Projet d’arrêté accordant dérogation à l’interdiction d’addition de radionucléides, énoncée à l’article R.1333-2 du code de la santé publique, pour l’ajout de Krypton-85 et de Thorium-232 dans des lampes à décharge

Consultation du 04/11/2013 au 26/11/2013 - 18 contributions

Le projet arrêté accordant dérogation à l’interdiction d’addition de radionucléides, énoncée à l’article R.1333-2 du code de la santé publique, pour l’ajout de Krypton-85 et de Thorium-232 dans des lampes à décharge est disponible. Vous pouvez consulter ce projet de texte et faire part de vos observations, en cliquant sur "donnez votre avis" en bas de page, du 4 novembre 2013 jusqu’au 26 novembre 2013 inclus.

Contexte

L’article R.1333-2 du code de la santé publique interdit toute addition intentionnelle de radionucléides artificiels et naturels, y compris lorsqu’ils sont obtenus par activation, dans les produits de construction, les biens de consommation et les denrées alimentaires. Toutefois, l’article R.1333-4 prévoit que « en application du 1° de l’article L.1333-1, des dérogations aux interdictions d’addition de radionucléides énoncées aux R.1333-2 et R.1333-3 peuvent, si elles sont justifiées par les avantages qu’elles procurent au regard des risques sanitaires qu’elles peuvent présenter, être accordées par arrêté du ministre chargé de la santé et, selon le cas, du ministre chargé de la consommation ou du ministre chargé de la construction après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et du Haut Conseil de la santé publique ».

Ce dispositif réglementaire a été complété par l’arrêté du 5 mai 2009 fixant la composition du dossier et les modalités d’information des consommateurs prévues à l’article R.1333-5 du CSP. Son article 1er précise que « La demande de dérogation visée à l’article R. 1333-5 du code de la santé publique est déposée auprès du ministre chargé de la santé (adressée à la mission sûreté nucléaire et radioprotection à la direction générale de la prévention des risques). Une copie de la demande est adressée par le demandeur au président de l’Autorité de sûreté nucléaire ».

Enfin, cet arrêté prévoit aussi que « la liste des biens de consommation et des produits de construction concernés par une demande de dérogation en cours ou pour lesquels une dérogation est accordée est publiée sur le site internet du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire ».

Objet de la dérogation

Afin de répondre à cette réglementation, les fabricants de lampes : Philips (courrier daté du 18/07/2011), GE Lighting France (courrier daté du 20/07/2011), Osram (courrier daté du 13/07/2011), USHIO (dossier daté du 4/07/2011), Sylvania (courrier daté du 26/07/2011), Dr Fisher (courrier daté du 09/11/2011), QL Compagny (courrier daté du 06/03/2012), Toshiba (courrier daté du 21/12/2012) et Christie (courrier daté du 09/01/2013) ont déposé une demande de dérogation à l’interdiction d’addition de radionucléides pour certains types de lampes à décharge.

Les lampes concernées par les demandes de dérogation sont des lampes à décharge de très haute intensité lumineuse (HID lamps : hight-intensity discharge lamps). On les rencontre principalement dans des applications professionnelles, à l’exception de celles qui équipent les phares de certaines automobiles (lampes au xénon). Elles peuvent se retrouver dans les applications suivantes :

  • éclairage d’espaces commerciaux ou industriels,
  • bâtiments publics : gare, aéroports,…
  • éclairage extérieur : panneaux publicitaires, mise en lumière de monuments, stade,…
  • éclairage scénique : projecteurs,…
  • éclairage automobile : phares,
  • applications industrielles : lampes pour la reprographie, lithographie.

Le Krypton 85 sous forme gazeuse permet le démarrage d’une lampe en absence d’une autre source lumineuse ionisante. La quantité utilisée dans une lampe peut varier suivant le modèle mais reste toujours inférieure au seuil d’exemption fixé par le code de la santé publique (< 104 Bq/lampe). En dessous de ce seuil d’exemption pour un radionucléide donné, une activité n’est pas soumise aux dispositions du Code de la Santé Publique.

Le Thorium 232 permet d’accroître la stabilité de l’arc entre les deux électrodes et ainsi d’allonger la durée de vie des lampes. Il est principalement utilisé dans les électrodes des lampes automobiles au xénon, soit en tungstène thorié (0,5 Bq/lampe), soit en sels de thorium (0,1 Bq/lampe) mais on peut aussi le trouver en plus grande quantité dans les lampes mercure à arc court (jusqu’à 4500 Bq/lampe).
Pour rappel, les lampes standards à basse consommation, utilisées pour l’éclairage domestique, sont de faibles puissances et n’ont, par conséquent, pas besoin de la technologie des lampes à décharge pour fonctionner. Il n’y a pas d’ajout de radionucléides dans les lampes standards à basse consommation.

Depuis 2009, de nombreuses études européennes et françaises ont conclu à une exposition radiologique négligeable pour les travailleurs et le public. Par exemple, des travailleurs en poste toute l’année (soit environ 400h de travail) à proximité d’une palette (1 mètre environ) contenant 9000 lampes recevraient une dose d’irradiation « ajoutée » (en plus de l’irradiation naturelle) de 0,005 mSv/an provenant à la fois de l’exposition au krypton et au thorium. Dans le scénario le plus dégradé envisagé par l’IRSN (incendie d’une palette), un travailleur pourrait être exposé à une dose maximum de 0,01 mSv. Cette dose est équivalente à la valeur guide définie par l’AIEA pour calculer les seuils d’exemption des radionucléides et considérer l’impact sur la santé comme négligeable. Pour rappel, la dose limite réglementaire pour une personne de public est de 1 mSv/an, en plus des rayonnements naturels et médicaux qu’elle pourrait subir par ailleurs.

À la suite de ces études, l’ASN a publié le 17 avril 2012 sur son site internet, une note d’information indiquant qu’elle n’identifie pas de risque sanitaire lié à l’addition de radionucléides.
Compte tenu d’une exposition négligeable, optimisée en dessous du seuil d’exemption, et de la justification de l’utilisation de ces deux radionucléides, il semble justifié d’accorder une dérogation pour l’utilisation de ces lampes.

Étant donné le nombre de dossiers déposés et le nombre de fabricants pouvant encore en faire la demande, il est projeté un arrêté de portée générale de dérogation à l’interdiction d’addition de radionucléides (uniquement pour l’addition de thorium 232 ou krypton 85 dans certains types de lampes, listés dans l’arrêté), plutôt qu’un arrêté individuel pour chaque fabricant.
Par ailleurs, les activités massiques en thorium 232 ou krypton 85 ne devront pas dépasser les maximums autorisés indiqués dans le projet d’arrêté et devront toujours être optimisés au plus bas que raisonnablement possible.

Enfin, il est important de rappeler que ces lampes, une fois en fin de vie, deviennent des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Une réglementation spécifique leur est appliquée. En effet, elles doivent être collectées séparément et traitées dans des installations classées (ICPE) car elles contiennent des substances pouvant être dangereuses pour la santé et l’environnement. Cette filière DEEE de collecte et de recyclage est opérationnelle en France depuis le 15 novembre 2006. Pour les lampes, c’est l’éco-organisme Récylum qui est chargé de la gestion de cette filière.

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