Projet de décret définissant les modalités de prise en compte des installations de production d’énergie photovoltaïque au sol dans le calcul de la consommation d’espaces au titre du 5° du III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
Consultation du 04/05/2022 au 25/05/2022 - 116 contributions
- Les modalités de cette installation permettent qu’elle n’affecte pas durablement les fonctions écologiques du sol, ainsi que son potentiel agronomique ;
- L’installation n’est pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée, si la vocation de celui-ci est agricole Le présent décret a pour objet de préciser les modalités de mise en œuvre de ce principe dérogatoire et comporte les critères que doivent remplir les installations de production d’énergie photovoltaïque afin de répondre à ces deux conditions fixées dans la loi. Il renvoie également à un arrêté des ministres chargés de l’énergie et de l’urbanisme, pour préciser la liste des caractéristiques techniques permettant l’atteinte des critères sur lesquels il s’appuie, et les seuils d’exemption du décompte de la consommation d’espace. Il précise en outre que cet arrêté fixe également la liste des données et informations à renseigner par les porteurs de projets dans une base de données nationale du ministère chargé de l’énergie, à l’occasion de tout nouveau projet, base qui servira de référentiel aux autorités en charge de l’élaboration des documents d’urbanisme notamment, pour le calcul de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers de la première tranche de dix années Cette consultation publique est réalisée en application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement pour la mise en œuvre du principe de participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Commentaires
Avis défavorable de FNE65 malgré le fait que FNE65 ne peut être que favorable aux EnR mais pas au détriment d’autres activités alors que les solutions existent et demandent à être développer pour favoriser les ENR sur les sols déjà artificialisés :
De plus, le développement des énergies renouvelables ne peut que s’accompagner d’un programme de communication en faveur de la réduction de la consommation des énergies fossiles afin de favoriser la sobriété et l’efficacité énergétique auprès de la population française.
Fne65 attend du Ministère de la transition écologique qu’il encadre un maximum les conditions pour l’implantation de parc photovoltaïque sur des espaces naturels, agricoles et forestiers afin de favoriser les implantations sur des surfaces artificialisées.
Selon Eurostat, les sols artificialisés recouvrent les sols bâtis et les sols revêtus et stabilisés (routes, voies ferrées, parkings, chemins…). Le ministère de l’Agriculture en France retient une définition plus large, qui recouvre également d’autres « sols artificialisés », comme les les chantiers, les terrains vagues, et les espaces verts artificiels. L’artificialisation correspond à un changement d’utilisation, laquelle n’est pas nécessairement irréversible.
Ce décret vient en complète contradiction de loi résilience et climat qui impose 0% artificialisation des sols en 2050 . L’article 1 par son imprécision permet l’implantation des parcs photovoltaïques sur des terrains ayant perdus leur vocation agricole et évoluant vers un milieu naturel.
De fait de la présence des panneaux photovoltaïques au sol, l’activité agricole est entravée par les structures en elles-mêmes.
Aucune garantie que l’activité agricole sera pérennisée dans le temps car comment être certain que l’agriculteur sera toujours présent au bout de 30 ans voire 60 ans , et qu’il mènera toujours la même production agricole et donc que la parcelle sera toujours en agrivoltaïque.
FNE65 recommande donc que si l’activité agricole vient à cesser que ces terres soient de nouveau comptées comme artificialisées.
Les surfaces en photovoltaïque sont déjà comptabilisé par les services de l’état dans le cadre des services des directions départementales des territoires, et notamment dans le cadre de leur service urbanisme qui délivre les autorisations de construire ces parcs et aussi les bâtiments agricoles équipés de photovoltaïque.
Ce projet de décret est vraiment trop flou dans ces termes et dans ces attentes pour que ce texte au final ne soit pas contre-productif et donc porte atteinte aux espaces agricoles, naturels et forestiers.
La préservation de la ressource alimentaire et le changement climatique rendent plus que nécessaire le maintien des espaces naturels, agricoles et forestiers. Ce projet d’arrêté favorise la surenchère financière qui s’est déjà mis en place avec le prix de la location des terrains agricoles et à venir sur les espaces naturels et forestiers. l’état empêche de fait l’installation de nouveaux agriculteurs sur notre territoire et limite notre capacité de résilience face au déréglementent météorologique grâce aux espaces naturels, agricoles et forestiers.
Un projet de texte inutile et permissif
La puissance du parc photovoltaïque français atteint 13 GW fin 2021, selon RTE, 2700 MW ayant été raccordés en 2021 contre 800 MW en 2020. Ces nouveaux raccordements se concentrent principalement dans la moitié sud de la France.
La production d’électricité d’origine solaire photovoltaïque s’élève à 14,3 TWh en 2021, soit 2,7 % de la production d’électricité en France.
Le facteur de charge moyen du solaire s’établit ainsi à 13.7 % en 2021 contre 14,4% en 2020, en légère baisse, avec de fortes variations selon les régions (données 2018 Statista) : 15,6 % en PACA, (15, 6 % en 2018 en PACA, 13.3 % en BFC, 11, 8 % dans les Hauts de France, 10.2 % en Ile de France
Il faut rappeler que, au regard de l’objectif de réduction des gaz à effets de serre, le photovoltaïque est une énergie relativement émettrice (55 g CO2 par kWh, donnée ADEME, 6 g CO2 par kWh pour l’hydraulique ou le nucléaire) sans parler des impacts environnementaux liés à l’extraction des matières premières pour leur fabrication, des risques de dépendance géopolitique, notamment vis-à-vis de la Chine.
Selon un rapport 2019 de l’ADEME , « les modèles en toiture doivent être privilégiés, pour éviter d’occuper des sols agricoles et de nuire à l’image de cette énergie renouvelable (…). ». L’ADEME a ainsi identifié près de 18.000 sites « propices à l’installation d’une centrale photovoltaïque » : les friches industrielles incluant d’anciens dépôts d’hydrocarbures, stations-services et garages, centres de stockage des déchets, etc. représentent un potentiel de 49 GW, auquel s’ajoutent 4 GW pour les parkings. Un potentiel cependant concentré dans les anciennes régions industrielles du Nord et de l’Est et en Ile-de-France (au facteur de charge solaire limité) ainsi qu’en Gironde.
Dès lors il apparaît strictement non nécessaire de mobiliser des terres agricoles, pastorales ou forestières : le solaire doit être réservé aux friches, délaissés routiers ou ferroviaires ainsi qu’aux parkings (ombrières), bâtiments industriels ou centres commerciaux.
Cependant, le décret porté à la consultation du public prévoit d’introduire un principe dérogatoire au calcul de la consommation d’espaces naturels ou agricoles, au nom d’une injonction d’accélérer le développement des énergies renouvelables, pour une première tranche de 10 ans, sans attendre d’avoir évalué les impacts agronomiques, environnementaux, biodiversité à long terme ; une erreur ne permettra pas de retour en arrière.
Sous des conditions en apparence rigoureuses telles que la réversibilité de l’installation, le « maintien sur l’espace agricole concerné d’une activité agricole ou pastorale significative », ce projet permet de faire n’importe quoi, sans obligation d’une véritable étude des impacts environnementaux, agronomiques, sociaux ou économiques ; c’est un chèque en blanc donné aux promoteurs.
Ce décret, dépourvu d’une obligation d’évaluation environnementale appropriée aux enjeux pour les terres qui seront affectées, portent la marque d’une injonction pour le monde agricole de produire de l’énergie, quoiqu’il en coûte pour l’environnement, la biodiversité, les valeurs agronomiques des terres, …. Ils sont en outre porteurs de graves déséquilibres économiques et sociaux dans le monde rural.
L’avis du Cérémé est nettement défavorable, dès lors que pour les raisons précitées faisant état d’un potentiel photovoltaïque réel sans qu’il soit besoin d’utiliser des terres agricoles ou pastorales, il n’y a pas lieu de poursuivre un objectif aussi disproportionné.
Agrivoltaisme : une proposition globalement rejetée
Rappelons tout d’abord que les responsables publics dissuadent de créer du solaire sur terrains de nature agricole. En voici quelques exemples :
• Circulaire du 18/12/2009 relative au développement et au contrôle des centrales photovoltaïques au sol précisant les modalités d’application du décret n°2009-1414 du 19/11/2009 : « Une attention particulière [doit être portée] à la protection des espaces agricoles et forestiers existants ainsi qu’à la préservation des milieux naturels et des paysages » « Les projets de centrales solaires au sol n’ont pas vocation à être installés en zones agricoles, notamment cultivées ou utilisées pour des troupeaux d’élevage »
• Guide d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme pour les centrales solaires au sol de 2020 « L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme (CU) fait de l’utilisation économe des espaces naturels, de la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et de la protection des sites, des milieux et paysages naturels un objectif fondateur de la politique d’urbanisme. Cet objectif a été renforcé par la loi ELAN qui affirme le cap de « zéro artificialisation nette » sur l’ensemble du territoire. Pour ne pas porter atteinte à ces objectifs, l’ouverture de nouvelles zone urbanisées (U) et à urbaniser (AU) aux fins d’y implanter des centrales solaires doit être compatible avec les prévisions de consommation d’espace inscrites dans le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) ou le schéma de cohérence territoriale (SCoT). »
• Guide de l’étude d’impact des installations photovoltaïques au sol « Rechercher prioritairement des sites dégradés (friches industrielles, anciennes carrières et décharges…) Utiliser des sites à faibles potentialités au regard de la valeur agronomique des sols, de la faune et de la flore Favoriser le développement d’activités complémentaires (regroupement avec d’autres énergies renouvelables, comme l’éolien) ou annexes (entretien par pâturage du site, voire production agricole). »
• Article L. 151-11 du Code de l’urbanisme : « I.- Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ; […] »
• Plan biodiversité du Gouvernement (Axe 1) « Reconquérir la biodiversité dans les territoires : Le Plan biodiversité vise à freiner l’artificialisation des espaces naturels et agricoles et à reconquérir des espaces de biodiversité partout où cela est possible » (Objectif1.3) « Limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette. L’étalement urbain et l’artificialisation des sols, en détruisant et en morcelant les espaces naturels, agricoles et forestiers, contribuent directement à la dégradation du fonctionnement des écosystèmes et à l’érosion de la biodiversité. »
• Jurisprudence du Conseil d’État (https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000034017910 et 000038860059)
• Assemblée Nationale - Rapport d’information sur l’énergie photovoltaïque « […]. La France a tout intérêt à privilégier un développement autour des technologies intégrées au bâti malgré le surcoût et les difficultés administratives que cette voie comporte. […] Ce choix économiquement cohérent prévient les crispations en préservant le foncier pour les activités traditionnelles, urbaines et agricoles .[…] Il ne saurait être question d’importer en France le modèle espagnol. […] La culture française ne peut admettre une telle exploitation des espaces naturels au détriment tant de l’esthétique des paysages que des activités traditionnelles. […] Les terres arables apparaissent en revanche particulièrement visées par les spéculateurs dans un contexte de crise économique qui renforce les tentations d’arrachage et de cession. […] L’État doit agir pour affermir le cadre réglementaire des centrales photovoltaïques. Son action est cruciale pour éviter un effet d’éviction qui ne saurait générer que rancœur et contestation pour une énergie spontanément soutenue par une écrasante majorité de Français. Les meilleures perspectives d’un point de vue social et environnemental, se trouvent par conséquent sur les foyers des particuliers et dans les grandes toitures ».
• Ligue de Protection des Oiseaux, Position du 19 novembre 2021 : « La LPO considère, comme le GIEC et l’IPBES, que les crises climatiques et de perte de la biodiversité sont étroitement liées et se renforcent mutuellement ; aucune des deux ne pourra être résolue avec succès si les deux ne sont pas abordées ensemble. (…) En général, la LPO est défavorable aux projets EnR envisagés dans des espaces à forts enjeux biodiversité (espaces naturels protégés etc.) et aux projets qui porteraient atteinte aux objectifs climatiques. La LPO est également vigilante à l’égard des secteurs à forts enjeux paysagers (…) En ce qui concerne l’énergie solaire, la LPO est favorable à un développement massif sur les espaces artificialisés (immeubles collectifs, maisons particulières, toitures de centres commerciaux, bâtiments agricoles existants, parkings…) et défavorable au développement de centrales solaires dans les espaces naturels et en substitution d’espaces agricoles ou forestiers. ».
On comprend par cet échantillon de prises de positions publiques que pour limiter les conflits d’usage des sols et préserver la biodiversité, l’implantation du photovoltaïque doit être exclusivement assurée sur les surfaces à faibles enjeux environnementaux ET à potentiel importants : parkings et ombrières, friches industrielles (attention cependant : certaines friches anciennes peuvent présenter un grand intérêt écologique, et de même pour certaines carrières abandonnées depuis longtemps), sites et sols pollués, délaissés routiers ou ferroviaires. Sans oublier les zones d’activité économique où peuvent être installées des ombrières.
D’une manière générale, tout projet relevant de la politique sectorielle de l’énergie, d’un rang inférieur à la protection de l’environnement relevant du bloc de constitutionnalité (Charte de l’Environnement https://www.legifrance.gouv.fr/contenu/menu/droit-national-en-vigueur/constitution/charte-de-l-environnement) doit se réaliser avec le souci de perte nette de biodiversité, conformément à la Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
C’est dans cette perspective que le Cérémé, aux côtés d’autres organisations conscientes des enjeux plus vastes que ceux de la production à tout prix d’énergie intermittente et donc peu efficace, émet un avis défavorable tout en recommandant la création d’un Observatoire du photovoltaïque afin de documenter la nature des terrains effectivement choisis et pour mesurer d’une manière indépendante ses impacts environnementaux, agronomiques, sociaux et économiques.
Agrivoltaisme : incompatibilité avec les activités agricoles
Subsidiairement, le Cérémé constate que le photovoltaïque dérogatoire visé par le décret et l’arrêté portés à la consultation du public n’est pas compatible avec les activités agricoles, d’un point de vue environnemental, agronomique, social et économique. C’est ce que confirment les prises de position suivantes, ici aussi à titre d’échantillon :
• INRAE « Les systèmes agroforestiers, plébiscités pour leurs effets globalement bénéfiques sur divers services écosystémiques se développent à nouveau dans les paysages agricoles français et européens. Associant arbres et cultures sur une même parcelle, accueillant ou non des animaux d’élevage, ils constituent des dispositifs complexes susceptibles d’introduire de l’hétérogénéité dans le fonctionnement biologique et de la stabilité écologique des sols qui les portent ». « les arbres (…) protègent cultures et animaux des excès climatiques (chaud, froid, tempête, inondation, sécheresse)(…) L’arbre (…) rafraîchit l’atmosphère en été, tandis que sa présence limite l’effet du vent, responsable d’importantes pertes d’eau par évaporation »
• IHEST Les usages énergétiques des terres agricoles : cultiver l’énergie au XXIe siècle ? « Concilier production d’énergies et terres agricoles ? Les premiers questionnements surgissent très rapidement, empreints de la controverse sous-jacente de la concurrence des usages : qu’est-ce qu’une terre agricole ? À quoi sert-elle ? Peut-on produire de l’énergie et préserver les sols ? Est-ce compatible avec les enjeux de sécurité alimentaire ? (…) Les enjeux sont multiples et nécessitent des approches systémiques afin de couvrir les impacts de ces pratiques. (…) Les agriculteurs semblent de plus en plus isolés au sein de la société alors même que la terre constitue un bien commun et qu’un nombre croissant de citoyens appelle à davantage de proximité et d’interactions (…) N’est-on pas à un moment où …l’agriculteur devrait pouvoir décider de son avenir et de celui de sa profession ? Face à l’injonction de produire de l’énergie, n’a-t-il pas son mot à dire, quitte à s’y refuser et laisser émerger un nouveau métier ? »
• Confédération Paysanne : une définition de l’agriculture paysanne, un positionnement sur l’agrivoltaïsme : « L’agriculture paysanne est un modèle de production agricole (…) axée vers la recherche d’autonomie dans le fonctionnement de l’exploitation » « l’Agriculture Paysanne doit permettre à un maximum de paysans répartis sur tout le territoire de vivre décemment de leur métier en produisant sur des exploitations à taille humaine une alimentation saine et de qualité, sans remettre en cause les ressources naturelles de demain. Elle doit participer avec les citoyens à rendre le milieu rural vivant dans un cadre de vie apprécié par tous (…) Que cela soit par la préservation du cadre de vie, par l’entretien du paysage et la gestion du territoire, les ruraux dans leur vie quotidienne désirent la protection de cet espace générateur d’emplois. Un besoin concernant la qualité et la diversité du milieu naturel. La population est aujourd’hui favorable à la prise en considération impérative des exigences écologiques »
« L’agriculture est l’une des professions qui rémunère le moins en France (…) un malaise de la profession est reconnu, une motivation essentielle est la qualité de vie au travail, le travail en plein air, un cadre de travail beau, regarder le ciel et écouter le chant des oiseaux… Il n’est pas souhaitable de dégrader cette qualité de vie au travail alors que c’est un secteur qui doit recruter massivement dans les prochaines années avec le départ des baby boomer à la retraite. Travailler sous des panneaux (photovoltaïques) c’est dégrader notre qualité de vie au travail, c’est aussi dégrader l’environnement et les paysages de tous pour le bénéfice de quelques-uns (quelques propriétaires et promoteurs) .
Très subsidiairement, que faut-il penser du récent rapport de l’ADEME SUR L’AGRIVOLTAÏQUE ? Dans ce rapport l’ADEME, se contredisant par rapport à son rapport de 2019 précité, légitime cette technique vis-à-vis du monde agricole, en mettant en avant trois critères pour qualifier la soi-disant « synergie agricole » d’un projet agrivoltaïque : services apportés à la production agricole, incidence sur la production agricole, et incidence sur les revenus de l’exploitation agricole. Pourtant :
• La revue de bibliographie scientifique présentée peine à convaincre : une lecture attentive met en lumière d’importantes marges d’incertitude sur la performance énergétique de l’agrivoltaïque et sur ses effets sur la production agricole.
• Il apparaît des risques de spéculation foncière, que rejoint le constat d’externalités négatives, socioéconomiques et juridiques, sur le modèle économique à 30 ans des exploitations agricoles ou pastorales concernées, rendues plus vulnérables par la réversibilité technique et juridique du sous-projet photovoltaïque, ainsi que par ses impacts environnementaux sur les sols, la biodiversité, sans oublier les paysages et les activités qui leur sont parfois associées telles que les gites.
Au final, l’agrivoltaïque présenté par l’ADEME comme une « opportunité » apparait surtout comme une nouvelle injonction faite au monde agricole : produire de l’énergie. La production d’énergie va à l’encontre de la vocation première de l’activité agricole : nourrir la planète, tout en contribuant, lorsqu’elle est raisonnée, à des fonctions complémentaires d’atténuation climatique, d’amélioration des sols, et d’équilibre de la biodiversité.
Conclusion
Le soi-disant impératif énergétique ne doit pas venir imposer un modèle d’agriculture, non durable et de nature à déstabiliser les grands équilibres socioéconomiques dans nos campagnes, dont l’ombre portée créerait des externalités pour l’ensemble des circuits économiques associés à l’agriculture et au pastoralisme.
L’agrivoltaïque présenté comme une « opportunité » semble surtout s’inscrire dans la liste des trop nombreuses injonctions faites au monde agricole, dont celle de produire de l’énergie, entrant en contradiction par bien des aspects avec les modèles d’agriculture alternative, illustrés notamment par les agriculteurs qui se sont tournés vers l’agroécologie et le bio, y trouvant un sens à leur métier et une raison de confiance dans l’avenir.
Préserver les terres naturelles et agricoles au sein de systèmes agroécologiques, c’est permettre à la biodiversité de s’épanouir, réduire les risques environnementaux et de générer des bénéfices pour la santé du monde agricole comme de l’ensemble de la population. Ces espaces et les rapports que nous entretenons avec eux, nourrissent notre culture et font partie de notre patrimoine commun.
C’est pourquoi le Cérémé émet un avis défavorable au décret projeté.
Le Syndicat des Energies Renouvelables propose plusieurs amendements au projet de décret définissant les modalités de prise en compte des installations de production d’énergie photovoltaïque au sol dans le calcul de la consommation d’espaces au titre du 5° du III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets :
1. Préciser que les installations ayant bénéficié d’une autorisation de défrichement peuvent bénéficier de la dérogation
Les projets photovoltaïques ayant bénéficié d’une autorisation de défrichement préalable à l’obtention de l’autorisation d’urbanisme conformément aux articles L. 425-6 du code de l’urbanisme et L. 341-7 du code forestier devraient pouvoir bénéficier de l’exemption de la comptabilisation dans la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers.
En effet, l’article L.341-6 du Code forestier prévoit que le préfet subordonne son autorisation de défrichement à plusieurs conditions. L’une d’elle est l’exécution, sur d’autres terrains, de travaux de boisements compensateurs pour une surface correspondant à la surface défrichée, assortie, le cas échéant, d’un coefficient multiplicateur compris entre 1 et 5, établi par les services instructeurs de l’Etat. Ce coefficient permet d’établir les modalités de la compensation sur la base du rôle des espèces défrichées, et est déterminé en fonction du rôle économique, écologique et social des bois et forêts objets du défrichement.
Une centrale PV implantée sur un terrain ayant fait l’objet d’une autorisation de défrichement devrait donc être considérée au même titre qu’une installation sur terrain naturel comme devant remplir les conditions fixées par la loi pour bénéficier de la dérogation à la comptabilisation dans la consommation d’espaces.
2. Considérer les projets photovoltaïques couplés avec un système de production agricole comme remplissant les conditions de la dérogation
Le SER souhaite que les projets agrivoltaïques soient considérés d’office comme remplissant les conditions d’obtention de la dérogation. Les installations photovoltaïques couplées avec un système de production agricole, sont, par essence, compatibles avec l’exercice d’une activité agricole et n’affectent pas les fonctions écologiques, ni le potentiel agronomique du sol.
Dès lors qu’elles sont autorisées, elles remplissent nécessairement les conditions fixées par la loi pour bénéficier de la dérogation.
A l’heure où le sujet de notre souveraineté alimentaire devient chaque jour plus essentiel, ce projet de décret ne protège pas de manière suffisante la production agricole vis-à-vis des installations photovoltaïques.
S’il est effectivement précisé que, pour ne pas être comptabilisée comme une consommation de terres agricoles, l’installation ne doit pas être incompatible avec l’exercice d’une activité agricole, la rédaction reste floue et parle d’une « activité agricole, pastorale ou forestière significative ». Ce terme « significative » manque de précision, et risque de laisser place à des interprétations divergentes pouvant rendre cette disposition totalement inopérante.
Nous souhaitons qu’il soit clairement écrit que l’activité agricole doit être maintenue à un niveau équivalent à celui sans installation photovoltaïque, et durant toute la période d’implantation de ces panneaux.
Nous refusons par ailleurs toute installation de panneaux photovoltaïques au sol, qui ne rentrerait pas dans une définition claire de l’agrivoltaïsme : une synergie démontrable entre une production agricole principale et une production photovoltaïque secondaire. La vocation agricole de la parcelle concernée est ainsi réaffirmée avec force, comme elle l’est dans la définition de l’agrivoltaïsme portée par l’ADEME.
Seuls les projets pouvant être qualifiés d’agrivoltaïques peuvent ne pas être comptabilisés comme une consommation de terres agricoles.
Nous nous interrogeons alors sur la pertinence de proposer une consultation sur un tel décret avant que ne soit publié un texte définissant l’agrivoltaïsme, et souhaitons conditionner la non-comptabilisation comme consommation d’espace agricole au respect d’un texte juridique futur organisant une véritable filière agrivoltaïque.
L’ADEM (Association pour la Défense de l’Environnement à Montagny 69) émet un avis DEFAVORABLE sur le projet de décret car la lutte contre le dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité sont deux priorités majeures qui doivent être traitées sans concurrence : toutes les deux sont, à l’heure actuelle, indispensables à notre survie.
Or la réalisation de centrales photovoltaïques au sol est nuisible pour la richesse de la biodiversité existante sur les espaces concernés, à bien des égards :
- Les défrichages nécessaires suppriment des zones de refuge et de transit pour la faune tout en réduisant les possibilités d’absorption de carbone
- Les espaces situés à l’ombre des panneaux ne bénéficient plus de la photosynthèse et la végétation subsistante est très appauvrie et ne pourvoit plus à la nourriture de nombreuses espèces animales
- Les écoulements des précipitations sont largement modifiés et les ruissellements résultants sont très nuisibles à la tenue des sols voire à la concentration des débits dans les rivières.
- Des corridors écologiques peuvent être barrés par de telles installations et donc leur fonction serait détruite.
- Des espèces faunistiques (et de leurs habitats) et floristiques sont détruites
- …
Après réalisation de centrales photovoltaïques au sol, les milieux concernés subissent à l’évidence une artificialisation des surfaces NAF.
Le Président de la République, Emmanuel MACRON, à l’occasion du lancement de l’Office français de la biodiversité le 13 février 2020 à Chamonix, a tenu ces propos :
« Ce combat pour la biodiversité c’est d’abord un combat pour notre propre survie car pour notre alimentation, notre capacité à vivre, notre capacité à nous habiller, à nous réchauffer, à continuer à évoluer dans les écosystèmes qui sont habités et qui sont les nôtres nous avons besoin de cette biodiversité. »
« Je crois très profondément que le combat pour la biodiversité est central et il est indissociable de la lutte contre le réchauffement et le dérèglement climatique car tout se tient et les implications d’un échec d’un côté sont immédiats de l’autre côté. »
La ministre de la transition écologique a ensuite formulé ces propos :
« Notre pays abrite un patrimoine vivant d’une richesse inouïe. C’est une chance, et le protéger est un devoir. Un devoir d’agir pour cette nature dont nous faisons pleinement partie, qui nous rend tant de services et sans laquelle nous n’avons simplement pas d’avenir »
Ainsi, compte tenu de leurs impacts nuisibles sur la préservation de la biodiversité et ses enjeux, il est tout à fait inadmissible et inconcevable d’imaginer que les centrales photovoltaïques au sol puissent bénéficier d’un principe dérogatoire au calcul de la consommation d’espace NAF.
Et plus choquant encore, lorsque l’espace envisagé pour la réalisation d’une centrale photovoltaïque au sol est inclus dans une ZNIEFF, ce qui est déjà hautement inacceptable, le décret devrait catégoriquement exclure le principe d’une dérogation au calcul de la consommation d’espace NAF.
Le projet de décret vise à ne pas comptabiliser la consommation foncière de centrales photovoltaïques au sol (CPS) installées sur des espaces naturels et agricoles ; et de la comptabiliser dans le cas des espaces forestiers.
Pour des territoires peu dotés en terres agricoles et richement dotés en espaces forestiers, des difficultés se posent :
> Les terres agricoles, déjà rares, vont être soumises à une pression plus forte encore pour l’installation de CPS de la part des porteurs de projets. Or il s’agirait au contraire de préserver l’agriculture locale, durable et de qualité.
> Ces territoires forestiers seront contraints soit à ne pas développer la production photovoltaïque (sous peine de trop limiter leurs marges de manoeuvre en consommation foncière), soit à sacrifier des terres agricoles. Ils sont pris en étau entre nécessité de développement des ENR et nécessité de limiter leur consommation foncière.
Proposition : Créer une dérogation pour les territoires les mieux dotés en surfaces forestières (+ de 50% de leur superficie en espaces forestiers, par exemple). Ils leur reviendrait d’identifier des espaces forestiers à plus faibles enjeux de biodiversité ou de peuplement forestier, pour l’installation de CPS non comptabilisées en tant que consommation foncière ?
S’en référer à de seules caractéristiques techniques relatifs au matériel photovoltaïque pour garantir, au terme de l’article 1 du présent projet de décret, "le maintien, sur les espaces à vocation agricole, d’une activité agricole ou pastorale significative, sur le terrain sur lequel elles sont implantées, en tenant compte de l’impact du projet sur les activités qui y sont effectivement exercées ou, en l’absence d’activité agricole ou pastorale effective, qui auraient vocation à s’y développer […]", est totalement insuffisant.
S’appuyer sur ces seules caractéristiques techniques de matériel, tel que précisé dans le projet d’arrêté connexe (Projet d’arrêté définissant les caractéristiques techniques des installations de production d’énergie photovoltaïque exemptées de prise en compte dans le calcul de la consommation d’espace naturels, agricoles et forestiers - Consultation mise en ligne le 4 mai 2022 - Consultation du 4 mai 2022 au 25 mai 2022)
ne permettra pas de garantir le maintien d’une activité agricole telle que décrite au terme du projet de décret ici présenté.
Nous plaidons pour ajouter dans ce projet de décret d’application le principe que la dérogation visée par l’objet de ce décret d’application soit attribuée par le Préfet en département, après avis respectifs de la CDPENAF, et de la Chambre d’Agriculture.
L’attribution systématisée de ladite dérogation, au prisme des seuls caractéristiques matérielles projetées, n’est pas souhaitable et entrainera un développement anarchique de l’accueil de ces projets, sans lien avec l’effort de planification territoriale associé pourtant nécessaire pour préserver les enjeux locaux et territoriaux de long terme, notamment agricoles, et concevoir le développement des ENR en tant que réels projets de territoires.
Aujourd’hui les projets d’aménagement sont strictement encadrés par le titre V "Se loger" de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 avec un objectif de division par 2 du rythme d’artificialisation pour les 10 prochaines années et zéro artificialisation nette en 2050.
Dans le même temps, le contexte français (parc nucléaire vieillissant entraînant une baisse de disponibilité de l’électricité nucléaire) et international (réduction de la part des énergies fossiles notamment en provenance de Russie) nous oblige à déployer massivement et rapidement l’énergie solaire photovoltaïque.
Ce projet de Décret permet de ne pas créer de conflit entre le développement de l’énergie solaire et les autres projets d’aménagements des collectivités. Il est nécessaire de distinguer l’artificialisation au sens de la construction d’une zone commerciale, d’un parking ou d’une autoroute de celle d’une centrale solaire qui est réversible (pieux battus au sol qui seront enlevés au terme de l’exploitation, structures démontables). De plus le Décret stipule que le projet devra respecter 2 conditions :
- "Les modalités de cette installation permettent qu’elle n’affecte pas durablement les fonctions écologiques du sol, ainsi que son potentiel agronomique ;
- L’installation n’est pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée, si la vocation de celui-ci est agricole".
Ces conditions permettent de préserver la biodiversité et le potentiel agronomique des terrains, ainsi que leur nature agricole via une co-activité (production d’énergie et production agricole).
Je donne donc un avis favorable à ce Décret qui est positif pour le développement de l’énergie solaire en France dans les 10 prochaines années.
D. MITAUT
Pourquoi artificialiser des terres agricoles ou naturelles, alors qu’il ne manque vraiment pas de zones artificielles faciles d’accès et proches des lieux de consommations : toits et parkings de grandes surfaces, parking relais, toits d’usines et de hangars de stockages, toits d’immeubles de logements collectifs, friches industrielles, …
Toutes ces zones existent, en étant proches des lieux de consommations, moins de pertes en lignes, moins d’infrastructures de transport à réaliser, Etc. De plus, le photovoltaïque installé sur les parkings permet d’avoir de l’ombre et réduit les besoins en climatisation des véhicules.
Enfin, afin de garantir notre autonomie alimentaire, il est essentiel de préserver les terres agricoles.
Et artificialiser des zones naturelles pour lutter contre le réchauffement climatique est un non sens absolu. La question ne devrait même pas se poser.