Projet d’arrêté fixant les plafonds départementaux dans les limites desquelles des dérogations aux interdictions de destruction du grand cormoran (Phalacrocorax carbo sinensis) peuvent être accordées pour la protection des piscicultures par les préfets pour la période 2025-2028
Consultation du 29/07/2025 au 19/08/2025 - 2258 contributions
Contexte
Le grand cormoran a un statut d’espèce protégée aux niveaux national (arrêté du 29 octobre 2009) et européen (régime général de la protection de toutes les espèces d’oiseaux visées à l’article 1er de la Directive Oiseaux). Toutefois, afin de contrôler son impact sur les espèces de poissons protégées dans les cours d’eau et plans d’eau et sur les piscicultures en étang, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de destruction si les conditions de la dérogation sont réunies. Ces dérogations ne visent pas à réguler l’espèce mais à réduire la prédation dans des zones déterminées.
Aussi, un arrêté cadre ministériel fixe les conditions et limites dans lesquelles les dérogations aux interdictions de perturbation intentionnelle et de destruction peuvent être accordées. Le récent arrêté du 24 février 2025 a ainsi remplacé l’arrêté du 26 novembre 2010. Cet arrêté cadre est complété par un arrêté pris tous les 3 ans, qui fixe les plafonds départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées. Jusqu’en 2022, cet arrêté triennal fixait des plafonds au titre de la protection des piscicultures, mais aussi sur les cours d’eau et plans d’eau. L’arrêté triennal du 19 septembre 2022, en vigueur pour la période 2022-2025, ne fixe des plafonds départementaux que pour la protection des piscicultures, aucun plafond n’ayant été accordé pour la protection des cours d’eau et plans d’eau dans un souci de sécurisation juridique. Cet arrêté triennal, dit arrêté « plafonds », est lui-même décliné en arrêtés préfectoraux qui doivent définir les personnes habilitées, les zones de tir autorisées, en justifiant des dommages et de l’impact du grand cormoran sur les piscicultures. Un projet d’arrêté triennal destiné à prendre la suite de l’arrêté du 19 septembre 2022 a été élaboré, il concerne la période 2025-2028.
Définition des plafonds triennaux
Afin de préparer l’élaboration de ce prochain arrêté triennal, l’ensemble des DDT(M) a été consulté. Dans le même temps, le Groupe National Grand Cormorans a été réuni le 27 mai et le travail de préparation du prochain arrêté triennal lui a été présenté.
L’arrêté du 24 février 2025 prévoit de nouvelles modalités d’octroi des dérogations à l’interdiction de destruction. La principale modification apportée par cet arrêté concerne la manière de fixer les plafonds de destruction autorisés sur les cours d’eau et plans d’eau au titre de la protection des poissons menacés : ils sont désormais fixés par les préfets en respectant un seuil défini dans l’arrêté cadre en fonction du nombre d’oiseaux recensés dans le département. Il est fixé un seuil maximal de 20 % de la population départementale recensée lors du comptage national autorisés à la destruction sur cours d’eau et plans d’eau. L’arrêté cadre sécurise la délivrance des dérogations préfectorales par la définition d’un seuil maximal et par le fait que ce ne sont plus seulement les "risques présentés par la prédation du grand cormoran" mais les "impacts avérés liés à la prédation", notamment par la production d’études, qui justifient les tirs dérogatoires. Ce sont les nombreux recours contentieux formés par les associations de protections de la nature à des fins d’annulation des arrêtés préfectoraux pris sur les cours d’eau et plans d’eau, tous gagnés par les associations, qui ont en partie engendré ces évolutions. En effet, il ressort des contentieux jugés par les différents tribunaux administratifs que les justifications nécessaires à l’octroi des dérogations ne sont généralement pas suffisantes dans les arrêtés préfectoraux.
Aussi, désormais, les destructions sur les cours d’eau et plans d’eau sont de nouveau autorisées, car elles bénéficient d’un meilleur encadrement, et elles ne sont plus fixées par arrêté triennal. Le projet d’arrêté 2025/2028 ne fixe donc pas de plafonds sur les cours d’eau et plans d’eau au titre de la protection des espèces piscicoles.
Pour les piscicultures, la méthodologie ayant permis la définition des plafonds pour l’arrêté triennal 2019/2022 et pour l’arrêté 2022/2025 a de nouveau été appliquée. Les plafonds proposés dans le projet d’arrêté sont fondés sur le croisement des données suivantes : l’évolution de la population, le bilan des tirs, et la demande formulée et justifiée par les Préfets de départements. En effet, l’arrêté du 24 février 2025 prévoit que des dérogations soient accordées pour prévenir les dommages aux piscicultures. Il est par ailleurs en plein accord avec le plan aquaculture et notamment son volet 4.5 qui traite du sujet de la prédation en pisciculture. A l’instar de l’arrêté triennal du 19 septembre 2022, le projet d’arrêté triennal n’établit de plafonds qu’au titre de la protection des piscicultures.
Dans les départements littoraux normands et bretons, est présente la sous-espèce Phalacrocorax carbo carbo (distincte de carbo sinensis), qui est strictement protégée. Dans la mesure où les deux sous-espèces ne peuvent se distinguer à l’œil nu, et où la sous-espèce carbo carbo, côtière, s’aventure cependant dans les terres, en dehors des seules zones côtières normandes et bretonnes, l’arrêté du 24 février 2025 a pérennisé dans son article 4 l’interdiction de destruction dans les départements côtiers concernés, quel que soit le plafond de destruction. En effet, l’arrêté triennal du 19 septembre 2022 n’avait octroyé aucun plafond en pisciculture pour les départements bretons et normands, pour éviter tout risque de destruction d’une espèce non autorisée, et désormais cette interdiction est pérenne. Aussi, dans les 8 départements côtiers bretons et normands, il n’est pas accordé de plafond de destruction dans le projet d’arrêté 2025/2028.
Suite à la consultation du CNPN, et afin de suivre ses recommandations, le projet d’arrêté a été modifié : les plafonds de destruction initialement proposés ont été diminués dans 5 départements (Ardèche, Haute-Garonne, Meurthe-et-Moselle, Pyrénées-Atlantiques, Vendée) parmi les 11 pour lesquels une baisse du plafond était demandée dans l’avis. Afin de respecter la méthodologie nationale, les plafonds ont été maintenus dans 6 départements dans lesquels le CNPN demandait une baisse.
Présentation du projet d’arrêté
Le projet d’arrêté ministériel, comme les 3 précédents arrêtés fixant les plafonds départementaux de destruction, est triennal. Il s’agit d’un arrêté cadre qui doit être décliné localement par les préfets pour mise en œuvre. Il fixe des « plafonds » de destruction au titre de la protection des piscicultures, le nombre de grands cormorans autorisés à la destruction étant un maximum et non un objectif à atteindre.
L’article 1 précise l’objet de l’arrêté. Il rappelle que seule la sous-espèce sinensis est concernée. Il définit la période d’application (2025/2028, soit 3 saisons).
L’article 2 indique les personnes chargées de l’exécution du présent arrêté. En dehors du Ministère de la Transition Ecologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche (MTEBFMP) et du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire (MASA), sont listés les préfets et l’Office français de la biodiversité (en raison de son rôle dans la mise en œuvre des campagnes de destruction).
L’annexe présente les plafonds définis annuellement par département pour les piscicultures, ainsi que leur somme au terme des 3 années. Ce sont ainsi 66 départements dans lesquels est fixé un plafond. Annuellement, le plafond autorisé est de 26 566 grands cormorans (contre 27 982 au cours de la dernière période triennale). Les demandes des DDT(M) ont été satisfaites en grande majorité, mais pour 18 départements, l’application de la méthodologie a conduit à une diminution du plafond sollicité. Sur l’ensemble de la métropole, par rapport à l’arrêté triennal 2022/2025, le plafond augmente dans 16 départements, diminue dans 14 et est équivalent dans 66. Il est à noter que les départements sans plafond ont été pris en compte dans ce calcul, soit les 96 départements métropolitains, dans la mesure où les DDT(M) ont formulé des demandes (même si le plafond sollicité est nul).
Consultations obligatoires :
• Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a été consulté le 9 juillet et s’est prononcé défavorablement (avis joint).
• La consultation du public est ouverte du 29 juillet au 19 août 2025. En application du dernier alinéa du II. de l’article L.123-19-1 du code de l’environnement, les observations du public pour cette consultation sont rendues accessibles au fur et à mesure de leur réception. Elles pourront faire l’objet d’une modération a posteriori en cas d’avis jugés hors de propos (injurieux, haineux…).
Pièces jointes :
- le projet d’arrêté fixant les plafonds départementaux dans les limites desquelles des dérogations aux interdictions de destruction du grand cormoran (Phalacrocorax carbo sinensis) peuvent être accordées pour la protection des piscicultures par les préfets pour la période 2025/2028 ;
- l’avis du CNPN en date du 9 juillet portant sur le projet d’arrêté triennal 2025/2028.
Merci de préciser, en intitulé de vos observations, votre positionnement sur le texte (FAVORABLE ou DÉFAVORABLE)
Commentaires
Il est plus facile de protéger des espèces d’oiseaux visibles par le grand public que des poissons invisibles, car pour une grande partie de la population, le monde aquatique est inconnu.
Pourquoi rabattre le problème des poissons migrateurs sur le silure alors qu’il fait partit au même titre que le grand cormoran des espèces protégées de l’annexe 3 de la convention de Berne.
L’impact prouvé sur les poissons migrateurs a été démontré lors du confinement et l’arrêt de la pêche professionnelle, qui est bien responsable de la chute des remontés de poissons migrateurs et veux favoriser la prolifération des petits silures ayant un intérêt économique en éliminant les gros spécimens qui autorégulent l’espèce.
Si des études stomacales ont été faites sur le silure, ont elles été également réalisées sur le cormoran qui apprécie également ces obstacles à la circulation que sont les barrages ?
Des fossiles de silures ont été retrouvés en vallée du Rhône, mais aucune trace du cormoran dans la littérature halieutique ancienne qui listait pourtant les oiseaux piscivores.
Demander des études d’impact du cormoran sur des populations sauvages a déjà été demandé et réalisé sur l’ombre commun. Malheureusement certaines rivières ont été vidées de leur population pendant la période d’arrêt des tirs, ces rivières abritaient également de jeunes saumons, toute étude sera difficilement réalisable sans population piscicole initiale équilibrée.
Par ailleurs, si le Rhône aval pouvait accueillir sans problème une population importante de cormorans, les dernières vidanges de fonds de barrages hydroélectrique a provoqué un désastre écologique provoquant la réduction des herbiers à 90 % et une diminution importante du stock de poissons. Les cormorans se sont donc tournés vers les milieux les plus proches, c’est à dire des affluents cévenoles, qui subissent naturellement des contraintes météorologique avec des populations piscicoles fragiles. Résultat : une sur-prédation sur ces milieux et de nombreux poissons blessés au printemps.
De plus, étant en concurrence avec la loutre sur les axes principaux, celle-ci ne trouvant plus à se nourrir, se reporte sur les petits affluents qui constituaient les réserves piscicoles des rivières ou encore sur d’autre espèces (crustacés, amphibiens,…).
Les hérons (gris, pourpre, aigrettes,…) ont depuis déjà quelques années abandonné le milieu aquatique pour se reporter dans les champs cultivés à l’année à la recherche des rongeurs.
Cela entraine donc un impact sur la population de rapaces qui se rapprochent des villes où les passereaux sont nombreux…
Les écosystèmes ne sont jamais vraiment fixés, mais une modification importante peut avoir des conséquences en chaîne entraînant la disparition d’espèces.
Si le cormoran se nourrissait individuellement, cela ne poserait pas de problème, son comportement de chasse en groupe est caractéristique des milieux marins et non adaptés aux milieux d’eau douces dont les écosystèmes sont fortement impactés par cette prédation importante.
L’espèce ayant retrouvé une population importante et stable, n’est plus menacée, sa protection totale devrait donc être remise en cause.
Si d’autre causes sont effectivement responsables d’atteintes sur le milieu aquatique, l’ajout d’un superprédateur dans la balance ne permet pas d’envisager d’actions concrètes qui seraient réduites à néant et peut également nuire à l’arrivée de nouvelles espèces telle que l’aspe ou le retour de l’esturgeon sur le Rhône.
Je participe à cette consultation pour exprimer mon avis défavorable au projet d’arrêté visant à fixer des quotas de destruction du grand cormoran pour la période 2025-2028.
Bien que le texte vise la protection des piscicultures, je considère que la destruction de cette espèce protégée n’est pas une solution viable ni efficace à long terme.
L’efficacité de la mesure n’est pas démontrée. Les campagnes de tirs précédentes n’ont pas permis de résoudre de manière significative les problématiques rencontrées par la pisciculture. La régulation des populations de cormorans par la destruction ne s’attaque pas aux causes réelles des difficultés économiques et environnementales.
Le cormoran est un maillon essentiel de la biodiversité. En tant que prédateur naturel, il participe à l’équilibre des écosystèmes aquatiques.
Des alternatives non létales existent et doivent être privilégiées. Des solutions comme l’effarouchement ou la mise en place de zones de protection sont plus respectueuses de la biodiversité et peuvent s’avérer plus efficaces.
Le recours à des quotas de destruction, aussi limités soient-ils, envoie un signal négatif et contraire aux engagements de protection de la faune sauvage.
Pour ces raisons, je m’oppose fermement à ce projet et demande son retrait au profit de l’encouragement de solutions non létales et de la prise en compte globale des défis écologiques.