Projet de décret définissant les modalités de prise en compte des installations de production d’énergie photovoltaïque au sol dans le calcul de la consommation d’espaces au titre du 5° du III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
Consultation du 04/05/2022 au 25/05/2022 - 116 contributions
- Les modalités de cette installation permettent qu’elle n’affecte pas durablement les fonctions écologiques du sol, ainsi que son potentiel agronomique ;
- L’installation n’est pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée, si la vocation de celui-ci est agricole Le présent décret a pour objet de préciser les modalités de mise en œuvre de ce principe dérogatoire et comporte les critères que doivent remplir les installations de production d’énergie photovoltaïque afin de répondre à ces deux conditions fixées dans la loi. Il renvoie également à un arrêté des ministres chargés de l’énergie et de l’urbanisme, pour préciser la liste des caractéristiques techniques permettant l’atteinte des critères sur lesquels il s’appuie, et les seuils d’exemption du décompte de la consommation d’espace. Il précise en outre que cet arrêté fixe également la liste des données et informations à renseigner par les porteurs de projets dans une base de données nationale du ministère chargé de l’énergie, à l’occasion de tout nouveau projet, base qui servira de référentiel aux autorités en charge de l’élaboration des documents d’urbanisme notamment, pour le calcul de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers de la première tranche de dix années Cette consultation publique est réalisée en application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement pour la mise en œuvre du principe de participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Commentaires
Je salue ce projet de décret qui réunit deux notions considérées, parfois, comme opposées à savoir "le zéro artificialisation nette" et "le déploiement des ENR". Ces deux notions visent pourtant l’atteinte du même objectif, à savoir la limitation du dérèglement climatique et la protection du vivant.
La PPE, mais également les rapports de RTE et de l’ADEME sur nos systèmes énergétiques à 2050, alloue des objectifs conséquents à l’énergie photovoltaïque, et aux centrales au sol en particulier.
Celles-ci permettent la production d’une électricité propre, à bas coût : dans le contexte actuel des prix de l’électricité il ne faut pas l’oublier.
Je m’interroge en revanche sur la rédaction suivante contenue dans le décret "maintien, au droit de l’installation, […], le cas échéant, des habitats naturels préexistants sur le site d’implantation". Après évaluation des impacts, et autorisation ad-hoc, les habitats naturels pré-existants peuvent être modifiés (des fourrés, voire boisements peuvent ainsi être transformés en espaces ouverts ou prairies). Cette rédaction me semble ainsi à l’encontre des procédures qui encadrent les projets aux sols (autorisation de défrichement pour ne nommer que celle-ci), et de la démarche d’Évitement, Réduction, et Compensation.
D’autre part, les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) imposent parfois des prescriptions (débroussaillement, fauches régulières, …) qui vont à l’encontre de cette démarche.
Au final, merci de veiller à la cohérence des dispositifs réglementaires existants et à venir.
Accorder un régime dérogatoire aux installations photovoltaïques au sol contredit en large partie les principes du ZAN et les objectifs posés par la loi Climat et Résilience. Ce régime dérogatoire est également contradictoire avec le décret n° 2022-763 du 29 avril 2022, qui prévoit que les surfaces partiellement ou totalement perméables (4°) ou de production ou d’infrastructures dont les sols sont couverts par une végétation herbacée, y compris si ces surfaces sont en chantier ou sont en état d’abandon (5°). Les conditions prévues par le décret ne sont pas satisfaisantes : elles ne garantissent aucunement que les fonctions écologiques du sol soient préservées.
La transition énergétique ne peut se faire au détriment de la préservation des fonctions écologiques.
Une chose est certaine comme il est écrit dans le projet : "l’installation ne doit pas affecter durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique."
L’avis du juriste est très loin d’être celui d’un agronome. C’est un peu la quadrature du cercle ; le moteur de la vie sur terre, c’est le soleil, il fournit aux plantes l’énergie nécessaire, pour transformer en sucre via la photosynthèse, le CO2 de l’air, l’hydrogène et l’oxygène de l’eau. Dés que nous mettons des plantes à l’ombre, la photosynthèse est moindre et il y a un impact et une modification des fonctions biologiques, hydriques et climatique sur le potentiel agronomique (un capteur, ça chauffe terriblement l’air et le micro-climat local, sans parler de la séquestration du carbone dans le sol et une éventuelle perte de renouvellement du carbone des sols).
Par contre le revenu économique d’une surface agricole est plus important avec des panneaux solaires qu’avec des cultures, avec un effet d’entraînement et d’opportunité très fort pour artificialiser encore un peu plus de terres agricole.
La surface photovoltaïque doit être intégralement considérée comme une surface artificialisée, même si des moutons jouent le rôle de tondeuse, le potentiel agronomique est fortement réduit. Idem pour l’ombrage de cultures, l’agroforesterie est préférable : traditionnellement dans certains vignobles méditerranéens, vignes et amandiers se complétaient, pour que la vigne supporte l’ombre, les amandier produisaient en complément de la nourriture.
A l’origine la vigne est une liane…
Avis défavorable
La puissance du parc photovoltaïque français atteint 13 GW fin 2021, selon RTE, 2700 MW ayant été raccordés contre 800 MW en 2020. Ces nouveaux raccordements se concentrent principalement dans la moitié sud de la France.
La production d’électricité d’origine solaire photovoltaïque s’élève à 14,3 TWh en 2021, soit 2,7 % de la production d’électricité en France.
Compte tenu de la carence de l’opérateur public RTE à fournir un bilan électrique 2021 complet, et donc en partant de l’hypothèse d’un flux régulier d’installation au long de chacune des années considérées, le facteur de charge moyen du solaire s’établit ainsi à 14% en 2021 contre 14,4% en 2020, en légère baisse.
Selon un rapport 2019 de l’ADEME, « les modèles en toiture doivent être privilégiés, pour éviter d’occuper des sols agricoles et de nuire à l’image de cette énergie renouvelable (…). ». L’Ademe a ainsi identifié près de 18.000 sites « propices à l’installation d’une centrale photovoltaïque » : les friches industrielles incluant d’anciens dépôts d’hydrocarbures, stations-services et garages, centres de stockage des déchets, etc. représentent un potentiel de 49 GW, auquel s’ajoutent 4 GW pour les parkings. Un potentiel cependant concentré dans les anciennes régions industrielles du Nord et de l’Est et en Ile-de-France (au facteur de charge solaire limité) ainsi qu’en Gironde.
A quoi s’ajoute le PV sur toitures, autrement dit diffus et ne nécessitant pas de créer de coûteux réseaux de raccordement, dont le potentiel selon le cabinet européen d’audit et de stratégie Roland Berger représente de l’ordre de 50 GW.
Dès lors il apparaît strictement non nécessaire de mobiliser des terres agricoles, pastorales ou forestières : le solaire doit être réservé aux friches, délaissés routiers ou ferroviaires ainsi qu’aux parkings (ombrières) et aux toitures (grandes ou petites).
Cependant, le présent décret porté à la consultation du public prévoit d’introduire un principe dérogatoire au calcul de la consommation d’espaces naturels ou agricoles, au nom d’une injonction d’accélérer le développement des énergies renouvelables, pour une première tranche de 10 ans.
Ce sous des conditions en apparence rigoureuses telles que la réversibilité de l’installation, le « maintien sur l’espace agricole concerné d’une activité agricole ou pastorale significative », ou encore la hauteur des modules ou le taux de recouvrement du sol par les panneaux, précisées par l’arrêté, qui ne sont aucunement crédibles.
On se bornera sur ce dernier sujet à évoquer l’incohérence d’une annonce figurant dans l’arrêté parallèlement porté à la consultation du public de « pieux en bois ou en métal », aussitôt contredite par l’acceptation de « scellements béton < 1 m² sur des espaces très localisés et justifiée par telles ou telles caractéristiques géotechniques du sol ou climatiques extrêmes » : de qui se moque-t-on ?
Ce décret, dépourvu d’une évaluation environnementale appropriée aux enjeux pour les terres qui seront affectées, porte la marque d’une injonction pour le monde agricole de produire de l’énergie. Il est en outre porteurs de graves déséquilibres économiques et sociaux dans le monde rural.
Avis défavorable donc, en ce que pour les raisons précitées faisant état d’un potentiel photovoltaïque réel sans qu’il soit besoin d’utiliser des terres agricoles ou pastorales, il n’y a pas lieu de poursuivre un objectif aussi disproportionné.
Au reste, tous les responsables publics ou chercheurs privés responsables dissuadent de créer du solaire sur des terrains de nature agricole.
L’on comprend qu’en réalité il s’agit une fois de plus pour les services de l’Etat de servir les intérêts d’une filière qui ne brille pas par son efficacité.
Deux pistes peuvent être envisagées pour obtenir des garanties pour le maintien de l’activité agricole :
1° Prévoir explicitement qu’en cas de disparition de l’activité agricole, à quelque stade que ce soit, les parcelles d’implantation soient comptées comme une consommation d’espace agricole.
2° Conditionner la non-comptabilisation comme consommation d’espace agricole au respect d’un texte juridique futur (loi ou règlement) organisant une véritable filière agrivoltaïque.
Je souhaite que le projet de décret soit amendé en ce sens.