Projet d’arrêté définissant le statut de protection du loup (Canis lupus) et fixant les conditions et limites de sa destruction
La présente consultation, fondée sur l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, porte sur un projet d’arrêté définissant le statut de protection du loup (Canis lupus) et fixant les conditions et limites de sa destruction.
Consultation du 27/11/2025 au 19/12/2025 - 12614 contributions
Le projet d’arrêté définissant le statut de protection du loup (Canis lupus) et fixant les conditions et limites de sa destruction :
- Remplacera et abrogera l’arrêté du 21 février 2024 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ;
- Modifiera l’arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection pour en retirer la mention du loup (Canis lupus) ;
- Est pris en transposition de la directive (UE) 2025/1237 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2025 modifiant la directive 92/43/CEE du Conseil en ce qui concerne le statut de protection du loup (Canis lupus).
I. Contexte
Le projet d’arrêté soumis à consultation du public s’inscrit dans le cadre du reclassement du loup à la Convention de Berne le 06 décembre 2024 et à la Directive Habitats Faune Flore (DHFF) le 17 juin 2025. Ainsi, le loup ne relève plus de l’article 12 de la DHFF, définissant les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte, mais de l’article 14, listant les mesures de gestion possible pour que le prélèvement dans la nature de spécimens, ainsi que leur exploitation, soit compatible avec leur maintien dans un état de conservation favorable.
Ce changement d’annexe emporte deux conséquences majeures en matière de destruction. En effet, cela ouvre la possibilité de prélever des loups sans nécessairement démontrer l’épuisement d’autres solutions alternatives satisfaisantes au prélèvement ni le risque de dommages importants aux élevages. En revanche, l’article 14 de la DHFF dispose que les mesures de gestion mises en œuvre soient compatibles avec le maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable.
II. Objectifs poursuivis
L’objectif du projet d’arrêté est de traduire au niveau national le reclassement du loup en définissant le nouveau cadre réglementaire applicable à cette espèce : il vise tant à définir le statut de protection du loup, qu’à préciser les conditions et les limites de sa destruction.
III. Contenu du projet d’arrêté
Le projet d’arrêté maintient le loup comme espèce protégée en reprenant une partie des dispositions de l’arrêté du 23 avril 2007. Un certain nombre de nouvelles dispositions visent à faciliter l’aspect procédural de la destruction des loups, excluant ces-dernières du champ des interdictions applicables aux espèces protégées, conformément aux assouplissements permis par le reclassement. Néanmoins, toute destruction intentionnelle en dehors du cadre défini dans le projet d’arrêté demeurera considérée comme illégale et punie des peines actuellement encourues (3 ans d’emprisonnement et 150 000€ d’amende).
A) Procédure de tir : distinction des régimes selon le zonage caractérisant la pression de prédation (cercles 0 à 3), les types de troupeaux et l’existence de mesures de protection
Dès lors que le loup n’est plus considéré comme une espèce nécessitant une protection stricte en application de l’article 12 et de l’annexe IV de la DHFF, les mesures de destruction qui lui sont applicables peuvent ne plus nécessiter de dérogations au sens de l’article L.411-2, 4° du Code de l’environnement. Le projet d’arrêté dispose ainsi que des destructions de loups pourront se faire en l’absence d’autorisation individuelle, sur simple déclaration préalable auprès de la préfecture. Cette possibilité ne sera toutefois pas ouverte à l’ensemble des cercles (article 13) :
- Cercles 0, 1, 2 : destruction possible sur déclaration ;
- Cercle 3 : destruction possible sur autorisation individuelle à condition d’avoir mis en œuvre des tirs d’effarouchement et apporté des éléments permettant d’apprécier la pression de prédation.
Les tirs létaux seront désormais possibles en l’absence de mesures de protection (chien, clôture électrifiée ou gardiennage) pour l’ensemble des zones (cercles 0 à 3). Cependant, la mise en œuvre des mesures de protection reste encouragée. En particulier, le déploiement de ces mesures de protection bénéficiera, au-delà des effets directs de réduction de la prédation, aux éleveurs de troupeaux d’ovins ou caprins qui auront :
- la possibilité d’une intervention des lieutenants de louveterie ou de la brigade mobile d’intervention en défense du troupeau (article 5) ;
- la possibilité d’un tir de prélèvement si des dommages exceptionnels continuent d’être constatés malgré la mise en œuvre de tirs de défense (article 20) ;
- une durée de validité de la déclaration portée à 3 ans (hors cercle 3) contre un an pour les autres éleveurs (article 16) ;
- l’indemnisation des pertes au-delà de la deuxième attaque (hors cercle 3*).
Les troupeaux bovins et équins continueront, quelle que soit la zone (cercle) où ils pâturent, de relever d’un régime d’autorisation individuelle conformément à l’article 47 de la loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Cette autorisation restera valable un an et sera conditionnée à la mise en œuvre de mesures de réduction de la vulnérabilité, telles que listées aujourd’hui dans l’arrêté du 21 février 2024 (article 13)**. Le déploiement de telles mesures ouvrira également la possibilité d’une intervention des lieutenants de louveterie ou de la brigade mobile d’intervention de l’OFB en défense du troupeau (article 5).
Les dispositions particulières, applicables en réserves naturelles nationales constituées pour des motifs incluant la conservation de la faune sauvage et en cœur des parcs nationaux demeurent inchangées (articles 10, 13, 14 et 18).
L’utilisation du matériel de tirs à visée thermique demeure strictement réservée aux lieutenants de louveterie et agents de l’OFB (articles 14 et 22).
* Cette disposition n’apparaît pas dans ce projet d’arrêté mais sera traduite dans un décret simple modifiant le décret n° 2019-722 du 9 juillet 2019 relatif à l’indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l’ours et le lynx.
** Il est toutefois prévu, à terme, une harmonisation des règles entre les différents troupeaux (ovins/caprins et bovins/équins). Cette évolution nécessitant la modification du cadre législatif ne peut faire l’objet d’une disposition dans le projet d’arrêté.
B) Modalités de gestion du plafond de tir
Le plafond annuel pour la destruction de loups fait l’objet d’un arrêté dédié (arrêté du 23 octobre 2020 fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année) et n’entre donc pas dans le champ du présent projet d’arrêté. Ce plafond sera maintenu à 19% (+2%) de la population totale estimée en 2026, selon la méthode capture-marquage-recapture. Toutefois, bien que le volume de destruction autorisé demeure inchangé, les modalités de gestion de ces destructions ont été prévues dans l’optique de réserver les tirs aux territoires où la prévention ou la diminution de dommages importants aux troupeaux domestiques est prioritaire.
Ainsi, le préfet coordonnateur aura la possibilité, si le niveau de consommation s’avérait trop précoce et avant l’atteinte du plafond, de suspendre temporairement ou jusqu’à la fin de l’année les déclarations et autorisations de tir sur les territoires qu’il détermine (article 4). Dans ces conditions, les tirs pourraient, sur accord du préfet coordonnateur, continuer d’être mis en œuvre seulement par les lieutenants de louveterie ou la brigade mobile d’intervention (article 5) afin de conserver une meilleure maîtrise de consommation du plafond.
C) Modifications et nouvelles dispositions
Un certain nombre de modifications et de nouvelles dispositions ont été introduites à l’occasion de ce projet d’arrêté. Ainsi :
- La perturbation intentionnelle, la capture, l’enlèvement, le transport de spécimens de loups sera possible aux fins de recherche scientifique pour le Muséum d’Histoire Naturelle, l’Office Français de la Biodiversité et le Centre National de la Recherche Scientifique sans qu’une dérogation au titre des espèces protégées soit nécessaire (article 1er et article 27) ;
- Les modalités de mise en œuvre des tirs ainsi que le matériel de tir autorisé ont été précisés (article 14) ;
- Les tirs de défense simple et de défense renforcée ont été fusionnés en un unique « tir de défense » dont le nombre de tireurs par lot ne peut excéder deux (ou trois par dérogation) (article 17) ;
- Les modalités applicables aux troupeaux protégés ont été étendues (article 5) aux troupeaux ou lots d’animaux considérés comme non-protégeables (article 8) ainsi qu’aux troupeaux situés dans certaines zones d’expansion (zone difficilement protégeable) (article 26) ;
- Les tirs de prélèvement sont possibles après accord du préfet coordonnateur à partir du 1er juillet (article 18), pour les élevages protégés ou situés en zone difficilement protégeable, si des dommages exceptionnels continuent d’être constatés malgré la mise en œuvre de tirs de défense (article 20) ;
- Les tirs de prélèvement seront mis en œuvre sous la responsabilité des lieutenants de louveterie ou l’OFB avec l’appui de chasseurs.
Un tableau récapitulatif des différentes évolutions du protocole de tir est présenté dans le rapport de présentation joint.
Merci de préciser, en intitulé de vos observations, votre positionnement sur le texte (FAVORABLE ou DÉFAVORABLE).
Commentaires
DÉFAVORABLE – Avis sur le projet d’arrêté définissant le statut de protection du loup et les conditions de sa destruction
Je suis défavorable à ce projet d’arrêté qui, sous couvert d’adapter le droit français au reclassement du loup au niveau européen, conduit en réalité à un affaiblissement majeur de la protection de l’espèce et à une augmentation préoccupante des possibilités de destruction.
1. Un recul de la protection incompatible avec la situation écologique du loup
Le loup reste une espèce dont l’état de conservation en France demeure fragile et hétérogène selon les régions.
En retirant l’espèce de l’arrêté de 2007 et en multipliant les possibilités de tirs, le texte rompt avec la logique de protection stricte, alors même que la directive européenne exige que tout prélèvement demeure compatible avec un état de conservation favorable, ce qui n’est aujourd’hui pas démontré de manière robuste.
2. Une facilitation excessive des destructions
Plusieurs dispositions du projet d’arrêté ouvrent la voie à un accroissement significatif des tirs, notamment :
la possibilité de détruire des loups sur simple déclaration, sans autorisation individuelle, dans les cercles 0, 1 et 2 ;
l’autorisation de tirs létaux même en l’absence de mesures de protection des troupeaux, ce qui va à l’encontre des principes de prévention ;
une utilisation élargie des tirs de prélèvement et défense, alors que leur efficacité scientifique pour réduire durablement la prédation est contestée.
Ces assouplissements risquent de favoriser les destructions opportunistes, d’intensifier la pression humaine sur l’espèce et d’encourager des comportements contraires à la cohabitation.
3. Un plafond de tir maintenu à un niveau déjà trop élevé
Le plafond actuel (jusqu’à 19 % + 2 % de la population estimée) est déjà pointé comme excessif et insuffisamment justifié scientifiquement.
Le maintien de ce plafond, combiné à des procédures de destruction facilitées, met en péril la viabilité à long terme de l’espèce.
4. Une approche qui mise sur la destruction plutôt que sur la prévention
La cohabitation durable passe par :
le renforcement effectif des mesures de protection,
la formation et l’accompagnement des éleveurs,
le soutien aux solutions non létales,
l’amélioration de l’indemnisation et de la prévention.
Or, le projet d’arrêté inverse la logique : il rend possible les tirs même sans protection préalable, réduisant l’incitation à la mise en place de moyens éprouvés comme les clôtures, les chiens de protection ou l’adaptation des pratiques pastorales.
5. Un risque accru pour les écosystèmes et pour la dynamique naturelle du loup
Le loup joue un rôle clé dans le fonctionnement des écosystèmes (régulation des herbivores, impacts sur la biodiversité végétale, dynamique des populations de gibier).
La multiplication des tirs :
perturbe la structuration sociale des meutes,
peut générer plus de prédation sur les troupeaux (jeunes loups désorganisés),
fragilise l’ensemble de la population.
6. Un cadre juridique qui ouvre trop largement la porte à la dérogation
L’esprit de l’article 14 de la DHFF n’est pas de banaliser les destructions, mais de permettre une gestion encadrée et mesurée. Le projet d’arrêté va bien au-delà de cet équilibre en normalisant la destruction comme outil de gestion primaire.
Conclusion
Je suis défavorable à ce projet d’arrêté.
Il représente un recul important pour la protection du loup et s’écarte des objectifs de conservation, de cohabitation et de respect des équilibres naturels. Je demande une révision profonde du texte afin de :
- réaffirmer la priorité donnée aux mesures de prévention,
- limiter strictement les destructions aux cas réellement justifiés,
- réviser le plafond de tir sur des bases scientifiques et prudentes,
- garantir que la France respecte l’obligation de maintenir l’espèce dans un état de conservation favorable, comme l’impose le droit européen.
Au XIXe et XXe siècle, le loup (Canis lupus) a fait l’objet d’une traque humaine massive menant à sa destruction complète en 1937. Sa disparition totale a causé un véritable déséquilibre de notre écosystème puisque le loup est l’un des prédateurs les plus important pour le grand gibier. La disparition du loup a mené à une explosion du nombre de sangliers, sans compter sur le fait que les chasseurs ont croisé à la fin des années 60 des sangliers avec des porcs domestiques pour accroître le nombre de marcassins et, de fait, avoir plus de gibier à chasser.
Permettre aux éleveurs de tirer sur des loups alors même qu’ils n’ont eu recours, en amont, à des mesures préventives de protection du troupeau (garde par un chien, clôtures électriques) est aberrant, surtout que la population de loups en France vient à stagner. Assouplir les mesures de "destruction" de cette espèce mènerait de nouveau à sa disparition. Avant de tuer un animal sensible - ou plutôt sentient - (car oui, les animaux domestiques ne sont pas les seuls à être sensibles et ne devraient pas être les seuls à bénéficier d’une protection), il est impératif de mettre en place des mesures non-létales pour préserver la vie d’espèces indispensables au bon fonctionnement de notre écosystème.
Pour conclure, chaque éleveur devrait avoir pour obligation de mettre en place des mesures préventives (n’incluant pas la mise à mort du loup). Continuer de tuer le vivant pour notre petit confort ne peut plus durer.