Projet de décret fixant les règles et procédures applicables à la destruction de haies
Consultation du 25/11/2025 au 16/12/2025 - 2086 contributions
Ce projet de décret est pris en application de la loi n°2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations futures (dite loi « OSARGA »). L’article 37 de cette loi a introduit dans le code de l’environnement un dispositif de protection et de gestion durable des haies codifié aux articles L. 412-21 à L. 412-27.
Afin de renforcer la préservation des haies et de maintenir le linéaire planté, l’objectif de ce dispositif est de simplifier et unifier les procédures administratives applicables aux projets de destruction de haies, en créant une déclaration unique préalable (ou, le cas échéant, une autorisation unique), avec une compensation systématique et au moins équivalente.
Commentaires
Ce projet de décret est à contre-courant du consensus scientifique, et surtout de notre besoin d’avoir une vision long-terme de la Santé. Santé avec un grand S, car la destruction des haies entraine des impacts négatifs sur les sols, l’érosion, la faune, la flore, les éco-systèmes et, au bout de la chaîne, sur notre santé.
Je m’oppose donc, comme la quasi-totalité des scientifiques et autres membres de la société civile, à ce décret indigne d’une nation réellement désireuse de prendre la crise climatique et environnementale à bras-le-corps.
Le Ministère de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature propose à la consultation du public un projet de décret fixant les règles et procédures applicables à la destruction de haies. Si l’objectif affiché est de renforcer la préservation des haies et de maintenir le linéaire planté, ce dispositif simplifiera les procédures administratives applicables aux projets de destruction de haies, en créant une déclaration unique préalable, avec une compensation systématique et au moins équivalente. Cela fait craindre une aggravation des destructions de haies, puisque le dispositif ne cherchera pas à dissuader les destructions, mais à les simplifier en orientant le demandeur vers une compensation.
Le CNPN a émis un avis défavorable à ce projet de décret et je souhaite également déposer un AVIS DÉFAVORABLE.
750 000 km de haies ont été arrachés en France sous l’effet conjoint du remembrement agricole et du déclin de l’activité d’élevage au profit de la céréaliculture intensive. Malgré le pacte Haie initié en 2023, la tendance n’a toujours pas été inversée, et on continue à arracher plus de haies qu’on en plante, malgré les incitations. Il est donc incompréhensible de simplifier l’arrachage de haies, et d’automatiser ce processus au lieu d’accompagner correctement les agriculteurs dans le but d’éviter les arrachages, qui ont un effet délétère sur la faune sauvage.
Si le dispositif prévoit des mesures de compensation pour tout haie arrachée, il est évident que la destruction d’une haie ancienne ne sera pas compensée immédiatement par la plantation d’une nouvelle haie. Le décalage dans le temps pour obtenir un même degré de fonctionnalité entre la haie détruite et la nouvelle haie entrainera pendant ce délai le déclin irréversible des espèces dépendant des haies détruites, dont nombres d’entre elles, inféodées au milieu agricole, sont en état de conservation défavorables.
La cartographie semi-automatique ne permet pas de définir correctement les linéaires de haies, et notamment les haies basses avec des jeunes plans d’arbres ou des repousses. Un accompagnement des agriculteurs par un technicien est indispensable pour instruire correctement les demandes.
"On ne compense pas une haie détruite et ses services écosystémiques ou agronomiques
Ce projet de décret est parfaitement incompatible avec les engagements de l’Etat en faveur de la biodiversité, ni avec les accords de Paris lors de la COP21, le GIEC ayant depuis rappelé l’importance capitale du maintien des haies pour la séquestration du carbone. Le rôle des haies est aussi important dans le cadre de la résilience énergétique territoriale (filière bois-énergie, qui offre de surcroît des revenus supplémentaires aux agriculteurs ou des moyens d’autonomie) , de l’adaptation aux effets du dérèglement climatique, en particulier pour la gestion de l’hydrologie de surface et la limitation de l’érosion des sols ou encore des effets du vent. L’INRAE a multiplié les études démontrant l’importance capitale de ces haies aussi bien pour la qualité de la ressource en eau que pour des applications strictement agronomiques, par exemple la prévention de la pénurie de phosphore (inéluctable, les gisements touchant à leur fin) ou la rétention d’eau dans les sols.
Une haie mature détruite ne peut être compensée avant, au minimum, une cinquantaine d’année, pour peu que sa disparition n’entraine pas l’aggravation de divers facteurs tels l’érosion des sols, celle de la biodiversité, l’assèchement ou le gel dus au régime des vents.
Nous perdons actuellement, selon les chiffres de l’Etat, environ 25 000 km de haies par an en France métropolitaine, contre 7000 au maximum de nouvelles plantations, dont un fort pourcentage a un très faible taux de reprise, et qui mettront si tout va bien (ce qui n’est pas prévu) des décennies à remplir le rôle de celles qu’on a détruites.
En opposition avec tous les engagements de l’Etat et des collectivités, y compris les PCAET, ce projet de décret facilitateur est une insulte au bien commun, au sens des responsabilités, et va assurément dans le sens d’une dégradation de la résilience territoriale, de l’érosion déjà dramatique et mortelle de la biodiversité (voir le concept de One Health auquel adhère pourtant la France au sein des Nations Unies, ainsi que les divers rapports de l’IUCN).
Je m’oppose donc, comme la quasi-totalité des scientifiques et autres membres de la société civile, à ce décret indigne d’une nation réellement désireuse de prendre la crise climatique et environnementale à bras-le-corps."
https://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-decret-fixant-les-regles-et-procedures-a3277.html
Merci de diffuser un max dans vos réseaux, y compris aux personnes faiblement investies.
Personne n’a envie de voir le bocage qu’il aime ressembler un jour aux plaines céréalières désertes de la Beauce ou aux plaines agroindustrielles sans avenir de Picardie, de la Brie, de la Marne ou d’ailleurs.
A l’heure où de nombreuses espèces faunistiques et floristiques associées au milieu bocager sont menacées (cf les listes rouge de l’UICN), où les effets du changement climatique impactent d’ores et déjà le secteur agricole, et où l’agriculture intensive et le remembrement constituent des menaces sur la santé humaine et sur les écosystèmes, ce projet de décret est un non-sens.
Comme souligné par le CNPN, la compensation des haies détruites ne permet pas d’offrir sur le court terme un habitat aux espèces menacées, et au vu du changement climatique, la pérennité de ces nouvelles haies n’est même pas garantie, sans compter l’énergie et les émissions carbone associées aux plantations.
En outre "la simplification des procédures d’application de la réglementation relative à la protection stricte des espèces protégées" constitue une menace majeure pour les cortèges faunistiques associés au milieux agricoles et bocagers, alors qu’ils font partie des cortèges les plus menacés en France hexagonale, comme en témoignent les résultats des analyses annuelles de la LPO.