Projet d’arrêté encadrant la chasse de certains oiseaux
Consultation du 24/07/2025 au 14/08/2025 - 593 contributions
Note de présentation
Projet d’arrêté encadrant la chasse de certains oiseaux
Le projet d’arrêté soumis à la consultation du public a pour objet de limiter la chasse de certains oiseaux et de rendre les déclarations de prélèvements obligatoires pour certaines espèces.
Contexte :
Dans le cadre de sa politique de conservation de la biodiversité, et en application des engagements pris au titre de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relative à la conservation des oiseaux sauvages, la France poursuit l’ajustement de sa réglementation cynégétique. Ce travail s’inscrit dans une volonté d’assurer une gestion durable des espèces chassables, tout en prenant en compte l’évolution de leur état de conservation à l’échelle nationale et européenne.
À ce titre, plusieurs éléments ont conduit à l’élaboration du présent arrêté ministériel :
• Les recommandations de la Commission européenne formulées le 3 novembre 2024, lors du groupe d’experts NADEG (Nature Directives Expert Group), ont souligné la nécessité de suspendre ou de limiter la chasse de sept espèces d’oiseaux en mauvais état de conservation au sein de l’Union européenne.
• Le 1er avril 2025, au cours d’une nouvelle session du NADEG, la Commission a émis un avis favorable à l’instauration d’un quota de chasse limité pour la tourterelle des bois dans les pays de la voie de migration centre-ouest, incluant la France, en raison des premiers signes encourageants de rétablissement de l’espèce observés depuis deux ans.
• Par ailleurs, une demande de la Fédération nationale des chasseurs a été formulée afin d’encadrer les prélèvements de la caille des blés et de plusieurs espèces d’anatidés, dans un souci de préservation de l’espèce.
Dans ce contexte, le présent arrêté vise à garantir un équilibre entre la pratique de la chasse et les impératifs de conservation.
Présentation du contenu de l’arrêté :
L’arrêté se structure autour de quatre axes principaux :
1. Définition de plafonds de prélèvements :
Afin de limiter la pression cynégétique sur certaines espèces sensibles :
• Pour la caille des blés (Coturnix coturnix) : un plafond de 15 individus par jour et par chasseur est instauré à l’échelle du territoire métropolitain.
• Pour une liste d’espèces comprenant plusieurs canards de surface, fuligules, macreuses, garrots, nettes et l’eider à duvet (cette dernière espèce est sous moratoire jusqu’au 1er juillet 2030 conformément à l’article 4 du projet d’arrêté), les prélèvements sont encadrés comme suit :
o 15 oiseaux maximum par jour et par chasseur, hors des installations de chasse mentionnées à l’article R. 424-17 du Code de l’environnement ;
o 25 oiseaux par nuit et par installation, pour les installations fixes autorisées (type gabion).
• Pour le fuligule milouin (Aythya ferina), l’ouverture de la chasse ne se fera qu’après la publication d’un arrêté ministériel fixant un plafond national de prélèvement, sur proposition du Comité d’experts sur la gestion adaptative (CEGA).
2. Mise en place d’un système de déclaration obligatoire des prélèvements :
Pour assurer un suivi précis et en temps réel :
• Tout chasseur ayant prélevé une caille des blés ou une espèce soumise à plafond de prélèvement doit enregistrer sa capture dès sa réalisation sur l’application mobile « ChassAdapt » fournie par la Fédération nationale des chasseurs.
• À défaut, un carnet de prélèvement papier ou, pour la seule saison 2025-2026, une déclaration en fin de saison via une enquête fédérale pourront être utilisés uniquement pour la caille des blés.
• Un outil complémentaire, « ChassControl », est mis à disposition de l’Office français de la biodiversité et des fédérations départementales pour contrôler les déclarations dématérialisées.
• La Fédération nationale des chasseurs transmettra :
o quotidiennement les données de prélèvement à l’OFB ;
o avant le 1er juin 2026, un bilan consolidé des captures au ministère chargé de la chasse, accompagné du rapport de contrôles réalisés conjointement avec l’OFB.
3. Suspension de la chasse de l’eider à duvet à long terme :
Compte-tenu de la situation particulièrement critique de l’espèce, la chasse de l’eider à duvet (Somateria mollissima) est interdite sur tout le territoire métropolitain jusqu’au 1er juillet 2030.
Consultations obligatoires :
Le projet d’arrêté a recueilli un avis favorable du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage le 16 juillet 2025 (20 voix favorables, 5 voix défavorables et 0 abstention).
Le texte présente un impact sur l’environnement et sera donc soumis à la consultation publique en accord avec les dispositions du L.123-19-1 du code de l’environnement.
Pour la bonne prise en compte de votre avis veuillez faire apparaitre le mot « favorable » ou « défavorable » dans le titre de votre consultation.
Commentaires
Ce projet d’arrêté ne peut recevoir un avis favorable, car il menace l’équilibre fragile de la nature et contrevient à nos devoirs de gardiens de la faune. Les raisons qui motivent cette position sont profondes et multiples.
Le cœur du problème réside dans la vulnérabilité de ces populations aviaires. Des espèces entières sont déjà en déclin, luttant pour leur survie face à de multiples pressions. L’idée de continuer à les chasser, même de manière mesurée, c’est comme s’acharner sur une flamme vacillante, persuadé qu’elle ne s’éteindra jamais. Cette pression humaine, si infime soit-elle en apparence, pèse lourd sur les ailes déjà fatiguées de ces oiseaux.
De surcroît, le système de gestion soi-disant "adaptative" s’appuie sur des fondations instables. Les données qui nourrissent ce système sont souvent obsolètes ou lacunaires, rendant les quotas de chasse plus proches de la conjecture que de la science. L’application ChassAdapt, censée être un pilier de ce suivi, se révèle être un fardeau, une bureaucratie numérique qui pourrait dissuader les chasseurs de se conformer aux règles.
Manque de vision et de respect des engagements
Ce projet d’arrêté s’écarte également de la voie que nous avons tracée avec nos partenaires européens. La directive 2009/147/CE exige de notre part un engagement inébranlable envers la protection des espèces sauvages. En maintenant la chasse ouverte pour des espèces que la Commission européenne juge critiques, nous tournons le dos à nos promesses et à l’esprit même de cette directive.
Mais l’aspect le plus regrettable de ce projet est peut-être son manque de vision. Il se contente de fixer des limites de prélèvement sans proposer de véritable action pour restaurer les habitats ou pour étudier plus attentivement ces populations. C’est un peu comme vouloir remplir un tonneau percé sans jamais penser à boucher les fuites. Sans des mesures de conservation concrètes, les plafonds de prélèvement ne seront qu’une illusion, incapable d’arrêter la chute inéluctable de ces espèces.
Ce projet d’arrêté est une occasion manquée. Il ne garantit en rien un avenir durable pour nos oiseaux migrateurs et pourrait même sonner le glas pour les plus fragiles d’entre eux.
Je recommande donc vivement :
La suspension immédiate de la chasse pour les espèces en déclin critique, le temps de mettre en place de véritables mesures de sauvegarde.
Le lancement de vastes programmes de conservation, incluant la restauration des écosystèmes et un suivi scientifique rigoureux.
La réforme du système de gestion de la chasse, en le rendant plus précis et plus facile à utiliser pour tous.
Le respect scrupuleux de nos engagements européens, en alignant nos pratiques sur les recommandations de l’Union européenne.
Il est temps d’écouter la nature, de reconnaître sa fragilité et d’agir avec prudence, sagesse et respect.