Décret relatif aux compétences du président du conseil exécutif de Corse en matière de prévention de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes et modifiant le code de l’environnement

Consultation du 23/10/2023 au 14/11/2023 - 1 contribution

Les espèces exotiques envahissantes sont reconnues par la Convention sur la diversité biologique (CDB) et par l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) comme une des principales causes de l’appauvrissement de la biodiversité mondiale. Elles sont favorisées par les perturbations et les pressions d’origine humaine (dégradation environnementale, commerce international, changement climatique…). Par leurs multiples impacts, elles menacent les espèces indigènes, les habitats naturels et les services rendus par les écosystèmes, mais également les activités économiques, la santé des végétaux cultivés, des animaux domestiques et la santé humaine.

Le droit actuel :

Le droit applicable à ces espèces a connu ces dernières années des évolutions majeures.

Le règlement européen n°1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces exotiques envahissantes est la pierre angulaire de cette réglementation : il demande aux Etats européens de mettre en place des mesures de gestion sur les espèces présentes sur leur territoire (une liste d’espèces a été produite à cet effet, actuellement 88 espèces sont réglementées au niveau européen, 47 animales et 41 végétales). Il demande également de mettre en place un système de surveillance et des contrôles aux frontières afin d’éviter de nouvelles introductions et de limiter la propagation des espèces présentes, et définit une liste d’interdictions destinées aux particuliers et aux établissements commerciaux (détention, vente, production, importation, libération dans l’environnement, …). Des exceptions restent possibles dans certains cas (exemple : détention d’animaux de compagnie, sous réserve de conditions spécifiques).

En France, le code de l’environnement, en lien avec ce règlement, comprend deux articles majeurs concernant la réglementation sur les espèces exotiques envahissantes :
- l’article L.411-5, qui interdit uniquement la libération dans l’environnement d’espèces animales non domestiques et d’espèces végétales non cultivées, qui sont définies par arrêtés ministériels (arrêtés du 14 février 2018 modifiés pour la métropole),
- l’article L.411-6, beaucoup plus strict, qui interdit la détention, le transport, l’importation, la libération dans le milieu, l’utilisation, la production et la commercialisation. Les caractères « domestique », pour les espèces animales, et « cultivé », pour les espèces végétales, ne rentrent plus en ligne de compte. Là encore, les espèces sont définies par arrêté ministériel (arrêtés du 14 février 2018 modifiés pour la métropole).

Des régimes de déclaration en préfecture, et d’autorisations sont prévues en fonction des situations :
- il est possible, pour un établissement de recherche par exemple, de relâcher dans l’environnement des espèces réglementées par l’article L.411-5 sous réserve de l’obtention d’une autorisation préfectorale, en ayant justifié l’intérêt de l’opération.
- il est possible, pour un particulier, de continuer à détenir un animal de compagnie appartenant à une espèce réglementée par l’article L.411-6 sous réserve que cet animal soit détenu avant application de la réglementation (date de parution de l’arrêté), qu’il soit marqué, qu’il soit détenu dans des conditions empêchant toute fuite dans l’environnement et qu’il ne se reproduise pas. Une déclaration en préfecture est nécessaire.
- il est possible, pour un établissement de recherche ou de conservation (parc zoologique, jardin botanique, aquarium, etc) de détenir, transporter, importer des espèces réglementées par l’article L.411-6 du code de l’environnement, sous réserve de l’obtention d’une autorisation délivrée par la préfecture du lieu de résidence de l’établissement (ou, pour le transport, du lieu de départ).
- les établissements à vocation commerciale (éleveurs, pépinières, animaleries, jardineries, etc) doivent déclarer dans les 6 mois suivant la date de parution de l’arrêté ministériel listant les espèces réglementées au titre de l’article L.411-6, les stocks de ces dernières à la préfecture de leur département de résidence. Ces stocks sont par la suite cédés ou vendus à des établissements de conservation, ou détruits.
- enfin, ces derniers peuvent continuer à produire ou vendre des espèces réglementées au titre de l’article L.411-6, mais ils doivent obtenir une autorisation délivrée par le ministère de la transition écologique avec accord préalable de la Commission européenne.

L’objet de la consultation du public :

La loi n°2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement a, par son article 8, modifié les articles L.411-5 et L.411-6 du code de l’environnement en conférant une responsabilité administrative au président du conseil exécutif de la collectivité de Corse, à travers la délivrance d’autorisations concernant des actions menées ayant pour objet des spécimens d’espèces exotiques envahissantes (introduction dans le milieu naturel, importation, détention, transport, utilisation : cf descriptions précédentes), mais également l’établissement des listes d’espèces correspondantes.

Ce décret vise à modifier en conséquence les dispositions réglementaires correspondantes du code de l’environnement, en l’occurrence les articles R.411-32 à R.411-35 en ce qui concerne l’introduction de spécimens vivants dans le milieu naturel d’espèces réglementées au titre de l’article L.411-5, et les articles R.411-40 et R.411-42 au regard des aspects d’importation, de détention, de transport, d’utilisation et d’échange de spécimens vivants d’espèces réglementées au titre de l’article L.411-6.

Ces modifications substituent au préfet de département le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse, pour ce dernier territoire.

Les avis scientifiques :

Le projet de décret a reçu un avis favorable du Conseil national de la protection de la nature le 6 novembre 2020 et du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage le 5 mai 2021.

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Commentaires

  •  Protéger oui mais permettre l’évolution et l’adaptation, le 24 octobre 2023 à 10h13

    La liste des EEE en Corse proposée par l’Office de l’Environnement de la Corse devrait être validée par différents organismes en lien avec l’environnement, la chasse, la forêt ou l’agriculture. En effet, le changement climatique peut amener, comme c’est déjà le cas en France continentale, à envisager l’importation d’essences plus résistantes à la chaleur et la sécheresse, ou d’auxiliaires de cultures pour lutter contre des parasites exotiques, particulièrement pour la forêt ou l’agriculture. Si la Corse est bien un hot spot de biodiversité qu’il faut protéger, sa préservation ne devrait pas se faire au détriment des besoins de certaines filières économiques de l’île, mais bien en concertation avec tous les acteurs concernés.