Projet d’arrêté portant expérimentation de diverses dispositions en matière de dérogations aux interdictions de destruction pouvant être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus)

Consultation du 27/05/2019 au 19/06/2019 - 9970 contributions


Contexte général

Le loup est une espèce « strictement protégée », inscrite à l’annexe II de la Convention de Berne et aux annexes II et IV la Directive 92/43/CEE dite « Habitats, Faune, Flore ». Toutefois, des dérogations à la protection sont prévues par ces textes pour prévenir les dommages importants aux troupeaux domestiques, à condition qu’il n’existe pas d’autres solutions satisfaisantes et que les opérations ne nuisent pas au maintien du bon état de conservation de la population de loups.

L’augmentation constante de la prédation, en lien avec l’augmentation de la population lupine et de son aire de répartition, ont conduit à mettre en place depuis plusieurs années une politique d’intervention sur la population de loups, pour renforcer la protection des troupeaux lorsque les autres mesures de protection ne suffisent pas à contenir la prédation. Cette politique est intégrée dans le Plan national d’actions (PNA) « loup et activités d’élevage » adopté en février 2018.

Le cadre réglementaire actuel de cette politique est constitué de l’arrêté cadre du 19 février 2018 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup. Cet arrêté « cadre » est complété par un arrêté « plafond », fixant la formule par laquelle le Préfet coordonnateur détermine le nombre maximum de loups pouvant être détruits chaque année.

Le seuil de viabilité démographique du loup, que le PNA « loup et activités d’élevage » a reconnu comme étant de 500 individus, pourrait être atteint dès 2019. Dès lors, des propositions de modification du protocole d’intervention sur la population de loup ont été formulées, visant notamment à intervenir plus efficacement sur les foyers d’attaque.

L’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) ont été sollicités pour étudier l’impact d’une hausse du prélèvement des spécimens de loup, en prenant pour base l’expertise collective scientifique réalisée en 2016. Leur avis, rendu début février, indique que la croissance démographique constatée en 2017 et 2018 autorise une augmentation des prélèvements et préconise de tenir davantage compte du nombre d’attaques que de loups. Le Conseil scientifique Loup a examiné la robustesse scientifique de cet avis et a donné un avis favorable.

Contenu des textes

Le projet d’arrêté soumis à consultation consiste à adapter certaines dispositions de l’arrêté « cadre » et de l’arrêté « plafond », pour une durée limitée à l’année 2019, à titre expérimental. L’évaluation de l’efficacité de cette expérimentation sera confiée au préfet coordonnateur du PNA.

1°) Les adaptations de l’arrêté « cadre » sont les suivantes :
- En cohérence avec le droit de défense permanent des troupeaux, seuls les arrêtés préfectoraux ordonnant des tirs de prélèvements simples ou renforcés sont suspendus automatiquement pendant vingt-quatre heures après chaque destruction ou blessure de loup quand le plafond minoré de 4 spécimens est atteint (article 2).

- Un cercle zéro est créé (article 3 point I) pour les communes qui ont fait l’objet d’un nombre d’attaques supérieur ou égal à 15 par an en moyenne sur la période 2016-2018. Le préfet coordonnateur est chargé d’établir par arrêté la liste de ces communes.

- Une nouvelle catégorie de tirs de défense, dits « de défense mixte » est proposée en cercle 0 et dans les zones difficilement protégeables situées dans certains fronts de colonisation (article 3, point IV). Ce tir pourra comprendre jusqu’à 3 tireurs.

- Une fois atteint le plafond, l’utilisation de dispositifs de repérage utilisant la technologie d’amplification de lumière ou la détection thermique sera réservée au cercle 0 et les zones difficilement protégeables (article 3, point II).

- Les opérations de tirs de défense renforcée sont définies après avis technique de l’ONCFS ou d’un lieutenant de louveterie et non plus en présence de ces agents (article 3, point III).

- Les tirs de prélèvements simples vont être réalisables dès le 1er juillet dans les cercles 0 et dans les zones difficilement protégeables (article 4). Ils pourront aussi être utilisés dès juillet dans les communes en cercle 1 si certaines conditions sont réunies.

- Pour les tirs de prélèvement, les dispositifs de repérage utilisant la technologie d’amplification de lumière ou la détection thermique pourront être utilisés par les chasseurs habilités en l’absence d’un lieutenant de louveterie ou d’un agent de l’ONCFS (article 4 point III).

2°) L’expérimentation sur le projet d’arrêté « plafond » qui définit la modalité de calcul du nombre de loups qui pourront être abattus, repose sur une augmentation du taux de prélèvement, porté à 17% pour 2019, au lieu de 10 % (article 5 point I).

Si le plafond ainsi déterminé était atteint avant le 31 décembre 2019, la possibilité d’aller jusqu’à un taux de 19 % est ouverte, afin de permettre la protection continue des troupeaux, en utilisant des tirs de défense (simple, mixte ou renforcée) ainsi que des tirs de prélèvement simple dans le cercle 0, dans les zones difficilement protégeables et les communes de cercle 1 présentant les caractéristiques exposés au paragraphe précédent.

Consultation obligatoire :
- Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) a été consulté le 25 avril et s’est prononcé défavorablement.
- La consultation du public est ouverte du 27 mai au 19 juin 2019.

En application du dernier alinéa du II. de l’article L.123-19-1 du code de l’environnement, les observations du public pour cette consultation sont rendues accessibles au fur et à mesure de leur réception.

La synthèse des observations émises par le grand public est disponible dans la liste des liens ci-dessous.

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Commentaires

  •  Contre la politique de tirs, le 22 novembre 2023 à 10h20
    Malheureusement je doute que la consultation publique soit réellement prise en compte sans partie pris pour les lobbies de l’élevage et de la chasse. Je dépose néanmoins ma contribution. Je travaille avec des spécialistes des loups éthologues et autres scientifiques de terrain dont les avis ne sont pas entendus et pourtant ils sont source de meilleure compréhension et de solutions adaptatives pour les activités humaines en présence lupine. Comme bien d’autres, je rappelle que les tirs n’ont pas prouvé leur efficacité (voire sont souvent contreproductifs)contrairement aux moyens de protection lorsqu’ils sont effectivement et sérieusement mis en place et contrôlés. Le nouveau PNA loup échappe à son objet "Le plan loup a pour objectif d’élaborer une nouvelle méthode de gestion de l’espèce, fondée sur une meilleure connaissance de l’espèce et de ses modes de vies, pour mieux la protéger et permettre également la protection des troupeaux et des éleveurs." Il n’est plus question de la protection de l’espèce mais de son éradication programmée pour acheter la paix sociale avec le monde agricole qui n’est jamais satisfait malgré la hausse du nombre de tirs dérogatoires. Le loup est le bouc émissaire d’une situation économique de l’élevage qui précédait le retour des loups en France. Ce PNA est une réponse binaire simpliste dépourvue de rationalité scientifique ce qui est très inquiétant pour des décisions politiques éclairées. Des solutions nouvelles sont expérimentées et sont prometteuses mais on préfère financer les tirs sans vérification systématique des moyens de protection qui sont trop souvent défaillants selon les observations réelles de terrain. Je m’oppose à cette politique de tirs inopérante et primaire qui ne résulte pas de réflexions raisonnables et réellement concertées. Pour ce sujet comme pour d’autres aux enjeux cruciaux les politiques plient devant les lobbies qui sont aux mannettes du pouvoir nonobstant les données de la science. Quand le savoir est remplacé par les croyances et la manipulation, la société ne tarde pas à péricliter.
  •  Défavorable - contre, le 22 juillet 2023 à 19h12
    Je suis totalement opposée à ce projet d’arrêté. D’une part, il ne résoudra pas les problèmes de prédation dénoncé (les études scientifiques ont montré comment faire, et ce n’est pas en tuant des loups à qui mieux mieux, ce qui a pour conséquence de désorganiser les meutes. D’autres pays y parviennent. Pourquoi la France continue-t-elle à employer des stratégies inopérantes plutôt que de s’inspirer des pays voisins qui ont de bien meilleurs résultats ?) D’autre part, le loup est une espèce hautement protégée en Europe. Toute mise à mort d’un individu de cette espèce, par quelques moyens que ce soit, devrait être interdite et sévèrement punie. Nous avons besoin des grands prédateurs pour l’équilibre des écosystèmes aujourd’hui plus que sévèrement menacé par les humains.
  •  Loup, le 1er décembre 2021 à 23h09

    Je reprends une mise au point de Paul-Emile Victor.

    Nous n’avions pour eux aucune haine,
    Ils faisaient métier de loups, comme nous faisions métiers d’hommes.
    Ils étaient créatures de Dieu, comme nous.
    Ils étaient nés prédateurs.
    Comme l’homme était devenu destructeur.

    Mon avis? S’il n’y avait que LUI !

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