Trois nouvelles espèces de mammifères protégées

Ce projet de texte permet l’ajout des trois espèces suivantes dans la liste des espèces de mammifères sauvages protégées sur le territoire français par l’arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection, en application du code de l’environnement, et notamment de son article L.411-1 :

Rongeurs : campagnol amphibie (Arvicola sapidus) ;
Chiroptères : murin d’Escalera (Myotis escalerai) ;
Ongulés : bouquetin des Pyrénées (Capra pyrenaica)

I. Le campagnol amphibie

La France métropolitaine constitue près de 50 % de l’aire de répartition mondiale d’Arvicola sapidus, rongeur aquatique qui n’est pas susceptible d’être classé nuisible. Notre pays a donc une responsabilité importante dans la préservation de cette espèce, dont le déclin va se poursuivre si l’espèce ne bénéficie pas du statut d’espèce protégée. L’espèce est classée dans la Liste rouge UICN dans la catégorie « Quasi Menacé » (NT) au niveau mondial en se fondant sur l’observation directe, la réduction de l’aire de répartition, la qualité de l’habitat et les effets de la compétition du Rat musqué (Ondatra zibethicus) et du Ragondin (Myocastor coypus), deux espèces invasives introduites.

Afin de vérifier le déclin de l’espèce, une enquête de répartition coordonnée par la Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères (SFEPM) a été lancée de 2008 à 2012, s’appuyant sur un protocole standardisé de collecte de données géographiques et quantitatives, en synergie avec le MNHN/SPN.

Les premiers résultats de l’enquête précitée consolident une forte suspicion de déclin en marge de l’aire de répartition (Champagne Ardennes, Lorraine) et un déclin avéré dans le Massif Central et probable en Midi-Pyrénées. Un déclin, ou à minima une fragmentation des populations, semble aussi s’opérer en Bretagne.

Ces éléments sont suffisamment révélateurs, régression en marge de l’aire de répartition et fragmentation de celle-ci sont souvent liées au déclin d’une espèce, pour que la question du sort de l’espèce soit posée.

Le Campagnol amphibie n’est pas connu pour commettre des dégâts sur les cultures ou les vergers, contrairement à d’autres espèces de rongeurs semi-aquatiques. Par ailleurs, sa faible densité et son absence de pullulation (pas de fluctuation) limitent son impact sur les berges.

Par ailleurs, la petite taille des galeries fait que les terriers altèrent peu ces dernières.

Le Campagnol amphibie occupe des habitats qui mettent en évidence des pratiques de gestion respectueuses de l’environnement : aux abords immédiats de l’eau, il est tributaire d’un couvert végétal herbacé fourni, suffisamment haut et pérenne sous lequel il peut circuler à l’abri et dont il se nourrit. C’est une espèce bio-indicatrice de la qualité des berges et des pratiques d’entretiens de celles-ci. Elle partage le même territoire que d’autres espèces déjà protégées telles que le Vison d’Europe (Mustela lutreola) et la Loutre européenne (Lutra lutra).

Pour cette espèce, les continuités aquatiques sont très importantes : sa protection en synergie avec la démarche de la Trame Verte et Bleue est donc pertinente.

Au total, la présence du Campagnol amphibie est le signe d’un écosystème aquatique diversifié. Arvicola sapidus est l’une des trois espèces de rongeurs semi-aquatiques autochtones de France métropolitaine (qui inclut également le castor, espèce protégée), ce qui confère à cette espèce fragile une importance patrimoniale particulière. Le maintien des populations françaises de campagnol amphibie est primordial pour la conservation de l’espèce au niveau mondial.

C’est pourquoi l’inscription de l’espèce Arvicola sapidus dans la liste de l’arrêté du 23 avril 2007 précité, au titre de l’article L.411-1 du code de l’environnement, a été intégrée dans le projet d’arrêté modificatif cité en objet.

II. Le murin d’Escalera

Les chauve-souris sont protégées en France au titre de l’article L.411-1 du code de l’environnement, et l’ensemble des 34 espèces recensées jusqu’alors sur notre territoire dans ce contexte sont listées dans l’arrêté du 23 avril 2007 cité en objet.

Au niveau Européen, Toutes les espèces de chiroptères sont protégées par la directive "habitats faune flore" 92/43/CEE du 21/05/92 (annexe IV - toutes les espèces de chiroptères européennes nécessitent une protection stricte).

Au niveau international, les chauve-souris sont protégées par la Convention de Bonn ("CMS" ou convention sur les espèces migratrices), ratifiée par la France (Journal officiel du 30 octobre 1990), et par la Convention de Berne (protection de la biodiversité européenne), ratifiée en dernier lieu par la France en 1996 (Journal officiel du 20 août 1996).

L’accord EUROBATS (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) découle de la convention de Bonn, et encourage les parties signataires, dont la France (JORF du 16.03.96), à protéger les chauve-souris. La France assure la présidence du comité permanent d’Eurobats. La période 2011-2012 a été déclarée "Année Internationale de las Chauve-Souris" (International year of the bat) par l’Organisation des Nations Unies.

Cette espèce, quasi identique au Murin de Natterer (Myotis nattereri), a été découverte en Espagne et dans le sud de la France, suite à des analyses ADN réalisées initialement en Espagne en 2006. Depuis lors, une demi-douzaine de sites cavernicoles regroupant des individus de cette nouvelle espèce ont été identifiés dans les Pyrénées Orientales.

Myotis escalerai se distingue actuellement du Murin de Natterer par l’intermédiaire de tests génétiques et une écologie particulière (comportement cavernicole strict, grégarisme prononcé durant la période des naissances, notamment).

Au vu de la situation existante, il est plus que probable que cette nouvelle espèce, confondue avec le Murin de Natterer dont elle est très proche, aie bénéficié jusqu’à présent de cette similarité pour bénéficier des mesures de protection accordées à cette dernière dans notre pays.

Sachant que toutes les espèces de chiroptères identifiées en France doivent être protégées conformément aux dispositions européennes précitées, que cette espèce de chiroptère présente un intérêt scientifique particulier, et qu’il est nécessaire de la protéger pour préserver le patrimoine naturel de notre pays, l’inscription de l’espèce Myotis escalerai dans la liste de l’arrêté du 23 avril 2007 précité, au titre de l’article L.411-1 du code de l’environnement, a été intégrée dans le projet d’arrêté modificatif cité en objet.

III. Le Bouquetin des Pyrénées

Capra pyrenaica sp. a disparu des Pyrénées depuis le début des années 2000, notamment du fait de la chasse au cours du XIXeme et du XXeme siècle.

On distingue plusieurs sous espèces. Seules C. pyr. victoriae et C. pyr. hispanica, qui font l’objet de programmes de préservation en Espagne, ont survécu à ce jour.

Capra pyrenaica pyrenaica est inscrite en annexe IV de la directive "habitats faune flore" 92/43/CEE du 21/05/92, les autres sous espèces sont listées en annexe V de cette directive.

Une réflexion est en cours au niveau national (DEB MEDDTL-DREAL Midi Pyrénées - Parc National des Pyrénées), et au niveau bilatéral entre les autorités françaises et leurs homologues espagnols, afin de mettre en place à terme une coopération bilatérale pour favoriser la biodiversité Pyrénéenne. Celle-ci inclue des projets de réintroduction en France, dans des zones protégées du massif pyrénéen, de spécimens d’origine espagnole, avec l’accord bien évidemment des autorités concernées. Elle s’intègre dans cadre de la stratégie nationale 2000-2015 de réintroduction des bouquetins en France (Capra ibex dans les massifs alpins et pré-alpins, Capra pyrenaica dans les Pyrénées, validée par le CNPN le 21.09.1999) et dans la Stratégie Pyrénéenne pour la Valorisation de la Biodiversité (SPVB).

Au préalable, pour assurer le succès d’un tel projet, en parallèle des discussions associant les acteurs gestionnaires des espaces montagnards concernés, il est nécessaire de protéger cette espèce en amont de sa réintroduction potentielle (dont l’échéancier n’est pas encore défini).

Ce dispositif de protection, selon les dispositions de l’article L.411-1 du code de l’environnement, sera similaire à celui existant pour le Bouquetin des Alpes (Capra ibex), compte tenu de la nécessité de préserver le patrimoine naturel (cf. article 22 de la directive 92/43/CEE précitée). C’est pourquoi l’inscription de l’espèce Capra pyrenaica dans la liste de l’arrêté du 23 avril 2007 précité, au titre de l’article L.411-1 du code de l’environnement, a été intégrée dans le projet d’arrêté modificatif cité en objet.

Vous pouvez consulter :

- le projet d’arrêté

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