Projet d’arrêté ministériel modifiant l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques
Consultation du 11/04/2025 au 03/05/2025 - 3305 contributions
Le projet d’arrêté ministériel soumis à la consultation du public consiste en une mise à jour de la réglementation relative à la détention d’animaux d’espèces non domestiques.
Le ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche a travaillé à partir de 2021 à la mise à jour de l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques afin d’en corriger les coquilles, de le rendre plus lisible et de modifier certaines dispositions dans l’objectif de faciliter sa mise en œuvre. Des groupes de travail ont ainsi été organisés en 2021 afin de recueillir les avis de l’ensemble des parties prenantes sur les modifications à mettre en place.
Ce projet d’arrêté modificatif a reçu un avis favorable, avec des demandes de modifications qui ont été prises en compte, de la part de la Commission Nationale Consultative pour la Faune Sauvage Captive (CNCFSC), en formation d’étude pour la faune sauvage, réunie le 18 septembre 2024. Il a également reçu un avis favorable de la part du Conseil national de la Protection de la Nature (CNPN), réuni le 16 octobre 2024.
La version du projet d’arrêté ministériel prenant en compte les modifications à la suite de ces consultations est celle soumise à la consultation du public. Les modifications les plus notables du projet de texte sont résumées ci-dessous.
I. Modifications en application de la loi n° 2021-1539 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes
Il est proposé de modifier le I de l’article 3 de l’arrêté du 8 octobre 2018 pour y préciser que les animaux d’espèces non domestiques détenus dans des établissements itinérants les présentant au public doivent être munis d’un marquage individuel et permanent (2° de l’article 3 de l’arrêté modificatif). Cette modification impose, en application de l’article 7 de l’arrêté, l’identification dans le fichier i-fap (fichier national d’identification de la faune protégée) de tous les animaux d’espèces non domestiques détenus dans des établissements itinérants comme prévu par l’article 46 issu de la loi n° 2021 1539 précitée. Cela n’était que partiellement le cas actuellement (certaines espèces, comme les wallabys, les zèbres, les bisons ou certaines espèces de ratites des établissements itinérants n’étaient pas concernées par cette obligation d’enregistrement dans le fichier i fap).
II. Modifications suite aux retours des acteurs concernés par l’application de l’arrêté du 8 octobre 2018
Un travail de concertation a été mené avec les acteurs concernés par l’application de l’arrêté du 8 octobre 2018. Ont ainsi été consultés :
- l’Association Française des Parcs Zoologiques (AFdPZ) et l’Association Française des Vétérinaires de Parcs Zoologiques (AFVPZ) ;
- le Syndicat National des Vétérinaires d’Exercice Libéral (SNVEL) ;
- les associations reconnues d’éleveurs amateurs et professionnels (Société Herpétologique de Françe (SHF) et les Associations Habilitées à délivrer des Bagues (AHB) dont le Club des Exotiques (CDE), Aviornis, l’Union Ornithologique de France (UOF), la Fédération française d’Ornithologie (FFO), l’Association Nationale des Chasseurs de Gibiers d’Eau (ANCGE), la Fédération française d’aquariologie (FFA)) ;
- les associations investies dans la protection des animaux et la préservation de la biodiversité (One Voice, Code Animal, la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO)) ;
- la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC), ainsi que l’Association Nationale des Fauconniers et Autoursiers français (ANFA) ;
- les professionnels de la filière animaleries (Syndicat des Professionnels de l’Animal Familier - Prodaf) ;
- les Directions Départementales de Protection des Populations (DD(ETS)PP), l’Office Français de la Biodiversité (OFB), le Bureau du Bien-Être Animal (BBEA) du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, et enfin le bureau en charge de la réglementation CITES (commerce international des espèces sauvages) à la Direction de l’eau et de la biodiversité (bureau ET4).
Il ressort de ce travail un ensemble de demandes de corrections, intégrées dans la proposition de modification de l’arrêté.
Le projet d’arrêté modificatif prend aussi en compte les demandes de modifications formulées par la CNCFSC lors de la séance de septembre 2024. On distingue notamment les évolutions suivantes :
- Mise en cohérence avec le règlement CITES : cette modification permet d’autoriser par exception que les animaux nés et élevés en captivité d’espèces inscrites à l’annexe X du règlement n° 865/2006 du 4 mai 2006 soient exonérés de marquage, sauf si ces espèces sont annotées dans cette même annexe. Cette modification ne concerne qu’une vingtaine d’oiseaux mais permet par exemple l’exonération de marquage et d’enregistrement dans le fichier i-fap pour la sarcelle d’été (Anas querquedula) utilisée comme appelant pour la chasse ;
- Possibilité de pluri-marquages des animaux : à condition que les procédés diffèrent des précédents marquages, il devient possible de marquer plusieurs fois un animal conformément aux procédés décrits dans l’annexe 1 et dans le respect des prescriptions du règlement n° 338/97 du 9 décembre 1996, et ce, dans un souci pratique qui facilite le repérage de certaines espèces en parcs zoologiques, mais sans perdre en exigence de traçabilité ;
- Fin de l’obligation d’enregistrement et de marquage pour les animaux destinés à la consommation humaine : cette évolution vise à mettre en conformité la pratique usuelle des éleveurs qui ne marquent ni n’enregistrent les animaux élevés pour la consommation humaine (notamment certains ratites, comme le nandou, qui est une espèce inscrite à l’annexe B du règlement CITES) ;
- Définition des spécimens hybrides : cette nouvelle définition vise à mieux encadrer la détention des spécimens hybrides ;
- Demande de justification de l’origine du spécimen dans le cadre d’une déclaration de détention : cette modification permet de lier la réglementation relative à l’origine des animaux détenus en captivité et celle relative à leur détention, notamment dans le cadre de prélèvement d’animaux dans la nature ;
- Exonération de l’enregistrement dans le fichier i-fap des animaux nés et élevés en captivité en vue de leur réintroduction dans le milieu naturel : cela permet d’éviter d’avoir dans le fichier i-fap des animaux qui ont été relâchés dans la nature.
Ces différentes modifications participent à un gain de lisibilité et de praticité dans la lecture et l’application de cet arrêté. Les avancées proposées s’accompagnent par ailleurs d’un travail de toilettage de certains articles afin de permettre une cohérence de l’arrêté avec le reste du droit positif.
La présente consultation du public est ouverte du 11 avril au 3 mai 2025. Afin de faciliter le traitement des avis exprimés, il est demandé de bien vouloir indiquer l’avis (favorable/favorable sous réserve/défavorable) dans le champ titre.
Commentaires
Avis défavorable à la modification de l’arrêté du 8 octobre 2018
Je tiens à exprimer mon opposition à la modification de l’arrêté du 8 octobre 2018, notamment en ce qui concerne le classement du chat Savannah comme animal dangereux.
Un animal sauvage (ou non domestique) est, par définition, une espèce qui n’a pas été modifiée par sélection humaine. Or, le chat Savannah est le fruit d’un travail d’élevage sélectif et rigoureux depuis plusieurs générations. Il ne s’agit donc pas d’un animal sauvage, mais bien d’un chat issu d’un croisement initial aujourd’hui encadré, avec une lignée stabilisée, reconnue et inscrite dans les registres félins internationaux (TICA, LOOF, etc.).
Le comportement du Savannah est proche de celui d’un chat domestique : curieux, intelligent, actif, mais également affectueux et proche de l’humain. Il ne présente aucun danger avéré, et à ce jour, aucune attaque grave impliquant un Savannah n’a été recensée en France ou ailleurs. Le considérer comme dangereux est donc infondé et discriminatoire.
Au-delà de l’atteinte directe que cette mesure porterait aux éleveurs responsables et aux détenteurs passionnés, les conséquences seraient graves à plusieurs niveaux :
• Encouragement du trafic illégal : restreindre ou interdire la détention légale de chats Savannah risque de pousser certains acquéreurs vers des circuits non officiels. Cela favorise le trafic d’animaux, les importations non contrôlées, et met en péril le bien-être des animaux concernés.
• Perte de traçabilité et de contrôle sanitaire : les éleveurs déclarés assurent le suivi vétérinaire, l’identification et la sociabilisation des animaux. Restreindre la filière officielle revient à encourager la multiplication de détentions sauvages, échappant à tout encadrement.
• Stigmatisation injuste d’une race : cette mesure alimenterait des peurs infondées chez le grand public, au détriment d’un animal qui mérite au contraire d’être mieux connu et encadré avec discernement.
De plus, exiger d’un simple détenteur non professionnel l’obtention de la certification de capacité (CCAD) et de l’autorisation d’ouverture d’établissement (AOE) au même titre qu’un éleveur relève de l’absurde. Ces démarches sont longues, complexes et coûteuses, et elles n’ont aucun sens dans le cadre d’une détention privée d’un ou deux animaux de compagnie. Cela reviendrait à assimiler chaque particulier à un professionnel, ce qui est totalement disproportionné.
Plutôt que d’imposer des restrictions punitives et irréalistes, il serait bien plus judicieux de promouvoir une détention responsable, déclarée et traçable, comme c’est déjà le cas chez les éleveurs professionnels. Cela garantirait une meilleure protection des animaux, un encadrement sérieux des détenteurs, et permettrait aux autorités de conserver une vision claire et fiable des effectifs présents sur le territoire.
Pour toutes ces raisons, je demande que le chat Savannah ne soit pas inclus dans les espèces considérées comme dangereuses dans le cadre de cet arrêté.
Le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) s’oppose au projet d’arrêté modificatif et s’aligne avec les constatations déjà formulées par des associations comme la Fondation 30 Millions d’Amis. Nous souhaitons aussi apporter quelques compléments d’information.
Ce projet d’arrêté modificatif est problématique car il :
- Maintient la possibilité de procéder à l’identification des espèces non domestiques par photographie (article 4) indépendamment d’une autre méthode d’identification. L’identification par photo ne peut pas remplacer une identification permanente, infalsifiable et centralisée.
- Accorde une dérogation à l’obligation d’identification aux animaux non domestiques élevés en captivité et destinés à la consommation humaine et aux animaux destinés à être relâchés dans le milieu naturel (article 3 IV.) La dérogation à l’identification ne devrait s’appliquer qu’aux animaux d’espèces non domestiques sauvages, détenus en transit pour des soins temporaires réalisés dans des centres de soins de la faune sauvage ou auprès de vétérinaires.
- Introduit un nouveau régime de détention pour 2 espèces de rapaces détenus à des fins personnelles dans le cadre de la pratique de la chasse au vol (Nizaetus spp et Geranoaetus melanoleucus), alors qu’il n’y a pas de justification claire derrière cette introduction.
- Introduit l’autorisation de détention sans aucune formalité de 1 à 40 grenouilles Dendrobate tinctorius morphotype azureus. Il s’agit d’un régime de détention particulièrement souple dans la mesure où il peut être détenu jusqu’à 40 spécimens sans aucune formalité, alors que leur entretien en captivité peut être difficile. Cette procédure soulève la problématique plus large de la transparence et de l’efficacité des critères utilisés pour juger le régime de détention de certaines espèces et surtout l’élaboration d’une liste positive souhaitée par le législateur depuis la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021. Nous soulignons notre inquiétude face à des avancées lentes par rapport à la mise en place d’une liste positive, jugée sur des bases scientifiques et indépendantes pour mettre fin à la détention des espèces sauvages de la part des non-professionnels. Nous espérons voir rapidement une impulsion importante pour avancer au plus vite sur l’élaboration d’une telle liste.
- Sous l’article 7 (III) dans les points à inclure dans la déclaration de marquage, nous nous opposons au fait de préciser les mots « si elle est connue » sous le point d’origine car cela pourrait ouvrir une voie de dérive quant aux trafics.
- Sous la section 3 : Cession des animaux d’espèces non domestiques détenus en captivité. Dû aux risques de commerce illicite en ligne, il nous paraît pertinent de mettre à jour des éléments pour être en lien avec les dispositifs de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 en ce qui concerne le commerce en ligne. Selon l’article 18 de ce dernier il précise que seulement les vendeurs professionnels d’animaux de compagnie peuvent réaliser le commerce en ligne d’animaux de compagnie. Il faut ainsi ajouter plusieurs éléments dans ce sens, et commencer, à minima, avec la mention que, conformément à l’article L413-7 du code de l’environnement, toute publication d’une offre de cession d’animaux mentionnés à l’article L. 413-6, quel que soit le support utilisé, doit mentionner le numéro d’identification de chaque animal. En plus il convient d’assurer que les articles sous cette section comprennent bien la notion de publication de toute information pour prouver l’origine licite des spécimens au moment de leur mise en vente.
Nous suivons de près la mise en place et l’impact des dispositions de la loi sur la maltraitance animale visant à mieux encadrer la vente des animaux de compagnie (y compris animaux non-domestiques) en ligne. Il est désormais question d’une interdiction de la vente de la part des non-professionnels et d’une mise en vente conditionnée par des mentions très encadrées. Malgré ces derniers développements à la fois au niveau national et européen (Règlement sur les Services Numériques), nous constatons des difficultés pour leur mise en place et appelons notamment à étendre l’outil de vérification des annonces en ligne, aujourd’hui prévu par l’article L. 214-8-2 du Code rural et de la pêche maritime, pour les offres de cession de « carnivores domestiques » également aux animaux non-domestiques. Cela faciliterait la mise en œuvre de la liste positive.
En effet, le commerce en ligne des espèces non-domestiques est un problématique qu’IFAW suit de longue date et son encadrement est capital. A notre sens il y a encore plus d’enjeux que l’encadrement du commerce en ligne des animaux domestiques. Avec les animaux non-domestiques il faut encore prendre plus en compte la transmission des zoonoses, la dangerosité des espèces (physique mais aussi son impact sur l’écosystème à travers des espèces exotiques envahissantes) ainsi que la déplétion de la biodiversité.
- Vise à rendre impossible la régularisation de la détention d’espèces non domestiques soumises au régime de déclaration, y compris de sangliers lorsque ces derniers ont été recueillis par des particuliers (article 16). Sur ce sujet en particulier il faut retenir :
Pas de banalisation de détention des animaux sauvages qui n’ont pas leur place au sein d’un foyer
Situation particulière des marcassins (très rapidement et irréversiblement imprégné par l’homme). Il s’agit de la conséquence d’une plus grande problématique liée à la mauvaise gestion de la chasse ; des prédateurs naturels et de manque de sanctuaires d’accueil. C’est une meilleure résolution des racines de ces problèmes qui doit accompagner toute tentative de changement de système de détention de cette espèce.
La priorité doit être sur l’Etat de gérer ces questions pour éviter que ces animaux soient imprégnés par l’homme. C’est-à -dire il faut des actions pour prévenir cette situation en amont et cela avant d’envisager des modifications quant à la régularisation de la détention de cette espèce.
En revanche, nous tenons à saluer la volonté d’intégrer un point sur la définition de l’hybride afin d’éviter toute dérive, et sur ce point nous soutenons pleinement les commentaires apportés par 30 Million d’Amis afin de clarifier ce point encore.