Projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 21 février 2024 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) - (Consultation expriée)
La présente consultation, fondée sur l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, porte sur un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 21 février 2024 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus).
Consultation du 20/05/2025 au 10/06/2025 - 5134 contributions
Le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 21 février 2024 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) :
• S’inscrit dans le prolongement de l’arrêté du 7 février 2025, qui avait été soumis à la consultation publique du 22 décembre 2024 au 17 janvier 2025 ;
• Est pris en application du IV de l’article 47 de la loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.
- 1. Contexte
L’arrêté modificatif proposé à l’avis du public répond notamment à la nécessité de prendre les mesures d’application de la loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.
En effet, le IV de l’article 47 de la loi du 24 mars 2025 prévoit :
• D’une part, que dans le cadre de la gestion des risques de la prédation sur les troupeaux, compte tenu de l’absence de moyens de prévention efficaces disponibles, des tirs contre les loups peuvent être autorisés pour la protection des troupeaux de bovins, d’équins et d’asins, sous réserve que des démarches en matière de réduction de la vulnérabilité de ces troupeaux aient été engagées par les éleveurs ;
• D’autre part, qu’un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’écologie définit les conditions dans lesquelles les élevages concernés peuvent bénéficier de telles autorisations de tirs, notamment les démarches pouvant être engagées en matière de réduction de la vulnérabilité des troupeaux.
Cette modification permettra d’apporter un cadre adapté aux exploitations d’élevage comportant un troupeau de bovins ou équins soumises à une pression de prédation, en l’absence de schéma de protection techniquement validé pour ce type d’élevage conformément à la volonté du législateur.
- 2. Présentation du projet d’arrêté modificatif
Dans le cadre de ce projet d’arrêté soumis à l’avis du public, seul l’article 6 de l’arrêté du 21 février 2024 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) est modifié.
Les modifications sont les suivantes :
1. L’avant-dernier alinéa du IV de l’article 6 de l’arrêté du 21 février 2024 est supprimé. Cet alinéa prévoit actuellement que « le préfet coordonnateur définit les mesures de réduction de la vulnérabilité visées dans le présent article ». Or, cet alinéa n’est plus conforme au IV de l’article 47 de la loi du 24 mars 2025 qui donne au seul pouvoir réglementaire le soin de définir ces mesures (Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’écologie définit les conditions dans lesquelles les élevages concernés peuvent bénéficier de telles autorisations de tirs, notamment les démarches pouvant être engagées en matière de réduction de la vulnérabilité des troupeaux.)
2. Le V de l’article 6 de l’arrêté du 21 février 2024 devient un VI. Le V actuel dispose que « l’on entend par « mise en œuvre » des tirs de défense simple ou de défense renforcée, la réalisation d’opérations consécutives à des attaques consignées dans le registre prévu à l’article 12. ».
3. Enfin, un V est créé afin d’encadrer sur le plan réglementaire les mesures de réduction de la vulnérabilité des troupeaux.
Le dispositif retenu est le suivant :
Pour les troupeaux de bovins et d’équins, on entend par « mesure de réduction de la vulnérabilité » la mise en œuvre, pour chaque lot d’animaux, d’au moins une des mesures suivantes : 
- Vêlages en bâtiment ou en parcs renforcés, ou à proximité immédiate ;
- Élevage d’animaux de moins de 12 mois en parcs renforcés proches des bâtiments d’exploitation ou en bâtiment ;
- Mélange d’âges et de types de bovins et équins (pas d’animaux de moins de 12 mois seuls) ;
- Présence de bovins à cornes dans le lot concerné ;
- Regroupement des lots pour constituer des troupeaux plus importants en nombre ;
- Utilisation d’un système d’alerte et intervention humaine : colliers GPS connectés sur les animaux ou utilisation des pièges photos GSM disposés sur les zones de pâturage qui peuvent alerter de la présence des loups ;
- Regroupement nocturne dans une enceinte protégée (en bâtiment ou par une clôture électrique) ;
- Mise en défens (clôtures) des zones dangereuses comme les barres rocheuses ;
- Une des mesures de protection au sens de l’arrêté du 30 décembre 2022 susvisé parmi : gardiennage renforcé ou surveillance renforcée, chiens de protection des troupeaux, parcs électrifiés ;
- Renforcement du rythme d’inspection des animaux pour atteindre au moins une visite quotidienne pour les lots qui ne seraient pas déjà soumis à cette obligation au titre de l’arrêté du 25 octobre 1982 modifié ; 
- Toute autre mesure découlant d’une analyse technico-économique territoriale validée par le préfet coordonnateur ;
Dans la mise en œuvre de chacune de ces mesures, une attention particulière est portée aux troupeaux les plus vulnérables (animaux de moins de 12 mois, animaux soumis à un risque de dérochement).
Merci de préciser, en intitulé de vos observations, votre positionnement sur le texte (FAVORABLE ou DÉFAVORABLE).
La consultation est ouverte du 20 mai au 10 juin 2025 inclus.
Commentaires
Avis très défavorable concernant le projet d’arrêté modifiant celui du 21 février 2024 relatif aux dérogations sur le loup (Canis lupus)
Je tiens à exprimer mon opposition ferme à ce projet d’arrêté, qui affaiblit dangereusement le cadre de protection du loup en France, en s’appuyant sur des constats partiels et contestables.
Le texte de présentation affirme qu’en l’absence de moyens de protection réellement efficaces, des tirs pourraient être autorisés pour défendre les troupeaux de bovins, équins et asins, dès lors que les éleveurs auraient engagé certaines démarches. Cette justification est infondée. Une étude commandée par l’État lui-même en 2023 – étude de parangonnage sur la politique du loup – recommande très clairement de renoncer à considérer les bovins comme « non protégeables », ce qui va à l’encontre de l’esprit du présent projet d’arrêté.
Par ailleurs, des dispositifs de protection spécifiques aux bovins sont en cours d’expérimentation dans plusieurs régions, comme la Bourgogne-Franche-Comté. Ces initiatives nécessitent du temps pour en évaluer l’efficacité, et doivent pouvoir être ajustées sur le terrain. Accorder des autorisations de tir avant même d’en tirer un bilan revient à balayer d’un revers de main les efforts entrepris dans le cadre du Plan National Loup 2024-2029.
Les critères retenus dans l’arrêté pour définir une « réduction de vulnérabilité » sont pour la plupart inadaptés, voire déconnectés des réalités. Visites journalières, regroupement d’animaux ou installation de pièges photos ne permettent en rien de garantir une protection suffisante contre la prédation. Ces conditions sont si légères qu’elles ouvrent en réalité la voie à des autorisations de tir trop facilement accordées.
Le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) souligne également que l’effarouchement, y compris avec des moyens non létaux, devrait être obligatoirement mis en œuvre avant tout tir de défense, ce qui n’est plus exigé dans le projet, réduisant cette option à un simple choix facultatif. Cela constitue un recul manifeste par rapport aux textes précédents.
De plus, la condition déclenchant l’autorisation de tir – une seule attaque en un an avec une victime indemnisable – est largement insuffisante pour justifier une dérogation à une interdiction de destruction d’une espèce strictement protégée. Il ne s’agit plus ici de répondre à une situation d’urgence, mais d’institutionnaliser des tirs préventifs à peine déguisés.
Enfin, l’analyse technico-économique prévue pour adapter les réponses à chaque territoire reste floue : aucun organisme indépendant n’est identifié pour la mener, ce qui laisse craindre qu’elle soit confiée à des acteurs peu objectifs, ni techniquement ni scientifiquement qualifiés pour évaluer la « protégeabilité » des bovins.
Il est particulièrement contradictoire de prétendre s’appuyer sur cette analyse pour encadrer la protection, alors que le texte de la consultation néglige ou ignore les outils et pratiques déjà expérimentés.
En conclusion, ce projet d’arrêté constitue une dérive préoccupante : il facilite les dérogations à la protection du loup sans garantir que toutes les autres solutions aient été sérieusement envisagées et mises en œuvre. Le CNPN a d’ailleurs rendu un avis défavorable unanime, et je m’associe pleinement à cette position. Ce texte ne répond ni à l’urgence écologique, ni à l’intérêt général, mais semble avant tout satisfaire des revendications corporatistes au détriment du vivant.
Je demande donc son retrait.
La LPO Poitou-Charentes considère qu’accorder de nouvelles dérogations pour abattre des loups en France accentue les menaces pour la conservation de cette espèce protégée, sans apporter de solutions efficaces et durables aux problèmes rencontrés par les éleveurs.
Depuis janvier 2023, nous participons activement à une cellule de veille pour faciliter la cohabitation avec le loup dans le département de la Vienne et pour créer les conditions de la coexistence loup/homme. Des groupes techniques sont créés dans les territoires d’élevage, comme par exemple dans le Montmorillonnais. Nous espérons que prochainement une démarche semblable verra le jour en Charente-Maritime où le loup fait sa réapparition. Nous venons d’en faire la demande au préfet.
Nous devons collectivement rechercher des solutions non létales. Il reste encore beaucoup de choses à expérimenter en zone de plaine. Des moyens de protection efficaces existent comme le montre l’étude « Parangonnage sur la politique publique du loup » (https://agriculture.gouv.fr/parangonnage-sur-la-politique-publique-du-loup). Dans ce rapport, on note d’ailleurs la recommandation suivante au ministère chargé de l’agriculture et de l’écologie : « définir les mesures de protection aux spécificités des territoires de plaine par instruction technique en raison de l’expansion rapide du loup en France dans ces zones ».
Il est nécessaire de renforcer les moyens de protection éprouvés, comme les clôtures et la présence de chiens de protection, soutenus par une aide financière adaptée. L’expérience montre également qu’il est nécessaire de mettre en place plusieurs moyens de protection pour faire baisser sensiblement la prédation.
Ce sont ces groupes de concertation et ces moyens de partage d’expérience qu’il faut développer, plutôt qu’une augmentation de l’attribution des autorisations de tir par les préfets.
Ce projet d’Arrêté accentue les menaces pour la conservation de cette espèce protégée sans apporter de réponses aux éleveurs. Dans ces conditions, la LPO Poitou-Charentes émet un avis défavorable à ce projet d’Arrêté Ministériel.
Régis Ouvrard, délégué territorial de la LPO Poitou-Charentes
"Les élevages bovins, équins et asins sont vulnérables aux attaques de loups. Les tirs de défense sont nécessaires pour enfin les protéger.
Les mesures de réduction de vulnérabilité doivent être mises en œuvre à l’échelle du troupeau et non des lots pour simplifier la gestion administrative induite pour les éleveurs et éviter les surcharges de travail.
La visite quotidienne des bovins, équins, asins est une mesure de réduction de la vulnérabilité des troupeaux.
La prédation porte une atteinte grave au bien-être animal : mortalité, blessures, avortement, affolement….
L’élevage extensif est remis en cause par le loup, alors même que cette pratique maintient les milieux et les écosystèmes qui y sont liés ouverts, et est essentiel à la lutte contre les incendies.