aux mesures prises en vertu du présent règlement, les États membres peuvent imposer des obligations aux détenteurs ou aux utilisateurs d’espèces exotiques ».

    A l’autre bout de la chaine, il nous appartient aussi d’organiser une filière de récupération de ces animaux pour éviter qu’ils ne finissent dans nos espaces naturels, même en petit nombre. Les membres du collectif Réunion biodiversité vont s’organiser en ce sens : Kensy Aquarium récupérera les poissons (poissons rouges, « pleco », cichlidés divers, etc.) auprès des particuliers qui souhaitent s’en séparer, l’association Reptiles 974 se chargera des reptiles. Il existe déjà des associations qui ont les structures adaptées pour récupérer les oiseaux exotiques.

    Nous souhaitons également mettre en avant l’une des particularités de la population réunionnaise. Celle d’avoir toujours aimé s’occuper des animaux. Cette tradition ne disparaîtra pas parce qu’on aura interdit toutes les importations d’animaux exotiques. Nous souhaitons vous alerter sur ce point car nombreux seront ceux qui irons prélever dans la nature les animaux qu’ils ne pourront plus se procurer autrement, peu importe l’espèce : oiseaux (bec rose, Cardinal, espèces endémiques), poissons (guppy, bouche ronde, etc.) et reptiles (lézards verts/Phelsuma endémiques ou non) avec les conséquences que l’on peut imaginer sur le milieu. Pour d’autres, se sera simplement le recours au marché noir et aux trafics en tout genre. Si on veut garder un contrôle sur la vente d’animaux, il faut que l’acquisition d’espèces non invasives reste légale.

    D’un point de vue économique, le règlement européen indique, comme précisé plus haut, que « celles (les espèces) dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste » et « Il convient que lesdits critères (de sélection des espèces) comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces ». En apportant cette précision le règlement reconnait qu’il y a toute une activité commerciale autour de la vente d’animaux de compagnie (poissons d’aquarium, oiseaux, rongeurs et reptiles), dont font partie les animaux exotiques. Nous regrettons que ce point ait été ignoré dans le projet d’arrêté concernant l’île de la Réunion. Nous ne sommes pas opposés à interdire de la vente les espèces réellement invasives avec un caractère préoccupant. Néanmoins, le choix de ces espèces doit se faire dans le cadre d’une réelle concertation et en s’appuyant sur une véritable évaluation des risques.

    On ne doit pas jeter le bébé avec l’eau du bain sous prétexte de vouloir trop bien faire dans le domaine de la biodiversité. Le trop est parfois l’ennemi du bien.

    Cette RUP est déjà fortement touchées par le chômage avec un taux proche de 25% et tout interdire, sans discernement, entrainerait inévitablement des fermetures d’animaleries et de grossistes avec d’importantes suppressions d’emplois. Au vu de la crise post-covid19 qui s’annonce dans tout le pays, c’est aussi un élément à prendre en compte.

    Le secteur des animaux de compagnie représente sur notre île :
    <span class="puce">-  Une trentaine d’établissements (animaleries, jardineries, importateurs, grossistes et éleveurs) employant plus de 200 personnes, sans compter les emplois indirects liés à cette activité (transitaires, transporteurs, compagnies aériennes, etc.),
    <span class="puce">-  Un chiffre d’affaires annuel entre 150 et 200 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une TVA collectée pour l’Etat entre 13 et 17 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une somme estimée entre 3 et 5 millions au titre de l’octroi de mer réinjectée dans notre économie locale.
    Ne nombreux investissements et de lourds emprunts bancaires ont également été réalisés ces dernières années par les professionnels. Ce projet d’arrêté met en péril la totalité de la filière.

    Nous tenons également à préciser que les grossistes et animaleries de l’île de la Réunion n’ont pas tous officiellement été conviés à participer à la phase amont de consultation du projet. De plus, le peu de professionnels présents ont fait des remarques qui n’ont pas été prises en compte. Il n’y a donc pas eu de réelle concertation globale sur le projet.

    POUR CONCLURE :

    La liste des espèces envahissantes doit être précise et porter uniquement sur des espèces clairement identifiées (aspect juridique incontournable et obligatoire). Le principe de précaution propre à la France devrait être traité par l’obligation du certificat de capacité (l’outil doit être appliqué convenablement à la Réunion).

    L’esprit de cet arrêté nous semble verser dans une mode de la peur aveugle à l’égard d’une catégorie de personnes en culpabilisant non pas les auteurs de lâchers d’espèces invasives (problématique déjà traitée par l’arrêté́ du 9 février 2018 relatif à̀ la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire de La Réunion), mais les possesseurs d’animaux exotiques ou de Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) dans leur ensemble. C’est omettre que la très grande majorité des possesseurs de ce type d’animaux ne sont pas des irresponsables face aux impératifs écologiques et surtout négliger que tous ne sont pas réductibles à n’être que des possesseurs de nouveaux animaux dits de compagnie, mais pour un nombre non négligeable des passionnés qui contribuent à élever des espèces rares et à accumuler des informations très importantes sur les conditions d’élevage et de maintenance. Grâce à ces passionnés des espèces peuvent être sauvées de l’oubli ou sauvées tout court (car considérées comme peu sympathique par beaucoup) et continuer d’exister autrement que dans les seuls ouvrages spécialisés.

    La conservation ex situ s’accompagne d’une participation croissante à la protection des espèces rencontrées en terrariophilie. Certains de ces éleveurs sont regroupés dans le monde associatif, par exemple au sein de l’European Studbook Foundation, la Deutsche Gesellschaft für Herpetologie und Terrarienkunde (DGHT) ou la Fédération francophone pour l’élevage et la protection des tortues (FFEPT).

    De même, l’oiseau Spinus cucullatus (Tarin rouge du Venezuela) est classé en annexe A du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce depuis 1996 en tant qu’espèce menacée. Un élevage massif par les amateurs a permis de le classer en annexe X (autorisation de commerce et d’élevage) du règlement n° 865/2006 pour les spécimens nés en captivité.

    Dans l’état actuel, nous formulons un avis défavorable au texte présenté car réalisé sans concertation, ne respectant pas le cadre juridique du règlement européen, trop réducteur (simplification abusive) et inexacte quant aux espèces invasives et réellement préoccupantes.

    collectif Reunion Biodiversite

    MC

  •  Contre l’importation d’espèces invasives., le 15 mai 2020 à 16h25

    La faune et la flore endémiques de La Réunion sont déjà "étouffées" par les espèces invasives importées dans l’île sous divers prétextes.(Ex.:le merle de Maurice !)
    Protégeons nos oiseaux,nos petits mammifères,nos insectes etc… de toute prédation extérieure à des fins commerciales.

  •  Protection de l’île, le 15 mai 2020 à 15h48

    On se doit de protéger l’intégrité de l’île contre toute importation d’espèce étrangère. Il vaut toujours mieux prévenir que guérir !!

  •  Favorable et on devrait aller encore plus loin, le 15 mai 2020 à 15h20

    Enfin un début de réglementation … avec hélas plusieurs siècles de retard. Les dégâts des espèces exotiques envahissantes sur notre patrimoine naturel sont déjà considérables et pour beaucoup irréversibles. Rappelons au passage que notre patrimoine naturel est également notre principal patrimoine économique, avec un tourisme spécialisé dans la nature qui constitue le seul réel avenir économique durable de l’île. Mais encore faut-il que notre "produit" reste attractif au long terme, avec la préservation de sa biodiversité unique au monde.
    Alors que la beaucoup de pays insulaires indépendants imposent des restrictions draconiennes en matière d’introduction de plantes et d’animaux, des Région Ultra-Périphériques européennes situées dans des "points chauds" de biodiversité continuent à permettre l’introduction de quasiment toute plante ou animal. C’est une aberration qu’il était urgent de rectifier.
    J’émets donc un avis favorable à ce projet d’arrêté, et je déplore même qu’on ne soit pas allé plus loin avec une liste inversée (liste "positive") qui n’aurait permis l’introduction que de quelques espèces, animales comme végétales, parfaitement identifiées et sans aucun risque de naturalisation. Tout le reste devrait être interdit par défaut.

  •  Avis très favorable. Oui à une véritable prise en compte de la biodiversité., le 15 mai 2020 à 11h37

    Nous sommes obligés actuellement de prendre en compte le caractère primordial de l’intégralité du vivant. La biodiversité n’est pas un mot supplémentaire ajouté au lexique de la protection de l’environnement ; c’est un tout dans lequel, nous, en tant qu’humains, devons prendre notre place. Ce tout ne nous appartient pas, il n’est pas à notre disposition pour installer notre suprématie et faire qu’il se plie à toutes nos activités.

    Nous savons très bien, en nous penchant sur notre passé, que toute introduction, volontaire ou pas, peut avoir des conséquences irréversibles sur la biodiversité, il suffit, à la Réunion, d’étudier le cas du bulbul orphée ou du martin triste (responsable de la disparition de la Huppe de Bourbon à laquelle il a transmis une maladie…) Les risques ne sont plus à prendre car nous savons quelle portée peut avoir toute introduction d’espèces.

    L’érosion du vivant n’est plus envisageable, nous sommes dans une situation où tout doit être mis en œuvre pour garder en l’état l’intégralité de la biodiversité qui nous entoure, c’est une des conditions à la survie de notre espèce…Dans ce sens, il convient de rester ferme sur cet arrêté qui prévoit une liste des espèces interdites à la détention, le transport, le colportage, l’utilisation, l’échange, la vente et l’achat.

  •  non au plaisir, le 15 mai 2020 à 09h53

    Oui à la protection de la flore et de la faune sauvage. Oui à la préservation de notre planète.
    Oui pour l’amende au destructeur,payeur
    Oui pour des contrôles plus strictes dans les pays dont les espèces doivent être préservées.
    Oui à l’encadrement et la réglementation des espèces protégées mais l’amalgame est facile et comme l’excès est toujours néfaste .Il ne faudrait pas que cette loi soit un excès de plus à la liberté de chacun.
    De nombreux emplois sont concernés par la restriction de plus en plus sévères sur le végétal et sur les animaux.

  •  apprendre à respecter en élevant, le 15 mai 2020 à 09h12

    Il est important de transmettre des connaissances pratiques et pas seulement des théories en matière de respect de la nature. Apprendre à observer en élevant est primordial. <br class="manualbr" />Il n’est donc pas intéressant pour l’avenir de la planète de sacrifier ce savoir faire.

  •  Avis défavorable , le 14 mai 2020 à 20h10

    "le règlement (UE) n° 1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes oblige, dans son article 6 § 2, les États-membres comptant des régions ultrapériphériques à adopter une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes dans chacune de ces régions."
    Ce qui est fondamental à retenir d’un point de vue juridique, c’est que selon article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le règlement présente des caractéristiques qui lui sont propres et qui sont différentes des autres actes (directives, décisions, recommandations ou avis / classification issue du traité de Lisbonne de 2007) : Il est une norme précise qui se suffit à̀ elle-même.
    Le règlement est, en particulier, très différent de la directive qui lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à̀ la forme et aux moyens.

    Ce projet n’est donc absolument pas conforme au règlement n° 1143/2014 du 22 octobre 2014. En effet, dans le projet actuel, on évoque quasi-systématiquement des classes, des ordres, des familles ou genres et non une liste précise d’espèces comme stipulé expressément dans le règlement européen. Si on inverse les choses, cela revient, dans les faits, à faire une liste positive avec le peu d’espèces restantes. Il nous semble que ça n’est pas ce qui est demandé.

    Même si le règlement n° 1143/2014 considère que « les espèces faisant partie d’un même groupe taxinomique ont souvent des exigences écologiques similaires et peuvent présenter des risques similaires, il convient, le cas échéant, d’autoriser l’inscription de groupes taxinomiques d’espèces sur la liste de l’Union. », ce principe ne peut pas s’appliquer au niveau de la classe ou de l’ordre, très rarement au niveau de la famille et rarement au niveau du genre qui regroupe des espèces qui ont souvent des besoins très différents.

    Prenons l’exemple de l’ordre des squamates ou squamata (10 078 espèces !), nous avons des espèces de lézards ou de serpents qui vivent dans des milieux désertiques, humides ou tempérées. En terme alimentaire, certaines sont herbivores, d’autres insectivores (certains serpents le sont) ou carnivores, là aussi avec des préférences alimentaires très différentes (petits mammifères, oiseaux, lézards, escargots, grenouilles ou autres serpents pour les espèces ophiophages). En matière de reproduction, les besoins peuvent aussi être très différents avec une hydrométrique ou des températures très variables pour des espèces ovovivipares ou ovipares. Le seul critère du « espèces grimpant aux arbres » évoqué dans l’avis du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) ne suffit pas à déterminer si une espèce est invasive et préoccupante ou pas et l’impact qu’elle peut avoir : est-elle diurne ou nocturne ? Préfère-t-elle des températures fraiches ou chaudes ? Quel est son régime alimentaire ? Est-ce une espèce prédatrice ? Que mange-t-elle ? Bien d’autres questions peuvent se poser.

    C’est pourquoi le règlement précise que : « Les critères régissant l’inscription sur la liste de l’Union constituent le principal instrument de mise en application du présent règlement. Pour garantir une utilisation efficace des ressources, ces critères devraient également garantir que, parmi les espèces exotiques envahissantes potentielles connues à ce jour, celles dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste. La Commission devrait présenter au comité institué par le présent règlement une proposition de liste de l’Union fondée sur ces critères dans l’année suivant l’entrée en vigueur du présent règlement. Lorsqu’elle propose la liste de l’Union, la Commission devrait informer ledit comité de la manière dont elle a pris en compte ces critères. Il convient que lesdits critères comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces. »

    Autre constat, les conditions géographiques (multitude de milieux différents en fonction de l’altitude), climatiques (été chaud et hiver plus froid qu’en région équatoriale avec des remontées froides de l’antarctique), hydrologiques (quasi-totalité des rivières à sec durant l’année sauf durant les cyclones ou le débit peut être très violant) et physicochimiques de l’eau de l’île de la Réunion (étangs en bord de mer avec des remontées salines rendant l’eau fortement minéralisée) ne permettent pas à l’ensembles des espèces des classes, ordres, familles et genres mentionnés dans le projet d’arrêté de pouvoir prospérer sur ce territoire. Avec une telle diversité de biotopes et une grande différence de températures, de pluviométrie ou d’hydrométrie, il est forcément nécessaire d’être précis sur les espèces réellement envahissantes avec un caractère préoccupant et exclure les autres.

    Nous avons, dans nos eaux, les espèces indigènes suivantes : Anguilla marmorata, Anguilla mossambica, Anguilla bicolor bicolor, Kuhlia rupestris, Eleotris fisca, Eleotris mauritianus, Awaous nigripinnis, Glossogobius giurus et Stenogobius polyzona.
    Toutes ces espèces sont carnivores et de nature à empêcher la prolifération des poisson exotiques de couleur vive (la plupart des poissons d’aquarium). Le « Tilapia », espèce exogène et prédatrice, est également présente en très grand nombre dans nos étangs. Si des espèces exotiques adultes arrivaient à échapper à cette prédation naturelle et parvenaient à se reproduire, les alevins n’auraient aucune chance de survie.

    Nous avons donc deux questions : A-t-on retenu les espèces dont les effets néfastes sont les plus importants pour la Réunion ? Sur quelle évaluation des risques s’est-on appuyé pour retenir les classes, ordres, familles et genres à interdire pour notre île ?

    Il est à noter que dans l’arrêté du 14 février 2018 relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain, il est fait mention, en annexe, d’une liste d’espèces clairement identifiées. Les seules exceptions portent sur les genres de tortue Chrysemys spp, Clemmys spp, Graptemys spp, Pseudemys spp et Trachemys spp, même si on mentionne aussi l’espèce Trachemys scripta, et la famille des Sciuridae. Ces regroupements sont sans doute justifiés par des études scientifiques (elles sont nombreuses pour les tortues dites « de Floride »). Pour le reste, il faudrait procéder selon le même principe pour le projet concernant l’île de la Réunion. La règle reste l’espèce et les regroupements taxonomiques l’exception.

    Ensuite, il faut également être précis sur la définition même d’une espèce exotique envahissante préoccupante.

    Selon la définition du règlement n° 1143/2014 qui a une valeur normative, une espèce exotique envahissante préoccupante pour un État membre est « une espèce exotique envahissante autre que les espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union, pour laquelle un État membre considère, en s’appuyant sur des données scientifiques, que les effets néfastes de sa libération et de sa propagation, même s’ils ne sont pas pleinement démontrés, sont lourds de conséquences pour son territoire, ou une partie de celui-ci, et requièrent une action au niveau de l’État membre concerné ».

    Il ne faut donc par faire les choses par idéologie, mais bien en s’appuyant objectivement sur la définition claire « des espèces exotiques envahissantes préoccupantes » du règlement. A ce sujet, nous nous interrogeons : sur quelles études scientifiques propre à l’île de la Réunion s’est-on appuyé pour placer ces ordres, classes, familles ou genres entiers dans la catégorie des invasifs préoccupants ?

    Sur ce point précisément, et en effectuant des recherches sur les « espèces » mentionnées dans ce projet (base de données sur les espèces exotiques envahissantes en Outre-Mer de l’UICN / liste du Centre de ressources espèces exotiques envahissantes dont la coordination et l’animation sont assurées par l’UICN France et l’Office français de la biodiversité / site internet du GEIR (Groupe Espèces Invasives de La Réunion) / liste rouge des espèces menacées en France de l’UICN et du MNHN - faune de La Réunion / etc.), nous avons des interrogations.

    En effet, impossible de trouver une quelconque information sur le caractère invasif et préoccupant à la Réunion d’une famille de poisson d’eau douce comme les Characidae (1 122 espèces dont 300 régulièrement commercialisées et jamais observées dans les eaux réunionnaises) ou les Aplocheilidae. C’est la même chose pour la plupart des autres familles…

    Autre cas incompréhensible pour l’ordre des Pelecaniformes (les pélicans), L’espèce Pelecanus rufescens
    (nous ne savons pas s’il s’agit bien de celle-ci puisque nous n’avons aucune précision dans le projet d’arrêté) a été observée, selon nos sources, de manière exceptionnelle à l’île de la Réunion (au moins une donnée fiable en 1997) (Putelat, Probst & Lépissier, 1998). L’individu repéré est venu par ses propres moyens, probablement à partir de populations naturelles de Madagascar. Dans ce cas, nous ne sommes absolument pas dans le cas d’une espèce invasive introduite par l’homme puisque l’espèce est venue par ses propres moyens, et nous sommes encore moins dans le cas d’une invasion préoccupante car le dernier cas d’observation fiable porte sur un seul individu, il y a 23 ans.

    Cela confirme qu’il y a un vrai problème de fond avec ce projet qui ne s’appuie pas sur des données factuelles pourtant abondantes sur le sujet.

    Si le règlement européen oblige à établir une liste d’espèces invasives et préoccupantes avec, préférentiellement, ce niveau de détail (c’est-à-dire l’espèce), c’est qu’il y a une bonne raison. Les regroupements par classe, ordre, famille ou genre sont l’exception et non la norme. Cette raison a été comprise en France métropolitaine. Pourquoi ne le serait-elle pas dans les RUP et, plus particulièrement, à la Réunion dans le cas présent.

    Nous demandons d’éviter les surenchères inutiles, sans pour autant se jeter dans l’insouciance ou l’irresponsabilité. Comme toujours pour légiférer, il s’agit d’avoir le ton juste.

    Concrètement, il faut être plus précis et respecter le règlement européen en précisant les espèces et ne pas céder à la facilité en englobant des classes, ordre ou famille entière dont les espèces ont très peu de choses en commun.

    Un autre exemple : la crevette Neocaridina heteropoda var. Red a été observée en 2018 dans la Rivière du Mât (l’une des rares rivières en eau toute l’année), ayant probablement été lâchée dans la nature. La population observée était très importante. Dans ce cas, pas de problème car cette espèce correspond bien à la définition. Mais alors, il faut bien mentionner l’espèce « Neocaridina heteropoda » dans l’arrêté et pas autre chose.

    La sagesse voudrait que l’on retienne uniquement les espèces effectivement envahissantes comme celle-ci. Evitons d’inscrire ou de retranscrire dans ce projet une crainte hypothétique ou la peur collective pour une classe ou une famille (les reptiles, les araignées, etc.).

    A l’inverse du cas de Neocaridina heteropoda, le fait de retrouver 4 spécimens de telle espèce, ou pire, de tel genre dans l’année ne constitue pas un caractère envahissant préoccupant même si les médias peuvent s’en émouvoir. Il s’agit souvent d’abandons par des propriétaires dépassés qu’il est possible d’éviter en exigeant le certificat de capacité dans les RUP pour les espèces et genres demandant certaines connaissances particulières. On supprime ainsi les achats impulsifs et irréfléchis d’un animal dont on ignore tout. Il est à noter que beaucoup de dispositions existent déjà dans l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non-domestiques. Les choses vont plutôt dans le bon sens. Encore faut-il que ceux qui passent leur certificat de capacité à la Réunion ne soient pas plus limité en termes d’espèces que ceux qui le passent en métropole.

    En effet, le certificat de capacité peut être utilisé dans le cadre de l’application de ce règlement qui prévoit que « Grâce aux mesures prises en vertu du présent règlement, les États membres peuvent imposer des obligations aux détenteurs ou aux utilisateurs d’espèces exotiques ».

    A l’autre bout de la chaine, il nous appartient aussi d’organiser une filière de récupération de ces animaux pour éviter qu’ils ne finissent dans nos espaces naturels, même en petit nombre. Les membres du collectif Réunion biodiversité vont s’organiser en ce sens : Kensy Aquarium récupérera les poissons (poissons rouges, « pleco », cichlidés divers, etc.) auprès des particuliers qui souhaitent s’en séparer, l’association Reptiles 974 se chargera des reptiles. Il existe déjà des associations qui ont les structures adaptées pour récupérer les oiseaux exotiques.

    Nous souhaitons également mettre en avant l’une des particularités de la population réunionnaise. Celle d’avoir toujours aimé s’occuper des animaux. Cette tradition ne disparaîtra pas parce qu’on aura interdit toutes les importations d’animaux exotiques. Nous souhaitons vous alerter sur ce point car nombreux seront ceux qui irons prélever dans la nature les animaux qu’ils ne pourront plus se procurer autrement, peu importe l’espèce : oiseaux (bec rose, Cardinal, espèces endémiques), poissons (guppy, bouche ronde, etc.) et reptiles (lézards verts/Phelsuma endémiques ou non) avec les conséquences que l’on peut imaginer sur le milieu. Pour d’autres, se sera simplement le recours au marché noir et aux trafics en tout genre. Si on veut garder un contrôle sur la vente d’animaux, il faut que l’acquisition d’espèces non invasives reste légale.

    D’un point de vue économique, le règlement européen indique, comme précisé plus haut, que « celles (les espèces) dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste » et « Il convient que lesdits critères (de sélection des espèces) comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces ». En apportant cette précision le règlement reconnait qu’il y a toute une activité commerciale autour de la vente d’animaux de compagnie (poissons d’aquarium, oiseaux, rongeurs et reptiles), dont font partie les animaux exotiques. Nous regrettons que ce point ait été ignoré dans le projet d’arrêté concernant l’île de la Réunion. Nous ne sommes pas opposés à interdire de la vente les espèces réellement invasives avec un caractère préoccupant. Néanmoins, le choix de ces espèces doit se faire dans le cadre d’une réelle concertation et en s’appuyant sur une véritable évaluation des risques.

    On ne doit pas jeter le bébé avec l’eau du bain sous prétexte de vouloir trop bien faire dans le domaine de la biodiversité. Le trop est parfois l’ennemi du bien.

    Cette RUP est déjà fortement touchées par le chômage avec un taux proche de 25% et tout interdire, sans discernement, entrainerait inévitablement des fermetures d’animaleries et de grossistes avec d’importantes suppressions d’emplois. Au vu de la crise post-covid19 qui s’annonce dans tout le pays, c’est aussi un élément à prendre en compte.

    Le secteur des animaux de compagnie représente sur notre île :
    <span class="puce">-  Une trentaine d’établissements (animaleries, jardineries, importateurs, grossistes et éleveurs) employant plus de 200 personnes, sans compter les emplois indirects liés à cette activité (transitaires, transporteurs, compagnies aériennes, etc.),
    <span class="puce">-  Un chiffre d’affaires annuel entre 150 et 200 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une TVA collectée pour l’Etat entre 13 et 17 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une somme estimée entre 3 et 5 millions au titre de l’octroi de mer réinjectée dans notre économie locale.
    Ne nombreux investissements et de lourds emprunts bancaires ont également été réalisés ces dernières années par les professionnels. Ce projet d’arrêté met en péril la totalité de la filière.

    Nous tenons également à préciser que les grossistes et animaleries de l’île de la Réunion n’ont pas tous officiellement été conviés à participer à la phase amont de consultation du projet. De plus, le peu de professionnels présents ont fait des remarques qui n’ont pas été prises en compte. Il n’y a donc pas eu de réelle concertation globale sur le projet.

    POUR CONCLURE :

    La liste des espèces envahissantes doit être précise et porter uniquement sur des espèces clairement identifiées (aspect juridique incontournable et obligatoire). Le principe de précaution propre à la France devrait être traité par l’obligation du certificat de capacité (l’outil doit être appliqué convenablement à la Réunion).

    L’esprit de cet arrêté nous semble verser dans une mode de la peur aveugle à l’égard d’une catégorie de personnes en culpabilisant non pas les auteurs de lâchers d’espèces invasives (problématique déjà traitée par l’arrêté́ du 9 février 2018 relatif à̀ la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire de La Réunion), mais les possesseurs d’animaux exotiques ou de Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) dans leur ensemble. C’est omettre que la très grande majorité des possesseurs de ce type d’animaux ne sont pas des irresponsables face aux impératifs écologiques et surtout négliger que tous ne sont pas réductibles à n’être que des possesseurs de nouveaux animaux dits de compagnie, mais pour un nombre non négligeable des passionnés qui contribuent à élever des espèces rares et à accumuler des informations très importantes sur les conditions d’élevage et de maintenance. Grâce à ces passionnés des espèces peuvent être sauvées de l’oubli ou sauvées tout court (car considérées comme peu sympathique par beaucoup) et continuer d’exister autrement que dans les seuls ouvrages spécialisés.

    La conservation ex situ s’accompagne d’une participation croissante à la protection des espèces rencontrées en terrariophilie. Certains de ces éleveurs sont regroupés dans le monde associatif, par exemple au sein de l’European Studbook Foundation, la Deutsche Gesellschaft für Herpetologie und Terrarienkunde (DGHT) ou la Fédération francophone pour l’élevage et la protection des tortues (FFEPT).

    De même, l’oiseau Spinus cucullatus (Tarin rouge du Venezuela) est classé en annexe A du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce depuis 1996 en tant qu’espèce menacée. Un élevage massif par les amateurs a permis de le classer en annexe X (autorisation de commerce et d’élevage) du règlement n° 865/2006 pour les spécimens nés en captivité.

    Dans l’état actuel, nous formulons un avis défavorable au texte présenté car réalisé sans concertation, ne respectant pas le cadre juridique du règlement européen,trop réducteur (simplification abusive) et inexacte quant aux espèces invasives et réellement préoccupantes

  •  Avis défavorable, le 14 mai 2020 à 14h57

    "le règlement (UE) n° 1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes oblige, dans son article 6 § 2, les États-membres comptant des régions ultrapériphériques à adopter une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes dans chacune de ces régions."
    Ce qui est fondamental à retenir d’un point de vue juridique, c’est que selon article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le règlement présente des caractéristiques qui lui sont propres et qui sont différentes des autres actes (directives, décisions, recommandations ou avis / classification issue du traité de Lisbonne de 2007) : Il est une norme précise qui se suffit à̀ elle-même.
    Le règlement est, en particulier, très différent de la directive qui lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à̀ la forme et aux moyens.

    Ce projet n’est donc absolument pas conforme au règlement n° 1143/2014 du 22 octobre 2014. En effet, dans le projet actuel, on évoque quasi-systématiquement des classes, des ordres, des familles ou genres et non une liste précise d’espèces comme stipulé expressément dans le règlement européen. Si on inverse les choses, cela revient, dans les faits, à faire une liste positive avec le peu d’espèces restantes. Il nous semble que ça n’est pas ce qui est demandé.

    Même si le règlement n° 1143/2014 considère que « les espèces faisant partie d’un même groupe taxinomique ont souvent des exigences écologiques similaires et peuvent présenter des risques similaires, il convient, le cas échéant, d’autoriser l’inscription de groupes taxinomiques d’espèces sur la liste de l’Union. », ce principe ne peut pas s’appliquer au niveau de la classe ou de l’ordre, très rarement au niveau de la famille et rarement au niveau du genre qui regroupe des espèces qui ont souvent des besoins très différents.

    Prenons l’exemple de l’ordre des squamates ou squamata (10 078 espèces !), nous avons des espèces de lézards ou de serpents qui vivent dans des milieux désertiques, humides ou tempérées. En terme alimentaire, certaines sont herbivores, d’autres insectivores (certains serpents le sont) ou carnivores, là aussi avec des préférences alimentaires très différentes (petits mammifères, oiseaux, lézards, escargots, grenouilles ou autres serpents pour les espèces ophiophages). En matière de reproduction, les besoins peuvent aussi être très différents avec une hydrométrique ou des températures très variables pour des espèces ovovivipares ou ovipares. Le seul critère du « espèces grimpant aux arbres » évoqué dans l’avis du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) ne suffit pas à déterminer si une espèce est invasive et préoccupante ou pas et l’impact qu’elle peut avoir : est-elle diurne ou nocturne ? Préfère-t-elle des températures fraiches ou chaudes ? Quel est son régime alimentaire ? Est-ce une espèce prédatrice ? Que mange-t-elle ? Bien d’autres questions peuvent se poser.

    C’est pourquoi le règlement précise que : « Les critères régissant l’inscription sur la liste de l’Union constituent le principal instrument de mise en application du présent règlement. Pour garantir une utilisation efficace des ressources, ces critères devraient également garantir que, parmi les espèces exotiques envahissantes potentielles connues à ce jour, celles dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste. La Commission devrait présenter au comité institué par le présent règlement une proposition de liste de l’Union fondée sur ces critères dans l’année suivant l’entrée en vigueur du présent règlement. Lorsqu’elle propose la liste de l’Union, la Commission devrait informer ledit comité de la manière dont elle a pris en compte ces critères. Il convient que lesdits critères comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces. »

    Autre constat, les conditions géographiques (multitude de milieux différents en fonction de l’altitude), climatiques (été chaud et hiver plus froid qu’en région équatoriale avec des remontées froides de l’antarctique), hydrologiques (quasi-totalité des rivières à sec durant l’année sauf durant les cyclones ou le débit peut être très violant) et physicochimiques de l’eau de l’île de la Réunion (étangs en bord de mer avec des remontées salines rendant l’eau fortement minéralisée) ne permettent pas à l’ensembles des espèces des classes, ordres, familles et genres mentionnés dans le projet d’arrêté de pouvoir prospérer sur ce territoire. Avec une telle diversité de biotopes et une grande différence de températures, de pluviométrie ou d’hydrométrie, il est forcément nécessaire d’être précis sur les espèces réellement envahissantes avec un caractère préoccupant et exclure les autres.

    Nous avons, dans nos eaux, les espèces indigènes suivantes : Anguilla marmorata, Anguilla mossambica, Anguilla bicolor bicolor, Kuhlia rupestris, Eleotris fisca, Eleotris mauritianus, Awaous nigripinnis, Glossogobius giurus et Stenogobius polyzona.
    Toutes ces espèces sont carnivores et de nature à empêcher la prolifération des poisson exotiques de couleur vive (la plupart des poissons d’aquarium). Le « Tilapia », espèce exogène et prédatrice, est également présente en très grand nombre dans nos étangs. Si des espèces exotiques adultes arrivaient à échapper à cette prédation naturelle et parvenaient à se reproduire, les alevins n’auraient aucune chance de survie.

    Nous avons donc deux questions : A-t-on retenu les espèces dont les effets néfastes sont les plus importants pour la Réunion ? Sur quelle évaluation des risques s’est-on appuyé pour retenir les classes, ordres, familles et genres à interdire pour notre île ?

    Il est à noter que dans l’arrêté du 14 février 2018 relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain, il est fait mention, en annexe, d’une liste d’espèces clairement identifiées. Les seules exceptions portent sur les genres de tortue Chrysemys spp, Clemmys spp, Graptemys spp, Pseudemys spp et Trachemys spp, même si on mentionne aussi l’espèce Trachemys scripta, et la famille des Sciuridae. Ces regroupements sont sans doute justifiés par des études scientifiques (elles sont nombreuses pour les tortues dites « de Floride »). Pour le reste, il faudrait procéder selon le même principe pour le projet concernant l’île de la Réunion. La règle reste l’espèce et les regroupements taxonomiques l’exception.

    Ensuite, il faut également être précis sur la définition même d’une espèce exotique envahissante préoccupante.

    Selon la définition du règlement n° 1143/2014 qui a une valeur normative, une espèce exotique envahissante préoccupante pour un État membre est « une espèce exotique envahissante autre que les espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union, pour laquelle un État membre considère, en s’appuyant sur des données scientifiques, que les effets néfastes de sa libération et de sa propagation, même s’ils ne sont pas pleinement démontrés, sont lourds de conséquences pour son territoire, ou une partie de celui-ci, et requièrent une action au niveau de l’État membre concerné ».

    Il ne faut donc par faire les choses par idéologie, mais bien en s’appuyant objectivement sur la définition claire « des espèces exotiques envahissantes préoccupantes » du règlement. A ce sujet, nous nous interrogeons : sur quelles études scientifiques propre à l’île de la Réunion s’est-on appuyé pour placer ces ordres, classes, familles ou genres entiers dans la catégorie des invasifs préoccupants ?

    Sur ce point précisément, et en effectuant des recherches sur les « espèces » mentionnées dans ce projet (base de données sur les espèces exotiques envahissantes en Outre-Mer de l’UICN / liste du Centre de ressources espèces exotiques envahissantes dont la coordination et l’animation sont assurées par l’UICN France et l’Office français de la biodiversité / site internet du GEIR (Groupe Espèces Invasives de La Réunion) / liste rouge des espèces menacées en France de l’UICN et du MNHN - faune de La Réunion / etc.), nous avons des interrogations.

    En effet, impossible de trouver une quelconque information sur le caractère invasif et préoccupant à la Réunion d’une famille de poisson d’eau douce comme les Characidae (1 122 espèces dont 300 régulièrement commercialisées et jamais observées dans les eaux réunionnaises) ou les Aplocheilidae. C’est la même chose pour la plupart des autres familles…

    Autre cas incompréhensible pour l’ordre des Pelecaniformes (les pélicans), L’espèce Pelecanus rufescens
    (nous ne savons pas s’il s’agit bien de celle-ci puisque nous n’avons aucune précision dans le projet d’arrêté) a été observée, selon nos sources, de manière exceptionnelle à l’île de la Réunion (au moins une donnée fiable en 1997) (Putelat, Probst & Lépissier, 1998). L’individu repéré est venu par ses propres moyens, probablement à partir de populations naturelles de Madagascar. Dans ce cas, nous ne sommes absolument pas dans le cas d’une espèce invasive introduite par l’homme puisque l’espèce est venue par ses propres moyens, et nous sommes encore moins dans le cas d’une invasion préoccupante car le dernier cas d’observation fiable porte sur un seul individu, il y a 23 ans.

    Cela confirme qu’il y a un vrai problème de fond avec ce projet qui ne s’appuie pas sur des données factuelles pourtant abondantes sur le sujet.

    Si le règlement européen oblige à établir une liste d’espèces invasives et préoccupantes avec, préférentiellement, ce niveau de détail (c’est-à-dire l’espèce), c’est qu’il y a une bonne raison. Les regroupements par classe, ordre, famille ou genre sont l’exception et non la norme. Cette raison a été comprise en France métropolitaine. Pourquoi ne le serait-elle pas dans les RUP et, plus particulièrement, à la Réunion dans le cas présent.

    Nous demandons d’éviter les surenchères inutiles, sans pour autant se jeter dans l’insouciance ou l’irresponsabilité. Comme toujours pour légiférer, il s’agit d’avoir le ton juste.

    Concrètement, il faut être plus précis et respecter le règlement européen en précisant les espèces et ne pas céder à la facilité en englobant des classes, ordre ou famille entière dont les espèces ont très peu de choses en commun.

    Un autre exemple : la crevette Neocaridina heteropoda var. Red a été observée en 2018 dans la Rivière du Mât (l’une des rares rivières en eau toute l’année), ayant probablement été lâchée dans la nature. La population observée était très importante. Dans ce cas, pas de problème car cette espèce correspond bien à la définition. Mais alors, il faut bien mentionner l’espèce « Neocaridina heteropoda » dans l’arrêté et pas autre chose.

    La sagesse voudrait que l’on retienne uniquement les espèces effectivement envahissantes comme celle-ci. Evitons d’inscrire ou de retranscrire dans ce projet une crainte hypothétique ou la peur collective pour une classe ou une famille (les reptiles, les araignées, etc.).

    A l’inverse du cas de Neocaridina heteropoda, le fait de retrouver 4 spécimens de telle espèce, ou pire, de tel genre dans l’année ne constitue pas un caractère envahissant préoccupant même si les médias peuvent s’en émouvoir. Il s’agit souvent d’abandons par des propriétaires dépassés qu’il est possible d’éviter en exigeant le certificat de capacité dans les RUP pour les espèces et genres demandant certaines connaissances particulières. On supprime ainsi les achats impulsifs et irréfléchis d’un animal dont on ignore tout. Il est à noter que beaucoup de dispositions existent déjà dans l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non-domestiques. Les choses vont plutôt dans le bon sens. Encore faut-il que ceux qui passent leur certificat de capacité à la Réunion ne soient pas plus limité en termes d’espèces que ceux qui le passent en métropole.

    En effet, le certificat de capacité peut être utilisé dans le cadre de l’application de ce règlement qui prévoit que « Grâce aux mesures prises en vertu du présent règlement, les États membres peuvent imposer des obligations aux détenteurs ou aux utilisateurs d’espèces exotiques ».

    A l’autre bout de la chaine, il nous appartient aussi d’organiser une filière de récupération de ces animaux pour éviter qu’ils ne finissent dans nos espaces naturels, même en petit nombre. Les membres du collectif Réunion biodiversité vont s’organiser en ce sens : Kensy Aquarium récupérera les poissons (poissons rouges, « pleco », cichlidés divers, etc.) auprès des particuliers qui souhaitent s’en séparer, l’association Reptiles 974 se chargera des reptiles. Il existe déjà des associations qui ont les structures adaptées pour récupérer les oiseaux exotiques.

    Nous souhaitons également mettre en avant l’une des particularités de la population réunionnaise. Celle d’avoir toujours aimé s’occuper des animaux. Cette tradition ne disparaîtra pas parce qu’on aura interdit toutes les importations d’animaux exotiques. Nous souhaitons vous alerter sur ce point car nombreux seront ceux qui irons prélever dans la nature les animaux qu’ils ne pourront plus se procurer autrement, peu importe l’espèce : oiseaux (bec rose, Cardinal, espèces endémiques), poissons (guppy, bouche ronde, etc.) et reptiles (lézards verts/Phelsuma endémiques ou non) avec les conséquences que l’on peut imaginer sur le milieu. Pour d’autres, se sera simplement le recours au marché noir et aux trafics en tout genre. Si on veut garder un contrôle sur la vente d’animaux, il faut que l’acquisition d’espèces non invasives reste légale.

    D’un point de vue économique, le règlement européen indique, comme précisé plus haut, que « celles (les espèces) dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste » et « Il convient que lesdits critères (de sélection des espèces) comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces ». En apportant cette précision le règlement reconnait qu’il y a toute une activité commerciale autour de la vente d’animaux de compagnie (poissons d’aquarium, oiseaux, rongeurs et reptiles), dont font partie les animaux exotiques. Nous regrettons que ce point ait été ignoré dans le projet d’arrêté concernant l’île de la Réunion. Nous ne sommes pas opposés à interdire de la vente les espèces réellement invasives avec un caractère préoccupant. Néanmoins, le choix de ces espèces doit se faire dans le cadre d’une réelle concertation et en s’appuyant sur une véritable évaluation des risques.

    On ne doit pas jeter le bébé avec l’eau du bain sous prétexte de vouloir trop bien faire dans le domaine de la biodiversité. Le trop est parfois l’ennemi du bien.

    Cette RUP est déjà fortement touchées par le chômage avec un taux proche de 25% et tout interdire, sans discernement, entrainerait inévitablement des fermetures d’animaleries et de grossistes avec d’importantes suppressions d’emplois. Au vu de la crise post-covid19 qui s’annonce dans tout le pays, c’est aussi un élément à prendre en compte.

    Le secteur des animaux de compagnie représente sur notre île :
    <span class="puce">-  Une trentaine d’établissements (animaleries, jardineries, importateurs, grossistes et éleveurs) employant plus de 200 personnes, sans compter les emplois indirects liés à cette activité (transitaires, transporteurs, compagnies aériennes, etc.),
    <span class="puce">-  Un chiffre d’affaires annuel entre 150 et 200 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une TVA collectée pour l’Etat entre 13 et 17 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une somme estimée entre 3 et 5 millions au titre de l’octroi de mer réinjectée dans notre économie locale.
    Ne nombreux investissements et de lourds emprunts bancaires ont également été réalisés ces dernières années par les professionnels. Ce projet d’arrêté met en péril la totalité de la filière.

    Nous tenons également à préciser que les grossistes et animaleries de l’île de la Réunion n’ont pas tous officiellement été conviés à participer à la phase amont de consultation du projet. De plus, le peu de professionnels présents ont fait des remarques qui n’ont pas été prises en compte. Il n’y a donc pas eu de réelle concertation globale sur le projet.

    POUR CONCLURE :

    La liste des espèces envahissantes doit être précise et porter uniquement sur des espèces clairement identifiées (aspect juridique incontournable et obligatoire). Le principe de précaution propre à la France devrait être traité par l’obligation du certificat de capacité (l’outil doit être appliqué convenablement à la Réunion).

    L’esprit de cet arrêté nous semble verser dans une mode de la peur aveugle à l’égard d’une catégorie de personnes en culpabilisant non pas les auteurs de lâchers d’espèces invasives (problématique déjà traitée par l’arrêté́ du 9 février 2018 relatif à̀ la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire de La Réunion), mais les possesseurs d’animaux exotiques ou de Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) dans leur ensemble. C’est omettre que la très grande majorité des possesseurs de ce type d’animaux ne sont pas des irresponsables face aux impératifs écologiques et surtout négliger que tous ne sont pas réductibles à n’être que des possesseurs de nouveaux animaux dits de compagnie, mais pour un nombre non négligeable des passionnés qui contribuent à élever des espèces rares et à accumuler des informations très importantes sur les conditions d’élevage et de maintenance. Grâce à ces passionnés des espèces peuvent être sauvées de l’oubli ou sauvées tout court (car considérées comme peu sympathique par beaucoup) et continuer d’exister autrement que dans les seuls ouvrages spécialisés.

    La conservation ex situ s’accompagne d’une participation croissante à la protection des espèces rencontrées en terrariophilie. Certains de ces éleveurs sont regroupés dans le monde associatif, par exemple au sein de l’European Studbook Foundation, la Deutsche Gesellschaft für Herpetologie und Terrarienkunde (DGHT) ou la Fédération francophone pour l’élevage et la protection des tortues (FFEPT).

    De même, l’oiseau Spinus cucullatus (Tarin rouge du Venezuela) est classé en annexe A du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce depuis 1996 en tant qu’espèce menacée. Un élevage massif par les amateurs a permis de le classer en annexe X (autorisation de commerce et d’élevage) du règlement n° 865/2006 pour les spécimens nés en captivité.

    Dans l’état actuel, nous formulons un avis défavorable au texte présenté car réalisé sans concertation, ne respectant pas le cadre juridique du règlement européen, trop réducteur (simplification abusive) et inexacte quant aux espèces invasives et réellement préoccupantes.

    A.L.

  •  AVIS DEFAVORABLE, le 14 mai 2020 à 09h38

    "le règlement (UE) n° 1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes oblige, dans son article 6 § 2, les États-membres comptant des régions ultrapériphériques à adopter une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes dans chacune de ces régions."
    Ce qui est fondamental à retenir d’un point de vue juridique, c’est que selon article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le règlement présente des caractéristiques qui lui sont propres et qui sont différentes des autres actes (directives, décisions, recommandations ou avis / classification issue du traité de Lisbonne de 2007) : Il est une norme précise qui se suffit à̀ elle-même.
    Le règlement est, en particulier, très différent de la directive qui lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à̀ la forme et aux moyens.

    Ce projet n’est donc absolument pas conforme au règlement n° 1143/2014 du 22 octobre 2014. En effet, dans le projet actuel, on évoque quasi-systématiquement des classes, des ordres, des familles ou genres et non une liste précise d’espèces comme stipulé expressément dans le règlement européen. Si on inverse les choses, cela revient, dans les faits, à faire une liste positive avec le peu d’espèces restantes. Il nous semble que ça n’est pas ce qui est demandé.

    Même si le règlement n° 1143/2014 considère que « les espèces faisant partie d’un même groupe taxinomique ont souvent des exigences écologiques similaires et peuvent présenter des risques similaires, il convient, le cas échéant, d’autoriser l’inscription de groupes taxinomiques d’espèces sur la liste de l’Union. », ce principe ne peut pas s’appliquer au niveau de la classe ou de l’ordre, très rarement au niveau de la famille et rarement au niveau du genre qui regroupe des espèces qui ont souvent des besoins très différents.

    Prenons l’exemple de l’ordre des squamates ou squamata (10 078 espèces !), nous avons des espèces de lézards ou de serpents qui vivent dans des milieux désertiques, humides ou tempérées. En terme alimentaire, certaines sont herbivores, d’autres insectivores (certains serpents le sont) ou carnivores, là aussi avec des préférences alimentaires très différentes (petits mammifères, oiseaux, lézards, escargots, grenouilles ou autres serpents pour les espèces ophiophages). En matière de reproduction, les besoins peuvent aussi être très différents avec une hydrométrique ou des températures très variables pour des espèces ovovivipares ou ovipares. Le seul critère du « espèces grimpant aux arbres » évoqué dans l’avis du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) ne suffit pas à déterminer si une espèce est invasive et préoccupante ou pas et l’impact qu’elle peut avoir : est-elle diurne ou nocturne ? Préfère-t-elle des températures fraiches ou chaudes ? Quel est son régime alimentaire ? Est-ce une espèce prédatrice ? Que mange-t-elle ? Bien d’autres questions peuvent se poser.

    C’est pourquoi le règlement précise que : « Les critères régissant l’inscription sur la liste de l’Union constituent le principal instrument de mise en application du présent règlement. Pour garantir une utilisation efficace des ressources, ces critères devraient également garantir que, parmi les espèces exotiques envahissantes potentielles connues à ce jour, celles dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste. La Commission devrait présenter au comité institué par le présent règlement une proposition de liste de l’Union fondée sur ces critères dans l’année suivant l’entrée en vigueur du présent règlement. Lorsqu’elle propose la liste de l’Union, la Commission devrait informer ledit comité de la manière dont elle a pris en compte ces critères. Il convient que lesdits critères comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces. »

    Autre constat, les conditions géographiques (multitude de milieux différents en fonction de l’altitude), climatiques (été chaud et hiver plus froid qu’en région équatoriale avec des remontées froides de l’antarctique), hydrologiques (quasi-totalité des rivières à sec durant l’année sauf durant les cyclones ou le débit peut être très violant) et physicochimiques de l’eau de l’île de la Réunion (étangs en bord de mer avec des remontées salines rendant l’eau fortement minéralisée) ne permettent pas à l’ensembles des espèces des classes, ordres, familles et genres mentionnés dans le projet d’arrêté de pouvoir prospérer sur ce territoire. Avec une telle diversité de biotopes et une grande différence de températures, de pluviométrie ou d’hydrométrie, il est forcément nécessaire d’être précis sur les espèces réellement envahissantes avec un caractère préoccupant et exclure les autres.

    Nous avons, dans nos eaux, les espèces indigènes suivantes : Anguilla marmorata, Anguilla mossambica, Anguilla bicolor bicolor, Kuhlia rupestris, Eleotris fisca, Eleotris mauritianus, Awaous nigripinnis, Glossogobius giurus et Stenogobius polyzona.
    Toutes ces espèces sont carnivores et de nature à empêcher la prolifération des poisson exotiques de couleur vive (la plupart des poissons d’aquarium). Le « Tilapia », espèce exogène et prédatrice, est également présente en très grand nombre dans nos étangs. Si des espèces exotiques adultes arrivaient à échapper à cette prédation naturelle et parvenaient à se reproduire, les alevins n’auraient aucune chance de survie.

    Nous avons donc deux questions : A-t-on retenu les espèces dont les effets néfastes sont les plus importants pour la Réunion ? Sur quelle évaluation des risques s’est-on appuyé pour retenir les classes, ordres, familles et genres à interdire pour notre île ?

    Il est à noter que dans l’arrêté du 14 février 2018 relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain, il est fait mention, en annexe, d’une liste d’espèces clairement identifiées. Les seules exceptions portent sur les genres de tortue Chrysemys spp, Clemmys spp, Graptemys spp, Pseudemys spp et Trachemys spp, même si on mentionne aussi l’espèce Trachemys scripta, et la famille des Sciuridae. Ces regroupements sont sans doute justifiés par des études scientifiques (elles sont nombreuses pour les tortues dites « de Floride »). Pour le reste, il faudrait procéder selon le même principe pour le projet concernant l’île de la Réunion. La règle reste l’espèce et les regroupements taxonomiques l’exception.

    Ensuite, il faut également être précis sur la définition même d’une espèce exotique envahissante préoccupante.

    Selon la définition du règlement n° 1143/2014 qui a une valeur normative, une espèce exotique envahissante préoccupante pour un État membre est « une espèce exotique envahissante autre que les espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union, pour laquelle un État membre considère, en s’appuyant sur des données scientifiques, que les effets néfastes de sa libération et de sa propagation, même s’ils ne sont pas pleinement démontrés, sont lourds de conséquences pour son territoire, ou une partie de celui-ci, et requièrent une action au niveau de l’État membre concerné ».

    Il ne faut donc par faire les choses par idéologie, mais bien en s’appuyant objectivement sur la définition claire « des espèces exotiques envahissantes préoccupantes » du règlement. A ce sujet, nous nous interrogeons : sur quelles études scientifiques propre à l’île de la Réunion s’est-on appuyé pour placer ces ordres, classes, familles ou genres entiers dans la catégorie des invasifs préoccupants ?

    Sur ce point précisément, et en effectuant des recherches sur les « espèces » mentionnées dans ce projet (base de données sur les espèces exotiques envahissantes en Outre-Mer de l’UICN / liste du Centre de ressources espèces exotiques envahissantes dont la coordination et l’animation sont assurées par l’UICN France et l’Office français de la biodiversité / site internet du GEIR (Groupe Espèces Invasives de La Réunion) / liste rouge des espèces menacées en France de l’UICN et du MNHN - faune de La Réunion / etc.), nous avons des interrogations.

    En effet, impossible de trouver une quelconque information sur le caractère invasif et préoccupant à la Réunion d’une famille de poisson d’eau douce comme les Characidae (1 122 espèces dont 300 régulièrement commercialisées et jamais observées dans les eaux réunionnaises) ou les Aplocheilidae. C’est la même chose pour la plupart des autres familles…

    Autre cas incompréhensible pour l’ordre des Pelecaniformes (les pélicans), L’espèce Pelecanus rufescens
    (nous ne savons pas s’il s’agit bien de celle-ci puisque nous n’avons aucune précision dans le projet d’arrêté) a été observée, selon nos sources, de manière exceptionnelle à l’île de la Réunion (au moins une donnée fiable en 1997) (Putelat, Probst & Lépissier, 1998). L’individu repéré est venu par ses propres moyens, probablement à partir de populations naturelles de Madagascar. Dans ce cas, nous ne sommes absolument pas dans le cas d’une espèce invasive introduite par l’homme puisque l’espèce est venue par ses propres moyens, et nous sommes encore moins dans le cas d’une invasion préoccupante car le dernier cas d’observation fiable porte sur un seul individu, il y a 23 ans.

    Cela confirme qu’il y a un vrai problème de fond avec ce projet qui ne s’appuie pas sur des données factuelles pourtant abondantes sur le sujet.

    Si le règlement européen oblige à établir une liste d’espèces invasives et préoccupantes avec, préférentiellement, ce niveau de détail (c’est-à-dire l’espèce), c’est qu’il y a une bonne raison. Les regroupements par classe, ordre, famille ou genre sont l’exception et non la norme. Cette raison a été comprise en France métropolitaine. Pourquoi ne le serait-elle pas dans les RUP et, plus particulièrement, à la Réunion dans le cas présent.

    Nous demandons d’éviter les surenchères inutiles, sans pour autant se jeter dans l’insouciance ou l’irresponsabilité. Comme toujours pour légiférer, il s’agit d’avoir le ton juste.

    Concrètement, il faut être plus précis et respecter le règlement européen en précisant les espèces et ne pas céder à la facilité en englobant des classes, ordre ou famille entière dont les espèces ont très peu de choses en commun.

    Un autre exemple : la crevette Neocaridina heteropoda var. Red a été observée en 2018 dans la Rivière du Mât (l’une des rares rivières en eau toute l’année), ayant probablement été lâchée dans la nature. La population observée était très importante. Dans ce cas, pas de problème car cette espèce correspond bien à la définition. Mais alors, il faut bien mentionner l’espèce « Neocaridina heteropoda » dans l’arrêté et pas autre chose.

    La sagesse voudrait que l’on retienne uniquement les espèces effectivement envahissantes comme celle-ci. Evitons d’inscrire ou de retranscrire dans ce projet une crainte hypothétique ou la peur collective pour une classe ou une famille (les reptiles, les araignées, etc.).

    A l’inverse du cas de Neocaridina heteropoda, le fait de retrouver 4 spécimens de telle espèce, ou pire, de tel genre dans l’année ne constitue pas un caractère envahissant préoccupant même si les médias peuvent s’en émouvoir. Il s’agit souvent d’abandons par des propriétaires dépassés qu’il est possible d’éviter en exigeant le certificat de capacité dans les RUP pour les espèces et genres demandant certaines connaissances particulières. On supprime ainsi les achats impulsifs et irréfléchis d’un animal dont on ignore tout. Il est à noter que beaucoup de dispositions existent déjà dans l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non-domestiques. Les choses vont plutôt dans le bon sens. Encore faut-il que ceux qui passent leur certificat de capacité à la Réunion ne soient pas plus limité en termes d’espèces que ceux qui le passent en métropole.

    En effet, le certificat de capacité peut être utilisé dans le cadre de l’application de ce règlement qui prévoit que « Grâce aux mesures prises en vertu du présent règlement, les États membres peuvent imposer des obligations aux détenteurs ou aux utilisateurs d’espèces exotiques ».

    A l’autre bout de la chaine, il nous appartient aussi d’organiser une filière de récupération de ces animaux pour éviter qu’ils ne finissent dans nos espaces naturels, même en petit nombre. Les membres du collectif Réunion biodiversité vont s’organiser en ce sens : Kensy Aquarium récupérera les poissons (poissons rouges, « pleco », cichlidés divers, etc.) auprès des particuliers qui souhaitent s’en séparer, l’association Reptiles 974 se chargera des reptiles. Il existe déjà des associations qui ont les structures adaptées pour récupérer les oiseaux exotiques.

    Nous souhaitons également mettre en avant l’une des particularités de la population réunionnaise. Celle d’avoir toujours aimé s’occuper des animaux. Cette tradition ne disparaîtra pas parce qu’on aura interdit toutes les importations d’animaux exotiques. Nous souhaitons vous alerter sur ce point car nombreux seront ceux qui irons prélever dans la nature les animaux qu’ils ne pourront plus se procurer autrement, peu importe l’espèce : oiseaux (bec rose, Cardinal, espèces endémiques), poissons (guppy, bouche ronde, etc.) et reptiles (lézards verts/Phelsuma endémiques ou non) avec les conséquences que l’on peut imaginer sur le milieu. Pour d’autres, se sera simplement le recours au marché noir et aux trafics en tout genre. Si on veut garder un contrôle sur la vente d’animaux, il faut que l’acquisition d’espèces non invasives reste légale.

    D’un point de vue économique, le règlement européen indique, comme précisé plus haut, que « celles (les espèces) dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste » et « Il convient que lesdits critères (de sélection des espèces) comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces ». En apportant cette précision le règlement reconnait qu’il y a toute une activité commerciale autour de la vente d’animaux de compagnie (poissons d’aquarium, oiseaux, rongeurs et reptiles), dont font partie les animaux exotiques. Nous regrettons que ce point ait été ignoré dans le projet d’arrêté concernant l’île de la Réunion. Nous ne sommes pas opposés à interdire de la vente les espèces réellement invasives avec un caractère préoccupant. Néanmoins, le choix de ces espèces doit se faire dans le cadre d’une réelle concertation et en s’appuyant sur une véritable évaluation des risques.

    On ne doit pas jeter le bébé avec l’eau du bain sous prétexte de vouloir trop bien faire dans le domaine de la biodiversité. Le trop est parfois l’ennemi du bien.

    Cette RUP est déjà fortement touchées par le chômage avec un taux proche de 25% et tout interdire, sans discernement, entrainerait inévitablement des fermetures d’animaleries et de grossistes avec d’importantes suppressions d’emplois. Au vu de la crise post-covid19 qui s’annonce dans tout le pays, c’est aussi un élément à prendre en compte.

    Le secteur des animaux de compagnie représente sur notre île :
    <span class="puce">-  Une trentaine d’établissements (animaleries, jardineries, importateurs, grossistes et éleveurs) employant plus de 200 personnes, sans compter les emplois indirects liés à cette activité (transitaires, transporteurs, compagnies aériennes, etc.),
    <span class="puce">-  Un chiffre d’affaires annuel entre 150 et 200 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une TVA collectée pour l’Etat entre 13 et 17 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une somme estimée entre 3 et 5 millions au titre de l’octroi de mer réinjectée dans notre économie locale.
    Ne nombreux investissements et de lourds emprunts bancaires ont également été réalisés ces dernières années par les professionnels. Ce projet d’arrêté met en péril la totalité de la filière.

    Nous tenons également à préciser que les grossistes et animaleries de l’île de la Réunion n’ont pas tous officiellement été conviés à participer à la phase amont de consultation du projet. De plus, le peu de professionnels présents ont fait des remarques qui n’ont pas été prises en compte. Il n’y a donc pas eu de réelle concertation globale sur le projet.

    POUR CONCLURE :

    La liste des espèces envahissantes doit être précise et porter uniquement sur des espèces clairement identifiées (aspect juridique incontournable et obligatoire). Le principe de précaution propre à la France devrait être traité par l’obligation du certificat de capacité (l’outil doit être appliqué convenablement à la Réunion).

    L’esprit de cet arrêté nous semble verser dans une mode de la peur aveugle à l’égard d’une catégorie de personnes en culpabilisant non pas les auteurs de lâchers d’espèces invasives (problématique déjà traitée par l’arrêté́ du 9 février 2018 relatif à̀ la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire de La Réunion), mais les possesseurs d’animaux exotiques ou de Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) dans leur ensemble. C’est omettre que la très grande majorité des possesseurs de ce type d’animaux ne sont pas des irresponsables face aux impératifs écologiques et surtout négliger que tous ne sont pas réductibles à n’être que des possesseurs de nouveaux animaux dits de compagnie, mais pour un nombre non négligeable des passionnés qui contribuent à élever des espèces rares et à accumuler des informations très importantes sur les conditions d’élevage et de maintenance. Grâce à ces passionnés des espèces peuvent être sauvées de l’oubli ou sauvées tout court (car considérées comme peu sympathique par beaucoup) et continuer d’exister autrement que dans les seuls ouvrages spécialisés.

    La conservation ex situ s’accompagne d’une participation croissante à la protection des espèces rencontrées en terrariophilie. Certains de ces éleveurs sont regroupés dans le monde associatif, par exemple au sein de l’European Studbook Foundation, la Deutsche Gesellschaft für Herpetologie und Terrarienkunde (DGHT) ou la Fédération francophone pour l’élevage et la protection des tortues (FFEPT).

    De même, l’oiseau Spinus cucullatus (Tarin rouge du Venezuela) est classé en annexe A du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce depuis 1996 en tant qu’espèce menacée. Un élevage massif par les amateurs a permis de le classer en annexe X (autorisation de commerce et d’élevage) du règlement n° 865/2006 pour les spécimens nés en captivité.

    Dans l’état actuel, nous formulons un avis défavorable au texte présenté car réalisé sans concertation, ne respectant pas le cadre juridique du règlement européen, trop réducteur (simplification abusive) et inexacte quant aux espèces invasives et réellement préoccupantes.

    V.HOAREAU

  •  Avis très defavorables, le 14 mai 2020 à 09h24

    Avis très défavorables.

  •  AVIS DEFAVORABLE, CONTRE L’ARRÊTÉ !, le 14 mai 2020 à 08h38

    "le règlement (UE) n° 1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes oblige, dans son article 6 § 2, les États-membres comptant des régions ultrapériphériques à adopter une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes dans chacune de ces régions."
    Ce qui est fondamental à retenir d’un point de vue juridique, c’est que selon article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le règlement présente des caractéristiques qui lui sont propres et qui sont différentes des autres actes (directives, décisions, recommandations ou avis / classification issue du traité de Lisbonne de 2007) : Il est une norme précise qui se suffit à̀ elle-même.
    Le règlement est, en particulier, très différent de la directive qui lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à̀ la forme et aux moyens.

    Ce projet n’est donc absolument pas conforme au règlement n° 1143/2014 du 22 octobre 2014. En effet, dans le projet actuel, on évoque quasi-systématiquement des classes, des ordres, des familles ou genres et non une liste précise d’espèces comme stipulé expressément dans le règlement européen. Si on inverse les choses, cela revient, dans les faits, à faire une liste positive avec le peu d’espèces restantes. Il nous semble que ça n’est pas ce qui est demandé.

    Même si le règlement n° 1143/2014 considère que « les espèces faisant partie d’un même groupe taxinomique ont souvent des exigences écologiques similaires et peuvent présenter des risques similaires, il convient, le cas échéant, d’autoriser l’inscription de groupes taxinomiques d’espèces sur la liste de l’Union. », ce principe ne peut pas s’appliquer au niveau de la classe ou de l’ordre, très rarement au niveau de la famille et rarement au niveau du genre qui regroupe des espèces qui ont souvent des besoins très différents.

    Prenons l’exemple de l’ordre des squamates ou squamata (10 078 espèces !), nous avons des espèces de lézards ou de serpents qui vivent dans des milieux désertiques, humides ou tempérées. En terme alimentaire, certaines sont herbivores, d’autres insectivores (certains serpents le sont) ou carnivores, là aussi avec des préférences alimentaires très différentes (petits mammifères, oiseaux, lézards, escargots, grenouilles ou autres serpents pour les espèces ophiophages). En matière de reproduction, les besoins peuvent aussi être très différents avec une hydrométrique ou des températures très variables pour des espèces ovovivipares ou ovipares. Le seul critère du « espèces grimpant aux arbres » évoqué dans l’avis du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) ne suffit pas à déterminer si une espèce est invasive et préoccupante ou pas et l’impact qu’elle peut avoir : est-elle diurne ou nocturne ? Préfère-t-elle des températures fraiches ou chaudes ? Quel est son régime alimentaire ? Est-ce une espèce prédatrice ? Que mange-t-elle ? Bien d’autres questions peuvent se poser.

    C’est pourquoi le règlement précise que : « Les critères régissant l’inscription sur la liste de l’Union constituent le principal instrument de mise en application du présent règlement. Pour garantir une utilisation efficace des ressources, ces critères devraient également garantir que, parmi les espèces exotiques envahissantes potentielles connues à ce jour, celles dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste. La Commission devrait présenter au comité institué par le présent règlement une proposition de liste de l’Union fondée sur ces critères dans l’année suivant l’entrée en vigueur du présent règlement. Lorsqu’elle propose la liste de l’Union, la Commission devrait informer ledit comité de la manière dont elle a pris en compte ces critères. Il convient que lesdits critères comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces. »

    Autre constat, les conditions géographiques (multitude de milieux différents en fonction de l’altitude), climatiques (été chaud et hiver plus froid qu’en région équatoriale avec des remontées froides de l’antarctique), hydrologiques (quasi-totalité des rivières à sec durant l’année sauf durant les cyclones ou le débit peut être très violant) et physicochimiques de l’eau de l’île de la Réunion (étangs en bord de mer avec des remontées salines rendant l’eau fortement minéralisée) ne permettent pas à l’ensembles des espèces des classes, ordres, familles et genres mentionnés dans le projet d’arrêté de pouvoir prospérer sur ce territoire. Avec une telle diversité de biotopes et une grande différence de températures, de pluviométrie ou d’hydrométrie, il est forcément nécessaire d’être précis sur les espèces réellement envahissantes avec un caractère préoccupant et exclure les autres.

    Nous avons, dans nos eaux, les espèces indigènes suivantes : Anguilla marmorata, Anguilla mossambica, Anguilla bicolor bicolor, Kuhlia rupestris, Eleotris fisca, Eleotris mauritianus, Awaous nigripinnis, Glossogobius giurus et Stenogobius polyzona.
    Toutes ces espèces sont carnivores et de nature à empêcher la prolifération des poisson exotiques de couleur vive (la plupart des poissons d’aquarium). Le « Tilapia », espèce exogène et prédatrice, est également présente en très grand nombre dans nos étangs. Si des espèces exotiques adultes arrivaient à échapper à cette prédation naturelle et parvenaient à se reproduire, les alevins n’auraient aucune chance de survie.

    Nous avons donc deux questions : A-t-on retenu les espèces dont les effets néfastes sont les plus importants pour la Réunion ? Sur quelle évaluation des risques s’est-on appuyé pour retenir les classes, ordres, familles et genres à interdire pour notre île ?

    Il est à noter que dans l’arrêté du 14 février 2018 relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain, il est fait mention, en annexe, d’une liste d’espèces clairement identifiées. Les seules exceptions portent sur les genres de tortue Chrysemys spp, Clemmys spp, Graptemys spp, Pseudemys spp et Trachemys spp, même si on mentionne aussi l’espèce Trachemys scripta, et la famille des Sciuridae. Ces regroupements sont sans doute justifiés par des études scientifiques (elles sont nombreuses pour les tortues dites « de Floride »). Pour le reste, il faudrait procéder selon le même principe pour le projet concernant l’île de la Réunion. La règle reste l’espèce et les regroupements taxonomiques l’exception.

    Ensuite, il faut également être précis sur la définition même d’une espèce exotique envahissante préoccupante.

    Selon la définition du règlement n° 1143/2014 qui a une valeur normative, une espèce exotique envahissante préoccupante pour un État membre est « une espèce exotique envahissante autre que les espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union, pour laquelle un État membre considère, en s’appuyant sur des données scientifiques, que les effets néfastes de sa libération et de sa propagation, même s’ils ne sont pas pleinement démontrés, sont lourds de conséquences pour son territoire, ou une partie de celui-ci, et requièrent une action au niveau de l’État membre concerné ».

    Il ne faut donc par faire les choses par idéologie, mais bien en s’appuyant objectivement sur la définition claire « des espèces exotiques envahissantes préoccupantes » du règlement. A ce sujet, nous nous interrogeons : sur quelles études scientifiques propre à l’île de la Réunion s’est-on appuyé pour placer ces ordres, classes, familles ou genres entiers dans la catégorie des invasifs préoccupants ?

    Sur ce point précisément, et en effectuant des recherches sur les « espèces » mentionnées dans ce projet (base de données sur les espèces exotiques envahissantes en Outre-Mer de l’UICN / liste du Centre de ressources espèces exotiques envahissantes dont la coordination et l’animation sont assurées par l’UICN France et l’Office français de la biodiversité / site internet du GEIR (Groupe Espèces Invasives de La Réunion) / liste rouge des espèces menacées en France de l’UICN et du MNHN - faune de La Réunion / etc.), nous avons des interrogations.

    En effet, impossible de trouver une quelconque information sur le caractère invasif et préoccupant à la Réunion d’une famille de poisson d’eau douce comme les Characidae (1 122 espèces dont 300 régulièrement commercialisées et jamais observées dans les eaux réunionnaises) ou les Aplocheilidae. C’est la même chose pour la plupart des autres familles…

    Autre cas incompréhensible pour l’ordre des Pelecaniformes (les pélicans), L’espèce Pelecanus rufescens
    (nous ne savons pas s’il s’agit bien de celle-ci puisque nous n’avons aucune précision dans le projet d’arrêté) a été observée, selon nos sources, de manière exceptionnelle à l’île de la Réunion (au moins une donnée fiable en 1997) (Putelat, Probst & Lépissier, 1998). L’individu repéré est venu par ses propres moyens, probablement à partir de populations naturelles de Madagascar. Dans ce cas, nous ne sommes absolument pas dans le cas d’une espèce invasive introduite par l’homme puisque l’espèce est venue par ses propres moyens, et nous sommes encore moins dans le cas d’une invasion préoccupante car le dernier cas d’observation fiable porte sur un seul individu, il y a 23 ans.

    Cela confirme qu’il y a un vrai problème de fond avec ce projet qui ne s’appuie pas sur des données factuelles pourtant abondantes sur le sujet.

    Si le règlement européen oblige à établir une liste d’espèces invasives et préoccupantes avec, préférentiellement, ce niveau de détail (c’est-à-dire l’espèce), c’est qu’il y a une bonne raison. Les regroupements par classe, ordre, famille ou genre sont l’exception et non la norme. Cette raison a été comprise en France métropolitaine. Pourquoi ne le serait-elle pas dans les RUP et, plus particulièrement, à la Réunion dans le cas présent.

    Nous demandons d’éviter les surenchères inutiles, sans pour autant se jeter dans l’insouciance ou l’irresponsabilité. Comme toujours pour légiférer, il s’agit d’avoir le ton juste.

    Concrètement, il faut être plus précis et respecter le règlement européen en précisant les espèces et ne pas céder à la facilité en englobant des classes, ordre ou famille entière dont les espèces ont très peu de choses en commun.

    Un autre exemple : la crevette Neocaridina heteropoda var. Red a été observée en 2018 dans la Rivière du Mât (l’une des rares rivières en eau toute l’année), ayant probablement été lâchée dans la nature. La population observée était très importante. Dans ce cas, pas de problème car cette espèce correspond bien à la définition. Mais alors, il faut bien mentionner l’espèce « Neocaridina heteropoda » dans l’arrêté et pas autre chose.

    La sagesse voudrait que l’on retienne uniquement les espèces effectivement envahissantes comme celle-ci. Evitons d’inscrire ou de retranscrire dans ce projet une crainte hypothétique ou la peur collective pour une classe ou une famille (les reptiles, les araignées, etc.).

    A l’inverse du cas de Neocaridina heteropoda, le fait de retrouver 4 spécimens de telle espèce, ou pire, de tel genre dans l’année ne constitue pas un caractère envahissant préoccupant même si les médias peuvent s’en émouvoir. Il s’agit souvent d’abandons par des propriétaires dépassés qu’il est possible d’éviter en exigeant le certificat de capacité dans les RUP pour les espèces et genres demandant certaines connaissances particulières. On supprime ainsi les achats impulsifs et irréfléchis d’un animal dont on ignore tout. Il est à noter que beaucoup de dispositions existent déjà dans l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non-domestiques. Les choses vont plutôt dans le bon sens. Encore faut-il que ceux qui passent leur certificat de capacité à la Réunion ne soient pas plus limité en termes d’espèces que ceux qui le passent en métropole.

    En effet, le certificat de capacité peut être utilisé dans le cadre de l’application de ce règlement qui prévoit que « Grâce aux mesures prises en vertu du présent règlement, les États membres peuvent imposer des obligations aux détenteurs ou aux utilisateurs d’espèces exotiques ».

    A l’autre bout de la chaine, il nous appartient aussi d’organiser une filière de récupération de ces animaux pour éviter qu’ils ne finissent dans nos espaces naturels, même en petit nombre. Les membres du collectif Réunion biodiversité vont s’organiser en ce sens : Kensy Aquarium récupérera les poissons (poissons rouges, « pleco », cichlidés divers, etc.) auprès des particuliers qui souhaitent s’en séparer, l’association Reptiles 974 se chargera des reptiles. Il existe déjà des associations qui ont les structures adaptées pour récupérer les oiseaux exotiques.

    Nous souhaitons également mettre en avant l’une des particularités de la population réunionnaise. Celle d’avoir toujours aimé s’occuper des animaux. Cette tradition ne disparaîtra pas parce qu’on aura interdit toutes les importations d’animaux exotiques. Nous souhaitons vous alerter sur ce point car nombreux seront ceux qui irons prélever dans la nature les animaux qu’ils ne pourront plus se procurer autrement, peu importe l’espèce : oiseaux (bec rose, Cardinal, espèces endémiques), poissons (guppy, bouche ronde, etc.) et reptiles (lézards verts/Phelsuma endémiques ou non) avec les conséquences que l’on peut imaginer sur le milieu. Pour d’autres, se sera simplement le recours au marché noir et aux trafics en tout genre. Si on veut garder un contrôle sur la vente d’animaux, il faut que l’acquisition d’espèces non invasives reste légale.

    D’un point de vue économique, le règlement européen indique, comme précisé plus haut, que « celles (les espèces) dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste » et « Il convient que lesdits critères (de sélection des espèces) comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces ». En apportant cette précision le règlement reconnait qu’il y a toute une activité commerciale autour de la vente d’animaux de compagnie (poissons d’aquarium, oiseaux, rongeurs et reptiles), dont font partie les animaux exotiques. Nous regrettons que ce point ait été ignoré dans le projet d’arrêté concernant l’île de la Réunion. Nous ne sommes pas opposés à interdire de la vente les espèces réellement invasives avec un caractère préoccupant. Néanmoins, le choix de ces espèces doit se faire dans le cadre d’une réelle concertation et en s’appuyant sur une véritable évaluation des risques.

    On ne doit pas jeter le bébé avec l’eau du bain sous prétexte de vouloir trop bien faire dans le domaine de la biodiversité. Le trop est parfois l’ennemi du bien.

    Cette RUP est déjà fortement touchées par le chômage avec un taux proche de 25% et tout interdire, sans discernement, entrainerait inévitablement des fermetures d’animaleries et de grossistes avec d’importantes suppressions d’emplois. Au vu de la crise post-covid19 qui s’annonce dans tout le pays, c’est aussi un élément à prendre en compte.

    Le secteur des animaux de compagnie représente sur notre île :
    <span class="puce">-  Une trentaine d’établissements (animaleries, jardineries, importateurs, grossistes et éleveurs) employant plus de 200 personnes, sans compter les emplois indirects liés à cette activité (transitaires, transporteurs, compagnies aériennes, etc.),
    <span class="puce">-  Un chiffre d’affaires annuel entre 150 et 200 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une TVA collectée pour l’Etat entre 13 et 17 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une somme estimée entre 3 et 5 millions au titre de l’octroi de mer réinjectée dans notre économie locale.
    Ne nombreux investissements et de lourds emprunts bancaires ont également été réalisés ces dernières années par les professionnels. Ce projet d’arrêté met en péril la totalité de la filière.

    Nous tenons également à préciser que les grossistes et animaleries de l’île de la Réunion n’ont pas tous officiellement été conviés à participer à la phase amont de consultation du projet. De plus, le peu de professionnels présents ont fait des remarques qui n’ont pas été prises en compte. Il n’y a donc pas eu de réelle concertation globale sur le projet.

    POUR CONCLURE :

    La liste des espèces envahissantes doit être précise et porter uniquement sur des espèces clairement identifiées (aspect juridique incontournable et obligatoire). Le principe de précaution propre à la France devrait être traité par l’obligation du certificat de capacité (l’outil doit être appliqué convenablement à la Réunion).

    L’esprit de cet arrêté nous semble verser dans une mode de la peur aveugle à l’égard d’une catégorie de personnes en culpabilisant non pas les auteurs de lâchers d’espèces invasives (problématique déjà traitée par l’arrêté́ du 9 février 2018 relatif à̀ la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire de La Réunion), mais les possesseurs d’animaux exotiques ou de Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) dans leur ensemble. C’est omettre que la très grande majorité des possesseurs de ce type d’animaux ne sont pas des irresponsables face aux impératifs écologiques et surtout négliger que tous ne sont pas réductibles à n’être que des possesseurs de nouveaux animaux dits de compagnie, mais pour un nombre non négligeable des passionnés qui contribuent à élever des espèces rares et à accumuler des informations très importantes sur les conditions d’élevage et de maintenance. Grâce à ces passionnés des espèces peuvent être sauvées de l’oubli ou sauvées tout court (car considérées comme peu sympathique par beaucoup) et continuer d’exister autrement que dans les seuls ouvrages spécialisés.

    La conservation ex situ s’accompagne d’une participation croissante à la protection des espèces rencontrées en terrariophilie. Certains de ces éleveurs sont regroupés dans le monde associatif, par exemple au sein de l’European Studbook Foundation, la Deutsche Gesellschaft für Herpetologie und Terrarienkunde (DGHT) ou la Fédération francophone pour l’élevage et la protection des tortues (FFEPT).

    De même, l’oiseau Spinus cucullatus (Tarin rouge du Venezuela) est classé en annexe A du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce depuis 1996 en tant qu’espèce menacée. Un élevage massif par les amateurs a permis de le classer en annexe X (autorisation de commerce et d’élevage) du règlement n° 865/2006 pour les spécimens nés en captivité.

    Dans l’état actuel, nous formulons un avis défavorable au texte présenté car réalisé sans concertation, ne respectant pas le cadre juridique du règlement européen, trop réducteur (simplification abusive) et inexacte quant aux espèces invasives et réellement préoccupantes.

    S.V.

  •  AVIS DEFAVORABLE, le 14 mai 2020 à 07h15

    MORT IMMINENTE DE LA FILIERE ANIMALERIE
    La liste des espèces proposée ne cadre absolument pas avec la réalité de la situation à la Réunion .
    Avec une trentaine d’établissement sur l’île et plus de 200 salariés sans oublier les emplois indirects,un bon nombre d’emploi se retrouve en jeu, sous prétexte d’une homogénéisation de la loi.
    L’ensemble des professionnel se sont adaptés aux spécificités de la filière :
    Validation de capacitaires,formation des animaliers ,force de prévention auprès des particuliers,identification des espèces selon l’arrété du 8/10/2018.

    De nombreux investissement financiers et humains ont été mis en place.
    Ce projet de loi, a été réalisé sans concertation auprès de la filière.
    Cette liste simplifiée ( par genre,ordre et famille) , beaucoup trop réducteur.
    Si le règlement européen oblige à établir une liste d’espèces invasives et préoccupantes, alors nous demandons à une réelle concertation avec l’ensemble de la filière( animalerie/jardineries, grossistes, eleveurs, association, vendeurs animaliers ….), ainsi que de réélles précisions en matière d’espèces et non de classe.
    Dans l’état actuel nous émettons un avis défavorable au texte présenté.

  •  AVIS DEFAVORABLE, le 14 mai 2020 à 06h38

    "le règlement (UE) n° 1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif à la prévention, à la gestion de l’introduction,de la propagation des espèces exotiques envahissantes oblige, dans son article 6 § 2, les États-membres comptant des régions ultrapériphériques à adopter une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes dans chacune de ces régions."
    Ce qui est fondamental à retenir d’un point de vue juridique, c’est que selon article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le règlement présente des caractéristiques qui lui sont propres et qui sont différentes des autres actes (directives, décisions, recommandations ou avis / classification issue du traité de Lisbonne de 2007) : Il est une norme précise qui se suffit à̀ elle-même.
    Le règlement est, en particulier, très différent de la directive qui lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à̀ la forme et aux moyens.

    Ce projet n’est donc absolument pas conforme au règlement n° 1143/2014 du 22 octobre 2014. En effet, dans le projet actuel, on évoque quasi-systématiquement des classes,ordres,familles ou genres et non une liste précise d’espèces comme stipulé expressément dans le règlement européen. Si on inverse les choses, cela revient, dans les faits, à faire une liste positive avec le peu d’espèces restantes. Il nous semble que ça n’est pas ce qui est demandé.

    Même si le règlement n° 1143/2014 considère que « les espèces faisant partie d’un même groupe taxinomique ont souvent des exigences écologiques similaires et peuvent présenter des risques similaires, il convient, le cas échéant, d’autoriser l’inscription de groupes taxinomiques d’espèces sur la liste de l’Union. », ce principe ne peut pas s’appliquer au niveau de la classe ou de l’ordre, très rarement au niveau de la famille et rarement au niveau du genre qui regroupe des espèces qui ont souvent des besoins très différents.

    Prenons l’exemple de l’ordre des squamates ou squamata (10 078 espèces !), nous avons des espèces de lézards ou de serpents qui vivent dans des milieux désertiques, humides ou tempérées. En terme alimentaire, certaines sont herbivores, d’autres insectivores (certains serpents le sont) ou carnivores, là aussi avec des préférences alimentaires très différentes (petits mammifères, oiseaux, lézards, escargots, grenouilles ou autres serpents pour les espèces ophiophages). En matière de reproduction, les besoins peuvent aussi être très différents avec une hydrométrique ou des températures très variables pour des espèces ovovivipares ou ovipares. Le seul critère du « espèces grimpant aux arbres » évoqué dans l’avis du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) ne suffit pas à déterminer si une espèce est invasive et préoccupante ou pas et l’impact qu’elle peut avoir : est-elle diurne ,nocturne ? Préfère-t-elle des températures fraiches ou chaudes ? Quel est son régime alimentaire ? Est-ce une espèce prédatrice ? Que mange-t-elle ? Bien d’autres questions peuvent se poser.

    C’est pourquoi le règlement précise que : « Les critères régissant l’inscription sur la liste de l’Union constituent le principal instrument de mise en application du présent règlement. Pour garantir une utilisation efficace des ressources, ces critères devraient également garantir que, parmi les espèces exotiques envahissantes potentielles connues à ce jour, celles dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste. La Commission devrait présenter au comité institué par le présent règlement une proposition de liste de l’Union fondée sur ces critères dans l’année suivant l’entrée en vigueur du présent règlement. Lorsqu’elle propose la liste de l’Union, la Commission devrait informer ledit comité de la manière dont elle a pris en compte ces critères. Il convient que lesdits critères comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces. »

    Autre constat, les conditions géographiques (multitude de milieux différents en fonction de l’altitude), climatiques (été chaud et hiver plus froid qu’en région équatoriale avec des remontées froides de l’antarctique), hydrologiques (quasi-totalité des rivières à sec durant l’année sauf durant les cyclones ou le débit peut être très violant) et physicochimiques de l’eau de l’île de la Réunion (étangs en bord de mer avec des remontées salines rendant l’eau fortement minéralisée) ne permettent pas à l’ensembles des espèces des classes, ordres, familles et genres mentionnés dans le projet d’arrêté de pouvoir prospérer sur ce territoire. Avec une telle diversité de biotopes et une grande différence de températures, de pluviométrie ou d’hydrométrie, il est forcément nécessaire d’être précis sur les espèces réellement envahissantes avec un caractère préoccupant et exclure les autres.

    Nous avons, dans nos eaux, les espèces indigènes suivantes : Anguilla marmorata, Anguilla mossambica, Anguilla bicolor bicolor, Kuhlia rupestris, Eleotris fisca, Eleotris mauritianus, Awaous nigripinnis, Glossogobius giurus et Stenogobius polyzona.
    Toutes ces espèces sont carnivores et de nature à empêcher la prolifération des poisson exotiques de couleur vive (la plupart des poissons d’aquarium). Le « Tilapia », espèce exogène et prédatrice, est également présente en très grand nombre dans nos étangs. Si des espèces exotiques adultes arrivaient à échapper à cette prédation naturelle et parvenaient à se reproduire, les alevins n’auraient aucune chance de survie.

    Nous avons donc deux questions : A-t-on retenu les espèces dont les effets néfastes sont les plus importants pour la Réunion ? Sur quelle évaluation des risques s’est-on appuyé pour retenir les classes, ordres, familles et genres à interdire pour notre île ?

    Il est à noter que dans l’arrêté du 14 février 2018 relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain, il est fait mention, en annexe, d’une liste d’espèces clairement identifiées. Les seules exceptions portent sur les genres de tortue Chrysemys spp, Clemmys spp, Graptemys spp, Pseudemys spp et Trachemys spp, même si on mentionne aussi l’espèce Trachemys scripta, et la famille des Sciuridae. Ces regroupements sont sans doute justifiés par des études scientifiques (elles sont nombreuses pour les tortues dites « de Floride »). Pour le reste, il faudrait procéder selon le même principe pour le projet concernant l’île de la Réunion. La règle reste l’espèce et les regroupements taxonomiques l’exception.

    Il faut également être précis sur la définition même d’une espèce exotique envahissante préoccupante.

    Selon la définition du règlement n° 1143/2014 qui a une valeur normative, une espèce exotique envahissante préoccupante pour un État membre est « une espèce exotique envahissante autre que les espèces exotiques envahissantes préoccupante pour l’Union, pour laquelle un État membre considère, en s’appuyant sur des données scientifiques, que les effets néfastes de sa libération et de sa propagation, même s’ils ne sont pas pleinement démontrés, sont lourds de conséquences pour son territoire, ou une partie de celui-ci, et requièrent une action au niveau de l’État membre concerné ».

    Il ne faut donc par faire les choses par idéologie, mais bien en s’appuyant objectivement sur la définition claire « des espèces exotiques envahissantes préoccupantes » du règlement. A ce sujet, nous nous interrogeons : sur quelles études scientifiques propre à l’île de la Réunion s’est-on appuyé pour placer ces ordres, classes, familles ou genres entiers dans la catégorie des invasifs préoccupants ?

    Sur ce point précisément, et en effectuant des recherches sur les « espèces » mentionnées dans ce projet (base de données sur les espèces exotiques envahissantes en Outre-Mer de l’UICN / liste du Centre de ressources espèces exotiques envahissantes dont la coordination et l’animation sont assurées par l’UICN France et l’Office français de la biodiversité / site internet du GEIR (Groupe Espèces Invasives de La Réunion) / liste rouge des espèces menacées en France de l’UICN et du MNHN - faune de La Réunion / etc.), nous avons des interrogations.

    En effet, impossible de trouver une quelconque information sur le caractère invasif et préoccupant à la Réunion d’une famille de poisson d’eau douce comme les Characidae (1 122 espèces dont 300 régulièrement commercialisées et jamais observées dans les eaux réunionnaises) ou les Aplocheilidae. C’est la même chose pour la plupart des autres familles…

    Autre cas incompréhensible pour l’ordre des Pelecaniformes (les pélicans), L’espèce Pelecanus rufescens
    (nous ne savons pas s’il s’agit bien de celle-ci puisque nous n’avons aucune précision dans le projet d’arrêté) a été observée, selon nos sources, de manière exceptionnelle à l’île de la Réunion (au moins une donnée fiable en 1997) (Putelat, Probst & Lépissier, 1998). L’individu repéré est venu par ses propres moyens, probablement à partir de populations naturelles de Madagascar. Dans ce cas, nous ne sommes absolument pas dans le cas d’une espèce invasive introduite par l’homme puisque l’espèce est venue par ses propres moyens, et nous sommes encore moins dans le cas d’une invasion préoccupante car le dernier cas d’observation fiable porte sur un seul individu, il y a 23 ans.
    Il y a un vrai problème de fond avec ce projet qui ne s’appuie pas sur des données factuelles pourtant abondantes sur le sujet.

    Si le règlement européen oblige à établir une liste d’espèces invasives et préoccupantes avec, préférentiellement, ce niveau de détail (c’est-à-dire l’espèce), c’est qu’il y a une bonne raison. Les regroupements par classe, ordre, famille ou genre sont l’exception et non la norme. Cette raison a été comprise en France métropolitaine. Pourquoi ne le serait-elle pas dans les RUP et, plus particulièrement, à la Réunion dans le cas présent.

    Nous demandons d’éviter les surenchères inutiles, sans pour autant se jeter dans l’insouciance ou l’irresponsabilité. Comme toujours pour légiférer, il s’agit d’avoir le ton juste.

    Concrètement, il faut être plus précis et respecter le règlement européen en précisant les espèces et ne pas céder à la facilité en englobant des classes, ordre ou famille entière dont les espèces ont très peu de choses en commun.

    Autre exemple : la crevette Neocaridina heteropoda var. Red a été observée en 2018 dans la Rivière du Mât (l’une des rares rivières en eau toute l’année), ayant probablement été lâchée dans la nature. La population observée était très importante. Dans ce cas, pas de problème car cette espèce correspond bien à la définition. Mais alors, il faut bien mentionner l’espèce « Neocaridina heteropoda » dans l’arrêté et pas autre chose.

    La sagesse voudrait que l’on retienne uniquement les espèces effectivement envahissantes comme celle-ci. Evitons d’inscrire ou de retranscrire dans ce projet une crainte hypothétique ou la peur collective pour une classe ou une famille (les reptiles, les araignées, etc.).

    A l’inverse du cas de Neocaridina heteropoda, le fait de retrouver 4 spécimens de telle espèce, ou pire, de tel genre dans l’année ne constitue pas un caractère envahissant préoccupant même si les médias peuvent s’en émouvoir. Il s’agit souvent d’abandons par des propriétaires dépassés qu’il est possible d’éviter en exigeant le certificat de capacité dans les RUP pour les espèces et genres demandant certaines connaissances particulières. On supprime ainsi les achats impulsifs et irréfléchis d’un animal dont on ignore tout. Il est à noter que beaucoup de dispositions existent déjà dans l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non-domestiques. Les choses vont plutôt dans le bon sens. Encore faut-il que ceux qui passent leur certificat de capacité à la Réunion ne soient pas plus limité en termes d’espèces que ceux qui le passent en métropole.

    En effet, le certificat de capacité peut être utilisé dans le cadre de l’application de ce règlement qui prévoit que « Grâce aux mesures prises en vertu du présent règlement, les États membres peuvent imposer des obligations aux détenteurs ou aux utilisateurs d’espèces exotiques ».

    A l’autre bout de la chaine, il nous appartient aussi d’organiser une filière de récupération de ces animaux pour éviter qu’ils ne finissent dans nos espaces naturels, même en petit nombre. Les membres du collectif Réunion biodiversité vont s’organiser en ce sens : Kensy Aquarium récupérera les poissons (poissons rouges, « pleco », cichlidés divers, etc.) auprès des particuliers qui souhaitent s’en séparer, l’association Reptiles 974 se chargera des reptiles. Il existe déjà des associations qui ont les structures adaptées pour récupérer les oiseaux exotiques.

    Nous souhaitons également mettre en avant l’une des particularités de la population réunionnaise. Celle d’avoir toujours aimé s’occuper des animaux. Cette tradition ne disparaîtra pas parce qu’on aura interdit toutes les importations d’animaux exotiques. Nous souhaitons vous alerter sur ce point car nombreux seront ceux qui irons prélever dans la nature les animaux qu’ils ne pourront plus se procurer autrement, peu importe l’espèce : oiseaux (bec rose, Cardinal, espèces endémiques), poissons (guppy, bouche ronde, etc.) et reptiles (lézards verts/Phelsuma endémiques ou non) avec les conséquences que l’on peut imaginer sur le milieu. Pour d’autres, se sera simplement le recours au marché noir et aux trafics en tout genre. Si on veut garder un contrôle sur la vente d’animaux, il faut que l’acquisition d’espèces non invasives reste légale.

    D’un point de vue économique, le règlement européen indique, comme précisé plus haut, que « celles (les espèces) dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste » et « Il convient que lesdits critères (de sélection des espèces) comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces ». En apportant cette précision le règlement reconnait qu’il y a toute une activité commerciale autour de la vente d’animaux de compagnie (poissons d’aquarium, oiseaux, rongeurs et reptiles), dont font partie les animaux exotiques. Nous regrettons que ce point ait été ignoré dans le projet d’arrêté concernant l’île de la Réunion. Nous ne sommes pas opposés à interdire de la vente les espèces réellement invasives avec un caractère préoccupant. Néanmoins, le choix de ces espèces doit se faire dans le cadre d’une réelle concertation et en s’appuyant sur une véritable évaluation des risques.

    On ne doit pas jeter le bébé avec l’eau du bain sous prétexte de vouloir trop bien faire dans le domaine de la biodiversité. Le trop est parfois l’ennemi du bien.

    Cette RUP est déjà fortement touchées par le chômage avec un taux proche de 25% et tout interdire, sans discernement, entrainerait inévitablement des fermetures d’animaleries et de grossistes avec d’importantes suppressions d’emplois. Au vu de la crise post-covid19 qui s’annonce dans tout le pays, c’est aussi un élément à prendre en compte.

    Le secteur des animaux de compagnie représente sur notre île :
    • Une trentaine d’établissements (animaleries, jardineries, importateurs, grossistes et éleveurs) employant plus de 200 personnes, sans compter les emplois indirects liés à cette activité (transitaires, transporteurs, compagnies aériennes, etc.),
    • Un chiffre d’affaires annuel entre 150 et 200 millions d’euros,
    • Une TVA collectée pour l’Etat entre 13 et 17 millions d’euros,
    • Une somme estimée entre 3 et 5 millions au titre de l’octroi de mer réinjectée dans notre économie locale.
    Ne nombreux investissements et de lourds emprunts bancaires ont également été réalisés ces dernières années par les professionnels. Ce projet d’arrêté met en péril la totalité de la filière.

    Nous tenons également à préciser que les grossistes et animaleries de l’île de la Réunion n’ont pas tous officiellement été conviés à participer à la phase amont de consultation du projet. De plus, le peu de professionnels présents ont fait des remarques qui n’ont pas été prises en compte. Il n’y a donc pas eu de réelle concertation globale sur le projet.

    POUR CONCLURE :

    La liste des espèces envahissantes doit être précise et porter uniquement sur des espèces clairement identifiées (aspect juridique incontournable et obligatoire). Le principe de précaution propre à la France devrait être traité par l’obligation du certificat de capacité (l’outil doit être appliqué convenablement à la Réunion).

    L’esprit de cet arrêté nous semble verser dans une mode de la peur aveugle à l’égard d’une catégorie de personnes en culpabilisant non pas les auteurs de lâchers d’espèces invasives (problématique déjà traitée par l’arrêté́ du 9 février 2018 relatif à̀ la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire de La Réunion), mais les possesseurs d’animaux exotiques ou de Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) dans leur ensemble. C’est omettre que la très grande majorité des possesseurs de ce type d’animaux ne sont pas des irresponsables face aux impératifs écologiques et surtout négliger que tous ne sont pas réductibles à n’être que des possesseurs de nouveaux animaux dits de compagnie, mais pour un nombre non négligeable des passionnés qui contribuent à élever des espèces rares et à accumuler des informations très importantes sur les conditions d’élevage et de maintenance. Grâce à ces passionnés des espèces peuvent être sauvées de l’oubli ou sauvées tout court (car considérées comme peu sympathique par beaucoup) et continuer d’exister autrement que dans les seuls ouvrages spécialisés.

    La conservation ex situ s’accompagne d’une participation croissante à la protection des espèces rencontrées en terrariophilie. Certains de ces éleveurs sont regroupés dans le monde associatif, par exemple au sein de l’European Studbook Foundation, la Deutsche Gesellschaft für Herpetologie und Terrarienkunde (DGHT) ou la Fédération francophone pour l’élevage et la protection des tortues (FFEPT).

    De même, l’oiseau Spinus cucullatus (Tarin rouge du Venezuela) est classé en annexe A du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce depuis 1996 en tant qu’espèce menacée. Un élevage massif par les amateurs a permis de le classer en annexe X (autorisation de commerce et d’élevage) du règlement n° 865/2006 pour les spécimens nés en captivité.

    Dans l’état actuel, nous formulons un avis défavorable au texte présenté car réalisé sans concertation, ne respectant pas le cadre juridique du règlement européen, trop réducteur (simplification abusive) et inexacte quant aux espèces invasives et réellement préoccupantes.

  •  AVIS TRÈS DÉFAVORABLE, le 13 mai 2020 à 17h58

    "le règlement (UE) n° 1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes oblige, dans son article 6 § 2, les États-membres comptant des régions ultrapériphériques à adopter une liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes dans chacune de ces régions."
    Ce qui est fondamental à retenir d’un point de vue juridique, c’est que selon article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le règlement présente des caractéristiques qui lui sont propres et qui sont différentes des autres actes (directives, décisions, recommandations ou avis / classification issue du traité de Lisbonne de 2007) : Il est une norme précise qui se suffit à̀ elle-même.
    Le règlement est, en particulier, très différent de la directive qui lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à̀ la forme et aux moyens.

    Ce projet n’est donc absolument pas conforme au règlement n° 1143/2014 du 22 octobre 2014. En effet, dans le projet actuel, on évoque quasi-systématiquement des classes, des ordres, des familles ou genres et non une liste précise d’espèces comme stipulé expressément dans le règlement européen. Si on inverse les choses, cela revient, dans les faits, à faire une liste positive avec le peu d’espèces restantes. Il nous semble que ça n’est pas ce qui est demandé.

    Même si le règlement n° 1143/2014 considère que « les espèces faisant partie d’un même groupe taxinomique ont souvent des exigences écologiques similaires et peuvent présenter des risques similaires, il convient, le cas échéant, d’autoriser l’inscription de groupes taxinomiques d’espèces sur la liste de l’Union. », ce principe ne peut pas s’appliquer au niveau de la classe ou de l’ordre, très rarement au niveau de la famille et rarement au niveau du genre qui regroupe des espèces qui ont souvent des besoins très différents.

    Prenons l’exemple de l’ordre des squamates ou squamata (10 078 espèces !), nous avons des espèces de lézards ou de serpents qui vivent dans des milieux désertiques, humides ou tempérées. En terme alimentaire, certaines sont herbivores, d’autres insectivores (certains serpents le sont) ou carnivores, là aussi avec des préférences alimentaires très différentes (petits mammifères, oiseaux, lézards, escargots, grenouilles ou autres serpents pour les espèces ophiophages). En matière de reproduction, les besoins peuvent aussi être très différents avec une hydrométrique ou des températures très variables pour des espèces ovovivipares ou ovipares. Le seul critère du « espèces grimpant aux arbres » évoqué dans l’avis du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) ne suffit pas à déterminer si une espèce est invasive et préoccupante ou pas et l’impact qu’elle peut avoir : est-elle diurne ou nocturne ? Préfère-t-elle des températures fraiches ou chaudes ? Quel est son régime alimentaire ? Est-ce une espèce prédatrice ? Que mange-t-elle ? Bien d’autres questions peuvent se poser.

    C’est pourquoi le règlement précise que : « Les critères régissant l’inscription sur la liste de l’Union constituent le principal instrument de mise en application du présent règlement. Pour garantir une utilisation efficace des ressources, ces critères devraient également garantir que, parmi les espèces exotiques envahissantes potentielles connues à ce jour, celles dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste. La Commission devrait présenter au comité institué par le présent règlement une proposition de liste de l’Union fondée sur ces critères dans l’année suivant l’entrée en vigueur du présent règlement. Lorsqu’elle propose la liste de l’Union, la Commission devrait informer ledit comité de la manière dont elle a pris en compte ces critères. Il convient que lesdits critères comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces. »

    Autre constat, les conditions géographiques (multitude de milieux différents en fonction de l’altitude), climatiques (été chaud et hiver plus froid qu’en région équatoriale avec des remontées froides de l’antarctique), hydrologiques (quasi-totalité des rivières à sec durant l’année sauf durant les cyclones ou le débit peut être très violant) et physicochimiques de l’eau de l’île de la Réunion (étangs en bord de mer avec des remontées salines rendant l’eau fortement minéralisée) ne permettent pas à l’ensembles des espèces des classes, ordres, familles et genres mentionnés dans le projet d’arrêté de pouvoir prospérer sur ce territoire. Avec une telle diversité de biotopes et une grande différence de températures, de pluviométrie ou d’hydrométrie, il est forcément nécessaire d’être précis sur les espèces réellement envahissantes avec un caractère préoccupant et exclure les autres.

    Nous avons, dans nos eaux, les espèces indigènes suivantes : Anguilla marmorata, Anguilla mossambica, Anguilla bicolor bicolor, Kuhlia rupestris, Eleotris fisca, Eleotris mauritianus, Awaous nigripinnis, Glossogobius giurus et Stenogobius polyzona.
    Toutes ces espèces sont carnivores et de nature à empêcher la prolifération des poisson exotiques de couleur vive (la plupart des poissons d’aquarium). Le « Tilapia », espèce exogène et prédatrice, est également présente en très grand nombre dans nos étangs. Si des espèces exotiques adultes arrivaient à échapper à cette prédation naturelle et parvenaient à se reproduire, les alevins n’auraient aucune chance de survie.

    Nous avons donc deux questions : A-t-on retenu les espèces dont les effets néfastes sont les plus importants pour la Réunion ? Sur quelle évaluation des risques s’est-on appuyé pour retenir les classes, ordres, familles et genres à interdire pour notre île ?

    Il est à noter que dans l’arrêté du 14 février 2018 relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain, il est fait mention, en annexe, d’une liste d’espèces clairement identifiées. Les seules exceptions portent sur les genres de tortue Chrysemys spp, Clemmys spp, Graptemys spp, Pseudemys spp et Trachemys spp, même si on mentionne aussi l’espèce Trachemys scripta, et la famille des Sciuridae. Ces regroupements sont sans doute justifiés par des études scientifiques (elles sont nombreuses pour les tortues dites « de Floride »). Pour le reste, il faudrait procéder selon le même principe pour le projet concernant l’île de la Réunion. La règle reste l’espèce et les regroupements taxonomiques l’exception.

    Ensuite, il faut également être précis sur la définition même d’une espèce exotique envahissante préoccupante.

    Selon la définition du règlement n° 1143/2014 qui a une valeur normative, une espèce exotique envahissante préoccupante pour un État membre est « une espèce exotique envahissante autre que les espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union, pour laquelle un État membre considère, en s’appuyant sur des données scientifiques, que les effets néfastes de sa libération et de sa propagation, même s’ils ne sont pas pleinement démontrés, sont lourds de conséquences pour son territoire, ou une partie de celui-ci, et requièrent une action au niveau de l’État membre concerné ».

    Il ne faut donc par faire les choses par idéologie, mais bien en s’appuyant objectivement sur la définition claire « des espèces exotiques envahissantes préoccupantes » du règlement. A ce sujet, nous nous interrogeons : sur quelles études scientifiques propre à l’île de la Réunion s’est-on appuyé pour placer ces ordres, classes, familles ou genres entiers dans la catégorie des invasifs préoccupants ?

    Sur ce point précisément, et en effectuant des recherches sur les « espèces » mentionnées dans ce projet (base de données sur les espèces exotiques envahissantes en Outre-Mer de l’UICN / liste du Centre de ressources espèces exotiques envahissantes dont la coordination et l’animation sont assurées par l’UICN France et l’Office français de la biodiversité / site internet du GEIR (Groupe Espèces Invasives de La Réunion) / liste rouge des espèces menacées en France de l’UICN et du MNHN - faune de La Réunion / etc.), nous avons des interrogations.

    En effet, impossible de trouver une quelconque information sur le caractère invasif et préoccupant à la Réunion d’une famille de poisson d’eau douce comme les Characidae (1 122 espèces dont 300 régulièrement commercialisées et jamais observées dans les eaux réunionnaises) ou les Aplocheilidae. C’est la même chose pour la plupart des autres familles…

    Autre cas incompréhensible pour l’ordre des Pelecaniformes (les pélicans), L’espèce Pelecanus rufescens
    (nous ne savons pas s’il s’agit bien de celle-ci puisque nous n’avons aucune précision dans le projet d’arrêté) a été observée, selon nos sources, de manière exceptionnelle à l’île de la Réunion (au moins une donnée fiable en 1997) (Putelat, Probst & Lépissier, 1998). L’individu repéré est venu par ses propres moyens, probablement à partir de populations naturelles de Madagascar. Dans ce cas, nous ne sommes absolument pas dans le cas d’une espèce invasive introduite par l’homme puisque l’espèce est venue par ses propres moyens, et nous sommes encore moins dans le cas d’une invasion préoccupante car le dernier cas d’observation fiable porte sur un seul individu, il y a 23 ans.

    Cela confirme qu’il y a un vrai problème de fond avec ce projet qui ne s’appuie pas sur des données factuelles pourtant abondantes sur le sujet.

    Si le règlement européen oblige à établir une liste d’espèces invasives et préoccupantes avec, préférentiellement, ce niveau de détail (c’est-à-dire l’espèce), c’est qu’il y a une bonne raison. Les regroupements par classe, ordre, famille ou genre sont l’exception et non la norme. Cette raison a été comprise en France métropolitaine. Pourquoi ne le serait-elle pas dans les RUP et, plus particulièrement, à la Réunion dans le cas présent.

    Nous demandons d’éviter les surenchères inutiles, sans pour autant se jeter dans l’insouciance ou l’irresponsabilité. Comme toujours pour légiférer, il s’agit d’avoir le ton juste.

    Concrètement, il faut être plus précis et respecter le règlement européen en précisant les espèces et ne pas céder à la facilité en englobant des classes, ordre ou famille entière dont les espèces ont très peu de choses en commun.

    Un autre exemple : la crevette Neocaridina heteropoda var. Red a été observée en 2018 dans la Rivière du Mât (l’une des rares rivières en eau toute l’année), ayant probablement été lâchée dans la nature. La population observée était très importante. Dans ce cas, pas de problème car cette espèce correspond bien à la définition. Mais alors, il faut bien mentionner l’espèce « Neocaridina heteropoda » dans l’arrêté et pas autre chose.

    La sagesse voudrait que l’on retienne uniquement les espèces effectivement envahissantes comme celle-ci. Evitons d’inscrire ou de retranscrire dans ce projet une crainte hypothétique ou la peur collective pour une classe ou une famille (les reptiles, les araignées, etc.).

    A l’inverse du cas de Neocaridina heteropoda, le fait de retrouver 4 spécimens de telle espèce, ou pire, de tel genre dans l’année ne constitue pas un caractère envahissant préoccupant même si les médias peuvent s’en émouvoir. Il s’agit souvent d’abandons par des propriétaires dépassés qu’il est possible d’éviter en exigeant le certificat de capacité dans les RUP pour les espèces et genres demandant certaines connaissances particulières. On supprime ainsi les achats impulsifs et irréfléchis d’un animal dont on ignore tout. Il est à noter que beaucoup de dispositions existent déjà dans l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non-domestiques. Les choses vont plutôt dans le bon sens. Encore faut-il que ceux qui passent leur certificat de capacité à la Réunion ne soient pas plus limité en termes d’espèces que ceux qui le passent en métropole.

    En effet, le certificat de capacité peut être utilisé dans le cadre de l’application de ce règlement qui prévoit que « Grâce aux mesures prises en vertu du présent règlement, les États membres peuvent imposer des obligations aux détenteurs ou aux utilisateurs d’espèces exotiques ».

    A l’autre bout de la chaine, il nous appartient aussi d’organiser une filière de récupération de ces animaux pour éviter qu’ils ne finissent dans nos espaces naturels, même en petit nombre. Les membres du collectif Réunion biodiversité vont s’organiser en ce sens : Kensy Aquarium récupérera les poissons (poissons rouges, « pleco », cichlidés divers, etc.) auprès des particuliers qui souhaitent s’en séparer, l’association Reptiles 974 se chargera des reptiles. Il existe déjà des associations qui ont les structures adaptées pour récupérer les oiseaux exotiques.

    Nous souhaitons également mettre en avant l’une des particularités de la population réunionnaise. Celle d’avoir toujours aimé s’occuper des animaux. Cette tradition ne disparaîtra pas parce qu’on aura interdit toutes les importations d’animaux exotiques. Nous souhaitons vous alerter sur ce point car nombreux seront ceux qui irons prélever dans la nature les animaux qu’ils ne pourront plus se procurer autrement, peu importe l’espèce : oiseaux (bec rose, Cardinal, espèces endémiques), poissons (guppy, bouche ronde, etc.) et reptiles (lézards verts/Phelsuma endémiques ou non) avec les conséquences que l’on peut imaginer sur le milieu. Pour d’autres, se sera simplement le recours au marché noir et aux trafics en tout genre. Si on veut garder un contrôle sur la vente d’animaux, il faut que l’acquisition d’espèces non invasives reste légale.

    D’un point de vue économique, le règlement européen indique, comme précisé plus haut, que « celles (les espèces) dont les effets néfastes sont les plus importants figureront sur la liste » et « Il convient que lesdits critères (de sélection des espèces) comportent une évaluation des risques, conformément aux dispositions applicables en vertu des accords pertinents de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) relatifs aux restrictions touchant au commerce des espèces ». En apportant cette précision le règlement reconnait qu’il y a toute une activité commerciale autour de la vente d’animaux de compagnie (poissons d’aquarium, oiseaux, rongeurs et reptiles), dont font partie les animaux exotiques. Nous regrettons que ce point ait été ignoré dans le projet d’arrêté concernant l’île de la Réunion. Nous ne sommes pas opposés à interdire de la vente les espèces réellement invasives avec un caractère préoccupant. Néanmoins, le choix de ces espèces doit se faire dans le cadre d’une réelle concertation et en s’appuyant sur une véritable évaluation des risques.

    On ne doit pas jeter le bébé avec l’eau du bain sous prétexte de vouloir trop bien faire dans le domaine de la biodiversité. Le trop est parfois l’ennemi du bien.

    Cette RUP est déjà fortement touchées par le chômage avec un taux proche de 25% et tout interdire, sans discernement, entrainerait inévitablement des fermetures d’animaleries et de grossistes avec d’importantes suppressions d’emplois. Au vu de la crise post-covid19 qui s’annonce dans tout le pays, c’est aussi un élément à prendre en compte.

    Le secteur des animaux de compagnie représente sur notre île :
    <span class="puce">-  Une trentaine d’établissements (animaleries, jardineries, importateurs, grossistes et éleveurs) employant plus de 200 personnes, sans compter les emplois indirects liés à cette activité (transitaires, transporteurs, compagnies aériennes, etc.),
    <span class="puce">-  Un chiffre d’affaires annuel entre 150 et 200 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une TVA collectée pour l’Etat entre 13 et 17 millions d’euros,
    <span class="puce">-  Une somme estimée entre 3 et 5 millions au titre de l’octroi de mer réinjectée dans notre économie locale.
    Ne nombreux investissements et de lourds emprunts bancaires ont également été réalisés ces dernières années par les professionnels. Ce projet d’arrêté met en péril la totalité de la filière.

    Nous tenons également à préciser que les grossistes et animaleries de l’île de la Réunion n’ont pas tous officiellement été conviés à participer à la phase amont de consultation du projet. De plus, le peu de professionnels présents ont fait des remarques qui n’ont pas été prises en compte. Il n’y a donc pas eu de réelle concertation globale sur le projet.

    POUR CONCLURE :

    La liste des espèces envahissantes doit être précise et porter uniquement sur des espèces clairement identifiées (aspect juridique incontournable et obligatoire). Le principe de précaution propre à la France devrait être traité par l’obligation du certificat de capacité (l’outil doit être appliqué convenablement à la Réunion).

    L’esprit de cet arrêté nous semble verser dans une mode de la peur aveugle à l’égard d’une catégorie de personnes en culpabilisant non pas les auteurs de lâchers d’espèces invasives (problématique déjà traitée par l’arrêté́ du 9 février 2018 relatif à̀ la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces animales exotiques envahissantes sur le territoire de La Réunion), mais les possesseurs d’animaux exotiques ou de Nouveaux Animaux de Compagnie (NAC) dans leur ensemble. C’est omettre que la très grande majorité des possesseurs de ce type d’animaux ne sont pas des irresponsables face aux impératifs écologiques et surtout négliger que tous ne sont pas réductibles à n’être que des possesseurs de nouveaux animaux dits de compagnie, mais pour un nombre non négligeable des passionnés qui contribuent à élever des espèces rares et à accumuler des informations très importantes sur les conditions d’élevage et de maintenance. Grâce à ces passionnés des espèces peuvent être sauvées de l’oubli ou sauvées tout court (car considérées comme peu sympathique par beaucoup) et continuer d’exister autrement que dans les seuls ouvrages spécialisés.

    La conservation ex situ s’accompagne d’une participation croissante à la protection des espèces rencontrées en terrariophilie. Certains de ces éleveurs sont regroupés dans le monde associatif, par exemple au sein de l’European Studbook Foundation, la Deutsche Gesellschaft für Herpetologie und Terrarienkunde (DGHT) ou la Fédération francophone pour l’élevage et la protection des tortues (FFEPT).

    De même, l’oiseau Spinus cucullatus (Tarin rouge du Venezuela) est classé en annexe A du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce depuis 1996 en tant qu’espèce menacée. Un élevage massif par les amateurs a permis de le classer en annexe X (autorisation de commerce et d’élevage) du règlement n° 865/2006 pour les spécimens nés en captivité.

    Dans l’état actuel, nous formulons un avis défavorable au texte présenté car réalisé sans concertation, ne respectant pas le cadre juridique du règlement européen, trop réducteur (simplification abusive) et inexacte quant aux espèces invasives et réellement préoccupantes.

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