Arrêté portant cahiers des charges des éco-organismes, des systèmes individuels et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie du producteur des pneumatiques

Le présent projet d’arrêté définit les objectifs et les modalités de mise en œuvre du des obligations qui s’imposent aux éco-organismes et aux systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) de pneumatiques, et prévoit la mise en place d’un organisme coordonnateur en cas d’agrément de plusieurs éco-organismes. Il vise à finaliser l’élaboration du cadre réglementaire relatif à la mise en œuvre de cette filière REP à la suite de la publication du décret n° 2023-152 du 2 mars 2023 relatif à la gestion des déchets et à la responsabilité élargie des producteurs de pneumatiques pris en application de la loi "Anti-gaspillage et économie circulaire".

Consultation du 25/04/2023 au 29/05/2023 - 24 contributions

Le 16° de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement, issu de l’article 62 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi « anti-gaspillage » prévoit la mise en place d’une filière à responsabilité élargie du producteur (REP) pour les pneumatiques et précise que les modalités d’agrément des éco-organismes et des systèmes individuels sont applicables à compter du 1er janvier 2023.
Le décret n° 2023-152 du 2 mars 2023 relatif à la gestion des déchets et à la responsabilité élargie des producteurs de pneumatiques a précisé les règles de gestion relatives aux déchets de pneumatiques, ainsi que les conditions de mise en œuvre des obligations relatives à la responsabilité élargie des producteurs de ces mêmes pneumatiques.

La filière REP des pneumatiques n’est pas une filière nouvelle, puisque son organisation repose sur ce principe depuis le début des années 2000. Ainsi, il existe aujourd’hui des éco-organismes qui prennent en charge les déchets de pneumatiques, mais ces éco-organismes ne sont pas titulaires d’un agrément délivré par l’Etat.

Cette filière REP vise à satisfaire les objectifs suivants :
- la poursuite de la structuration de la filière sur tout le territoire national (suppression des systèmes individuels dits « fantômes »),
- l’amélioration de la performance de collecte des déchets de pneus en élargissant et en facilitant les modalités de reprise sans frais pour les personnes qui souhaitent se défaire de leurs pneus usagés,
- le développement de la valorisation « matière » des déchets de pneumatiques pour accompagner l’essor de nouvelles filières industrielles de valorisation,
- l’amélioration de la collecte et du traitement des déchets de pneumatiques en outre-mer pour lesquels la situation n’est pas satisfaisante,
- la gestion plus efficace des déchets de pneumatiques abandonnés.

L’article L. 541-10 du code de l’environnement prévoit que les éco-organismes et les systèmes individuels sont agréés par l’Etat s’ils démontrent qu’ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences définies notamment dans un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de l’environnement.

Par ailleurs, l’article R. 541-107 du code de l’environnement prévoit que lorsque plusieurs éco-organismes sont agréés pour une même catégorie de produits, les cahiers des charges peuvent leur imposer de mettre en place, selon les modalités qu’ils précisent, un organisme coordonnateur,

C’est dans ces conditions que le présent projet d’arrêté définit les objectifs et les modalités de mise en œuvre du régime des obligations qui s’imposent aux éco-organismes et aux systèmes individuels de cette filière, et prévoit la mise en place d’un organisme coordonnateur en cas d’agrément de plusieurs éco-organismes

Le projet d’arrêté comprend trois articles.
Le premier article indique que les cahiers des charges des éco-organismes, des systèmes individuels et des organismes coordonnateurs de la filière sont annexés à l’arrêté. Le deuxième article précise que les dispositions de l’arrêté entrent en vigueur le lendemain de la publication. Le troisième article est l’article d’exécution.
Les trois annexes prévues à l’article 1er du projet d’arrêté se présentent comme suit.

L’annexe 1 relative au cahier des charges des éco-organismes comprend 9 chapitres.
• Le chapitre 1 établit les orientations générales applicables (missions, périmètre de l’agrément, règles de répartition des obligations en cas de pluralité d’éco-organismes, couverture nationale y compris dans les collectivités territoriales d’outre-mer).

• Le chapitre 2 porte sur le développement de l’écoconception grâce à la mise en œuvre du dispositif de primes et pénalités prévu à l’article L. 541-10-3 du code de l’environnement sur au moins les trois critères de performance environnementale suivants : l’incorporation de matière recyclée dans les pneus lorsque la nature des produits le justifie, la présence de substances dangereuses et la possibilité de réutilisation (y compris de rechapage).
Par ailleurs, il est prévu la réalisation par les éco-organismes de deux études sur cette thématique à remettre dans un délai indiqué par le cahier des charges : la durée de vie des pneus et l’incorporation de matériaux biosourcés. Il est proposé que ces deux études soient accompagnées de propositions de primes ou de pénalités pour chacun de ces sujets.

• Le chapitre 3 concerne les objectifs de collecte et de recyclage des déchets de pneus.
Il prévoit des taux de collecte et de recyclage respectivement de 96% et 48% en 2024 puis 98% et 50% en 2028.
Ce chapitre prévoit également un objectif spécifique de recyclage en boucle fermée à l’échéance de 2028 (10%) pour inciter la filière à produire des pneumatiques neufs à partir de pneumatiques usagés.
Par ailleurs, il précise les modalités de gestion des déchets de pneus issus d’opérations d’ensilage en application de l’article R. 543-144 du code de l’environnement. Il fixe les quantités annuelles maximales de ces déchets devant être prises en charge par la filière sur la durée de l’agrément. La trajectoire pluriannuelle proposée pour ce plafond est progressive pour atteindre 30 000 tonnes en 2024 puis 70 000 tonnes en 2028.

Enfin, ce même chapitre précise les autres mesures suivantes :
- l’entrée en vigueur le 1er juillet 2024 de l’obligation de responsabilité élargie pour les pneus pleins et les modalités de prise en charge du coût des opérations de désassemblage de la jante et du pneumatique réalisées par les distributeurs ou les opérateurs de gestion concernés en application du III de l’article R. 543-137 du code de l’environnement ;
- les modalités de la couverture des coûts supportés par les collectivités territoriales ou leurs groupements pour assurer une collecte séparée des déchets de pneus notamment en déchetteries publiques ;
- la reprise des déchets de pneus issus des catastrophes naturelles ou accidentelles ;
- la prise en charge des déchets de pneus abandonnés ;
- la collecte sans frais des pneus usagés issus des activités des opérateurs de la réutilisation ;
- la mise en place d’un comité technique opérationnel (CTO), instance de dialogue entre les éco-organismes et les représentants des opérateurs de gestion de ces déchets. Il est notamment prévu que cette instance comprenne des représentants des organismes professionnels agricoles concernés par la gestion déchets de pneus d’ensilage.

• Le chapitre 4 prévoit des objectifs de réutilisation des pneumatiques usagés, y compris de rechapage en fixant des objectifs globaux et par catégories de pneumatiques.
Ainsi, les taux de réutilisation (pneus d’occasion et rechapés) globaux sont fixés à 19% en 2028 (17% en 2024). Les objectifs de rechapage pour les pneumatiques des véhicules légers et des poids lourds sont fixés respectivement à 15% en 2028 (5% en 2024) et à 50% en 2028. Ces objectifs tiennent compte de la montée en puissance des capacités industrielles en France pour l’activité de rechapage.

• Le chapitre 5 prévoit la mise en œuvre du mécanisme de réfaction du montant de la contribution pour permettre aux producteurs qui le souhaitent d’en bénéficier. Ce mécanisme de réfaction est prévu à l’article R. 541-120 du code de l’environnement.

• Le chapitre 6 fixe les obligations des éco-organismes relatives aux actions d’information et de sensibilisation à mettre en œuvre pour informer les détenteurs de pneus usagés en ce qui concerne les impacts liés à l’abandon des déchets de pneus dans l’environnement, les obligations de reprise par les distributeurs des pneumatiques et la réutilisation des pneumatiques usagés (notamment le rechapage). Il est prévu que l’éco-organisme consacre au moins 1% par an du montant total de ses contributions financières à cette action.

• Le chapitre 7 concerne la réalisation d’études et d’expérimentations relatives :
- à la valorisation « matière » des pneumatiques, plus précisément des sous-produits issus du recyclage chimique des déchets de pneus. A partir des résultats de cette étude, l’éco-organisme devra proposer des taux moyens de référence, par catégories de pneus, pour la valorisation matière ou énergétique de ces sous-produits issus du recyclage chimique ; cette situation permettra notamment de prendre en compte les projets de traitement par pyrolyse qui se développent aujourd’hui,
- au soutien à des projets de R&D visant à développer des solutions de recyclage des déchets de pneus. Le cahier des charges prévoit que l’éco-organisme consacre au moins 2% du montant total des contributions financières qu’il perçoit pour cette action sur la durée de son agrément.

• Le chapitre 8 porte sur l’outre-mer. Il prévoit la réalisation d’une étude dédiée aux possibilités de développer un traitement local des déchets de pneus dans les collectivités territoriales d’outre-mer du fait de leurs caractéristiques (insularité, éloignement, absence ou quasi absence de solutions locales de traitement de ces déchets…).

• Le chapitre 9 présente les mesures relatives à la mise en place d’un organisme coordonnateur dès lors que plusieurs éco-organismes sont agréés, et les mesures de coordination concernant les sujets suivants : l’information et la sensibilisation, la mise à disposition du public des informations relevant de l’article L. 541-10-15 du code de l’environnement, les études, le contrat type destiné aux collectivités territoriales ou à leurs groupements pour assurer la prise en charge des opérations de gestion des déchets de pneus, les modalités de prise en charge des déchets de pneumatiques issus d’opérations d’ensilage, l’information et la signalétique relative aux modalités de tri des déchets de pneus relevant de l’article L. 541-9-3 du code de l’environnement.

L’annexe II relative au cahier des charges des systèmes individuels de la filière comprend 4 chapitres.

Elle prévoit notamment que les objectifs de collecte et de traitement, ainsi que de réutilisation, applicables aux systèmes individuels sont ceux fixés aux éco-organismes conformément à l’article R. 541-137 du code de l’environnement.
Par ailleurs, elle prévoit des dispositions « miroirs » au cahier des charges des éco-organismes pour les pneus pleins, les opérations de désassemblage de la jante et du pneumatique usagé, la gestion des déchets de pneumatiques issus d’opérations d’ensilage et les études relatives à l’écoconception des pneumatiques.

L’annexe III relative au cahier des charges des organismes coordonnateurs de la filière comprend 3 chapitres.

Elle prévoit les mesures de coordination des travaux des éco-organismes agréés visant à assurer :
- la cohérence de leurs propositions pour les actions d’information et de sensibilisation, la mise à disposition du public des informations relevant de l’article L. 541-10-15 du code de l’environnement et les études,
- la coordination de leurs propositions pour le contrat type destiné aux collectivités territoriales ou à leurs groupements pour la gestion des déchets de pneumatiques, les modalités de prise en charge des déchets de pneus issus d’opérations d’ensilage et l’information et la signalétique de tri des déchets de pneumatiques.

Cette annexe prévoit également les modalités de répartition des obligations de gestion des déchets de pneus par les éco-organismes selon les différents modes de collecte de ces mêmes déchets : principe d’équilibrage financier ou d’équilibrage géographique pour les déchets de pneus collectés séparément par les collectivités territoriales ou leurs groupements, ou collectés dans les collectivités territoriales d’outre-mer ; principe d’équilibrage financier pour les déchets collectés par les autres opérateurs.

Partager la page

Commentaires

  •  Risque important et imminent de dégradation de la collecte, le 25 mai 2023 à 11h55

    Supprimer des solutions de recyclage tout en obligeant à collecter plus (pneus d’ensilage) va conduire à une dégradation évidente du fonctionnement de la filière de recyclage, et un risque majeur de diminution des volumes de collecte.
    N’est ce pas là un effet contre-productif sur l’objectif recherché ?

  •  Pneus d’ensilage : Risque important et imminent de dégradation de la collecte chez les professionnels de l’automobile (contribution PFA), le 24 mai 2023 à 17h28

    Nous tenons à alerter les autorités sur les impacts négatifs de l’intégration des pneus d’ensilage dans le périmètre de la REP des pneumatiques.

    En effet, le projet d’arrêté portant agrément des éco-organismes et systèmes individuels de la filière REP des pneumatiques impose la collecte de 50 000 tonnes de pneus d’ensilage par an en moyenne sur 5 ans chez les agriculteurs, dépassant largement les capacités de traitement et recyclage actuelles de la filière.

    Cette situation va d’ailleurs s’empirer puisque la Commission européenne va interdire (avec le soutien des autorités françaises) l’usage des granulats de pneumatiques dans les terrains synthétiques, réduisant ainsi drastiquement les exutoires possibles pour le recyclage de 400 000 tonnes de pneumatiques usagés en Europe. Même si cette interdiction prévoit une période de transition de plusieurs années dans sa mise en œuvre, les impacts se ressentent d’ores et déjà avec l’annulation des commandes pour des gazons synthétiques. Cette interdiction va par ailleurs contribuer à la disparition d’entreprises françaises spécialisées dans la production de ces granulats.

    Dans ce contexte, la collecte de pneus chez les professionnels de l’automobile risque de se dégrader rapidement, créant ainsi des stocks de pneus usagés au sein de points de vente qui ne sont pas dimensionnés pour cela.

    Il est donc indispensable que l’obligation de collecte des pneus d’ensilage soit supprimée du projet d’arrêté.

  •  Collecte des pneus d’ensilage, le 24 mai 2023 à 14h27

    Le cahier des charges des éco-organismes de la filière pneus crée un risque important et imminent de dégradation de la collecte chez les professionnels de l’automobile.

    Ce cahier des charges impose à la filière de collecter 50 000 tonnes de pneus d’ensilage par an en moyenne chez les agriculteurs.
    D’une part, la filière ne dispose pas des exutoires suffisants pour recycler un tel volume de pneus.
    D’autre part, la commission européenne, avec l’accord de la France, va interdire l’usage des granulats de pneumatique dans les terrains synthétiques, conduisant à la disparition rapide des entreprises qui produisent ces granulats. Cette décision aura pour conséquence de priver de solution de recyclage 400 000 tonnes de pneus en Europe.

    Dans ces conditions, la collecte de pneus sera dégradée pour les professionnels de l’automobile, créant ainsi des stocks de pneus usagés au sein de points de vente qui ne sont pas dimensionnés pour cela.

    Il est indispensable que cette obligation de collecte chez les agriculteurs soit supprimée du texte.

  •  Collecte des pneumatiques en outre mer, le 16 mai 2023 à 18h23

    En Guadeloupe, il existe de nombreux garagistes "non déclarés" qui stockent des pneus usagés (ce qui favorisent la prolifération de moustiques, en plus de générer de la pollution) aux abords de leurs habitations ou s’en débarrassent dans la nature.
    Dans le cadre de cette REP, il sera important :
    <span class="puce">- de réaliser des opérations "d’appel du gisement stocké" pour pousser ces garagistes non conformes à ramener gratuitement leurs stocks de pneus sur un centre agréé (veiller à un maillage cohérent Centre, Nord Grande-Terre, Sud Grand-Terre, Nord Basse-Terre, Sud Basse-Terre pour faciliter la coopération avec les garagistes non déclarés) ;
    <span class="puce">- trouver une coordination entre les éco-organismes, les villes, les services départementaux/régionaux en charge des routes pour que ces dernières qui ont des équipes sur leurs territoires (espaces verts, propreté, nettoyage abords routiers…) participent au recensement des dépôts sauvages ou non conformes de pneus afin d’organiser leur évacuation ;
    <span class="puce">- se donner les moyens pour l’expérimentation de solutions de recyclage in situ avec des débouchés pour les produits recyclés. Le décret prévoit que l’éco-organisme consacre au moins 2% du montant total des contributions financières au recyclage. Faites des territoires d’outre-mer des démonstrateurs de solutions innovantes. La R&D a démontré que les pneus peuvent être recyclés dans la réalisation de bitumes routiers. L’état du réseau routier notamment communal en Guadeloupe est une vraie catastrophe, c’est une solution à explorer ;
    <span class="puce">- multiplier les contrôles de la DEAL pour sanctionner les garagistes qui ne se conforment pas à la règlementation. Tous les garagistes devraient être "points de collecte" de pneus pour les détenteurs de véhicules qui changent eux même leurs pneus.