Projet d’arrêté relatif à la méthode d’estimation de la population de loups et modifiant l’arrêté du 23 octobre 2020 fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année
Consultation du 06/03/2024 au 27/03/2024 - 620 contributions
La présente consultation, fondée sur l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, porte sur un projet d’arrêté relatif à la méthode d’estimation de la population de loups et modifiant l’arrêté du 23 octobre 2020 fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année.
1. Contexte
Contexte du changement de méthode de suivi de la population lupine
L’estimation actuelle du nombre de loup repose en partie sur la méthode de « Capture Marquage Recapture » (CMR). Cette méthode est déployée à l’échelle nationale à partir de la collecte d’indices biologiques (fécès, sang, urine, dépouilles) qui font l’objet d’analyses génétiques permettant d’individualiser les animaux constitutifs de la population. A partir du taux de recapture moyen, il est possible de déterminer la proportion d’individus qui « échappent » annuellement à la recapture d’indices génétiques. Ce sont ces éléments qui permettent de produire statistiquement un effectif de loup.
Chaque année et à titre transitoire, une première estimation de l’état de la population est produite en fin d’hiver à partir de la somme des tailles de groupe minimum de loups détectés durant l’hiver par le Réseau Loup-Lynx (plus de 4000 membres). Ce calcul produit un indicateur de population dénommé « Effectif Minimal Retenu » (EMR).
Un lien statistique existe entre cet EMR et l’effectif produit annuellement par la CMR. Le croisement de ces deux méthodes (dit « CMR interpolée ») permet la publication d’un chiffre dans le courant de l’année (1104 loups, en 2023).
Néanmoins cette méthode souffre de certains défauts : elle cumule l’incertitude de deux méthodes (EMR et CMR), est difficilement intelligible pour les acteurs, et la publication du chiffre définitif de la CMR n’est possible que plusieurs années après le recueil des données génétiques.
Pour cette raison, il a été décidé au sein du Groupe National Loup (GNL) que l’estimation de l’effectif moyen de la population lupine se ferait désormais uniquement avec la méthode CMR. Cette méthode est reconnue comme la plus fiable scientifiquement, et les progrès technologiques ainsi qu’une meilleure organisation de la collecte des indices permettent une analyse plus rapide des indices collectés. Ce processus permet une publication d’un unique chiffre à la fin de l’année, compris dans un intervalle de confiance.
La transition vers ce nouveau modèle est la suivante :
- Pour établir le plafond de tir 2024, année transitoire, une sortie du chiffre à la mi-mars (soit 1 an après la fin de collecte des indices). Il s’agira donc du chiffre 2023 « définitif » ;
- Pour établir le plafond de tir 2025 une sortie de chiffre fin 2024 (soit 6 mois après la fin de collecte des indices).
2. Présentation du projet d’arrêté
L’arrêté n’est modifié que pour tenir compte de la modification de la méthode de suivi, permettant de définir l’effectif moyen de loups estimé annuellement. La définition du plafond lui-même, fixé à l’article 1er, reste inchangée. Ainsi :
À l’article 1er, l’arrêté visé au dernier alinéa est actualisé pour faire référence à l’arrêté du 21 février 2024 ;
À l’article 3, il est précisé que la méthode d’estimation de l’effectif moyen de loups et son écart-type associé est désormais uniquement le résultat de l’application des modèles mathématique méthode « Capture-Marquage-Recapture » (CMR). La référence à l’EMR est supprimée et il est précisé que la publication d’un unique chiffre de l’effectif moyen est prévue pour la fin de chaque année.
La consultation est ouverte du 6 mars au 27 mars 2024 inclus.
Commentaires
- Oui à une possible participation du monde cynégétique dans le déploiement de cette nouvelle méthode de comptage.
Puisque le seul espace disponible pour discuter de l’estimation de la population de loup en France est une consultation sur la modification du-dit suivi (impossible dans le cadre du réseau loup/lynx), voici mon trop long commentaire :
Bilan de suivi OFB :
Aucun retour de l’OFB aux correspondants du réseau loup/lynx depuis 2 ans (démobilisation des correspondants) : Dernière publication du bulletin réseau loup/lynx en avril 2022. Pseudo-liste des indices publiée en juin 2022.
Peu d’éleveurs impliqués. Perte de confiance « historique ». OFB à la fois « juge et partie », manquant parfois d’impartialité, et ce malgré les tentatives pour rétablir la confiance entre les différentes acteurs entamées dès l’année 2021… avec le résultat de l’on connait !
Peu de chasseurs impliqués.
Une gestion des fronts de colonisation qui est catastrophique, et jamais remise en cause depuis 30 ans ! A titre d’exemple, il serait judicieux de supprimer le terme « grand canidé » et enfin d’appeler le loup par son nom…
Chiffre national déconnecté de la réalité locale quelque soit la méthode d’estimation.
EMR systématiquement sous estimé à hauteur de 15 à 20 % de la population estimée par CMR (qui elle-même est sous estimée).
Absence de concertation et de collaboration avec les pays limitrophes (Suisse, Italie,…) pour le suivi des meutes transfrontalières et, de manière plus générale, pour le suivi de la population à l’échelle européenne.
Limite CMR :
Délai d’échantillonnage
Nombre d’échantillons biologiques en baisse :
* Diminution voir absence des remontées des APN (Associations de Protection de la Nature) et des Naturalistes car tout simplement en désaccord avec la politique de tirs (et probablement de certains organismes d’état comme l’ONF…) . Avec le nouveau PNA, cette tendance va très probablement se confirmer.
* Absence de neige. Impossible de suivre une piste pour découvrir « facilement » des échantillons biologiques
Aucune publication de la part de l’OFB : pas de liste consultable. Pas de vérifications possibles.
Date de fin de suivi au 31 mars (historiquement, suivi hivernal : 01 novembre – 31 mars essentiellement pour déterminer l’Effectif Minimum Retenu avec les traces dans la neige… Méthode décrétée désuète fin 2023 unilatéralement par l’OFB) : déconnectée du cycle biologique du loup. Pourrait être décalée entre le 30 avril et le 30 juin (avant la sortie des louveteaux de la tanière) ce qui permettrait de couvrir une période plus importante et d’augmenter le nombre d’échantillons. De plus, certaines zones reculées de moyenne et haute montagne sont difficiles à prospecter en période hivernale (engagement des personnes, temps d’approche rébarbatif, etc.) ce qui diminue d’autant l’aire géographique des recherches d’échantillons biologiques.
Sur les 3 dernières années, on constate une croissance de la population de loups selon la méthode CMR en décalage total avec les 2 années précédentes alors que le nombre de ZPPtotales et ZPPmeutes est en augmentation (et les tirs plafonnés à 17 % du nombre de loups)… :
*ZPPmeutes hiver 2020/2021 et 2021/2022 + 25 %
*Population de loup méthode CMR en sortie des hivers 2020/2021 et 2021/2022 : + 35 à 40 %
*Hiver 2022/2023 : ZPPmeutes + 14 % et CMR +0,7 %
Hypothèses :
*diminution de la détection du nombre de meutes (distinction entre les groupes de plus en plus difficile dans les territoires historiques)
*diminution du nombre d’échantillons biologique entre les hiver 2021/2022 et 2022/2023
*date de recherches des échantillons biologiques pas assez étendue dans le temps
*conditions météorologiques défavorables (conservation des échantillons biologiques avant récolte)
Modification du suivi :
C’est donc un aveu d’échec du suivi des 10 dernières années a minima
Nécessaire mais sans période de tuilage entre les 2 méthodes afin de valider la pertinence et l’efficacité de la nouvelle méthode de suivi = ANNÉE 2024 TRANSITOIRE !
Aucune évaluation de la nouvelle méthode n’est prévue. Pour le pays qui se vente d’avoir la meilleure méthode d’estimation de la population de loup, et qui à chaque fois qu’elle est critiquée évoque l’argument de la sacro-sainte « rigueur scientifique » de l’OFB, je trouve cette situation ubuesque !
Suppression des indices géographiques historiques : ZPP meutes, ZPP non meutes, territoires à surveiller qui permet un suivi local intéressant et son évolution dans le temps, mais aussi d’avoir un regard critique (voir ci-dessus).
Correspondants du réseau loup-lynx :
La formation des correspondants au réseau loup/lynx, qui dure 2 jours, n’est pas indispensable pour identifier et ramasser des échantillons biologiques de loups, principalement les fèces. Tous les acteurs des mondes agricole et cynégétique devraient par défaut intégrer le réseau.
Conclusion :
Les services de l’état (OFB / DDT) et les organismes agricoles sont complètement dépassés par l’ampleur de la situation.
Le changement de méthode tel que présenté en consultation est tributaire de la bonne volonté des membres du réseau loup/lynx, avec comme limite le désengagement des APN et naturalistes en protestation de la politique de tirs ou du déclassement du loup de strictement protégé à protégé.
Au-delà de la simplification proposée par l’arrêté, on a l’impression que tout est fait pour rendre encore plus opaque la méthode de suivi de la population de loup en France, avec un seul organisme au manette, à savoir l’OFB qui sera capable de faire la pluie et le beau temps… Bref de l’enfumage !
Quel que soit la méthode d’estimation de la population, il y aura toujours débat autour du nombre de loups en France.
Je pense qu’un suivi local (par département voir par massif ou pays cynégétique) devrait être mis en place indépendamment de l’OFB. Le contexte historique en France fait que l’OFB a perdu de sa légitimité pour le suivi du loup. Il serait temps de faire confiance aux personnes du terrain (qui ont elles aussi les compétences requises pour le suivi d’un prédateur tel que le loup) !
PS :
1/. Le plan national d’action loup 2024-2029 stipule que le chiffre de la population national de loup soit publié au plus tard au 31 mars. La fin du nouveau protocole de suivi restant inchangée au 31 mars (ce qui semble incohérent), l’arrêté modificatif indique que le chiffre de l’année n+1, sera publié en fin d’année n soit 6 mois après la fin du suivi hivernal.
2/. Pour l’année transitoire 2024, la date de publication de la population de loup en France est fixée à la mi-mars 2024. Pour l’heure, aucun chiffre n’a été publié ! Habitude quand tu nous tiens…