Consultation du public sur les textes instituant les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR)
Consultation du 12/06/2024 au 03/07/2024 - 80 contributions
La présente consultation concerne trois projets de textes : un décret en Conseil d’Etat, un décret simple et un arrêté relatifs aux sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR).
Cette consultation publique est réalisée en application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, pour la mise en œuvre du principe de participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Le contexte :
La compensation des atteintes à la biodiversité est encadrée par l’article L. 163-1 du Code de l’environnement. Elle peut intervenir sous deux modalités :
- compensation à la demande : le maître d’ouvrage entreprend (ou confie à un opérateur de compensation) l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi de mesures compensatoires dimensionnées spécifiquement pour répondre aux impacts résiduels du projet qu’il porte ;
- compensation par l’offre : le maître d’ouvrage s’acquitte de l’obligation de compensation des impacts résiduels de son projet via l’acquisition d’unités de compensation dans le cadre d’un site naturel de compensation (SNC) qui a accueilli une opération de restauration écologique de grande ampleur.
La loi Industrie Verte, au travers de son article 15, a renouvelé le dispositif existant en matière de compensation écologique par l’offre au travers la création des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR) (article L.163-1-A du code de l’environnement).
Les objectifs :
Les SNCRR permettront la mutualisation et l’anticipation des mesures compensatoires, y compris de nature volontaire, ce qui concourt à une meilleure efficacité écologique et participe d’une démarche de planification écologique dans les territoires.
Le développement de la compensation par l’offre s’inscrit en cohérence avec la volonté du Gouvernement de créer les conditions favorables à la réalisation de nouveaux projets industriels tout en s’assurant de leur haute qualité environnementale. Ce développement répond donc à une demande forte des porteurs de projets en y apportant une réelle plus-value environnementale.
Les dispositions :
Les projets de texte précisent la procédure qui vise à s’assurer de la pertinence écologique des opérations de restauration proposées.
Le projet de décret en Conseil d’Etat prévoit la délivrance par les préfets de régions et l’instruction en DREAL ainsi que la consultation des Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN). Il prévoit également une adaptation rédactionnelle du code de l’environnement, tirant les conséquences de la loi Industrie Verte, concernant la notion de proximité fonctionnelle.
Le projet de décret simple porte sur les modalités de fonctionnement et de suivi des SNCRR, ainsi que le contenu de l’agrément préalable. Il précise les conditions de l’agrément délivré aux personnes physiques ou morales, les éléments constitutifs de l’agrément, la nature et les modalités de vente des unités de compensation, de restauration ou de renaturation. Ces unités (UCRR) pourront :
- être vendues sous forme de prestations de services à des maitres d’ouvrage qui ont des obligations de compensation ;
- être vendues à des personnes physiques ou morales qui souhaitent contribuer à la restauration de la biodiversité de manière volontaire (par exemple : politique RSE des entreprises, collectivités qui souhaitent préserver la qualité de leurs espaces naturels, assureurs qui souhaitent contribuer à la diminution des risques naturels) ;
- être utilisées par le créateur du SNCRR lui-même (« l’opérateur ») pour contribuer à la restauration de la biodiversité de manière volontaire, ou pour répondre à ses propres obligations de compensation le cas échéant.
Les UCRR représenteront des gains écologiques développés et maintenus sur toute la période de validité de l’agrément du SNCRR (au moins trente ans). L’opérateur pourra les commercialiser dès l’obtention de l’agrément. Les UCRR acquises ne pourront être revendues, et ne constitueront pas un marché secondaire.
Le projet de décret simple prévoit également les modalités de modification, retrait et transfert de l’agrément.
Le projet d’arrêté détaille le contenu de la demande d’agrément et les critères d’évaluation de la pertinence écologique des opérations de restauration, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité menés dans les SNCRR. Il précise également la modalité électronique de dépôt de dossier.
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Commentaires
Dans le cadre de la consultation citée en objet, CDC Biodiversité propose ci-après ses observations et propositions.
Instruction locale des demandes d’agrément
Le projet de décret en Conseil d’Etat indique, dans son article 4, que les décisions d’octroi de l’agrément sont prises par arrêté du préfet de région après avis préalable du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN).
Cette disposition permettra un traitement des dossiers au plus près des territoires. Pour autant, pour les espèces protégées d’intérêt national, les demandes de dérogation sont traitées en central, avec un avis du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN).
Nous attirons l’attention sur cette double approche, qui va générer des avis du CSRPN sur les dossiers d’agrément pour des espèces dont les dossiers de demande dérogation sont traités par le CNPN. Il conviendra de veiller à la bonne coordination de ces deux entités pour éviter qu’elles n’aient qu’une vision partielle des actions menées en faveur des espèces d’intérêt national.
Par ailleurs, le traitement décentralisé des dossiers d’agrément nécessite un accompagnement des services instructeurs concernés pour une bonne compréhension et appropriation de l’outil SNCRR et la facilitation de son déploiement.
Mesures permettant d’assurer le maintien du gain écologique en cas de retrait de l’agrément
Le décret simple prévoit, en son article 4.10, que l’agrément mentionne « les solutions proposées permettant d’assurer le maintien du gain écologique obtenu dans le site de compensation, de restauration et de renaturation, dès lors que l’une des obligations prévues à l’article D.163-6 cesse d’être remplie ».
Il nous semble difficile de définir dès le stade de la demande d’agrément les mesures qui permettraient de maintenir le gain, suite au retrait de l’agrément.
Nous proposons la mise en place :
- D’une analyse des causes de ce non-respect par le Comité de suivi local ;
- D’un traitement spécifique différencié lorsque les causes sont d’origine naturelle et n’auraient pu être prévenues avec les mesures de restauration et de gestion adoptées et décrites dans l’agrément ;
- De garanties financières pour la réalisation des mesures nécessaires, le cas échéant, et un délai de 6 mois pour la proposition de ces mesures au comité local de suivi. Le montant des garanties financières pourrait être calculé sur la base d’un pourcentage du prix de vente des UCRR, de 1% par exemple.
Mesures permettant d’assurer la pérennité de l’état écologique du SNCRR
Le décret simple prévoit, en son article 4.9, que l’agrément mentionne « les solutions proposées permettant d’assurer la pérennité de l’état écologique du site de compensation, de restauration et de renaturation à l’issue de la période de validité de l’agrément ».
Il nous semble prématuré de prévoir ces dispositions dès le dossier d’agrément.
De plus, nous nous interrogeons sur la notion de pérennité écologique du site. Le maintien de cette pérennité comprend il le financement de mesures d’entretien ? Dans l’affirmative, le coût de cet entretien, sur une période à définir, va surenchérir le coût de l’UCRR, dans des proportions qui nous semblent non compatibles avec les capacités de financement des futurs acquéreurs de ces UCRR.
Par souci de cohérence et d’articulation avec l’article 7 du projet de décret (voir citation ci-dessous), nous proposons de retirer la mention de l’article 4.9 pour clarifier que c’est bien 5 ans avant l’issue de la période de validité de l’agrément qu’il sera demandé à l’opérateur de présenter les solutions permettant de maintenir la vocation écologique du site et non pas lors du dépôt de demande d’agrément.
« L’article D. 163-8 du code de l’environnement est ainsi rédigé : « Art. D. 163-8. - Cinq ans au plus tard avant le terme de la période de validité de l’agrément, son bénéficiaire propose des solutions de maintien de l’état écologique du site à l’issue de la période de validité de l’agrément. »
Amortissement du foncier dans le cadre d’un SNCRR
Afin de se conformer aux dispositions de l’article D. 163-8 du projet de décret, le bénéficiaire de l’agrément SNCRR pourrait envisager de rétrocéder les terrains dont il est propriétaire à titre gracieux à l’Etat ou à une personne morale de droit public afin de contribuer notamment à la stratégie nationale pour les aires protégées. Ce transfert pourrait être prévu par un dispositif contractuel, voire réglementaire.
La problématique fiscale qui se pose est que concernant des terrains, l’amortissement n’est pas possible. Aucune perte de valeur ne va donc être constatée au cours de la vie du SNCRR et au moment du transfert à titre gratuit du terrain, il en résultera une moins-value qui sera probablement à l’origine d’une perte fiscale non intégralement utilisable du fait des règles d’encadrement de l’imputation des déficits.
Cette situation pourrait remettre en cause l’objectif d’une rétrocession gratuite des terrains à l’Etat.
A droit constant, plusieurs solutions pourraient être envisagées.
La première solution serait d’autoriser un amortissement de caducité. Ce type d’amortissement est possible pour des terrains.
- Ainsi dans la décision SEMMARIS de mai 2015, le rapporteur public rappelait à ce titre que ce sont des amortissements purement financiers :
• Qui n’ont nullement pour objet de constater et de compenser la dépréciation matérielle due au temps ou à l’usage,
• Qui ne sont pas constitués par l’entreprise en vue de préparer le renouvellement physique de son matériel usagé, mais pour compenser la caducité d’une partie de l’actif social par obligation de remise à l’autorité concédante,
• Qu’il soit possible même si le bien ne peut faire l’objet d’un amortissement technique.
- Il est confirmé en p 7 du BOFIP-GCP-14-0013 du 18/08/2014 que « l’amortissement de caducité est également utilisé pour les biens non amortissables (terrains) qui reviennent au délégant en fin de contrat ».
Cependant au regard de la doctrine, ce dispositif ne semble pas applicable dans le cas d’un SNCRR dès lors qu’il vise les sociétés concessionnaires qui sont tenues, en fin de concession, de remettre en état et sans indemnité, à l’autorité concédante, toutes les installations édifiées par elles, soit à l’aide de leurs capitaux, soit à l’aide de capitaux d’emprunt. Bien qu’il y ait remise gratuite, le schéma actuel du SNCRR ne s’inscrit pas dans le cadre d’une délégation de service public.
Dès lors que la logique économique est la même, l’administration fiscale pourrait-elle permettre l’application d’amortissement de caducité en cas de remise gratuite des terrains à l’Etat ?
La seconde solution serait la résultante du fait du transfert à titre gratuit à l’Etat permettant de constater une perte de valeur du terrain.
En effet, dans la mesure où le terrain a fait l’objet d’une dépréciation effective par suite de circonstances particulières, il peut être tenu compte de cette dépréciation qui doit alors obligatoirement être constatée par voie de provision (CGI ann. III art. 38 sexies). (BOI-BIC-PROV-40-10-10 n° 160, 8-6-2022). La provision serait dotée de manière continue pendant la durée de l’agrément. La perte à venir du terrain diminuerait sa valeur dans la mesure où il ne génèrerait plus de produits de cessions d’UCRR.
Au terme de la période d’agrément, la perte constatée du fait du transfert à titre gratuit à l’Etat serait compensée par la reprise de provision. La charge aura ainsi été lissée sur la durée de l’agrément. Néanmoins au regard des enjeux reste à confirmer la déductibilité fiscale de cette provision (la valeur du terrain étant provisionnée d’un même montant chaque année avec une provision égal à la valeur du terrain à la fin de la période d’agrément).
En préambule, le principe de la séquence « Eviter-Réduire-Compenser » inscrite à l’article L.110-1 du code de l’environnement implique « d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites ». Cette définition rappelle clairement la hiérarchie entre les trois types de mesures et le caractère subsidiaire de la compensation, qui ne doit être envisagée en principe, que lorsque les mesures d’évitement, puis de réduction, ont été programmées. La compensation étant déjà trop souvent le raccourci des politiques d’aménagement du territoire, l’application du principe doit être renforcé : formation des aménageurs, lacunes et dérogations dans les évaluations environnementales portant sur les séquences éviter et réduire, moyens humains des MRAE.
> Projet de décret en Conseil d’Etat
Nous soutenons le fait que les mesures de compensation doivent prioritairement garantir la pérennité des fonctionnalités écologiques du site originellement impacté, ainsi que l’importance que revêt le critère de « proximité fonctionnelle ».
> Projet de décret simple
A l’article 5 : dans le 3ème alinéa du 3°, il est indiqué « elle fournit dans les mêmes conditions un rapport retraçant pour l’année précédente ». A qui se réfère le « elle » ? Le « bénéficiaire de l’agrément » ou « la personne physique ou morale » ?
Article 8 : Ne faudrait-il pas que le décret prévoie d’emblée qu’un membre du CSRPN soit nommé dans le comité de suivi du SNCRR ? L’arrêté ne fait de proposition sur la composition que le préfet doit retenir pour le comité de suivi.
Article 9 : Le CSRPN devrait être de nouveau saisi pour avis en cas de transfert du SNCRR à un autre bénéficiaire, étant donné que son avis est prévu pour l’autorisation initiale. les capacités du bénéficiaire devraient être un critère fondamental pour accorder ou non l’autorisation.
> Projet d’arrêté
Article 3 : Dans le 3°, il est indiqué qu’il doit être mentionné les parcelles éventuellement couvertes par un zonage de connaissance (ZNIEFF ?) ou par une mesure de protection environnementale. Ceci implique donc qu’une unité de compensation, restauration, renaturation pourrait être dans une réserve naturelle nationale ? En compensant les atteintes d’un projet, on viendrait réaliser des mesures de restauration et renaturation dans un espace naturel qui est déjà sous protection ? Le Ministère peut-il apporter des éclaircissements ?
Compte tenu du risque d’échec des mesures compensatoires et du temps nécessaire pour que le nouveau milieu arrive à un état comparable à celui du milieu initial, des marges doivent pouvoir être prises dans la conception et la mise en œuvre des mesures de compensation.
Il serait souhaitable que le transfert de compétence du CNPN vers les CSRPN puisse faire l’objet d’une évaluation nationale de ce nouveau dispositif après 2 à 3 années de fonctionnement.
Enfin, nous nous interrogeons sur le devenir de ces sites. S’il est un point fort du dispositif de s’appuyer sur des structures capables de garantir une durée d’au moins 30 ans, beaucoup de maîtres d’ouvrages privés n’ont pas cette perspective et même l’État ou les collectivités locales sont contraints par des règles budgétaires qui ne leur permettent pas de prendre de véritables engagements sur une durée aussi longue,
Le statut de "site naturel de compensation de restauration et de renaturation" ne devrait-il pas être transitoire, puis, une fois les objectifs atteints, un classement en aire protégée pourrait assurer leur pérennité ? Les financements restants pourraient être transférés au gestionnaire de l’aire.
Le SER, dont les filières sont directement concernées par ce nouveau dispositif, souhaite, à travers cette note, partager sa position et ses remarques.
Position générale du SER
En préambule, le SER rappelle que les filières d’énergies renouvelables qu’il représente suivent la démarche « Eviter-Réduire-Compenser ». De fait le SER soutient le principe selon lequel la compensation n’est pas systématique et ne doit intervenir qu’en dernier recours. Les efforts doivent se porter en priorité sur l’évitement et la réduction des impacts sur la biodiversité.
En parallèle, des actions de restauration sont déjà réalisées par certains porteurs de projets d’énergies renouvelables, de façon localisée et adaptées aux besoins du territoires.
Le SER est favorable à l’esprit du texte qui vise à anticiper les besoins en compensation, restauration et renaturation, mais tout en conservant les principes de la compensation et la possibilité au porteur de projet de ne pas utiliser ce dispositif.
Propositions et question sur les textes
• Article 2 du décret simple - Demande de clarification les dispositions des UCRR en ajoutant un « OU » comme suit :
« Ces unités (UCRR) pourront :
- être vendues sous forme de prestations de services à des maitres d’ouvrage qui ont des obligations de compensation ;
- OU être vendues à des personnes physiques ou morales qui souhaitent contribuer à la restauration de la biodiversité de manière volontaire (par exemple : politique RSE des entreprises, collectivités qui souhaitent préserver la qualité de leurs espaces naturels, assureurs qui souhaitent contribuer à la diminution des risques naturels) ;
- OU être utilisées par le créateur du SNCRR lui-même (« l’opérateur ») pour contribuer à la restauration de la biodiversité de manière volontaire, ou pour répondre à ses propres obligations de compensation le cas échéant. »
Demande de précisions sur les points suivants :
• Les conditions d’achat de ces unités pour les maîtres d’ouvrages souhaitant s’en servir pour satisfaire leurs obligations de compensation. Le SER alerte sur le besoin de cohérence entre la nature du gain écologique visé, les milieux concernés au niveau du SCRR et les fonctionnalités écologiques au niveau du site impacté.
• Concernant le calcul des unités de compensation une fois l’octroi de l’agrément d’un SCRR : quelle serait la méthodologie de calcul ?
• Les unités de compensation sont obtenues après l’octroi de l’agrément et sont mesurées en fonction des gains écologiques attendus. Si finalement, aucun gain écologique n’est constaté, quelles en seront les conséquences ?
Il est important de prioriser les mesures d’évitement et de réduction efficaces. Si des compensations doivent avoir lieu, elles doivent être orientées prioritairement sur les friches industrielles, commerciales ou urbaines ou sur les biens du domaine public nécessitant des mesures de restauration ou de renaturation.
En second lieu, la FNSEA Centre-Val de Loire est favorable à des contrats type PSE avec des agriculteurs volontaires, en assurant le maintien de la production agricole et la mise en œuvre de compensation pour la protection de l’environnement.
Au regard du nouveau texte de loi « industrie verte » et de ses propres orientations, la FNSEA Centre-Val de Loire demande des évolutions sur les projets de textes et s’interroge sur différents écrits.
Ainsi, la FNSEA Centre-Val de Loire est fermement opposée à la rédaction de l’article 2 du décret en Conseil d’Etat et souhaite sa réécriture. En effet, ce texte ne respecte pas l’article L.163-1 du code de l’environnement qui permet de compenser soit directement, soit par contrat à un opérateur de compensation, soit en acquérant des unités de compensation.
Par ailleurs, la FNSEA CVL s’inquiète de la lourdeur du dispositif envisagé pour obtenir un agrément SNCRR qui risque de décourager nombres d’acteurs de s’y impliquer.
Enfin, La FNSEA CVL s’interroge sur l’additionnalité par rapport aux financements publics. Elle souhaiterait qu’il soit inscrit explicitement la possibilité d’additionnalité sur des sites naturels où les financements actuels ne permettent pas d’atteindre les attendus en termes de renaturation ou de restauration. Ce point devrait être ajouté à l’article 2 du décret simple.
Veolia souscrit pleinement à la possibilité de mutualisation et d’anticipation des mesures compensatoires d’atteintes à la biodiversité causées par un projet. C’est incontestablement une évolution positive.
Nous souhaitons toutefois alerter sur les dispositions qui prévoient que les mesures de compensation « sont mises en œuvre en priorité sur site endommagé » ce qui constitue une régression du droit environnemental. En effet, les compensations ne peuvent avoir lieu sur les sites eux-mêmes (aujourd’hui elles ne sont pas acceptées comme telles) ; il s’agit plutôt de réductions d’impact et non de compensations (cette précision sémantique a son importance).
Nous alertons sur le risque que les mesures en faveur de la création des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR) constituent, malgré les avantages théoriques qu’elles représentent pour la biodiversité, d’abord un moyen pour monétiser un peu plus la biodiversité. En effet, au lieu d’être élaborées et dimensionnées au cas par cas et à l’échelle très locale par les bureaux d’étude responsables de l’étude environnementale, les mesures de compensations vont prendre de l’ampleur et être organisées en amont, sous forme d’appels d’offres de massification.
En outre, nous appelons à ce que le marché qui pourrait émerger - associant valorisation foncière, génie écologique et vente d’unités de compensation (biodiversité comme carbone) - ne soit pas accaparé par un nombre limité d’acteurs, notamment du secteur public.
La mesure des équivalences ainsi que de la biodiversité en elle-même reste une difficulté et les outils pour le faire ne sont pas totalement disponibles aujourd’hui sur le marché. De ce point de vue, le droit anticipe sérieusement sur les compétences scientifiques disponibles et cela constitue un risque.
Nous saluons les dispositions précisant que les unités de compensation, de restauration ou de renaturation ne peuvent être vendues après octroi. Il en est de même concernant l’interdiction de recyclage des unités de compensation, de restauration ou de renaturation , qui limitera l’effet d’aubaine et la spéculation sur lesdites unités. Nous appelons toutefois les pouvoirs publics à renforcer la vigilance pour éviter que les terrains ayant bénéficié de l’octroi d’unités de compensation, de restauration et de renaturation ne fassent l’objet de spéculation.
Des études récentes ont montré que les compensations mises en œuvre ces dernières années ne tenaient pas leurs promesses, en raison notamment des nombreuses dérogations accordées à la destruction d’espèces protégées, ce qui rend partiellement inopérante la stratégie nationale poursuivie par les pouvoirs publics. L’approche centrée sur le volet espèces protégées constitue d’ailleurs en lui-même un autre biais de la stratégie mise en œuvre car les mesures de compensation portent exclusivement sur les espèces protégées. Les espèces plus ordinaires (et même les espèces menacées, 50% d’entre elles en France d’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)) ne font pas l’objet d’une protection, et dès lors, leur destruction n’est pas compensée…
Par ailleurs, dans l’évolution prévue, la règle dite de “silence vaut accord” dont la prérogative revient au préfet de région, ainsi que la dégradation du niveau d’évaluation (passage du Conseil national de protection de la nature (CNPN) au Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN), qui bénéficie d’une indépendance moindre, constituent potentiellement des portes ouvertes à un certain nombre d’abus.
Ce texte, en ouvrant une libéralisation du secteur de la compensation, favorise ainsi le développement et la sécurisation de grands projets industriels ; tout en contribuant également à l’émergence d’un nombre important d’acteurs de compensation. Il soulève toutefois des interrogations en termes de solidité et de pérennité pour tenir des engagements sur 30 ans. En outre, les compétences d’écologues constituent un vivier très limité en France et nous appelons à ce que les pouvoirs publics anticipent et réfléchissent à la constitution d’une main d’œuvre qualifiée pour répondre au besoin créé. Sans quoi, les mesures risquent de concourir à une moindre qualité des projets de compensation. Néanmoins, nous pouvons anticiper d’ici 2035 une consolidation du marché autour de quelques acteurs d’envergure qui sauront aligner les compétences, l’expérience, la crédibilité et les moyens financiers requis pour l’achèvement d’opérations avec un engagement de résultats à 30 ans, et aboutir ainsi à des compensations plus efficaces.
Veolia salue ainsi la volonté d’anticipation des pouvoirs publics et accueille favorablement les textes instituant les Sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation permettant ainsi d’associer industrie et transformation écologique, mais aussi ouverture d’opportunités vers de nouveaux métiers et de nouvelles activités.
Nonobstant le caractère simplificateur de la règle du “silence vaut accord”, nous appelons les pouvoirs publics à la vigilance. Par ailleurs, si d’autres éléments, tels que la compensation sur site, ne sont pas pleinement satisfaisants, nous pensons que les services des DREAL et des CSRPN restent des garde-fous indispensables à une application intelligente et des textes.
Contact : fabien.verfaillie@veolia.com - Docteur en Ecologie, expert en faune et flore, diplômé du Muséum National d’Histoire Naturelle
La FNSEA regrette de ne pas avoir été sollicitée pendant l’élaboration des projets de textes au vu des enjeux de la compensation environnementale pour les agriculteurs. Elle demande un groupe de travail spécifique sur ces projets de textes avant toute signature.
Pour la FNSEA, il importe de prioriser les mesures d’évitement et de réduction efficaces. Si des compensations doivent avoir lieu, elles doivent être orientées prioritairement sur les friches industrielles, commerciales ou urbaines ou sur les biens du domaine public nécessitant des mesures de restauration ou de renaturation. En second lieu, la FNSEA est favorable à des contrats type PSE avec des agriculteurs volontaires, en assurant le maintien de la production agricole et la mise en œuvre de compensation pour la protection de l’environnement.
Au regard du nouveau texte de loi « industrie verte » et de ses propres orientations, la FNSEA demande des évolutions sur les projets de textes et s’interroge sur différents écrits.
I – Sur le projet de décret en Conseil d’Etat
La FNSEA est fermement opposée à la rédaction de l’article 2 du décret en Conseil d’Etat et souhaite sa réécriture. En effet, pour la FNSEA, ce texte ne respecte pas l’article L.163-1 du code de l’environnement qui permet de compenser soit directement, soit par contrat avec un opérateur de compensation, soit en acquérant des unités de compensation. L’article précise en outre que les mesures de compensation sont en priorité réalisées sur les sites endommagés OU au sein de zones de renaturation préférentielle sans lien avec le site, sans hiérarchie entre ces deux approches.
Par ailleurs, la FNSEA ne comprend pas pourquoi la notion de conditions techniquement et économiquement acceptables ne s’applique qu’aux zones de renaturation préférentielle.
Au regard du code de l’environnement actuel, la FNSEA souhaite que l’article R.163-1A du code de l’environnement soit ainsi rédigé :
« Les mesures de compensation mentionnées à l’article L.163-1 sont :
- Soit mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou, en tout état de cause, en proximité fonctionnelle avec celui-ci afin de garantir ses fonctionnalités de manière pérenne ;
- Soit réalisées prioritairement dans les zones de renaturation préférentielle mentionnées au cinquième alinéa du même article, dès lors qu’elles sont compatibles avec les orientations de renaturation.
A défaut, les mesures de compensation sont mises en œuvre conformément aux autres dispositions de l’article L.163-1. »
II – Sur le projet de décret simple
La FNSEA s’inquiète de la lourdeur du dispositif envisagé pour obtenir un agrément SNCRR qui risque de décourager nombres d’acteurs de s’y impliquer. Elle propose que les attendues soient sensiblement allégés après un travail notamment avec des porteurs potentiels de sites naturels comme des associations Symbiose ou la structure Epiterre.
La FNSEA s’interroge sur l’additionnalité par rapport aux financements publics. Elle souhaiterait qu’il soit inscrit explicitement la possibilité d’additionnalité sur des sites naturels où les financements actuels ne permettent pas d’atteindre les attendus en termes de renaturation ou de restauration. Ce point devrait être ajouté à l’article 2 du décret simple.
Par ailleurs, la FNSEA considère qu’un comité de suivi local pour chaque SNCRR est trop lourd administrativement. Elle souligne la nécessité d’anticipation des projets et propose de remplacer, dans l’article 8 du décret simple, le comité de suivi local du site par un comité régional ou départemental en charge d’identifier les projets nécessitant de la compensation, d’assurer le suivi des propositions de compensation par des SNCRR ou des contrats et d’assurer le suivi des mesures de compensation, en particulier ceux des SNCRR.
En outre, la FNSEA ne comprend pas à quel moment les mesures doivent commencer (au moment de l’agrément ou au moment de la vente d’unité ?).
Enfin, sur le décret simple, la FNSEA s’interroge sur la réalité de mise en œuvre des 9° et 10° du projet d’article D.163-4 et sur les modalités prévues au projet d’article D.163-13 pour la constitution de garanties financières qui diffèrent de celle de l’article L.163-4 du code de l’environnement.
III – Sur le projet d’arrêté
La FNSEA s’interroge sur l’annexe, en particulier sur les critères de pertinence des actions de restauration écologique, de renaturation et de développement de la biodiversité. Il est prévu que le délai entre la mise en place des actions écologiques et l’effectivité du gain écologique soit réduit. Réduit par rapport à quoi ?
De plus, La FNSEA n’est pas favorable à ce que les espèces implantées et introduites respectent scrupuleusement l’origine génétique et géographique du site d’accueil. En effet, avec le changement climatique, il peut être nécessaire d’adapter les espèces implantées et introduites.
Nous soutenons pleinement les objectifs de protection et de restauration de la biodiversité. Cependant, il est essentiel que ces mesures prennent en compte les enjeux stratégiques de notre secteur afin de garantir la continuité de nos activités vitales pour la souveraineté industrielle nationale. Les substances issues de nos carrières sont indispensables à de nombreuses applications (sidérurgie, chimie, environnement, agriculture …) et sont aujourd’hui un pilier essentiel des industries de pointe et des transitions énergétique et numérique. Ces minéraux, qualifiés de Gisements d’Intérêt National, sont précieux en raison de leurs propriétés physico-chimiques et de la richesse géologique du sous-sol. Une restriction excessive ou une mauvaise planification des SNCRR pourrait entraver l’accès à ces ressources critiques, menaçant des projets industriels stratégiques. Ainsi, nous proposons deux ajouts aux textes règlementaires soumis à la présente consultation.
1) Le premier ajout concerne la localisation des futurs SNCRR.
Il est proposé que le II de l’article D. 163-1 prévu par l’article 2 du décret simple soumis à consultation soit complété comme suit :
« II. - Les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation définis à l’article L. 163-1 A sont mis en place en priorité dans les zones de renaturation préférentielle mentionnées à l’article L. 163-1 et dans les zones propices à l’accueil de sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation telles que mentionnées à l’article L. 141-10 du code de l’urbanisme et à l’article L. 151-7 du même code, dès lors qu’ils sont compatibles avec les orientations de renaturation de ces zones. Ils ne peuvent pas être mis en place sur un site identifié comme gisement d’intérêt national. »
2) Le second ajout concerne la possibilité de mettre en place un SNCRR sur une ancienne carrière.
Afin d’assurer la meilleure articulation possible entre ces deux affectations successives d’un même site, il est proposé d’insérer un complément dans l’arrêté ministériel ainsi qu’un complément dans le décret simple.
L’article 3 de l’arrêté ministériel concerne le dossier de demande d’agrément. Il pourrait utilement être complété comme suit :
« 3° bis La description de toute activité passée menée sur le site et des modalités de réhabilitation mises en œuvre lors de la cessation de cette activité ; »
En ce sens également, l’article 4 du décret simple qui concerne le contenu de l’agrément pourrait être complété comme suit :
« 4° bis La nature de toute activité passée menée sur le site ; »
Analyse tirée des différents retours d’expérience sur les SNC et de la pratique du dispositif en partant des problèmes constatés et évaluant les apports du dispositif proposé de SNCRR :
1. Le lien entre les projets susceptibles d’être soumis à obligation de compensation et le SNC devait être justifié par l’étude d’une aire de service qui était très complexe à réaliser
L’arrêté du 10 avril 2017 fixant la composition du dossier de demande d’agrément d’un SNC prévu à l’article D. 163-3 du code de l’environnement, fixait au 4° de son article 2, l’obligation de faire figurer dans le dossier d’agrément : « La cartographie envisagée de la zone dans laquelle devront se trouver les projets d’aménagement soumis à obligation de compensation pour que leurs maîtres d’ouvrage soient autorisés à acquérir des unités de compensation auprès du SNC ». Cette étude portait sur l’aire de service et s’apparentait à une étude de marché afin d’évaluer les potentiels besoins compensatoires des projets dans un périmètre à justifier pour lesquels le SNC devait répondre. Cette analyse complexe et difficile à réaliser dans les dossiers SNC n’a pas été reprise dans le cadre de la procédure d’agrément SNCRR. Cette approche semble avoir été remplacée par une approche plus globale portant sur « L’évaluation de la pertinence écologique du site naturel de compensation, de restauration et de renaturation, envisagé » dont les critères d’évaluation sont fixés en annexe du projet d’arrêté. D’un point de vue purement conceptuel, cette évolution permet de décorréler les SNCRR des projets générateurs de besoins compensatoires pour élargir le dispositif à toutes « opérations de restauration écologique, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité ». On peut y voir ainsi une amorce d’approche de l’offre plus orientée selon des considérations écologiques liées aux potentiels des sites ciblés qu’en réponse à un besoin compensatoire uniquement.
Cependant, compte tenu de la trentaine de critères à satisfaire, il apparait néanmoins que la démonstration de la pertinence écologique devra mobiliser une importante ingénierie pluridisciplinaire.
2. Le statut juridique de la structure porteuse du SNC n’était pas fixé de manière précise et engendrait des conséquences importantes pour le portage et le fonctionnement (si publique quid des compétences du CGCT si c’est une collectivité et des règles des marchés publics et de comptabilité notamment, si privé difficulté de garantir la pérennité notamment au-delà des délais d’agrément)
Ce point reste toujours en suspend dans le cadre de la réforme des SCNRR. En effet, l’article 15 de la loi Industrie Verte est venu préciser que les SNCRR pouvaient être mis en place par « des personnes publiques ou privées » sans distinction particulière au-delà des critères de capacités techniques et financières qui étaient déjà présents dans la procédure SNC.
3. Les outils de maitrise foncière et procédures d’aménagement non dédiés pour les SNC
Les projets de textes réglementaires ne portent que sur la procédure d’agrément et le contenu du dossier. La loi Industrie Verte n’a pas prévu d’outils de maitrise foncière ou de procédures d’aménagement spécifiques dédiés pour les SNCRR alors qu’il s’agit d’un des freins majeurs de la compensation des atteintes à la biodiversité de manière globale.
4. Le statut des unités de compensation (prestation de service ou bien immobilier) ?
Ce point est essentiel dans la mesure où il conditionne les modalités contractuelles entre le porteur de SNC et le co-contractant. De même s’il s’agit d’une prestation de service, il apparait difficile au regard du droit actuel de lier le mécanisme de transfert de responsabilité du maitre d’ouvrage au contrat de prestation. Le statut des unités de compensation ne semble pas avoir été précisé dans les projets de texte. Seul le site de la consultation publique du ministère précise que ces unités de compensation, de restauration et de renaturation (UCRR) pourront "être vendues sous forme de prestations de services" alors qu’aucune mention de ce statut n’est pourtant mentionnée dans les projets de textes soumis à consultation.
5. Le montage économique complexe notamment pour assurer une rentabilité réelle sur une durée longue
Dans la mesure où les études à réaliser resteront importantes et l’absence de nouveaux outils ou procédures dédiées aux SNCRR notamment en matière de maitrise foncière, le montage économique reste complexe. Une des avancées mises en avant par le Gouvernement porte sur le IV du projet de décret à savoir : « Les unités de compensation, de restauration et de renaturation peuvent être vendues dès l’octroi de l’agrément. Elles ne peuvent pas être revendues. ». Cette possibilité est clairement une évolution par rapport au SNC qui devait prévoir un calendrier de commercialisation des unités de compensation en fonction notamment de l’état écologique des opérations de compensation sur le site.
Bien que cette possibilité constitue en elle-même une avancée, elle n’apporte qu’une réponse partielle aux difficultés majeures d’établir un montage économique viable sur le très long terme.
6. Le prix des unités non encadré et donc susceptible de venir alimenter une logique spéculative
A ce jour, il n’est toujours pas prévu de mécanisme de régulation des prix des unités de compensation qui se fera a priori par le marché. Ce point déjà constaté pour les SNC, à la différence que le dossier devait comprendre explicitement les prix et le calendrier de commercialisation ce qui n’est plus le cas pour l’agrément SNCRR, est un sujet d’inquiétude aussi bien de la part des porteurs de l’offre que des maitres d’ouvrage ayant un besoin compensatoire. Compte tenu des nombreux aléas possibles sur une aussi longue période, le risque de voir apparaitre un décalage entre les prix demandés par les opérateurs des SNCRR pour leurs unités (UCRR) et les capacités des maitres d’ouvrage à les financer, pire encore l’apparition de bulle spéculative dans certains secteurs, est non négligeable.
7. La responsabilité du maitre d’ouvrage qui ne peut pas être transférée au porteur du SNC
Pour mémoire, le 2e alinéa du II de l’article L163-1 du Code de l’environnement pose le principe de responsabilité en ces termes : « Dans tous les cas, le maître d’ouvrage reste seul responsable à l’égard de l’autorité administrative qui a prescrit ces mesures de compensation ». Sujet déjà identifié dans les réflexions du LIFTI dont la restitution du premier cycle d’ateliers s’est déroulée le 11 juin 2024, le caractère immuable de ce principe pose plusieurs difficultés pratiques pouvant notamment aboutir à l’impossibilité de réaliser les mesures compensatoires et donc le projet lui-même lorsque le maitre d’ouvrage n’est pas en capacité de porter seul cette obligation ou ne souhaite pas faire porter à ses administrés lorsqu’il s’agit d’une collectivité de manière permanente la « dette » écologique générée par l’obligation de compensation des atteintes à la biodiversité. Le mécanisme de l’offre de compensation, pourrait permettre sous conditions, d’envisager un tel transfert lors de l’achat des mesures compensatoires. Aucune disposition de cette nature ou portant sur ce sujet n’est présente dans les textes encadrant les SNCRR.
8. Le lien quasi inexistant avec les documents de planification pour donner de la visibilité sur les futurs sites potentiels et la nécessité de rendre lisibles et identifiables les SNC existant ou créés dans les documents d’urbanisme locaux et les stratégies territoriales
Dans le cadre du dispositif SNC et des dispositions en vigueur avant la publication de la loi Industrie verte, les liens entre les documents de planification territoriale et les opérations de compensation n’étaient pas formellement identifiés. En effet, bien que les documents d’urbanisme doivent respecter l’ensembles des objectifs inscrits au L101-2 du Code de l’urbanisme incluant notamment la préservation des milieux naturels et la remise en bon état des continuités écologiques ainsi que l’objectif ZAN, aucune des dispositions encadrant le contenu des SCOT et des PLU ne permettait de faire le lien direct avec la compensation. L’article 197 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est venue compléter l’article L163-1 du Code de l’environnement en précisant notamment que « Les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité au sein des zones de renaturation préférentielle identifiées par les schémas de cohérence territoriale en application du 3° de l’article L. 141-10 du code de l’urbanisme et par les orientations d’aménagement et de programmation portant sur des secteurs à renaturer en application du 4° du I de l’article L. 151-7 du même code, lorsque les orientations de renaturation de ces zones ou secteurs et la nature de la compensation prévue pour le projet le permettent. » L’article 16 de la loi Industrie verte est venu compléter les articles précités du Code de l’urbanisme en précisant pour chaque zone concernée « ainsi que des zones propices à l’accueil de sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation ». Ainsi, les documents d’urbanisme SCOT et PLU pourront localiser des zones de renaturation préférentielle au sein desquelles l’implantation des SNCRR et la localisation des mesures compensatoires devront être faites prioritairement. Le projet de décret des SNCRR en son article 2 entérine cette évolution et ce lien entre les documents de planification et la compensation liée au projet.
Cependant, ce lien est descendant et sans caractère obligatoire puisqu’il s’agit d’une « priorité » et non d’une exclusivité de localisation. Cela implique que les mesures compensatoires comme les SNCRR pourront le cas échéant se localiser hors de ces zones. De même, en l’absence de statut juridique particulier des SNCRR et de leur gouvernance qui peut être totalement privée, ces dispositifs peuvent échapper complètement à la connaissance des collectivités qui pourront ainsi établir des règles et encadrer des destinations possiblement contraires aux mesures compensatoires.
9. La méthode de calcul et de justification du gain écologique non formalisée au niveau nationale et toujours très complexe à démontrer
L’arrêté du 10 avril 2017 précisait en son point f) et g) les attendus en matière de démonstration de l’équivalence écologique sans pour autant en fixer les critères ou encore la méthode comme vu précédemment. Le projet d’arrêté SNCRR, précise uniquement que le dossier présentera « la méthode de calcul utilisée pour mesurer le gain écologique obtenu par le site naturel de compensation, de restauration et de renaturation, permettant également d’apprécier les pertes de biodiversité que ce gain est susceptible de compenser ; ». Ainsi, ce point pourtant majeur dans le montage des SNC n’a pas trouvé de réponse plus lisible dans la nouvelle formulation.
10. Le principe de proximité géographique posant de grandes difficultés notamment en matière de justification de l’aire de service et de cohérence entre le SNC et les projets
Ce sujet a été directement traité par l’article 15 de la loi industrie verte qui est venu substituer le principe de proximité géographique par le principe de proximité fonctionnelle. Ce point positif trouvera à se démontrer dans la justification de l’équivalence écologique ainsi que dans la pertinence écologique du SNCRR impliquant notamment une ingénierie suffisante et des méthodes adaptées pour répondre aux critères attendus.
11. Le principe d’additionnalité administrative complexe à justifier et à démontrer car absence de cadre clair et de doctrine
Ce principe non inscrit dans les textes en tant que tel est une émanation du principe d’absence de perte nette de biodiversité codifié aux articles L. 110-1 et L. 163-1 du code de l’environnement. Le CGDD dans le « Guide pour l’élaboration d’un site naturel de compensation » publié en 2021 précise ce principe en ces termes : « les mesures compensatoires doivent être additionnelles aux engagements publics existants ou prévus en matière de protection de l’environnement c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas se substituer aux politiques publiques déjà existantes en matière de biodiversité, d’agriculture, d’eau, de foresterie, d’espaces maritimes. […] ». Son application reste donc très subtile et régulièrement sujette à interprétation et débat entre les porteurs de projet ou opérateurs de compensation et l’administration. Sans pour autant fixer une règle générale, le projet d’arrêté prévoit explicitement au 5° de l’article 3 la production d’une note complémentaire, non prévue dans la procédure des SNC mais souvent demandée par l’administration, dans le dossier d’agrément SNCRR devant « conclure à l’existence d’un gain écologique additionnel aux opérations rendues obligatoires ou déjà soutenues par des aides publiques destinées à la restauration, la renaturation ou le développement d’éléments de biodiversité ; ».
12. Le statut des SNC qui en dehors de l’agrément et des outils mobilisés pour maitriser le foncier et les gérer n’ont pas de statut propre les rendant parfois invisibles pour les territoires
Cet aspect reprend le frein traité plus haut relatif au lien avec les documents de planification. En effet, bien qu’un lien formel soit inscrit dans les textes depuis la loi Climat et résilience de 2021 et la loi Industrie Verte de 2023, ce lien reste descendant. En l’absence de statut spécifique qui permettrait au SNCRR soit de se traduire sous la forme d’une servitude d’utilité publique environnementale soit qui en aurait les mêmes effets, les opérations de renaturation, de restauration et de compensation qui seront réalisées en leur sein peuvent rester totalement invisibles pour les collectivités si celles-ci ne leur sont pas portées à connaissance. La question du statut juridique du SNCRR et plus largement des mesures compensatoires doit pouvoir trouver une réponse claire et efficace afin de permettre à l’ensemble des acteurs d’avoir la connaissance de l’existence de telles mesures au-delà de l’obligation de versement à la base GeoMCE qui restent encore imparfaite.
13. La pérennité des SNC après la fin de l’agrément qui n’est pas cadrée ni prévue par les textes
La pérennité des mesures compensatoires au-delà des délais réglementaires est un sujet crucial longuement abordé dans les premières conclusions des groupes de travail du LIFTI sur la compensation. Pour mémoire, l’article L163-1 du Code de l’environnement précise sur ce point que "Elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes". Sans revenir sur le paradoxe et l’incohérence de fonds entre cette disposition et la présence d’une durée limitée dans les arrêtés d’autorisation et d’agrément SNC/SNCRR, ce point nécessite une attention particulière tant il garantira l’efficacité et la pertinence du mécanisme de compensation sur le long terme. La lecture des projets de textes relatifs au SNCRR mis en consultation nous invite à deux remarques. La première, positive, dans la mesure où un point complémentaire a été ajouté par rapport à l’arrêté de 2017 portant spécifiquement sur ce sujet en prévoyant que le dossier d’agrément comporte « 10° Les solutions proposées permettant d’assurer la pérennité du bon état écologique du site de compensation, de restauration et de renaturation, à l’issue de la période de validité de l’agrément ; ». La seconde remarque, plus réservée, porte sur le fond de cette proposition. Alors que le sujet est majeur et que compte tenu des enjeux il aurait été attendu une plus grande implication de l’Etat à travers une ambition affirmée et réelle de pérenniser ces sites, la responsabilité de proposer des solutions en la matière est reportée sur le porteur du SNCRR sans en préciser le cadre, ni les critères d’appréciation permettant d’apprécier de manière pertinente cette « pérennité ».
14. La procédure de montage du dossier d’agrément avec les différents avis au niveau national est très lourde et nécessite un investissement en temps et en moyens importants sans garantie de réussite favorisant la démarche SNC pour des structures disposant de l’assise technique et financière suffisante.
L’analyse des évolutions proposées par la loi Industrie Verte ainsi que des projets de textes relatifs au SNCRR permet de constater des différences relativement faibles entre la procédure d’agrément SNC et celle prévue pour le SNCRR notamment en matière de production technique et de justification qui restent en tout état de cause très complexe au regard des critères posés. Ainsi, et fort de l’expérience sur les demandes d’agrément SNC précédentes, nous pouvons assez aisément anticiper le même besoin en ingénierie pluridisciplinaire et en ressources matériels et humaines pour monter et piloter un dossier de SNCRR. Cela, conjuguée à la vérification de la capacité financière et technique de l’opérateur inclue dans le dossier de demande d’agrément SNC comme SNCRR, impliquera nécessairement un caractère discriminant chez les opérateurs susceptibles de porter de telles opérations favorisant de facto les structures les plus solides et les mieux dotées excluant de fait les « petits » opérateurs.
Enfin, alors que la décision d’octroie de l’agrément SNC au titre de l’article R163-2 du Code l’environnement relevait de la compétence du ministre chargé de l’environnement après avis préalable du CNPN, le projet de décret prévoit la déconcentration de la procédure auprès des préfets de région après avis des CSRPN. Compte tenu de la disparité territoriale des enjeux environnementaux et de développement, le choix de l’échelle régionale sans prévoir d’instance de régulation nationale, indépendante et autonome, semble discutable. Au-delà des sensibilités constatées parfois différentes des représentants de l’Etat et des acteurs concernés en fonction des régions, et à l’instar des décisions et interprétations parfois différentes d’un service de l’Etat à l’autre en fonction des territoires, il apparait délicat de déconcentrer cette procédure sans garde-fou particulier. D’autant que nous avons pu le constater, le cadre des futurs SNCRR restait encore très incomplet et ne permettait pas une lisibilité claire et opérationnelle du dispositif, cela impliquera nécessairement des disparités non négligeables d’interprétation en fonction des territoires.
Christophe BARBARA
Co-animateur du Groupe de Travail Compensation du Laboratoire d’Initiatives Foncières et Territoriales Innovantes (LIFTI)
Directeur de CB² Territoires Durables
Camille BARBARA
Directrice d’études Eau et Biodiversité
CB² Territoires Durables
Ancienne Directrice déléguée d’un opérateur de compensation environnementale territorial porteur d’un projet de Site naturel de compensation (SNC)
L’objectif de raccourcir les délais pour obtenir les autorisations environnementales en parallélisant les phases de consultation du public et d’examen du dossier de demande sur un délai de 3 mois risque fort d’être contrarié par le fait que le délai de la phase de recevabilité n’est pas encadré réglementairement. En effet le critère de « complet et régulier » à la seule appréciation du service instructeur (facilité bien compréhensible pour les services instructeurs) reste assez flou et en l’absence d’encadrement du délai de cette « phase ». par conséquent le délai global à compter du dépôt du dossier par le pétitionnaire n’est pas non plus encadré
On constate déjà sur certaines procédures des phases longues de demande de complément dans des correspondances simples entre service instructeur et pétitionnaire sans que le délai de la phase d’instruction ne démarre. Il serait souhaitable pour la nouvelle procédure d’avoir un encadrement du délai à compter de la date de dépôt d’un dossier de demande, délai au-delà duquel le dossier est réputé complet et régulier.
Il faudrait également que le critère de complet et régulier soit explicitement précisé dans l’instruction à venir pour les services instructeur. Qu’il n’y ait pas de confusion avec l’opportunité du projet et du contenu des études jointes au dossier de demande. Pour être dans l’esprit de raccourcir le délai de la phase d’examen qui n’est plus interrompu par des demandes de complément, il convient que le critère de complétude qui déclenche le délai de la phase d’examen porte sur la nature des pièces et non la qualité de leur contenu. Le cas échéant avec le risque du refus à l’issue du délai de la phase d’examen.
En ce qui concerne la consultation du public en parallèle de la phase d’examen, il convient que seuls les avis formalisés soient portés à la connaissance du public et non la totalité des éventuels échanges entre le service instructeur et le pétitionnaire qui porterait par exemple sur la qualité et le contenu des études dans le dossier de demande. La rédaction est assez floue en l’état et peut laisser penser que toutes les correspondances peuvent être portées à connaissance du public, avec le risque d’alimenter le contentieux le cas échéant.
Créé en octobre 2022, l’Institut de la Finance Durable, branche de Paris EUROPLACE, a pour objectif de coordonner, fédérer et accélérer l’action de la Place financière de Paris pour la réalisation de la transition écologique et la transformation de l’économie vers un
modèle bas-carbone et inclusif, aligné avec les objectifs de l’Accord de Paris et les Objectifs du développement durable. Il rassemble l’ensemble des acteurs privés, publics
et institutionnels de la Place de Paris et porte les positions de la Place au plan européen et international. L’Institut de la Finance Durable est présidé par Yves Perrier.
> L’IFD rappelle son soutien aux objectifs de protection et de restauration de la biodiversité définis dans l’accord de Kunming Montréal de 2022 ( Cible 2 : Restauration : Veiller à ce que d’ici 2030, au moins 30 % des zones dégradées fassent l’objet d’une restauration efficace et Cible 3 : Protection des espaces terrestres et marins : Protéger d’ici 2030, au moins 30 % des terres et des mers.) . L’IFD accueille par ailleurs favorablement l’adoption de la Loi européenne sur la restauration de la nature en 2024 qui prévoit la restauration de 20% au moins des terres et des mers de l’Union européenne (UE) d’ici à 2030 et de tous les écosystèmes dégradés d’ici à 2050. L’IFD soutient le développement des SNCRR (sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation) permis par l’article 15 de la Loi Industrie Verte ainsi que l’émission et la vente des UCRR (unités de compensation, de restauration et de renaturation) comme l’un des outils pertinents pour répondre à ces objectifs cruciaux de restauration de la biodiversité.
> L’IFD soutient le développement d’une plateforme centralisée de vente des UCRR d’ici deux ans sans que ces unités puissent être échangées sur un marché secondaire.
> Le développement et la vente de ces unités s’inscrit dans une séquence ERC (Eviter - Réduire - Compenser) où l’évitement et la réduction des atteintes portées à la biodiversité doivent toujours être la priorité. Dans ce contexte, les SNCRR doivent s’inscrire dans une démarche de contribution positive et ne pas constituer une dérogation éventuelle à des actions de destruction de la nature.
> En cohérence avec le document soumis à consultation, l’IFD soutient les principes suivants :
- Afin d’être en mesure d’apprécier la pertinence écologique des projets, les actions de compensation, restauration et renaturation de la nature doivent être clairement détaillées, suivies et transparentes (Voir l’annexe sur les critères de pertinence écologique d’un site naturel de compensation, de restauration et de renaturation : https://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/arrete-sncrr.pdf
Par ailleurs, des dispositifs relatifs à l’octroi, à la modification et au retrait de l’agrément sont prévus.) .
- L’additionnalité des projets doit être clairement établie ( Le projet de restauration écologique, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité respecte le principe d’additionnalité administrative (gain écologique additionnel par rapport aux opérations de restauration écologique, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité rendues obligatoires ou déjà soutenues par des aides publiques destinée à la restauration, la renaturation ou le développement d’éléments de biodiversité » p6). La consultation de Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) est établie ( Article 4 du décret sur l’agrément)).
- Les projets doivent être suivis localement avec les moyens humains et techniques adéquats ( Il est prévu que le préfet de région préside un comité de suivi local du site naturel de compensation, de restauration et de renaturation, dont il détermine la composition et la fréquence des réunions ( Article 8 du décret simple SNCRR). .
> L’IFD souligne le besoin d’articuler ce nouveau dispositif avec d’autres dispositifs déjà connus (tels que le Label Bas Carbone, voir Article 3 de l’arrêté ) ou en développement (tels que l’initiative des crédits biodiversité de l’IAPB) selon des modalités claires à définir.
> Une évaluation sur l’ampleur des débouchés potentiels pour l’achat des UCRR doit être faite afin de réduire l’aversion au risque des potentiels porteurs de projet (par exemple dans le cadre de dispositifs de restauration volontaire, de mécénat, de politiques et engagements RSE ou d’une contribution volontaire à la diminution des risques naturels).
Afin de s’inscrire dans la mise en place des nouveau SNCRR sans compromettre le sous sol stratégique de la France, l’organisation professionnelle Minéraux Industriels- France (MI-F) propose deux ajouts aux textes règlementaires soumis à la présente consultation.
Le premier ajout concerne la localisation des futurs SNCRR.
Dans le cadre de l’ancienne règlementation relative aux sites de compensation, il est arrivé qu’un site de compensation soit établi sur un « gisement d’intérêt national ». Cela a par exemple été le cas s’agissant de la compensation de la Ligne grande vitesse Paris-Bordeaux, un site de compensation ayant été créé sur un gisement d’argiles kaoliniques (substance qualifiée de gisement d’intérêt national dans le Schéma régional des carrières de Nouvelle Aquitaine en phase d’être approuvé).
Afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise, il est proposé que le II de l’article D. 163-1 prévu par l’article 2 du décret simple soumis à consultation soit complété comme suit :
« II. - Les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation définis à l’article L. 163-1 A sont mis en place en priorité dans les zones de renaturation préférentielle mentionnées à l’article L. 163-1 et dans les zones propices à l’accueil de sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation telles que mentionnées à l’article L. 141-10 du code de l’urbanisme et à l’article L. 151-7 du même code, dès lors qu’ils sont compatibles avec les orientations de renaturation de ces zones. Ils ne peuvent pas être mis en place sur un site identifié comme gisement d’intérêt national. »
[« Exposé des motifs » : La France est souveraine sur une dizaine de substances minérales (Andalousite, Carbonates, Silice, Mica, Diatomite, Kaolin, Talc etc.) néanmoins ces filières ont besoin de sécuriser l’accès au sous-sol. Or la vertu des SNCRR en ce qu’elles garantissent aux porteurs d’ouvrage la pérennité des actions de réparation effectuées sur un site, peut se retourner contre les espèces minérales rares en s’appliquant à une zone importante géologiquement. Ces minéraux essentiels dont certains critiques (Feldspath et Quartz pour Silicium) doivent rester accessibles si la France veut garder son indépendance d’approvisionnement des chaines de valeur industrielles.]
Le second ajout concerne la possibilité de mettre en place un SNCRR sur une ancienne carrière.
Afin d’assurer la meilleure articulation possible entre ces deux affectations successives d’un même site, il est proposé d’insérer un complément dans l’arrêté ministériel ainsi qu’un complément dans le décret simple.
L’article 3 de l’arrêté ministériel concerne le dossier de demande d’agrément. Il pourrait utilement être complété comme suit afin que le dossier comprenne :
« 4° bis La description de toute activité passée menée sur le site et des modalités de réhabilitation mises en œuvre lors de la cessation de cette activité ; »
En ce sens également, l’article 4 du décret simple qui concerne le contenu de l’agrément pourrait être complété comme suit :
« 4° bis La nature de toute activité passée menée sur le site ; »
[Exposé des motifs : les carrières finies sont sollicitées pour devenir des zones de compensation par les conservatoires, les collectivités, car la réhabilitation des sites permet des restitutions en milieux naturels fonctionnels]
Les projets de texte soulèvent des interrogations et des lourdeurs (complexité du dossier, impossibilité de mutualiser les unités de compensation biodiversité avec les réductions d’émissions « bas carbone », …) qui peuvent freiner le déploiement des SNCRR et ainsi entraver la volonté du législateur de favoriser le recours à la compensation par l’offre.
A cela s’ajoute un besoin de clarification sur plusieurs points :
1. Constitution du dossier d’agrément
- Le dossier à constituer est conséquent, assez précis, donne l’impression de répondre à un appel d’offres. D’ailleurs, dès le premier article de l’arrêt, on parle de « candidat ». Est-ce à dire qu’il y a un nombre de dossiers limités, un nombre limité d’unités accordées, par région par exemple ?
- Est-il prévu un guide de référence pour maximiser les chances d’obtenir l’agréement, qui donnerait également les méthodes de calcul de gain écologiques de référence, les zones de renaturation à privilégier…?
2. Additionnalité :
- Est-ce qu’un SNCRR permettrait de répondre à des mesures compensatoires pour deux projets différents, qui auraient des impacts différents ?
- Comment sont calculés les unités de compensation ? Comment l’équivalence écologique est-elle définie ? Rappeler que l’on peut compenser uniquement un type d’habitat pas ce même type d’habitat.
3. Déploiement des opérations de restauration :
- Si sur un SNCRR, toutes les unités de compensation n’ont pas été vendues, est-ce que le porteur de l’agrément initie quand même les opérations de restauration/gestion ? Si oui, comment et à partir de quand calcule-t-on le gain écologique ? Si non, comment est géré le foncier avant mise en place des opérations ?
4. Responsabilité relative à l’obtention du gain écologique :
- Besoin de clarifier le partage de responsabilité entre l’opérateur et le bénéficiaire (celui qui a acheté les unités) pendant les 30 ans et au-delà, surtout en cas de perte d’agrément. Expliciter dans les textes, que l’opérateur est responsable de l’atteinte du gain écologique escompté avec la vente des unités, définie dans le contrat initial passé entre le maitre d’ouvrage et l’opérateur. L’opérateur sera en capacité d’apporter les justifications nécessaires vers les administrations pour justifier d’une non-atteinte du gain écologique attendu.
5. Durée de validité de l’agrément :
Pour des projets nécessitant des compensations sur le très long terme (ex : 80 ans) , comment cela se passerait au-delà d’une durée de validité de l’agrément de 30 ans?
De manière plus générale, le projet de texte est trop flou sur ce qui se passerait à la fin de l’agrément : comment est assuré la gestion et le suivi des SNCRR à la fin de l’agrément ?
>> Quelle est la responsabilité de l’opérateur dans la durée sur le gain écologique attendu et le transfert éventuel de cette responsabilité à l’issue de l’agrément ?
>> Il faut que le texte propose des solutions opérationnelles au-delà de la date de fin de l’agrément. On pourrait imaginer que l’opérateur doit, soit renouveler son agrément, soit trouver un « repreneur », ou que les services de l’Etat reprennent le suivi et la gestion ?
>> De même, est-ce que les acquéreurs (qui sont responsable de leur compensation) ne devraient pas être consultés par le bénéficiaire de l’agrément sur les solutions proposées et retenues ou en cas de transfert de l’agrément (article 9) ? Est-ce que ces solutions de pérennité de l’état écologique ne devrait pas faire l’objet d’un aval de l’Etat (DREAL ?) afin notamment de « sécuriser » les acquéreurs des unités ?
6. Autre besoin de clarification :
- L’agrément atteste de la pertinence des opérations dont les gains écologiques sont mesurés en unités qui peuvent être vendues dès l’agrément pour satisfaire aux obligations de compensation, « mais cela ne préjuge pas de l’appréciation de leur suffisance » (art D163-1 V) => à quel moment l’obligé est-il considéré comme ayant répondu à son obligation ?
- Art D163-1 VIII : quelle est la pertinence de l’emploi des termes « …. Le cas échant » ?
Quelques propositions d’ajouts :
Decret simple SNCRR, article 2, ajout de « physique ou morale » : « III. - Sont seules susceptibles d’être agréées les opérations de restauration écologique, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité mentionnées à l’article L. 163-1-A mises en place par une personne Physique ou MORALE »
- Si l’on fait le parallèle avec la compensation carbone et le label bas carbone, les projets sont éligibles à des Unités de Réduction d’Emission (URE) au titre du label bas carbone dès lors que les financements publics ne dépassent pas 50 % du financement d’un projet. C’est-à-dire que la DGEC a validé le fait qu’on considère « additionnelles » des URE financées à 50% par des fonds publics et à 50% par des fonds privés.
Nous préconisons de rechercher la même démarche pour ces UCRR.
- Un des objectifs visés par les SNCRR est que les entreprises puissent y avoir recours pour des besoins non réglementaires de « développement d’éléments de biodiversité ».
Pour autant, une des conditions devant figurer dans la demande d’agrément est (annexe du projet d’arrêté SNCRR) :
« - L’opérateur dispose d’une méthode permettant d’évaluer le gain écologique créé puis l’équivalence écologique avec les sites impactés dans le cadre de la compensation des atteintes à la biodiversité. »
>> est-ce que cela signifie que s’il n’y a pas de projet avec impact évalué sur le territoire, un SNCRR ne peut être monté ?
L’équivalence écologique n’est-elle pas de la responsabilité des acquéreurs d’unités plutôt que de l’opérateur pour demander l’agrément d’un SNCRR ?
Ce dispositif de compensation écologique n’est pas sérieux. Déjà, le principe de "compensation" est fallacieux. Un "bien" contre un "mal" n’a pas de grande pertinence en écologie. Cela relève de l’idéologie du "tout gestion" qui entend monnayer la biosphère sans prendre en compte sa complexité. En effet, un site naturel a une valeur écologique complexe que l’on ne peut réduire à une simple valeur d’échange, au sens économique du terme. Ce plaggia de la doxa économique sur l’écologie est non seulement très réducteur mais dangereux. On voit bien ce que cela donne déjà en compensation carbone. Des plantations de forêts sans biodiversité, qui prennent la place de sites naturels sauvages ou de cultures vivrières, juste pour l’appât du gain.
Comment penser que l’on va pouvoir jouer à l’Ecopoly longtemps dans un espace en 2D limité? Les SNC vont s’épuiser et petit à petit, les règles du jeu vont s’alléger. Le mal sera irréversible.
Alors que faire? avant de payer et compenser, le pollueur doit d’abord éviter de polluer. Pour cela, il faudrait revoir la taille des sites industriels, aller vers une économie locale, bien intégrée dans le paysage.
Au lieu d’artificialiser des sols pour les EnR, restaurer les moulins à eau, les barrages au fil de l’eau, inciter à l’auto-production et consommation sur toiture.
Développer une agriculture biologique diversifiée et paysagère.
La compensation énergétique me parait plus pertinente en valeur d’échange que la compensation en surface. Par exemple, un industriel pollueur s’engage à produire de l’énergie, à faire de la rénovation énergétique de bâtiments, à rénover du bâti ancien pour le bien public, etc…
En conclusion, avis défavorable de ce dispositif technocratique, un de plus, au service d’une économie libérale mondialisée.
Association BioRev
L’objectif de participer à l’amélioration de la planification écologique est louable et très important. Toutefois, la volonté de faciliter les mesures compensatoires a des effets pervers. Il est donc important de rappeler que les premières mesures doivent toujours être l’évitement et la réduction des atteintes à l’environnement et à la biodiversité d’un projet (conformément à la séquence ERC, qui selon le code de l’environnement, doit être envisagée dans l’ordre suivant : Eviter, Réduire, Compenser). La compensation ne peut arriver qu’en absence d’alternative, et ne doit sous aucun prétexte devenir la règle et se substituer à l’évitement ou la réduction.
La planification écologique doit être réfléchie via la concertation de l’ensemble des acteurs au niveau de territoire. Il est impératif que ces unités mentionnées par le projet soient strictement encadrées afin de ne pas détourner l’objectif de renaturation et de restauration vers la compensation par des acteurs privés.
La perte d’obligation légale de la proximité géographique est également problématique dans le cadre d’une gestion planifiée des territoires et pourrait créer des zones où les effets délétères sur la biodiversité se concentrent. Cela pourrait amener à l’accentuation d’inégalité géographique dans l’accès à un environnement sain. Il est donc impératif que l’objectif poursuivi n’aboutisse pas à des disparités dans la jouissance du droit à un environnement sain et profite à tout territoire pertinent.
Ces projets de texte s’inscrivent dans la suite de la loi « Industrie Verte » avec l’objectif de simplifier les procédures pour les projets dits d’« intérêt national majeur », définis par décrets. Nous considérons que la liste des projets couverts par un "intérêt national majeur" devrait faire l’objet d’une consultation, tout comme le sens que couvre cette formule.
Quels contrôles peuvent être exercés pour s’assurer que l’état écologique initial soient réalisés dans des bonnes conditions ? Le Conseil national de la protection de la nature est une institution importante composée d’expert.es reconnu.es dont les avis peuvent avoir un réel poids dans les décisions. La disparition de l’obligation d’avis préalable de leur part est un pas en arrière très dommageable pour la protection de l’environnement.
Également, dans les objectifs définis, nous demandons une prise en compte des effets potentiels du changement climatique car ils risquent de déstabiliser l’ensemble des écosystèmes, notamment des écosystèmes récemment restaurés et donc moins résilients. Nous demandons une prise en compte de ces effets potentiels selon les différents scénarios étudiés par le ministère de la transition écologique (+2°C et +4°C).
Globalement, les projets de restauration et de renaturation doivent être soutenus que ce soit en mer ou à terre (le Règlement européen sur la restauration de la nature va dans ce sens et fixe comme objectif de restaurer au moins 20% des terres et des mers de l’UE d’ici 2030 et l’ensemble des écosystèmes ayant besoin d’être restaurés d’ici 2050). Toutefois, l’objectif doit être d’améliorer la situation globale de nos écosystèmes (plus de 80% des habitats européens sont en mauvais état), ces projets de restauration et de renaturation doivent donc clairement dépasser le cadre de simple objectif de mesures compensatoires.
Rémy Moreau
Chef de projet environnemental
Surfrider Foundation
Monsieur le Ministre,
Nous sommes opposés à la notion de « mesure compensatoire ». En effet, lorsque la nature est détruite, il est trop tard !
Lors de nos nombreuses contributions à des enquêtes publiques concernant l’éolien, le photovoltaïque, nous avons rencontré cette notion marchande de la nature.
Comment imaginer que la destruction d’une zone humide puisse être compensée ? Comment accepter que des oiseaux, des chauves-souris, puissent être détruits par ces machines sensées produire une énergie « verte » ?
LES ZONES HUMIDES
De nombreux projets immobiliers ou industriels (usines éoliennes, photovoltaïques ou de méthanisation) se font souvent au détriment de zones humides. Or, la présence de celles-ci est liée à la nature des sols et du sous-sol, à la présence de sources, de rivières. Un tel écosystème ne peut être déplacé ou reproduit ailleurs, les habitats ne sont pas interchangeables.
Concernant l’agriculture, le drainage des terres s’est également fait au détriment des zones humides, dont la moitié a disparu entre 1960 et 1990, rappelle le rapport. » https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/un-nouveau-rapport-du-wwf-france-alerte-sur-le-declin-de-la-biodiversite-dans-les-rivieres
Le rapport du WWF de 2024 préconise , page 7/42, de « systématiser la protection des zones humides et leur déclinaison dans les documents de planification territoriaux ».
LA PROTECTION DES HABITATS
La destruction et la dégradation des habitats naturels font partie des principaux facteurs de menace pesant sur les espèces. L’intégration systématique de la protection des habitats essentiels aux espèces dans les arrêtés est donc une autre recommandation majeure pour réduire les pressions et renforcer significativement l’efficacité du dispositif réglementaire », page 2 du Communiqué de presse UICN du 13 juin 2024 en annexe.
L’implantation des éoliennes à au moins 200 m des lisières boisées
L’accord UNEP/EUROBATS, entré en vigueur en 1994 et ratifié par 37 pays, ne semble pas appliqué systématiquement. Dans ce cas, la notion de mesure compensatoire est encore inacceptable.
Pour rappel, « depuis 2008, il (l’accord) recommande de placer les éoliennes à au moins 200 m des lisières boisées pour diminuer les risques de mortalité des chauves-souris. Cependant, 14 ans plus tard, nous ne savons toujours pas dans quelle mesure cette recommandation internationale a été appliquée en Europe. »
(https://plan-actions-chiropteres.fr/actualites-agenda/plus-d-une-decennie-d-echec-faire-appliquer-les-recommandations-du-pnueeurobats-dans-le-developpement-de-l-eolien-un-appel-l-action
LA DESTRUCTION DES ESPECES
Les mesures de compensation sont illusoires qu’il s’agisse de couloirs de migration ou d’installation dans des zones boisées (ou rocheuses) où nichent des oiseaux et des chiroptères.
Nous rappellerons l’étude de la LPO (Ligue Pour les Oiseaux), financée par l’Etat, qui montre que des espèces protégées et beaucoup de rapaces sont victimes des éoliennes. Elle est disponible à cette adresse https://eolien-biodiversite.com/IMG/pdf/eolien_lpo_2017.pdf .
Nous n’oublions pas, non plus, le gypaète barbu réintroduit dans la Drôme et tué par une pale d’éoliennes aux Pays-Bas
En outre, il est hors de question de déloger des espèces pour en introduire d’autres, chacun ayant son territoire.
LA DESTRUCTION DES ZONES BOISEES ET DES FORETS
Les projets d’usines photovoltaïques se font parfois au détriment de zones naturelles ou boisées, comme les projets dans la Montagne de Lure. En plus de défigurer les paysages emblématiques dont la France a le secret, ce sont des garrigues et des bois qui hébergent de nombreuses espèces. Là encore, comment imaginer compenser leur perte ?
Nous vous remercions de l’attention portée à ce courrier
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, nos salutations respectueuses.
Pour OÏKOS KAÏ BIOS Marie Berger et Patricia Faure, cofondatrices
Association OÏKOS KAÏ BIOS
Patrimoine Nature et Vie
3, rue Branly
74100 AMBILLY
http://www.oikoskaibios.com/
oikos.kai.bios@orange.fr