Décret pris en application de l’article L. 110-4 du code de l’environnement et définissant la notion de protection forte et les modalités de la mise en œuvre de cette protection forte.
Consultation du 14/01/2022 au 05/02/2022 - 4087 contributions
La loi « climat et résilience » a inscrit dans le code de l’environnement (article L. 110-4) le principe de l’adoption d’une stratégie pour les aires protégées ainsi que les objectifs visés par cette stratégie, à savoir la couverture, par un réseau cohérent d’aires protégées en métropole et en outre-mer, sur terre et en mer, d’au moins 30 % de l’ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française. Ce réseau vise également la mise sous protection forte d’au moins 10 % de l’ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou sous juridiction française.
Le présent décret a pour objectif de définir la notion de « protection forte », ainsi que les modalités de décompte des zones concernées par cette protection.
Le dossier de consultation comprend le projet de décret, un rapport de présentation détaillé et la stratégie nationale des aires protégées.
Commentaires
De mon point de vue, une "protection forte" est une protection d’un espace où toute activité commerciale est proscrite, où les usages sont fortement limités (comme par exemple, seuls les moyens de mobilité douce sont acceptées) et où l’environnement est majoritairement en libre-évolution.
Cependant, quels seront les moyens humains et financiers afin de répondre à la demande de sensibilisation et de surveillance ?
Des postes seront-ils ouverts, par exemple, pour la police de l’environnement afin que ces aires protégées puissent l’être sereinement ?
Ce texte n’est qu’une coquille vide et n’est pas du tout à la hauteur des défis titanesques auxquels est confronté l’Humanité du 21e siècle : la lutte pro-active contre le changement climatique et la disparition alarmante des espèces !
L’article 1 du texte regroupe sous l’étiquette « protection forte » des espaces où les activités humaines sont « évitées, supprimées ou significativement limitées »… Tel qu’il est rédigé, cet article ne garantit donc en rien qu’une zone en protection forte sera vraiment protégée de toute activité humaine susceptible d’impacter la nature, puisqu’il sous-entend qu’il peut y avoir des exceptions et des dérogations…
De fait, des activités comme la chasse, la pêche, la coupe de bois, le pastoralisme sont aujourd’hui autorisées dans de nombreuses aires « protégées » comme les Réserves naturelles ou les Parcs nationaux : or rien, dans ce projet de décret, n’indique que ces activités seront définitivement supprimées des zones à protection forte !
l’État doit s’engager plus précisément, en nommant les activités prohibées dans une ZPF
La nature ne connaît pas de frontières administratives !
D’autre part, l’article 5 prévoit que les zones de protection forte terrestres seront soumises à autorisation préfectorale : en aucun cas la biodiversité ne doit être dépendante d’enjeux de pouvoir et d’influence régionale ou locale ! La sauvegarde de la biodiversité terrestre (de ses fonctionnalités, de ses services rendus à l’ensemble du vivant) ne peut être définie uniquement à l’échelle locale puisqu’elle répond à des réalités dépassant largement les limites administratives humaines.
Que les pouvoirs régionaux participent à la définition des zones protégées, c’est évident, mais c’est la protection de la nature qui doit guider l’action collective, et permettre le développement des continuités écologiques entre les différents territoires.
Seuls éléments a priori positifs du texte : la pérennité des mesures de protection et le « contrôle effectif » des activités. Mais la pérennité est sujette à interprétation, et qui dit contrôle, dit moyens adaptés… et des résultats !
Oui pour 10 % de nature en libre évolution !
La protection forte à la française doit tout simplement appliquer les critères de classification des aires protégées des catégories Ia et Ib de l’UICN, c’est-à-dire des aires gérées principalement à des fins scientifiques ou de protection des ressources sauvages.
Autrement dit, une zone en protection forte doit strictement et au minimum interdire la chasse, la pêche, la coupe de bois, la cueillette, le pastoralisme et les engins à moteur.
Ok pour 10% de zones à protection forte, mais uniquement si ces 10% sont laissées en libre évolution ! Une zone vraiment protégée doit permettre à la nature de s’épanouir et d’évoluer librement, tout en permettant aux humains le droit à la contemplation : qui dit libre évolution ne dit pas interdictions absolues et mise sous cloche définitive de la nature ! Il s’agit avant tout de changer de paradigme, d’accepter que l’humain est un vivant parmi les vivants, et qu’il est vital de rester humbles devant les richesses de la nature : notre propre survie en dépend.