Projet de décret relatif à l’évaluation environnementale des projets photovoltaïques
Consultation du 03/11/2021 au 25/11/2021 - 28 contributions
Dans sa rubrique 30, la nomenclature des études d’impact annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement prévoit que les installations photovoltaïques (PV) au sol d’une puissance égale ou supérieure à 250 kilowatts crête (kWc) sont soumises à évaluation environnementale systématique tandis que les installations PV sur serres et ombrières d’une puissance égale ou supérieure à 250 kWc sont soumises à un examen au cas par cas, qui conclut à la soumission ou non à une évaluation environnementale.
Les ombrières photovoltaïques sont des structures destinées à fournir de l’ombre, utilisées pour couvrir partiellement ou totalement une terrasse, elles servent également à abriter les parkings publics et d’entreprise (Évaluation environnementale - Guide de lecture de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement – MTE/CGDD 2019)
Les installations photovoltaïques en toiture ne sont pas visées par cette rubrique spécifique en raison de leur faible impact environnemental supplémentaire par rapport aux constructions sur lesquelles elles s’installent. Elles doivent toutefois être prises en compte dans l’analyse des impacts de ces constructions.
L’amélioration de l’efficacité des panneaux photovoltaïques a permis une augmentation de rendement de l’ordre de 30% depuis l’instauration des seuils de la nomenclature. La réduction de l’emprise au sol des installations pour obtenir un niveau équivalent de puissance électrique permet d’envisager le rehaussement des seuils au-delà desquels une évaluation environnementale doit être menée.
Le retour d’expérience sur les évaluations environnementales des projets d’installations photovoltaïques montre que les projets présentant les plus forts enjeux environnementaux sont ceux mis en œuvre dans les espaces naturels, agricoles et forestiers. Ainsi, puisque l’évaluation environnementale se décline dans une démarche de projet, il peut être proposé de basculer les installations sur les constructions existantes dans d’autres rubriques de la nomenclature (rubriques liées aux aménagements urbains et aux parkings).
Principales modifications opérées par le projet de décret :
1. la modification de la rubrique 30 concernant les installations photovoltaïques avec l’instauration de deux seuils sans distinguer les technologies de support ;
2. l’exclusion explicite de la rubrique pour les installations photovoltaïques sur constructions existantes ou sur ombrières de parking.
Commentaires
1 - Augmentation de la puissance de référence :
argument :
« l’amélioration de l’efficacité des panneaux photovoltaïques a permis une augmentation de rendement de l’ordre de 30% depuis l’instauration des seuils de la nomenclature. »
On s’attend donc à une augmentation de l’ordre de 30 % du seuil de puissance des installations soumises à évaluation systématique, pour le porter de 250 à 325 kWc.
Aucune justification n’est apportée à l’augmentation de 140 % de ce seuil porté à 250 kWc à 600 kWc.
De plus, même si les projets de puissance comprise entre 300 et 600 kWc seraient soumis à un examen au cas par cas par le préfet de région (et non par une autorité environnementale), il y a là une régression environnementale, qui conduit à s’interroger sur la légalité du décret envisagé.
Le retour d’expérience sur les évaluations environnementales des projets d’installations photovoltaïques, évoqué mais non produit, devrait permettre de quantifier, dans le cadre de la présente consultation, la part des installations au sol qui ont été soumise à étude d’impact et qui auraient été, avec le décret envisagé, soit soumises à un examen au cas par cas du préfet de région (entre 300 et 600 kWc) soit dispensées de toute obligation (entre 250 et 300 kWc)
2 - Exclusion totale des installations sur constructions existantes et leurs annexes, ainsi que celles sur ombrières situées sur des aires de stationnement :
argument :
« Le retour d’expérience sur les évaluations environnementales des projets d’installations photovoltaïques montre que les projets présentant les plus forts enjeux environnementaux sont ceux mis en œuvre dans les espaces naturels, agricoles et forestiers. » Ce retour d’expérience, qui n’est pas produit, permet peut-être d’appréhender les impact éventuels, notamment paysagers, de ces installations dans les autres espaces (installations sur constructions existantes) ou sur des ombrières sur parking.
« Ainsi, puisque l’évaluation environnementale se décline dans une démarche de projet, il peut être proposé de basculer les installations sur les constructions existantes dans d’autres rubriques de la nomenclature (rubriques liées aux aménagements urbains et aux parkings) »
L’évaluation environnementale porte effectivement sur un projet global, selon qu’il répond à une ou plusieurs rubriques du tableau annexé à l’article R. 122-2. Les projets qui relèvent des rubriques 39 (aménagements urbains) et 41a (parkings) font l’objet d’études d’impact qui traitent déjà des installations photovoltaïques intégrées à ces projets quelle que soit leur puissance (nouveaux entrepôts logistiques par exemple).
Par contre la probabilité que des installations photovoltaïques nouvelles implantées sur les constructions ou parkings existants et qui viennent modifier ces projets, soient appréhendées au titre de ces rubriques paraît nulle car elles appréhendant essentiellement des projets de constructions nouvelles ou leurs extensions significatives.
Cet argument ne paraît guère pertinent pour sortir toutes ces installations de la rubrique 30.
Un examen au cas par cas dans la rubrique 30 pour ces seules installations paraît donc justifié
3 - La rubrique serait alors :
Catégorie de projets - Energie
30. Installations photovoltaïques de production d’électricité
Projets soumis à évaluation environnementale
Installations (hormis celles sur constructions existantes et leurs annexes, ainsi que celles sur ombrières situées sur des aires de stationnement) d’une puissance égale ou supérieure à 325
kWc
Projets soumis à examen au cas par cas
Installations sur constructions existantes et leurs annexes, ainsi que celles sur ombrières situées sur des aires de stationnement, d’une puissance égale ou supérieure à 325 kWc
Le projet de décret dispense d’autorisation environnementale tous les projets photovoltaïques sur les constructions existantes, et donc sur les toits ; d’où une menace sur l’aspect esthétique des centres-villes, encore relativement épargnés. Le projet permet aussi aux projets au sol d’une puissance inférieure à 600 kWc d’échapper à l’évaluation environnementale, alors que leur surface peut atteindre aisément o,8 ha,et que l’artificialisation croissante des sols pose un problème majeur à notre pays.
Ce qu’il faut faire, c’est l’inverse : cantonner strictement le photovoltaïque, pour les raisons suivantes.
1/ Il est intermittent. En France, il ne fonctionne en moyenne qu’à 12 % de sa puissance. Pour assurer le complément,il faut
installer ou rouvrir des centrales à gaz - polluantes et dépendant, de plus en plus, de la bonne volonté russe.
2/ Il est coûteux. Le récent rapport de RTE (octobre 2021) lui attribue (page 473 notamment)des coûts actuels comparables à ceux qu’on prévoit pour le nouveau nucléaire, mais deux éléments importants doivent y être ajoutés : le coût de l’extension du réseau de transport d’électricité, et celui des centrales à gaz nécessaires. Le photovoltaïque n’est donc pas compétitif.
Le problème se pose tout particulièrement pour les installations sur "petites toitures", dont le coût au MWh (même en faisant abstraction des deux éléments de l’alinéa précédent)atteint le double ou le triple de celui des autres formes de photovoltaïque,et du nucléaire nouveau, tel qu’on peut l’estimer.Il importe donc de supprimer au plus vite toute aide ou toute garantie pour les installations nouvelles sur les "petites toitures".
3/ Le photovoltaïque est esthétiquement nuisible (centres-ville, églises anciennes non classées ni inscrites).
4/ Les capteurs photovoltaïques sont importés principalement de Chine. Il est trop tard pour que la France se dote d’un outil de production compétitif.
5/ Le développement du photovoltaïque n’a rien de nécessaire dans notre pays. Le cercle de réflexion Cérémé a présenté le 20 octobre 2021 un scénario montrant qu’on peut couvrir la consommation d’électricité prévisible pour 2050 en faisant principalement appel au nucléaire, et en renonçant à tout développement du photovoltaïque.
Dès lors, celui-ci devrait être strictement limité :
+ aux friches industrielles (ce qui lui ouvre quand même 150 000 hectares)
+ à des toits d’usines ou de grandes surfaces dont la production électrique servirait uniquement à recharger des batteries de voitures, et qui ne seraient pas reliés au réseau, de façon qu’ils ne puissent pas lui prendre du courant aux heures de pointe.
Patrice Cahart, inspecteur général des finances (h), ancien conseiller à la Cour de cassation