Projet de RMOA (analyse des options de gestion réglementaire) de l’Anses sur le lithium et ses sels
Consultation du 07/10/2024 au 05/12/2024 - 9 contributions
Objet de la consultation
Le lithium et ses sels (carbonate de lithium, chlorure de lithium et hydroxyde de lithium) et sont largement utilisés dans le secteur des batteries, ainsi que dans le domaine du verre et de la céramique et dans une moindre mesure dans le domaine des graisses lubrifiantes, de la métallurgie, des polymères, du traitement de l’air et des produits pharmaceutiques.
Aujourd’hui, entre 1 000 et 10 000 tonnes de lithium sont mises sur le marché européen annuellement. Le lithium dispose d’une classification harmonisée en tant que corrosif cutané au titre du règlement CLP.
Les trois sels de lithium étudiés sont quant à eux enregistrés pour un tonnage entre 10 000 et 100 000 tonnes par an pour le carbonate et l’hydroxyde et entre 1 000 et 10 000 tonnes par an pour le chlorure. Aucun des trois sels ne dispose actuellement d’une classification harmonisée CLP bien que les entreprises aient déclaré dans les dossiers d’enregistrement que ces substances présentent plusieurs dangers pour la santé et l’environnement.
Récemment, des travaux conduits par l’Anses ont permis d’aboutir à un projet de classification de ces sels pour leurs propriétés reprotoxiques avérées. Le comité d’évaluation des risques de l’Agence européenne des produits chimiques a confirmé ces conclusions. Cette nouvelle classification devrait être entérinée réglementairement par la Commission européenne dans les prochains mois.
L’Anses a conduit des travaux complémentaires dans le but de clarifier des dangers additionnels potentiels du lithium et ses sels, en particulier la perturbation endocrinienne, ainsi que les risques éventuels liés à un usage croissant de ces substances. L’Anses a élaboré ce projet de RMOA pour présenter les résultats de ces travaux et proposer les éventuelles mesures de gestion réglementaire appropriées.
Le projet de RMOA conclut à ce stade que le lithium remplit les critères pour une classification en tant que perturbateur endocrinien au titre du règlement CLP compte-tenu de ses effets sur le système thyroïdien. L’Anses indique également qu’une classification pour la toxicité aquatique chronique pourrait être envisagée. Compte tenu de ses propriétés de danger, une identification en tant que substance extrêmement préoccupante au titre du règlement REACH pourrait être étudiée.
L’Anses recommande dans un premier temps que les fabricants et importateurs de ces substances mettent à jour en conséquence leur évaluation de la sécurité chimique afin de démontrer que les risques sont contrôlés pour tous les usages du lithium. Dans le cas où les évaluations de risques révéleraient un risque inacceptable, des mesures de gestion de risques pourraient être proposées, le cas échéant des interdictions dans le cadre du règlement REACH ou du règlement batteries.
L’établissement d’une valeur limite d’exposition professionnelle est également évoquée pour permettre une meilleure protection des travailleurs.
Outre la mise à jour des évaluations de la sécurité chimique par les déclarants, l’Anses émet également plusieurs recommandations dans son projet de RMOA pour améliorer les connaissances et la gestion des risques liés au lithium : générer davantage de données de surveillance, établir des valeurs de référence toxicologiques pour l’alimentation et l’eau potable, évaluer les risques pour les travailleurs, la population et l’environnement liés à l’activité d’extraction du lithium, améliorer les stations de traitement des eaux usées pour limiter les rejets de lithium dans l’environnement ou encore prévoir des zones de rétention d’eau à proximité des zones de stockage de batteries au lithium en cas de feu ou d’explosion.
Cette consultation publique doit permettre de recueillir tous les commentaires et informations pertinentes de la part des autorités et des parties prenantes qui permettraient de compléter et d’ajuster la présente analyse proposée par l’Anses.
Cadre de la consultation
L’encadrement européen des produits chimiques s’appuie notamment sur le règlement REACH, qui constitue l’outil principal au niveau européen pour l’acquisition de connaissances sur les dangers des substances chimiques et la mise en place de mesures pour protéger la santé humaine et l’environnement contre les risques liés à ces substances.
REACH repose en premier lieu sur un principe d’enregistrement des substances : les entreprises qui importent ou produisent des substances en Europe doivent communiquer les informations sur les dangers et risques que ces substances peuvent présenter (principe « pas de données, pas de marché »).
Le règlement REACH permet par ailleurs qu’un État membre qui identifie des préoccupations liées à une substance puisse lancer une procédure européenne pour maîtriser les risques associés. Ces mesures peuvent aller jusqu’à une « restriction » de mise sur le marché, c’est-à-dire concrètement la limitation ou l’interdiction de la fabrication, de la mise sur le marché ou de l’utilisation de la substance.
Le règlement CLP, qui concerne la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances et mélanges, quant à lui, permet qu’un État membre puisse lancer une procédure pour identifier les dangers d’une substance au niveau européen.
Avant de lancer de telles procédures, les États membres peuvent proposer une analyse des options de gestion réglementaire (dite « Risk Management Options Assessment » en anglais, ou encore l’acronyme « RMOA ») afin d’identifier les mesures de gestion les plus appropriées en fonction des connaissances sur les dangers et risques que présente la substance.
Les mesures de gestion de risque étudiées et proposées dans cette analyse peuvent s’appuyer sur d’autres textes européens, comme par exemple la directive sur les émissions industrielles pour limiter l’émission de substances dangereuses par les sites industriels ou la directive cadre sur l’eau pour limiter les teneurs en substances dangereuses dans les masses d’eau. Les réglementations relatives à la protection des travailleurs sont également étudiées dès lors que des risques dans le milieu professionnel sont identifiés.
En France, c’est l’Anses (agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui a la compétence pour mener ces RMOA.
La consultation publique sur ces projets de RMOA a pour objectifs de partager l’analyse effectuée par l’Anses sur la base des informations à sa disposition, de collecter les informations manquantes pour affiner et finaliser celle-ci, et enfin de recueillir l’avis des parties prenantes sur les mesures envisagées.
A l’issue de cette consultation du public, l’Anses finalise son RMOA et, sur la base de ces travaux, le Gouvernement rédige un document de conclusions avec, le cas échéant, une proposition de porter au niveau européen des mesures de gestion.