Synthèse de la consultation publique portant sur le projet d’arrêté modifiant le facteur de conversion de l’énergie finale en énergie primaire de l’électricité relatif au diagnostic de performance énergétique.
Synthèse de la consultation publique portant sur le projet d’arrêté modifiant le facteur de conversion de l’énergie finale en énergie primaire de l’électricité relatif au diagnostic de performance énergétique.
Consultation du 14/08/2025 au 13/11/2025 - aucune contribution
1. Introduction
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est un outil central de la politique publique de rénovation énergétique des logements, pour la lutte contre le changement climatique. Celui-ci propose un classement des logements, sur la base d’un calcul conventionnel des consommations (méthode 3CL-2021), sur une échelle allant de A (extrêmement performant) à G (extrêmement peu performant), selon l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation.
Le DPE repose sur une méthode de calcul conventionnelle, intégrant notamment un facteur de conversion entre l’énergie finale consommée par le bâtiment et l’énergie primaire, dit « PEF ». L’audit énergétique réglementaire s’appuie sur la même méthode de calcul.
Dans ce cadre, l’électricité bénéficie actuellement d’un facteur de conversion fixé à 2,3. Cette réforme, qui consiste à fixer cette valeur à 1,9, vise à mieux tenir compte des spécificités du mix électrique français et à focaliser les efforts de rénovation énergétique sur les logements les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
Les objectifs de la politique de rénovation énergétique des logements sont de réduire à la fois les consommations d’énergie des ménages, et donc leurs factures, et les émissions de gaz à effet de serre, le secteur du bâtiment représentant environ un quart des émissions nationales de gaz à effet de serre. Ce double objectif est traduit dans le DPE par une double étiquette énergie et carbone, le classement DPE correspondant à la plus mauvaise des deux étiquettes.
La réforme du facteur de conversion de l’électricité dans le DPE vise donc à rééquilibrer ces deux objectifs en renforçant le ciblage sur les logements les plus émetteurs de gaz à effet de serre, en cohérence avec les objectifs de décarbonation.
La modification du PEF pour l’électricité affecte la consommation énergétique de l’ensemble des DPE et audits énergétiques réalisés
2. Objet de la consultation
Le projet d’arrêté vise à modifier le facteur de conversion de l’énergie finale en énergie primaire de l’électricité.
Les articles 1er et 2 viennent modifier le facteur de conversion pour le passer de 2,3 à 1,9.
Les articles 3 et 5 mettent en place des attestations de changement d’étiquette pour les DPE et les audits énergétiques édités avant le 1er janvier 2026. Ces attestations seront téléchargeables via le site de l’observatoire DPE-Audit de l’ADEME. Pour les DPE, cette attestation fera alors foi pour justifier d’un nouvel état de performance énergétique. Pour les audits énergétiques, cette attestation similaire être utilisée dans les dossiers d’aide à la rénovation énergétique.
L’article 4 vient préciser que l’attestation pour les DPE ne pourra pas être utilisée dans le cadre d’un contrat de location en cours.
L’article 6 précise que cet arrêté entrera en vigueur au 1er janvier 2026.
3. Organisation de la consultation
Le projet d’arrêté, accompagné d’une note de présentation et d’un simulateur de changement d’étiquette, a été mis en consultation publique du 15 juillet au 5 août 2025 sur le site « Consultations publiques Les consultations publiques du ministère de la Transition écologique » à la page accessible suivant ce lien.
4. Synthèse de la consultation
4.1. Participation à la consultation
Au cours de la publication sur le site de mise à la consultation publique précédemment cité, 478 contributions ont été reçues, dont 6 contributions en doublons.
4.2. Contenu des avis
Les contributions émises sont de diverses natures :
1. Des contributions sur la méthodologie du DPE en énergie primaire et la légitimité du facteur de conversion d’énergie primaire (PEF)
1.1. 59 contributions portent sur la contestation de l’application de l’énergie primaire (préférence énergie finale) ou le manque de cohérence des résultats des DPE
• Beaucoup de contributions contestent la logique même du recours à l’énergie primaire pour le DPE. L’énergie finale étant l’énergie facturée aux ménages, refléterait mieux la réalité de l’isolation du bâti, la performance technique du logement et la compréhension des ménages.
• La réforme actuelle (1,9) est encore jugée insuffisante et certains préfèreraient l‘utilisation d’un coefficient 1, pour plus de logique environnementale, technique et de simplicité pour les usagers.
• Certains contributeurs demandent de modifier la méthode de calcul du DPE pour l’adapter aux comportements du consommateur.
1.2. 62 contributions critiquent le caractère arbitraire, idéologique ou obsolète du coefficient
• Nombreux sont ceux qui dénoncent le caractère arbitraire, idéologique ou obsolète du coefficient d’énergie primaire, jugé hérité de choix politiques pro-gaz ou anti-nucléaires, ou influencé par le lobbying.
• Certains voient le coefficient comme “impossible à justifier” sans méthodologie transparente.
2. Contributions favorables à l’abaissement du coefficient
2.1. 98 contributions approuvent la baisse du coefficient à 1,9 voire moins
• De nombreuses contributions lient la baisse du coefficient à plus de justice pour les logements chauffés à l’électricité, une meilleure valorisation du mix énergétique décarboné grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables et une réduction de la l’utilisation du gaz. Cette évolution est considérée comme un début de correction d’une situation injuste qui pénalisait artificiellement l’électricité faible en carbone.
3. Contributions défavorables à l’abaissement
3.1. 223 contributions rejettent la baisse du coefficient à cause des divers potentiels impacts négatifs ou dénoncent le caractère artificiel de la mesure, la manipulation et le manque de crédibilité du DPE
• Un très grand nombre de contributions dénoncent la correction « artificielle » des passoires thermiques électriques, permettant de sortir des logements du champ de la rénovation obligatoire sans travaux ni amélioration de confort réel, de santé ni de facture énergétique.
• D’autres insistent sur le risque de généralisation ou de maintien d’un chauffage électrique inefficace (ancien convecteur) dans les logements anciens, contre le but affiché de lutte contre la précarité et de réduction de la consommation.
• Beaucoup de professionnels de la filière bâtiment dénoncent une manipulation ou une manœuvre politique destinée à masquer la réalité structurelle du parc et à reporter l’effort de rénovation.
• Beaucoup voient dans la réforme un risque accru de perte de crédibilité du DPE comme repère pour les ménages, pour les artisans, et pour la planification écologique.
3.2. 89 contributions plaident pour un coefficient supérieur, lié au rendement des centrales nucléaires
• Une grande partie des contributions argumente que le coefficient réel, compte tenu du rendement des centrales françaises (27–33 %) et des pertes en ligne, serait plutôt aux alentours de 2,8 à 3,3 (voire plus), et non 2,3 ni a fortiori 1,9.
4. Arguments scientifiques et techniques sur la valeur du coefficient
4.1. 29 contributions relèvent un manque de justification technique sur la valeur retenue
• De nombreux contributeurs exigent des justifications transparentes de la valeur 1,9. Ils dénoncent un chiffre communiqué sans méthode claire, ni projection nationale sur le mix énergétique français ou transparence sur les hypothèses.
• Certains exigent la publication de la méthode de calcul, appellent à l’avis d’experts indépendants ou souhaitent une justification territorialisée pour éviter l’application brute d’un chiffre européen. La valeur de 1,9 serait plus adaptée à des pays dont l’électricité est produite principalement par des énergies renouvelables (ENR), mais non au mix énergétique français.
5. Contributions portant sur les conséquences socio-économiques et politiques de la réforme
5.1. 140 contributions estiment que cette réforme aura des impacts négatifs sur la précarité énergétique des ménages (santé, inconfort thermique)
• Ces contributions (citoyens, associations, élus, ONG) redoutent que plus de 800 000 à 1,2 million de ménages vulnérables soient maintenus dans des logements mal isolés, chers à chauffer (avec effet sur la santé, la mortalité hivernale, les dettes énergétiques et la santé publique).
5.2. 54 contributions estiment que cette réforme pourrait avoir des impacts négatifs ou positifs sur le marché locatif et les transactions immobilières
• Plusieurs soulignent que la mesure vise à soulager le marché locatif.
• Cependant, la mesure impacterait aussi négativement les locataires précaires.
• Certaines contributions dénoncent un risque d’induire en erreur les nouveaux entrants sur la performance réelle des logements.
5.3. 56 contributions affirment que cette réforme aura des impacts négatifs sur la filière bâtiment, sur la dynamique de rénovation, l’industrie et les professionnels
• Des professionnels, fédérations, acteurs sociaux alertent sur le ralentissement des rénovations, la perte d’activité pour les artisans et PME, et le risque de plans de charge et d’emploi structurellement abaissés.
5.4. 33 contributions critiquent la méthode de concertation : période estivale et manque d’étude d’impact plus approfondie
• De nombreux reproches concernent la méthode de consultation publique elle-même : calendrier en été, délais courts pour évaluer l’impact, absence d’étude d’impact complète.
6. Propositions alternatives et ajustements
6.1. 77 contributions demandent plus d’équité par la réévaluation du PEF du gaz
• Beaucoup réclament que le gaz (notamment importé sous forme de gaz naturel liquéfié) soit doté d’un coefficient plus réaliste (pour intégrer fuites, pertes de chaîne gaz, degré d’émissions de méthane), afin que le DPE ne favorise pas une énergie fossile polluante vis-à-vis de l’électricité décarbonée.
• Certains proposent explicitement un coefficient supérieur à 1 pour le gaz, comme le font d’autres pays.
• Plusieurs contributions demandent des ajustements des coefficients des autres énergies (EnR, bois, gaz, etc.). Elles dénoncent une injustice pour les EnR thermiques (bois, biomasse, réseaux de chaleur, etc.) face au gaz et à l’électricité.
6.2. Quelques contributions appellent à l’harmonisation du coefficient dans les réglementations
Une partie des contributions réclame l’uniformisation du coefficient dans toutes les réglementations (DPE, RE2020 et réglementation thermique dans l’existant) pour éviter la confusion et faciliter la compréhension, la confiance et l’opérationnalité.
6.3. Quelques contributions proposent d’autres ajustements
• Quelques contributions demandent de dissocier l’étiquette énergétique de l’étiquette carbone en désormais privilégiant deux logiques parallèles.
• D’autres demandent une prise en compte différenciée entre les systèmes électriques performants (PAC), les chauffages à effet Joule, ou la valorisation de la gestion intelligente (programmation, pilotage à distance) dans la notation.
• Certains suggèrent la création d’un classement isolation (Ubat), ou de proposer des aides à la rénovation spécifiques selon la technologie et la performance d’usage réelle.
4.3. Réponse de l’administration
Après analyse des diverses contributions reçues et synthétisées à la partie précédente, les réponses de l’administration sont les suivantes :
1. Méthodologie du DPE en énergie primaire et légitimité du facteur de conversion d’énergie primaire (PEF)
1.1. Contestation de l’application de l’énergie primaire (préférence énergie finale) ou le manque de cohérence des résultats des DPE
L’utilisation de l’énergie primaire dans le calcul du DPE résulte d’une exigence posée par l’article 19, de la directive (UE) 2024/1275 sur la performance énergétique des bâtiments. Cette directive impose que les consommations d’énergie soient exprimées en énergie primaire afin de permettre des comparaisons cohérentes entre les différentes sources d’énergie.
1.2. Critique du caractère arbitraire, idéologique ou obsolète du coefficient
Le DPE utilise la consommation en énergie primaire, méthode exigée au niveau européen, pour permettre une évaluation cohérente et comparable des performances énergétiques des logements. Le facteur de conversion de l’électricité à 1,9 est le facteur de conversion « par défaut » européen, conformément à l’article 31, de la directive (UE) 2023/1791 relative à l’efficacité énergétique. Ce coefficient se base sur une moyenne des facteurs observés dans les Etats-membres.
2. Contributions favorables à l’abaissement du coefficient
2.1. Approbation de la baisse du coefficient à 1,9 ou moins
En effet, le facteur de conversion pour l’électricité (actuellement à 2,3) peut pénaliser certains logements chauffés à l’électricité, alors que le gaz est plus émetteur de gaz à effet de serre. En effet, à isolation égale, un logement chauffé au gaz peut être mieux classé par le DPE qu’un logement chauffé à l’électricité.
La réforme du coefficient, qui vise à l’abaisser à 1,9, a précisément pour objectif de corriger ces déséquilibres. Elle permettra d’améliorer le classement énergétique des logements électriques bien isolés, tout en maintenant un ciblage fort sur les logements les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
3. Contributions défavorables/critiques à l’abaissement
3.1. Rejet de la baisse du PEF à cause des divers impacts négatifs et dénonciation du caractère artificiel de la mesure, la manipulation et le manque de crédibilité du DPE
La directive européenne 2023/1791 autorise les États membres à retenir un facteur national spécifique si des circonstances particulières le justifient, ou à adopter le facteur moyen européen de 1,9 pour l’électricité. Le choix de la France d’adopter ce facteur moyen, au même titre que pour les autres énergies, permet une meilleure représentativité d’un mix électrique décarboné, comme c’est le cas en France, et n’empêche pas de tenir compte des caractéristiques techniques des bâtiments, notamment via les indicateurs liés à l’isolation.
La baisse du coefficient de conversion de 2,3 à 1,9 modifie la méthode d’évaluation des performances énergétiques des logements, ce qui impacte directement leur classement dans le DPE.
Cette évolution conduira effectivement à la sortie d’un certain nombre de logements du statut de passoires énergétiques (estimé à 850 000 logements), sans modification physique réelle des bâtiments ni réduction immédiate de leurs consommations. Cela rétablit néanmoins une certaine équité par rapport aux logements chauffés au gaz à isolation moyenne, qui ne sont pas, eux, considérés comme des passoires énergétiques.
3.2. Plaidoyer pour un coefficient supérieur lié au rendement des centrales nucléaires
La directive européenne 2023/1791 (article 31) permet aux États membres d’adopter soit un facteur de conversion moyen européen (1,9 pour l’électricité), soit un facteur national, sous réserve qu’il soit justifié par des circonstances spécifiques. La France fait le choix de s’aligner sur le facteur moyen européen, pour l’électricité comme pour les autres énergies.
4. Arguments scientifiques/techniques sur la valeur du coefficient
4.1. Manque de justification technique sur la valeur retenue
L’article 31 de la directive 2023/1791 prévoit effectivement que les États membres adoptent le facteur de conversion moyen européen (§3), fixé à 1,9 pour l’électricité, ou bien peuvent retenir un facteur national spécifique (§5) si les circonstances le justifient. Ici le choix est fait de s’aligner sur ce facteur moyen, commun à plusieurs États membres, comme pour les autres énergies (gaz, fioul etc.).
5. Conséquences socio-économiques et politiques
5.1. Impact négatif sur la précarité énergétique des ménages (santé, inconfort thermique)
Cette réforme permet de rétablir une certaine équité entre les logements chauffés à l’électricité et ceux chauffés au gaz : à isolation équivalente, les logements chauffés au gaz sont aujourd’hui souvent mieux classés par le DPE. Les logements chauffés à l’électricité dont l’isolation est insuffisante (donc classés F ou G) continueront d’être soumis aux obligations de rénovation ou au dispositif de gel des loyers permettant de protéger les locataires de la précarité énergétique.
5.2. Impact négatif ou positif sur le marché locatif et les transactions immobilières
La modification du facteur de conversion de l’énergie finale en énergie primaire de l’électricité permet de mieux refléter la très forte décarbonation du mix électrique français.
Le coefficient actuel pénalise effectivement les logements chauffés à l’électricité par rapport à ceux chauffés au gaz, malgré des émissions de gaz à effet de serre plus faibles pour l’électricité.
Cette réforme permet de corriger cette anomalie, évitant ainsi de classer injustement certains logements d’isolation moyenne comme passoires énergétiques.
Elle contribue à une classification énergétique plus équitable, favorisant une meilleure adéquation entre performance réelle, impact environnemental et incitation à la rénovation, tout en limitant les effets socio-économiques négatifs tels que la dévalorisation du patrimoine ou la crise du logement locatif.
5.3. Impact négatif sur la filière bâtiment, sur la dynamique de rénovation, l’industrie et les professionnels
L’objectif principal de la politique énergétique est de réduire les consommations énergétiques des bâtiments et d’améliorer le confort thermique, y compris la lutte contre les surchauffes estivales. La modification du facteur de conversion de l’électricité vise à mieux refléter le mix électrique actuel et à orienter les efforts de rénovation vers les logements les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
Cette évolution ne supprime aucune obligation réglementaire concernant les travaux d’isolation ou de remplacement des systèmes de chauffage et d’eau chaude sanitaire, qui restent des leviers essentiels pour améliorer la performance énergétique et le confort des bâtiments. Les dispositifs d’accompagnement et les exigences réglementaires actuels restent en vigueur pour encourager la rénovation énergétique effective.
5.4. Critique de la méthode de concertation : période estivale et manque d’étude d’impact plus approfondie
L’administration prend bonne note de ces remarques, qui portent sur la forme de la consultation. Elle précise également qu’une étude d’impact a été réalisée et soumise à la consultation du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE).
6. Propositions alternatives et ajustements
6.1. Demande d’ajustement des coefficients des autres énergies (EnR, bois, gaz, etc.)
Concernant les autres énergies comme le gaz ou le fioul, leur coefficient est actuellement fixé à 1 car ces énergies sont considérées comme consommées directement dans le bâtiment, sans transformation préalable nécessaire pour leur consommation. Par ailleurs, cette valeur est également la valeur par défaut proposée à l’échelle européenne.
6.2. Harmonisation du coefficient dans les réglementations
La réforme actuelle du coefficient concerne le parc existant via le DPE. Les ajustements nécessaires pour les autres réglementations seront faits ultérieurement.
6.3. Autres propositions concrètes d’ajustements
Les propositions et remarques relatives à d’autres aspects DPE sont bien notées. L’administration étudie attentivement ces contributions afin d’identifier les évolutions pertinentes à intégrer dans les prochaines phases de réforme ou d’amélioration du dispositif.
L’objectif reste d’assurer la fiabilité, la clarté et l’efficacité du DPE pour mieux accompagner la rénovation énergétique des bâtiments et informer les propriétaires, locataires et acteurs du secteur.