Consultation publique sur le projet de décret précisant les conditions d’application de l’interdiction des services réguliers de transport aérien public de passagers intérieurs dont le trajet est également assuré par voie ferrée en moins de 2h30

Consultation du 09/12/2022 au 10/01/2023 - 110 contributions

En application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, le projet de décret précisant les conditions d’application de l’interdiction des services réguliers de transport aérien public de passagers intérieurs dont le trajet est également assuré par voie ferrée en moins de deux heures trente, pris en application de l’article L. 6412-3 du code des transports, dans sa rédaction issue de l’article 145 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, est soumis à la présente consultation du public.

Contexte

L’article 145 de la loi n°2021-1104 a créé une interdiction d’exploiter des services aériens réguliers de passagers à l’intérieur du territoire français lorsque le trajet est également assuré par des services ferroviaires, sans correspondance et par plusieurs liaisons quotidiennes, en moins de 2h30.

Cet article prévoit qu’un décret précise les conditions d’application de cette interdiction, s’agissant des caractéristiques des liaisons ferroviaires concernées, mais aussi des modalités selon lesquelles il peut y être dérogé, si les services aériens assurent majoritairement le transport de passagers en correspondance ou s’il existe des services aériens pouvant être regardés comme décarbonés.
Le présent décret a été soumis à la Commission européenne et aux Etats membres, conformément au droit européen et plus précisément à l’article 20 du règlement n°1008/2008 du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté, qui est le règlement qui pose le principe de la liberté de prestation des services aériens au sein de l’Union européenne. A l’issue de cet examen, la Commission européenne a donné son accord par sa décision d’exécution (UE) 2022/2358 du 1er décembre 2022. Un premier projet de décret, en 2021, avait conduit la Commission à soulever des objections, ce qui explique que la présente consultation intervienne plus d’un an après la publication de la loi.

Objectifs du projet de décret

L’objectif poursuivi par le Gouvernement est la mise en œuvre de l’interdiction posée par la loi, tout en respectant la volonté du législateur que cette interdiction n’impacte pas de façon principale les passagers effectuant des correspondances, notamment de/vers les régions, pour l’étranger ou les outre-mer.

En effet, l’offre de services aériens de longue distance repose le plus souvent sur la réalisation de correspondances, principalement, mais pas uniquement, sur l’aéroport de Paris–Charles de Gaulle, pour accéder à des destinations en Asie, en Afrique, dans les Amériques ou au Moyen-Orient. Ne pas prendre en compte cette nécessité aurait pu poser des problèmes de connectivité, notamment pour de nombreuses destinations outre-mer desservies, ou conduire de nombreux passagers à privilégier des correspondances sur des aéroports situés à l’étranger plutôt qu’un préacheminement par le train, avec le risque que le détour par un aéroport plus lointain (Francfort, Londres, Istanbul…) les conduise à parcourir des distances plus importantes pour rejoindre leur destination finale, ce qui aurait inutilement augmenté les émissions de gaz à effet de serre.

Pour caractériser, selon les termes de l’article 145, les trajets également assurés sur le réseau ferré national sans correspondance et par plusieurs liaisons quotidiennes d’une durée inférieure à deux heures trente, le projet de décret retient ainsi que ces liaisons ferroviaires assurent :

  • dans chaque sens, un trajet de moins de deux heures trente,
  • entre des gares desservant les mêmes villes que les aéroports considérés ; lorsque le plus important en termes de trafic des deux aéroports concernés est directement desservi par un service ferroviaire à grande vitesse, la gare retenue est celle desservant cet aéroport,
  • sans changement de train entre ces deux gares,
  • plusieurs fois par jour, avec des fréquences suffisantes et des horaires satisfaisants,
  • et permettant plus de huit heures de présence sur place dans la journée.

Ces critères permettent d’assurer que les services ferroviaires considérés ont effectivement des caractéristiques qui en font une alternative substituable à la voie aérienne, sans pénalisation excessive des voyageurs, quel que soit le motif de leur voyage (déplacements professionnels pour la journée, voyage à destination de l’agglomération principalement desservie par l’aéroport ou la gare…).

S’agissant de la volonté du législateur de ne pas pénaliser les voyageurs effectuant des correspondances, la caractérisation du temps de trajet ferroviaire tient compte de la spécificité du développement d’infrastructures intermodales spécifiques dans certains aéroports : lorsqu’un aéroport bénéficie d’une gare ferroviaire à vocation intermodale située sur son emprise, la liaison ferroviaire prise en considération comme alternative à la liaison ferroviaire est cette gare aéroportuaire.

Au fur et à mesure que l’offre de services ferroviaires s’améliorera, avec des fréquences plus nombreuses et des horaires adaptés, davantage de liaisons ferroviaires pourront être considérées comme remplissant les critères du décret, ce qui augmentera la substitution air – fer recherchée par l’article 145.

Les services aériens pouvant être considérés comme assurant un transport aérien décarboné et pouvant assurer un service régulier sur les liaisons considérés ne sont pas traités dans le décret à ce stade. L’intention du législateur était de ne pas proscrire, le moment venu, l’usage d’appareils décarbonés, fonctionnement intégralement avec des carburants d’aviation durables, non issus de ressources fossiles. Les contraintes technologiques actuelles sur l’usage de ces carburants (qui doivent être mélangés avec du carburant fossile à hauteur de 50% au plus) et le temps de développement d’avions fonctionnant à l’hydrogène renvoient à plus tard la possibilité de caractériser les services décarbonés.

Conformément au droit européen rappelé par la décision de la Commission européenne du 1er décembre 2022, le décret sera valable pour 3 ans. Un examen de son impact sera réalisé 24 mois après son entrée en vigueur, dans l’objectif du renouvellement de la mesure pour une nouvelle période de trois ans conformément à la réglementation européenne.

Impact sur les services aériens

En pratique, sur la base de la desserte ferroviaire actuelle et du projet de décret :

  • les trois liaisons entre Paris-Orly et Bordeaux, Nantes et Lyon seront interdites à tout transporteur aérien ;
  • les liaisons entre Paris-Charles de Gaulle d’une part et Bordeaux et Nantes d’autre part seront exclues du champ de la mesure, du fait d’un temps de trajet ferroviaire supérieur à 2h30 pour rejoindre la gare TGV de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle (avec des meilleurs temps de trajet respectivement entre 3h et 3h30) ;
  • les liaisons entre Paris-Charles de Gaulle d’une part et Rennes et Lyon d’autre part ainsi que la liaison Lyon-Marseille seront exclues de la mesure en l’état actuel de l’offre ferroviaire. En effet, même si les trajets ferroviaires peuvent offrir des temps de parcours inférieurs à 2h30, ils ne permettent pas d’accéder suffisamment fréquemment, suffisamment tôt le matin à l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle (ou de Lyon-Saint-Exupéry dans le cas de la ligne Lyon-Marseille) ni d’en partir suffisamment tard le soir. Autrement dit, les fréquences ne sont pas suffisantes et les horaires, pas satisfaisants. A l’avenir, une amélioration de ces services ferroviaires, notamment pour les besoins des correspondances, pourra permettre des interdictions aériennes plus larges.

Pour la bonne clarté de l’information, la vérification de la situation des liaisons interdites et des liaisons potentiellement concernées par l’interdiction (principalement les liaisons intérieures reliant les aéroports de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Lyon-Saint-Exupéry à des destinations desservies par liaisons ferroviaires à grande vitesse) sera faite par les services de la direction générale de l’aviation civile en amont de chaque saison aéronautique, soit deux fois par an, et sera publiée sur le site internet du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

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