Projet d’arrêté fixant la liste des invertébrés de la faune marine protégés sur l’ensemble du territoire national, et les modalités de leur protection
Consultation du 15/02/2023 au 08/03/2023 - 10 contributions
Enjeux
Certaines espèces et plus généralement certains écosystèmes marins sont dans un état de conservation défavorable. Ils sont protégés au titre de dispositions internationales et communautaires, mais ces dernières ne sont pas toujours transposées en droit national. Aussi, dans le cadre de la Directive cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM), la France s’est fixé l’objectif de mettre à jour la liste d’espèces et d’habitats marins couverts par l’article L. 411 du code de l’environnement.
C’est dans ce contexte que le Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a travaillé à la rédaction d’un nouvel arrêté national fixant la liste des invertébrés de la faune marine protégés sur l’ensemble du territoire national et les modalités de leur protection. Cet arrêté abrogera l’arrêté du 20 décembre 2004 fixant la liste des animaux de la faune marine protégés sur l’ensemble du territoire.
Distinction des listes d’espèces entre la métropole et les Outre-Mer
La révision de l’arrêté de 2004 ayant été engagée dans le cadre des travaux de la DCSMM, l’exercice de mise à jour des listes espèces s’est donc concentré pour l’instant sur les espèces présentes dans le territoire métropolitain uniquement. Un travail complémentaire et similaire à celui de la métropole sera ensuite mené pour les Outre-mer. Une fois réalisé, un arrêté modificatif sera pris pour mettre à jour les listes d’espèces protégées dans les outre-mer.
Aussi, pour ne pas retarder la protection des espèces situées en métropole, le choix a été fait d’insérer les interdictions dans le corps de l’arrêté et d’annexer la liste des espèces à protéger dans un tableau permettant d’indiquer pour chacune des espèces, la zone géographique de protection considérée. A défaut pour le moment, seules les espèces protégées au titre de l’arrêté du 20 décembre 2004 fixant la liste des animaux de la faune marine protégés sur l’ensemble du territoire font l’objet d’une protection sur l’ensemble du territoire national.
Travaux engagés en matière d’ajout de nouvelles espèces
Dans le cadre des travaux de révision de l’arrêté et à la demande du Ministère de la transition écologique, le Muséum National d’Histoire naturelle (MNHN) a travaillé sur la mise à jour de la liste des espèces à protéger à partir d’une extraction de la base de données « TAXREF » de l’Institut national de protection de la nature qui croise :
- Les espèces présentes dans la zone géographique considérée, c’est-à-dire relevant de taxon indigène ou taxon dont on ne sait pas s’il appartient à l’une des autres catégories (disparu ou introduit)
- L’inscription de ces espèces au titre de différents engagements internationaux et communautaires :
o Convention de Berne - Annexe II (faune)
o Convention de Barcelone - Annexe II
o DHFF - Annexe IV
o Convention d’OSPAR - Annexe V
o Convention de Bonn - Annexe I
La liste rouge nationale des espèces menacées établie selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a constitué un élément permettant d’abonder la réflexion afin d’établir la liste des espèces à protéger dans l’arrêté .
Le travail d’analyse mené par le MNHN en vue de la mise à jour de la liste des espèces a également pris en compte les contributions des Conseils scientifiques régionaux du patrimoine naturel (CSRPN), consultés dans le cadre de l’élaboration de cette liste, de même que celles de l’Office français de la biodiversité (OFB).
Certaines espèces protégées au titre des dispositions internationales ou proposées par les CSRPN et l’OFB ne figurent pas dans l’arrêté de protection ici proposé, ou font l’objet de dérogations particulières. Ces choix ont été faits suite aux consultations de différentes instances par le Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et par le secrétariat d’Etat à la mer, co-signataire de l’arrêté. Le présent arrêté permet la protection de 49 espèces d’invertébrés de la faune marine protégés contre 6 espèces auparavant.
Le Conseil national de Protection de la Nature (CNPN), le Comité national des Pêches Maritimes et des Elevages marins (CNPMEM) et le Comité National de la Conchyliculture (CNC) ont été consultés sur ce projet d’arrêté.
En vertu de l’article L123-19-1 du code de l’environnement, cet arrêté fait l’objet d’une consultation publique pour trois semaines.
Commentaires
Une première chose est le nombre d’erreurs dans le tableau proposé, concernant la localisation des espèces. Je doute que le travail ait été fait en collaboration avec les spécialistes des groupes concernés. Ce tableau est donc à reprendre attentivement.
La deuxième chose concerne le choix de certaines espèces. Quelques exemples :
Hornera mediterranea est indiquée (au passage espèce décrite en 2020 par J.G. Harmelin dont la distribution est uniquement méditerranéenne….) pourquoi pas H. frondiculata, grande espèce remarquable ?
Pourquoi le choix de deux gorgones Eunicella cavolini et E. singularis et pas E. verrucosa, Paramuricea clavata, et autres espèces littorales ? Les contraintes de gestion des fonds rocheux et concrétionnés vont être redoutables….et les mesures de protection inapplicables.
Pourquoi Dendropoma cristatum ? certes ces vermets peuvent localement former des structures remarquables (et à protéger) mais l’espèce est très communément répartie. Pourquoi et comment la protéger (protégeons l’ensemble du littoral rocheux, çà ira plus vite).
Deux espèces bathyales, Callogorgia verticillata et Isidella elongata sont considérées, même si les faciès qu’elles forment sont remarquables pourquoi n’avoir pas pris en compte les autres espèces présentes dans étage bathymétriques comme par exemple Acanthogorgia hirsuta qui peut former également des faciès reconnus dans la typologie des habitats ?
Si l’on prend les gorgones bathyales quid des espèces d’éponge dans cette zone ? Plusieurs espèces constituent des peuplements remarquables. D’autres sont très localisées.
Parmi les éponges de plus faible profondeur on trouve un mélange d’espèces qui ne méritent peut être pas toutes le statut de protection (et attention au contexte de changement climatique que connait la Méditerranée par exemple et qui affecte très fortement les peuplements d’éponges et de gorgonaires).
En conclusion, ce texte paraît avoir été préparé très (trop) rapidement, d’où les différentes erreurs existantes notamment. Cette liste doit être reprise avec les spécialistes de différents groupes retenus (et autres professionnels concernés)….au risque de se retrouver avec une liste à la Prévert, inefficace en terme de protection et constituant un "monstre administratif" engendrant des contraintes et blocages divers contre-productifs.
Le Conseil du Comité National de la Conchyliculture a rendu un avis négatif sur ce projet d’arrêté fixant la liste des invertébrés de la faune marine protégés sur l’ensemble du territoire national, et les modalités de leur protection en septembre 2022. Cet avis a été transmis à la DGAMPA.
Le projet d’arrêté fixant la liste des invertébrés de la faune marine protégés est problématique pour le maintien et le développement des activités conchylicoles.
Au vu des points 2 et 3 de l’article 2, les cultures marines peuvent être incriminées comme générant la destruction, la capture ou l’enlèvement même accidentelle de certaines des espèces indiquées en annexe 1 ou plus encore la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos de ces mêmes espèces.
En effet, certaines espèces, de taille modeste ou opportunistes pour leur habitat, comme les spongiaires ou les patelles, peuvent être prélevées involontairement dans nos structures d’élevage. Pour exemple, l’Helcion (patella pellucida), patelle de petite taille et assez commune, vit et se nourrit essentiellement dans les forêts de laminaires, sur lesquels elle fait des ravages au point d’être considérée par le site DORIS comme une espèce parasite. Les jeunes spécimens peuvent également se retrouver sur du fucus serratus et donc sur les poches ostréicoles. Cette espèce est ainsi fort probablement ramassée de manière non intentionnelle par les goémoniers, les algoculteurs et les conchyliculteurs.
- 3) La destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos de ces espèces." Concernant la liste d’espèces (liste dressée pour la plupart au siècle dernier), une révision aurait été souhaitable. L’ajout de certaines espèces n’est pas compréhensible, par exemple Patella ulyssiponensis (synonyme : Patella aspera) qui est l’espèce de patelle la plus commune de notre littoral méditerranéen. Sa protection mettrait de facto en protection forte la totalité de nos côtes rocheuses et enrochements de Méditerranée.
Bonjour,
La pêche des éponges commerciales est pratiquée en Méditerranée depuis l’antiquité pour un usage de toilette ou domestique. Aujourd’hui, 3 pêcheurs aux petits métiers pratiquent cette activité dans le département du Var, hors cœur du parc national de Port-Cros et exclusivement en plongée sous-marine. Elles sont récoltées et vendues sur le marché local en circuit court : aux particuliers, sur les marchés, et à des savonneries de la région.
Les éponges sont coupées au couteau afin de laisser une base qui retrouvera ensuite une taille adulte et ce, dans le respect d’une pêche éco-responsable.
Les pêcheurs pratiquant cette activité la considèrent comme étant un métier-passion qu’ils souhaitent maintenir. De plus, cette pratique, bien que complémentaire, est indispensable à la survie de leur entreprise.
La pêche de Spongia officinalis est strictement réglementée. La délivrance annuelle (décisions individuelles délivrées par le Préfet de la Région PACA) des autorisations est très cadrée et le bénéficiaire est dans l’obligation de remettre un rapport détaillant les quantités pêchées, sites et profondeurs pour chaque campagne de pêche.
Le CDPMEM du Var demande à ce que la pêche professionnelle des éponges en Méditerranée soit intégrée dans le texte, avec l’ajout d’un article dédié à cette pêcherie, comme c’est le cas avec l’article 4 pour les pêcheurs-corailleurs professionnels détenteurs d’une autorisation préfectorale pour la pêche de l’espèce de corail rouge (Corallium rubrum (Linnaeus, 1758)).
Plutôt qu’une interdiction, nous proposons que soit envisagée la mise en place de mesures de gestion durable. Les données récoltées à travers les rapports remis à la DIRM Méditerranée permettent de suivre au plus près la fluctuation des stocks d’éponges commerciales. Il pourrait donc être proposé une régulation de l’effort de pêche permettant le maintien de cette activité économique.
Pour finir, nous citerons la thèse « Histoire de la pêche des éponges en Méditerranée, et son adaptation récente au changement régional » (Maïa Fourt, 2019).
Dans les conclusions, il est expliqué le déclin possible de la production méditerranéenne d’éponges avant les années 1980, par une réduction des espaces pêchés (Grèce), qui a eu pour effet mécanique de réduire le nombre de pêcheurs et non pas uniquement par la surexploitation et les épizooties (Gerovasileiou et al., 2018). La décision qui en a découlée, de classer les quatre espèces d’éponges de bain (H. communis, S. lamella, S. officinalis et S. zimocca) dans la catégorie d’espèces « en danger » de l’IUCN, va à l’encontre des conclusions auxquelles sont arrivés les auteurs (Dailianis et al. 2011) concernant S. officinalis. Maïa Fourt conclue que selon l’état actuel de nos connaissances, ce classement n’est pas opportun car mettre un terme à l’exploitation de l’éponge de bain mettrait en péril les entreprises qui en vivent et ne garantirait en rien une hypothétique conservation de l’espèce.
Nous vous remercions de bien vouloir tenir compte de ces éléments.
CDPMEM VAR
Bonjour,
Je suis évidemment favorable à cette liste qui permet de mieux prendre en compte les espèces marines qui sont largement sous-représentées dans les listes de protections.
Pour une fois cela semble être un réel progrès. Il ne faut cependant pas s’arrêter là, je pense que de nombreuses espèces encore mal connues pourraient s’ajouter à cette liste à l’avenir.