Projet de décret déterminant l’autorité administrative compétente pour fixer les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion , à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon
Consultation du 26/03/2024 au 15/04/2024 - 888 contributions
Introduction
Le projet de décret a pour objet de clarifier la répartition des compétences entre le ministre chargé de la chasse et les préfets de certains départements et collectivités d’outre-mer pour déterminer les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau.
Afin d’avoir une cohérence des dates de début et de fin d chasse des oiseaux migrateurs, lié à la biologie de ces espèces, le ministre chargé de la chasse fixe les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse des oiseaux migrateurs sur l’ensemble du territoire métropolitain . Par exception, les Préfets des départements d’outre-mer le font de leur côté pour leur territoire de compétence.
Contexte
Or, plusieurs décisions de justice intervenues récemment (Guadeloupe et Martinique) concluent à la compétence exclusive du ministre chargé de la chasse pour déterminer les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau, en métropole et en outre-mer (1).
Contenu du texte
Les dates de migrations des oiseaux étant spécifiques à chaque département d’outre-mer, le projet de décret se propose de rendre, en place du ministre chargé de la chasse, les préfets compétents pour fixer les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon dans ces territoires.
Ces dates d’ouverture et de fermeture seront alors prises par arrêté après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs, publié au moins sept jours avant la date de sa prise d’effet.
Ce projet de décret prévoit également par cohérence que les dérogations prévues à l’article R. 424-9-1 sont accordées par arrêté des préfets de ces départements et collectivités d’outre-mer.
S’agissant de la Collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, il convient de préciser que les dispositions applicables à la chasse dans le département de la Guadeloupe sont applicables à la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin.
Consultations obligatoires
Le projet de décret déterminant l’autorité administrative compétente pour fixer les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon a nécessité un examen par le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage.
Le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage a émis un avis favorable au projet de décret lors de la séance du 9 février 2024.
Le projet de décret sera également soumis pour avis aux organes délibérants des collectivités concernées.
Le projet de décret présente un impact sur l’environnement et nécessite donc à ce titre une consultation du public conformément aux dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement.
(1) Ordonnances du 25 septembre 2023 (requêtes n°2301097 et n°2301099 et du 1er décembre 2023 (requêtes n°2301413 et 2301415) du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, ainsi que la décision du 24 avril 2023 du tribunal administratif de la Martinique (requête n° 2200519).
Commentaires
Les espèces d’oiseaux migrateurs et d’oiseaux d’eau sont spécifiques à chaque territoire ultramarin bien qu’il y ait par exemple de grandes similitudes dans les territoires des Antilles (Saint-Martin, Guadeloupe et Martinique). Il convient en effet de définir des listes spécifiques à chaque territoire et des périodes de chasse en adéquation avec la conservation des espèces chassées.
A ce jour, les arrêtés fixant les espèces chassables en Guadeloupe et en Martinique ne sont plus cohérents avec les nécessités de conservation des espèces et plus particulièrement pour les limicoles. Une étude récente[1] de 2023 sur les limicoles établit que :
- 26 espèces sur 28 (95 %) sont en déclin, et cette tendance est significative pour 19 d’entre elles ;
- plus de la moitié des espèces ont perdu plus de 50 % de leurs effectifs en 40 ans ;
- avec une accélération du déclin au cours de la période d’étude (1980- 2019).
Cette étude montre que 13 des 14 espèces limicoles chassables en Guadeloupe sont en déclin.
Selon les critères des listes rouges UICN, 6 espèces de limicoles dépassent désormais le niveau de déclin définissant des espèces en danger d’extinction (EN) à l’échelle continentale : Bécasseau maubèche, Barge hudsonienne, Courlis corlieu, Petit Chevalier, Bécassin roux, Bécasseau variable. Et 13 autres dépassent le seuil définissant des espèces vulnérables (VU).
Au regard de cette situation, la priorité n’est pas de déterminer qui va fixer les périodes de chasse des oiseaux migrateurs et oiseaux d’eau, mais bien de mettre à jour la liste des espèces chassables et par la même occasion la liste des espèces protégées.
Un préfet est soumis à une pression locale du monde de la chasse comme nous avons pu le constater ces dernières années. Sous cette pression, il donne de très larges faveurs aux chasseurs leur permettant de poursuivre leur pratique comme il y a plusieurs dizaines d’années sans prendre en compte les réalités de la conservation des oiseaux. Le préfet n’hésite pas chaque année à signer des arrêtés qui ont été reconnus irréguliers par le tribunal administratif. Donner au préfet le pouvoir de fixer les périodes de chasse est pour nous une non-garantie de la préservation de la nature et un cadeau aux chasseurs (moins de 1% de la population guadeloupéenne).
Quelles sont les raisons qui interdisent au ministre de l’écologie de fixer les périodes pour chacun des territoires éclairés notamment par le CNPN et les CSRPN de chaque territoire ? Aucune. Un désengagement du ministre de l’écologie, qui gère la chasse, est un désengagement pour la conservation des oiseaux migrateurs et d’eau des territoire ultramarins. De plus, la loi française doit s’appliquer de la même façon sur tout le territoire national, ce qui inclut les territoires ultramarins.
Nous nous positionnons contre ce projet de décret déterminant l’autorité administrative compétente pour fixer les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nous demandons la révision de la liste des espèces chassables et protégées en Guadeloupe et Martinique au regard des connaissances scientifiques indiscutables.
Nous demandons au ministre de l’écologie, détaché des pressions locales par rapport au préfet, de prendre ses responsabilités pour la conservation de la biodiversité en fixant les périodes de chasse des oiseaux migrateurs et oiseaux d’eau et en tenant compte de la connaissance scientifique.