Consultation du public sur le projet de décret modifiant les catégories de projets soumis à la Commission nationale du débat public (CNDP)
Consultation du 04/12/2024 au 27/12/2024 - 4173 contributions
Ce projet de décret a pour objet d’accélérer l’implantation des projets industriels en supprimant l’obligation de saisir la Commission nationale du débat public (CNDP). Il fait suite à la déclaration de politique générale du 31 janvier 2024 dans laquelle l’ancien Premier ministre annonçait vouloir « centrer le travail de la CNDP sur les très grands projets d’envergure nationale pour libérer un grand nombre de projets de la procédure de la CNDP ». Ce souhait a été réaffirmé par l’actuel Premier ministre lors d’annonces faites le vendredi 29 novembre 2024.
Le champ de la CNDP est fixé aux articles L.121-1 et L.121-8 du code de l’environnement.
L’article R. 121-2 du même code vient préciser les catégories de projets concernés en les ventilant entre saisine obligatoire et saisine facultative. Parmi ces projets figurent les équipements industriels.
Catégories d’opérations mentionnées à l’article L. 121-8 | Seuils et critères (montants financiers hors taxe) mentionnés à l’article L. 121-8-I | Seuils et critères (montants financiers hors taxe) mentionnés à l’article L. 121-8-II | |
10. Equipements industriels. | Coût des projets (bâtiments, infrastructures, équipements) supérieur à 600M €. | Coût des projets (bâtiments, infrastructures, équipements) supérieur à 300M €. | |
Le présent projet du décret vient donc supprimer cette ligne 10 afin que les équipements industriels ne relèvent plus du champ de la CNDP.
Toutefois, la suppression de cette ligne n’empêchera pas la tenue de concertation préalable sous l’égide d’un garant nommé par la CNDP puisque les projets soumis à évaluation environnementale, hors du champ de la CNDP, peuvent faire l’objet d’une telle concertation (mais ils ne peuvent pas faire l’objet d’un débat public, procédure exclusivement commanditée par la CNDP).
Une concertation préalable sous l’égide d’un garant peut intervenir à l’initiative :
- du porteur de projet qui peut, de façon volontaire, décider de l’organisation d’une concertation préalable et saisir la CNDP pour qu’elle nomme un garant (article L. 121-16-1) ;
- de l’autorité compétente pour autoriser le projet qui peut imposer au maître d’ouvrage l’organisation d’une telle concertation ;
- du préfet, suite à l’exercice du droit d’initiative pour les projets répondant aux seuils financiers fixés à l’article R.121-25.
Ainsi, pour les projets d’équipement industriels, le porteur de projet pourra bénéficier de la nomination d’un garant par la CNDP et organiser une concertation préalable de façon facultative. Il ne sera cependant pas soumis à une saisine obligatoire ou facultative de la CNDP pour organiser une telle concertation.
Cette mesure vise à accélérer la réalisation des projets industriels. En effet, la saisine de la CNDP peut conduire soit à l’organisation d’un débat public dont l’initiative est de sa seule compétence ou à l’organisation d’une concertation préalable sous l’égide d’un garant. La durée maximale d’un débat public (de la saisine de la CNDP à la publication du bilan) est de 14 mois. En comparaison, la durée maximale d’une concertation préalable sous l’égide d’un garant est de 9 mois (de la saisine de la CNDP pour nomination d’un garant à la publication du bilan de la concertation).
En supprimant la possibilité d’organiser un débat public pour les projets industriels par l’exclusion de ces derniers des catégories de projets soumis à saisine de la CNDP, le temps total nécessaire et préalable à l’autorisation de ces projets se voit réduit de plusieurs mois.
En application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, le projet de décret est soumis à la consultation du public du 4 au 27 décembre 2024.
Commentaires
Ce décret s’il est adopté constiturait un recul dans notre République qui se considère démocratique.
Il retirerait l’obligation de recourir à la CNDP pour tenir compte en toute objectivité des avis des citoyens favorables, défavorables ou ne sachant pas s’exprimer sur des projets industriels qui impacteraient leurs vies.
Le justifier, par la simplification de surcroit interpelle la Démocratie dans ce qu’elle a de plus précieux. La simplification se trouvera ailleurs.
La tenue d’une concertation publique est relativement courte par rapport à la vie d’un projet industriel : de 6 mois maximum (contrairement au 9 mois évoqués) pour une concertation et de 2,5 ans à 5,5 ans comprenant les phases d’autorisation et de travaux nécessaires à la réalisation d’un projet.
Cette phase de concertation, permettant d’appréhender l’incidence sociétale d’un projet, est réalisée par ailleurs en parallèle de la phase d’études nécessaire pour appréhender l’incidence environnementale de ces projets industriels.
Au lieu d’optimiser et de rendre plus accessibles les procédures administratives qui sont particulièrement longues, sommes nous prêt à supprimer ce droit à l’information ? Tout cela pour un gain de temps négligeable et des bénéfices notables?
C’est un recul sur un principe que nous, français, avons porté pendant l’accord de Paris, retraduit dans son article 12 : "Les Parties coopèrent en prenant, selon qu’il convient, des mesures pour améliorer l’éducation, la formation, la sensibilisation, la participation du public et l’accès de la population à l’information dans le domaine des changements
climatiques, compte tenu de l’importance que revêtent de telles mesures pour
renforcer l’action engagée au titre du présent Accord"
Sans proposer d’alternatives à la participation, ce décret marque un recul sur cet engagement démocratique.
Le projet de décret visant à soustraire les projets industriels de l’obligation de saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) constitue une atteinte significative à la démocratie. En supprimant l’exigence de débats publics pour des projets d’envergure, cette mesure réduit la transparence et la participation citoyenne, éléments essentiels pour une prise de décision éclairée et légitime.
La CNDP a exprimé ses préoccupations face à cette initiative, soulignant qu’elle "marquerait un recul des droits dont jouissent les citoyennes et les citoyens en matière d’environnement et une atteinte au principe de non-régression du droit de l’environnement".
De plus, l’argument avancé selon lequel la suppression de ces consultations accélérerait les projets industriels est contestable. Des exemples passés, tels que l’EPR de Flamanville ou l’autoroute A69, montrent que les retards sont souvent dus à des facteurs internes aux projets plutôt qu’à la participation du public.
Il est crucial de maintenir les mécanismes de consultation publique pour garantir que les décisions prises reflètent les préoccupations environnementales et sociétales. La participation citoyenne ne doit pas être perçue comme un obstacle, mais comme un pilier de la démocratie.
Voici un gouvernement démissionné complètement à rebours des dynamiques nécessaires pour améliorer notre démocratie et renforcer l’implication des citoyennes et citoyens. Il faudrait au contraire agrandir la liste des projets nécessitant une consultation du public par la CNDP.
Et franchement, on ne devrait pas faire confiance à un industriel qui n’est pas capable de prévoir quelques mois dans la construction d’un projet de ces ampleurs.