Projet d’arrêté relatif à la mise en œuvre d’une expérimentation portant sur le traitement des eaux ménagères par des installations d’assainissement non collectif constituées de filtres à broyat de bois
Consultation du 15/12/2022 au 05/01/2023 - 38 contributions
Contexte
L’arrêté du 7 septembre 2009 fixe les prescriptions techniques applicables aux installations d’assainissement non collectif (ANC) recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5. Cet arrêté ne prévoit pas de solution technique de traitement spécifique des eaux ménagères (EM). En application de cet arrêté, en cas de traitement séparé des eaux vannes et des eaux ménagères (en présence de toilettes sèches par exemple), les eaux ménagères doivent être traitées selon les mêmes modalités que les eaux usées domestiques, en utilisant soit des dispositifs de traitement agréés soit des filières traditionnelles de traitement par le sol en place.
L’association Réseau de l’assainissement écologique (RAE) a déposé une demande de dérogation à l’arrêté du 7 septembre 2009 modifié, dans le cadre du dispositif « France Expérimentation », en proposant un traitement séparé des EM par des filtres à broyat de bois afin de pouvoir le mettre en œuvre sur le territoire national et de tester son efficacité de traitement. Le cabinet du Premier ministre, en charge du pilotage du dispositif France Expérimentation, a donné un avis favorable à ce projet suite à la RIM du 6 mars 2020.
La Direction de l’Eau et la Biodiversité (DEB) du ministère de la transition écologique et la Direction Générale de la Santé (DGS) du ministère de la santé et de la prévention ont rédigé un projet d’arrêté afin d’encadrer la mise en œuvre de cette expérimentation.
Le projet de texte a été soumis pour avis à l’ANSES qui a émis un avis favorable le 6 août 2021. Le projet a également été soumis pour avis à la mission interministérielle sur l’eau le 27 octobre 2022 qui a rendu un avis favorable.
Projet d’arrêté
Le projet d’arrêté permet d’expérimenter pour une durée de cinq années, par dérogation à l’arrêté du 7 septembre 2009 modifié, le traitement des eaux ménagères par des installations d’assainissement non collectif constituées de filtres à broyat de bois dans le cadre prévu par le dispositif France Expérimentation. Il permettra de juger de l’efficacité du traitement proposé par le RAE.
Il définit, plus précisément, le champ de l’expérimentation (installations visées, procédure de contrôle du fonctionnement de ces installations), les prescriptions techniques des filtres à broyat de bois (nombre de filtres en fonction de la charge à traiter et leur dimensionnement et la maintenance associée), les conditions de mise en œuvre de ces filtres ainsi que les modalités d’instruction de la demande d’expérimentation (sélection des projets) et de suivi de l’expérimentation avec notamment la mise en place d’un comité de suivi piloté par la direction de l’eau et de la biodiversité auquel participeront des représentants des ministères de la santé, de la cohésion des territoires et des experts techniques.
Le service public d’assainissement non collectif (SPANC) intervient classiquement selon les missions de contrôle qui lui sont attribuées par l’arrêté du 27 avril 2012 relatif aux modalités de l’exécution de la mission de contrôle des installations d’assainissement non collectif.
Commentaires
1) Tel que le mentionne l’ANSES, l’expérimentation in situ est indispensable pour évaluer en conditions réelles le fonctionnement du traitement par filtre à BB et pour estimer l’absence de transfert de contaminants microbiologiques et chimiques dans le sol et dans l’eau du sol (§3.5.4 page 10/27) et l’expérimentation doit de faire dans des sols ayant une perméabilité comprise entre 10 et 500 mm/h (§3.4.1 page 6/27). Considérant que l’objectif du suivi in situ est d’estimer l’absence de transfert de contaminants dans le sol ou l’eau du sol récepteur sous les tranchées en BB et que cette possibilité de transfert est intimement liée à la perméabilité du sol récepteur, il nous semble important que l’Arrêté indique un nombre minimal de sites à expérimenter en fonction des grandes catégories de sols (ex : 200 à 500 mm/h, 50 à 200 mm/h, 30 à 50 mm/h et 10 à 30 mm/h). Le minimum de sites par catégorie de sol pourrait être fixé à 5 par exemple pour s’assurer d’un minimum de représentativité. Considérant les enjeux sanitaires liés au transfert de contaminants dans le sol ou l’eau du sol, le texte du projet d’arrêté (article 3) est trop général sur ce point.
2) Conformément à l’avis de l’ANSES l’article 8 du projet d’arrêté devrait indiquer la périodicité du suivi opérationnel, à savoir un suivi trimestriel des paramètres listés à l’Annexe 2.
3) Conformément à l’avis de l’ANSES l’article 3 du projet d’arrêté devrait préciser au point II que le dossier de demande comporte également une étude de sol exhaustive (avis ANSES page 5/27).
4) Tel que mentionné à l’article 6 du projet d’arrêté, en cas de colmatage le maître d’ouvrage (usager) pourra épandre ou composter sur la parcelle le BB ancien (usé). Est-ce que l’expérimentation permettra d’évaluer cette approche et de définir l’encadrement requis pour assurer la sécurité sanitaire de ces opérations ? Le projet d’arrêté n’indique rien à ce sujet. L’avis de l’ANSES page 8/27 mentionne que « l’expérimentation doit permettre de déterminer la destination des BB utilisés (dégradation sur place ou nécessité d’une filière de recyclage et type de filière le cas échéant e.g. compostage, déchèterie, filière de transformation). »
5) Pourquoi le projet d’arrêté n’inclut pas les recommandations de l’ANSES quant à la protection à assurer autour des filtres à BB ? L’ensemble du dispositif doit en effet être équipé d’une clôture permanente d’une hauteur 80 cm minimum afin de limiter l’accès aux filtres à BB. Cette clôture doit être constituée d’un grillage présentant une taille de maille maximale de 5 cm x 5 cm et tendue par des poteaux fondés au sol, disposés tout autour du dispositif. Cette clôture éviterait les risques de contact des EM avec la population (enfants notamment) et les animaux. (§3.4.1 page 6/27). Le retour d’expérience avec les filtres plantés de roseaux indique qu’il est important de préciser les mesures de protection afin d’éviter les dérives (ex : 4 poteaux et une simple corde)
6) Le dimensionnement à 1 m²/EH avec un minimum de 2 m² semble indiquer un dimensionnement selon le nombre d’usagers dans l’habitation individuelle, est-ce le cas ? L’arrêté devrait définir le dimensionnement selon la capacité d’accueil de l’habitation, comme c’est le cas pour tous les systèmes d’ANC, car le nombre d’occupants peut varier dans le temps pour différentes raisons (famille qui s’agrandit, vente de l’habitation, etc.). Pour les besoins de l’expérimentation, un nombre réduit de filtres sur un site donné pourrait être utilisé afin de valider le critère de 1 m²/EH réellement connecté.
7) Est-ce que le comité de sélection et de suivi va tenir compte du fait que les maîtres d’ouvrage / usagers impliqués dans cette expérimentation seront particulièrement motivés à réaliser l’entretien régulier et la maintenance du filtre à BB (alternance hebdomadaire) ? Comme observé en ANC, en l’absence de réglementation sur les contrats d’entretien, on peut effectivement s’attendre à ce qu’à l’issu de la période d’expérimentation, une partie des futurs usagers de filtres à BB négligent de suivre les préconisations d’entretien et de maintenance.
8) Comment les caractéristiques des BB évalués dans les 30 installations expérimentales (essence de bois, granulométrie, traitements éventuels du bois, etc.) seront prises en compte pour définir les types et spécifications de milieux filtrants validés pour de potentielles futures installations de filtre à BB ?
9) L’avis de l’ANSES demande que dans tous les cas aucun mélange avec des eaux-vannes ou des lixiviats ne soit possible (§3.4.1 page 6/27). Or le projet d’arrêté va à l’encontre de cette recommandation et précise dans son Article 2 et dans son Article 5 que les lixiviats peuvent également être traitées par les installations constituées de filtres à BB.
10) Il semble important que les deux organismes notifiés français (CERIB et CSTB) rejoignent le comité de sélection et de suivi de l’expérimentation. En effet ils ont tous deux mis au point des protocoles de suivi in situ pour les installations d’ANC dans le cadre de certification qualité (Marque NF ANC et DTA respectivement) et pourraient faire bénéficier le comité de leur expérience. L’avis de l’ANSES mentionne cela (§ 3.5.3 page 10/27).
11) Lors de la conclusion de la phase d’expérimentation, l’ANSES devrait être consulté à nouveau sur l’analyse du bilan du suivi in situ.
Bonjour à tous,
Cet arrêté est un premier pas pour la gestion des EM, qui manque cruellement de techniques épuratoires réglementaires. Cependant je trouve la description de l’expérimentation légère, comme certains commentaires l’ont déjà écrit. Voici quelques remarques :
1° Si on expérimente, autant avoir un maximum de données pour mieux comprendre les dysfonctionnements ou les fonctionnements :
a) Au stade projet :
- Quelle sera la connaissance de l’environnement de ce FBB (pente, nature du sol, présence de nappe perchée …) ? Il n’est rien dit sur une potentielle étude de sol à fournir. Pourtant cet élément est important pour expliquer pourquoi un FBB marcherait et d’autres non.
- Le dimensionnement par EH : nombre d’EH réel ou bien équivalent au nombre de pièces principales ? Si le dimensionnement est limité au nombre de pièce principales et qu’il il y a moins d’habitants, le FBB fonctionnera peut-être mieux.
- FBB possible même si perméabilité inférieure à 15 mm/h : donc même si 0 mm/h, on peut poser un FBB mais il faut infiltrer les eaux traitées ? On fait comment : des tranchées d’infiltration derrière ?
- Bref, le dossier à transmettre au comité de sélection à l’air très succinct et ne permettra pas de dégager les bonnes pratiques.
b) au stade travaux :
- Broyat : quelle granulométrie ?
- Profondeur : 40 cm maximum mais y’a-t-il un minimum ? 1 cm de broyat suffit ?
- Et par rapport à une nappe d’eau ?
c) en fonctionnement :
- Pas de recharge de broyat alors qu’il y a tassement ou dégradation ? C’est pas grave pour le suivi de l’installation ?
- Le suivi sera annuel ? Bisannuel ? C’est flou.
- Il serait intéressant de connaître aussi les habitudes des usagers pour corréler avec les résultats des analyses des FBB. Par exemple, X personnes supplémentaires pendant 2 semaines, cuisine plutôt grasse, utilisation de produits désinfectants …
2° Comment les SPANC vont gérer ces dossiers ?
a) Au stade conception et travaux : il faudra stipuler les points de vérification (cf. remarques ci-avant). Les SPANC ne sont pas spécialistes de ces filières, alors un peu d’aide ne serait pas de refus.
b) Le SPANC devrait également être destinataire du cahier de vie de l’installation pour au moins être au courant du fonctionnement de cet ANC spécial.
c) En cas de vente, 3 ans après les travaux, on marque quoi si le fonctionnement visuel à l’air correct mais que une (ou plusieurs ?) analyse du système est mauvaise ? Non conforme ? Une clarification serait la bienvenue.
d) L’obligation du maître d’ouvrage de réaliser des travaux si l’ANC dysfonctionne ou l’expérimentation est un échec. C’est logique. Cependant s’il n’y a aucun rejet superficiel, il n’y aura pas de délai pour réaliser ces travaux (hors vente). Donc ils se feront sur le bon vouloir des propriétaires et sans beaucoup de contraintes. C’est laisser à gérer au SPANC une situation qu’il n’a pas souhaité. Bref, espérons que les FBB fonctionnent.
Cordialement.
- article 5 : qu’entend-on par distance suffisante des habitations ?
- conception du projet : les bureaux d’études sont-ils formés pour ce genre de projet ou un organisme spécifique aura-t-il en charge la réalisation d’une étude de filière, préalable à la mise en place de FBB ?
- réalisation des FBB : des entreprises spécialisées seront-elles sélectionnées pour la mise en place des filtres ?
- manque de précision sur la composition et la mise en place d’un FBB (pas de plan, ni de descriptif détaillé). Je rejoins également de nombreux avis sur le manque de représentativité (30 installations, cela ne fait pas beaucoup).
Cela fait plus de 20 ans que je travaille dans le domaine de l’assainissement non collectif, en bureau d’études et dans des SPANC.
Tout d’abord, bravo au RAE pour son engagement de longue date et sa ténacité pour que l’on puisse enfin avoir des solutions techniques pertinentes pour le traitement des eaux ménagères. Il y a clairement un manque en France sur ce sujet. Je ne reviendrais pas sur le bon sens de cette solution technique, certains commentateurs l’ont déjà fait et continueront à le faire, je l’espère. J’émettrais cependant juste une petite réserve sur le dimensionnement de 1 m² / EH quelque soient les caractéristiques du sol qui semble à l’évidence, et par expérience, imprudent.
Cet arrêté dérogatoire est attendu depuis longtemps et par beaucoup de particuliers. Alors 30 projets semblent vraiment une goutte d’eau dans un océan de besoin. Rien que sur ma collectivité, je recense une dizaine de demandes sérieuses, et je sais qu’il en est de même pour les collectivités voisines avec lesquelles j’échange régulièrement. C’est clairement insuffisant !
En outre, d’un point de vue statistique, au bout de 5 ans, l’échantillon risque de devenir insuffisant pour en tirer des enseignements profitables. De ce point de vue, on pourrait se servir de l’expérience du suivi in situ du GNP il y a quelques années…
- Comment a été défini le nombre de 30 installations à suivre ? est-ce suffisant pour représenter la multiplicité des différentes situations et notamment les variations des modes de vie des familles et des types de sol
- Y a-t-il une limite inférieure en terme de perméabilité du sol pour assurer un bon traitement et ensuite une infiltration des eaux traitées y compris sous-jacente ?
- Il revient aux SPANC de réaliser des contrôles de conception, de réalisation et de bon fonctionnement sur une filière qui leur est inconnue. Y aura-t-il une liste spécifique de points de contrôle ?
- Le bureau d’étude engage t il sa décennale sur une telle filière ? de même pour le terrassier ?
- Une fois que l’expérimentation de 5 ans est achevée, le comité de suivi et d’expérimentation établit un bilan. Si ce bilan est positif comment se passent les suites d’un point de vue juridique ? comment doit être considérée l’installation en place admise de manière dérogatoire le temps de ce bilan qui peut durer 6 mois ?
- Annexe 1 : je trouve que la forme du chapitre 2. entretien et en particulier « observations visuelles » n’est pas pratique => il vaudrait mieux un tableau où mettre les différentes dates et les commentaires associés. Pour la partie liste des opérations des colonnes pourraient être ajoutées à droite du tableau pour aussi indiquer les dates de réalisation des opérations
- Annexe 1 : chapitre 1. Réalisation/conception : j’aurais interverti les 2 mots. Il manque l’aspect dimensionnement et profil en long. Un plan de récolement pourrait être pertinent.
Certains aspects m’interroge dans l’arrêté :
- Le rejet après le FBB devra se faire obligatoirement en infiltration dans le sol ou un rejet en milieu superficiel serait possible notamment dans le cas d’une perméabilité inférieure à 10mm/h (filière drainée ?).
- Il est demandé une distance suffisante pour éviter les nuisances, si la personne n’a pas beaucoup de surface alors elle ne pourra pas mettre un FBB.
- Les dispositifs demandés (un grillage à minima) paraissent assez faible pour éviter le contact avec les eaux usées envoyées dans le FBB.
Serait-il possible parmi les 30 projets qui seront sélectionnés, que certains soient dans ces situations (présence de nappe, sol argileux, surface faible…) ?