Décret pris en application de l’article L. 110-4 du code de l’environnement et définissant la notion de protection forte et les modalités de la mise en œuvre de cette protection forte.
Consultation du 14/01/2022 au 05/02/2022 - 4087 contributions
La loi « climat et résilience » a inscrit dans le code de l’environnement (article L. 110-4) le principe de l’adoption d’une stratégie pour les aires protégées ainsi que les objectifs visés par cette stratégie, à savoir la couverture, par un réseau cohérent d’aires protégées en métropole et en outre-mer, sur terre et en mer, d’au moins 30 % de l’ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française. Ce réseau vise également la mise sous protection forte d’au moins 10 % de l’ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou sous juridiction française.
Le présent décret a pour objectif de définir la notion de « protection forte », ainsi que les modalités de décompte des zones concernées par cette protection.
Le dossier de consultation comprend le projet de décret, un rapport de présentation détaillé et la stratégie nationale des aires protégées.
Commentaires
Nous ne pouvons qu’approuver le projet de créer des zones de protection forte dans nos espaces protégés.
Nous tenons cependant à faire preuve de vigilance quand à la définition qui sera retenue pour ces zones de protection forte, et notamment en nous interrogeant sur les activités qui seront permises dans les zones concernées.
Actuellement en France métropolitaine et dans les territoires d’outre-mer, la surface totale des aires protégées sur le territoire représente 23,5 % du territoire national et des eaux sous juridiction. Or, les activités humaines sont permises sur ces territoires, malgré leur statut de protection, et cela parfois au détriment de la protection de la nature (faune et flore).
Le projet de décret proposé à la consultation du public prévoit qu’il faudra démontrer que les activités humaines sont « susceptibles de compromettre » les enjeux écologiques pour s’opposer à un projet au sein des zones de protection forte. Le recours au juge sera donc nécessaire pour interpréter cette notion, faute de précisions dans la définition.
Les mesures proposées sont floues et ne garantissent pas la protection de ces zones : protection foncière (sans autre précision), réglementation adaptée (sans préciser laquelle), contrôle effectif des activités (sans dire qui se chargera de ces contrôles alors que les agents sont déjà en sous nombre).
Pour qu’une Zone de Protection Forte soit reconnue dans le cadre d’une analyse au cas par cas, il faudra déjà qu’elle fasse l’objet d’une protection forte (article 4). Cela limite grandement les zones pouvant bénéficier de cette protection.
C’est le préfet de région qui se prononcera sur la reconnaissance d’une Zone de Protection Forte, sur demande du propriétaire ou de l’établissement utilisateur. La décision finale reviendra au Ministre. Ce processus de décision complexe risque de limiter le nombre effectif de Zones de Protection Forte. Il aurait été pertinent que les citoyens ou des associations agréées puissent entrer dans le processus de décision.
Sur simple décision ministérielle, il sera possible de retirer la protection d’une zone, sans même que la consultation d’organismes scientifiques ne soit exigée.
Les réserves nationales de chasse et de faune sauvage pourront devenir des Zones de Protection Forte, alors que la chasse y est permise (l’ONF y organise des chasses guidées). Comment légitimer la chasse sur ces espaces sans que cela ne compromettre la conservation des enjeux écologiques ? Il paraitrait logique que la chasse soit bannie des Zones de Protection Forte, sans quoi ce statut n’aurait aucun sens !
Ce décret n’est pas assez précis, tout en prévoyant suffisamment de restrictions pour en limiter la portée.
Par ailleurs, on ne sait pas vraiment ce qu’implique la reconnaissance d’une Zone de Protection Forte, ce décret n’apportant pas de précision quant à la nature de la protection accordée.
L’Union nationale des producteurs de granulats (UNPG) est favorable à la conservation des enjeux écologiques de zones spécifiques mais souhaite porter à connaissances plusieurs éléments.
Tout d’abord, l’UNPG estime que la protection de la nature ne devrait pas s’orienter vers une interdiction stricte des activités anthropiques et en particulier de celles déjà existantes. L’attention des gestionnaires et des autorités devrait plutôt s’attacher à les accompagner vers une pratique compatible avec les enjeux de ces zones et le développement de mesures incitatives pour encourager les pratiques vertueuses(1) à terre comme en mer. De plus il n’est pas nécessaire que les plans de gestion de ces nouvelles zones produisent une réglementation supplémentaire. En effet, il existe déjà un grand
nombre de dispositions réglementaires appliquées aux activités économiques et industrielles pour prendre en compte et préserver directement la biodiversité (l’application (2) de la séquence « Éviter,
Réduire, Compenser » aux projets avec l’objectif de zéro perte nette de biodiversité, le régime de protection stricte des espèces, les « analyses risque pêche » dans les sites Natura 2000 en mer …) et
indirectement par la préservation de l’air, de l’eau, des sols, le renforcement de la gestion des déchets pour les exploitations terrestres et des dispositifs de contrôle des activités dans les zones marine à protection forte (3).
Ensuite le maintien autant que possible des activités humaines est nécessaire à l’économie avec, de manière plus spécifique, l’approvisionnement local en matières premières au plus près des besoins afin de réduire les impacts de transports (bilan carbone, nuisances sonores et autres pollutions liées).
L’acceptabilité de ces acteurs locaux est aujourd’hui démontrée par la poursuite des autorisations d’exploiter des carrières ou des permis d’extraction de granulats marins dans des zones protégées. Par ailleurs ces activités extractives peuvent montrer la valeur environnementale des habitats sur leur site, avérée par les suivis naturalistes réalisés, en particulier dans le cadre des autorisations environnementales. Tout cela contribue à la richesse de ces territoires et à leur vitalité.
Concernant les activités qui voudraient se créer à l’intérieur des aires protégées, le principe de proportionnalité restera un principe fort et s’appuiera le cas échéant sur les études d’incidence ou
d’impact produites par les porteurs de projet, de même que l’accompagnement dans la transition des activités existantes.
Plus spécifiquement pour les granulats marins, la compatibilité de l’activité avec la notion de protection forte sera appréciée en fonction du contexte local et des pressions induites concomitantes
aux autres activités exercées sur la zone (cf.§II.4 du cadrage national de la mise en œuvre de la mesure DVCSMM M003-NAT1b).
En outre, toujours sur le milieu maritime, les zones de protection (ZPF) seront instaurées. L’article 6 du projet de décret laisse la main aux préfets maritimes et aux CMF pour proposer ces ZPF. Elles devront alors être établies en étroite concertation avec les utilisateurs potentiellement concernées compte tenu qu’elles peuvent être basées selon une liste très large de zonages existants. De plus, les ZPF feront l’objet de contrôles effectifs. Il conviendra de définir les moyens nautiques de contrôle pour ces zones.
Par ailleurs, la notion de cas par cas doit nécessiter un cadrage national plus détaillé. L’UNPG propose de parler de « sur-mesure » par rapport aux enjeux plutôt que d’utiliser le terme « cas par cas » relatif à des projets.
Quant aux propositions de reconnaissance de zones de protection forte sur demande du propriétaire des biens ou du gestionnaire des zones concernées, l’UNPG suggère de définir des critères tels que l’information obligatoire des propriétaires en amont, le droit de retrait, des compensations financières ou encore un niveau minimum d’accord.
Enfin, l’UNPG estime que le financement de ces aires de protection forte est fondamental et qu’il doit s’appuyer sur le maintien d’activités économiques, existantes et nouvelles, qui contribuent à la richesse locale. L’arrêt de toute activité dans ces aires de protection forte engendrerait une augmentation de la fiscalité locale existante par ailleurs.
1 Guide des méthodes de diagnostic écologique des milieux naturels : application aux sites de carrières
http://www.bibliotheque-unpg.fr/bibli/BIODIVERSITE_ET_PAYSAGE/NP-A22-15-G.pdf
2 L’UNPG a publié le guide « Éviter, Réduire, Compenser, les impacts sur les milieux naturels : Déclinaison au secteur des carrières » en lien avec le Ministère de la Transition écologique. Il est consultable sur : www.unicem.fr/2020/06/22/eviter-reduire-compenser-un-guide-de-reference-pour-proteger-la-biodiversite/
3 Cadrage national de la mise en œuvre de la mesure DVCSMM M003-NAT1b
http://www.dirm.memn.developpementdurable.gouv.fr/IMG/pdf/180618_cadrage_national_mesure_m003_definitive_2.pdf
Avec ce projet de texte, il est proposé une définition, ainsi qu’une approche transversale et établie de la protection forte. De cet écrit dépendra l’évaluation et la bonne application de la stratégie de la commission européenne pour la biodiversité à l’horizon 2030 mentionnant seulement un objectif de protéger « strictement » 10 % des terres et des mers de l’Union européenne.
Si la FRSEA peut comprendre la volonté d’inscrire en zones de protection forte, les cœurs de parcs nationaux, les réserves naturelles, les arrêtés de protection et les réserves biologiques forestières, la FRSEA s’oppose fermement à la possibilité d’y intégrer toutes les zones couvertes par des ORE, l’ensemble des Espaces Naturels Sensibles des départements ou encore toute la bande littorale de 100m.
La FRSEA est contre ce projet de définition qui va bien trop loin au regard l’état d’avancement des travaux sur le sujet au niveau européen. Du fait de la quasi-exclusion des activités humaines de ces territoires, elle va induire de nouvelles contraintes pour les agriculteurs et leur faire perdre en compétitivité. Pire elle va exclure les agriculteurs de leurs territoires ! C’est un encouragement à la production hors-sol alors que les attentes sociétales et l’agronomie nécessitent de développer le lien animal / végétal.
La FRSEA est contre ce projet de texte qui oriente vers une politique d’acquisition foncière ou de surrèglementation évinçant totalement la profession agricole de la consultation puis les fermiers installés sur ces zones avec pourtant de nombreuses mesures de protection de l’environnement respectées.
La FRSEA est contre ce projet de texte oubliant totalement la nécessité d’intégrer au processus les études d’impact en amont du classement de chaque zone ; oubliant également de préciser comment ces espaces seront entretenus demain ? Ou encore quelles seront les conditions de régulation de la faune sauvage susceptible d’occasionner des dégâts aux cultures et aux élevages au sein de ces territoires et alentours ?
Utilisons déjà les outils de protection
existants sans créer de nouveaux
classements totalement arbitraires…
Ce projet pour assurer des zones de Protection forte dans les espaces protégés est plutôt positif mais il faut rester prudent sur la définition de "protection forte" qui doit être "revisitée" et surtout, dresser une liste des activités qui y seraient autorisées.
Le processus choisi pour décider d’une "zone de Protection forte" (article 4) est complexe et limitera le nombre final de ces zones… Pourquoi ne pas faire participer des associations agréées et des citoyens au processus de décision ?
Il sera nécessaire d’interdire (ou réglementer correctement) la chasse dans ces zones de Protection forte pour que ce statut ait un sens.
Ce décret manque de précision mais par contre, il comporte de nombreuses restrictions qui risquent d’en limiter la portée.
- Il est intéressant que le texte propose dans son article premier une définition claire et commune aux aires protégées.
- Nous refusons le classement en zone de protection forte des zones couvertes par des obligations réelles environnementales, l’ensemble des espaces naturels sensibles des départements ou encore toute la bande littorale de 100 mètres.
- Au regard des enjeux pour l’agriculture, il convient de souligner notre engagement contre l’érosion de la biodiversité qui contribue à la souveraineté alimentaire dans un contexte de changement climatique toujours plus marqué.
- Nous regrettons fortement que les acteurs agricoles n’aient pas été associés en amont de l’élaboration de ce projet de décret. En effet, le GT CORENA zonages aurait pu être utilement réuni.
- Nous sollicitons de stopper l’avancée française sur ce texte tant que le cadrage européen sur le sujet demeure inconnu.
- Nous demandons d’intégrer dans les réflexions les impacts potentiels des zonages sur les activités économiques des territoires et les accompagnements nécessaires ainsi que les conditions d’entretien de ces territoires placés sous protection forte et les modalités de régulation de la faune sauvage, susceptible notamment d’occasionner des dégâts aux cultures et aux élevages au sein de ces territoires et alentours.
- Le cas échéant, nous sollicitons :
La réalisation d’une étude d’impact du projet de décret ;
La réalisation systématique d’une étude d’impact sur les activités économiques avant tout zonage d’un territoire ;
Dans l’article 1 : cibler sur les enjeux écologiques d’importances et tenir compte de l’impact sur les activités ;
Dans l’article 2 : retirer les obligations réelles environnementales, les espaces naturels sensibles et la bande littorale de la liste complémentaire ;
Dans l’article 4 : préciser dans les critères utilisés lors de l’analyse au cas par cas, il est nécessaire que les mesures de gestion déjà existantes aient été concertées au niveau territorial avec les acteurs économiques et surtout la systématisation d’une étude d’impact, pour chaque zone, préalable à son classement ;
Dans l’article 5, prévoir, dans les acteurs consultés pour la proposition des espaces, les acteurs économiques du territoire concerné par le potentiel futur zonage ;
Dans les articles 7 et 10, ajouter, aux côtés du ministre en charge de la protection de la nature, celui en charge de l’agriculture et de la forêt, tant pour l’établissement de la liste que pour la signature du décret, au vu des enjeux pour les espaces agricoles et forestiers.
FRSEA HAUTS DE FRANCE